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Gaza : les dessous d'un fragile accord de cessez-le-feu. David Elkaïm est spécialiste du Proche-Orient et des relations entre Israël et les États-Unis, auteur de "Histoire des guerres d'Israël" et de "Des services secrets israéliens" aux éditions Tallandier.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 17 janvier 2025.

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Transcription
00:00RTL Matin
00:03Avec Amandine Bégaud et Thomas Soto
00:05Il est 8h17, l'interview d'Amandine Bégaud. Y aura-t-il vraiment un cessez-le-feu à Gaza dimanche ?
00:10On a l'impression d'être dans une partie de poker menteur, dans laquelle chacun cherche à pousser son avantage jusqu'à la dernière seconde.
00:15Alors pour bien comprendre ce qu'il se joue en ce moment, Amandine, vous avez choisi d'inviter ce matin David El-Khaim, spécialiste du Proche-Orient,
00:22auteur des Guerres d'Israël et des services secrets israéliens aux éditions Talendier. Bonjour et bienvenue à vous.
00:28Bonjour et merci d'être là ce matin. On est à peu plus de 36h de l'annonce de ce cessez-le-feu.
00:34Et Thomas le rappelait, il y a encore eu des frappes hier. Le gouvernement israélien n'a toujours pas officiellement approuvé cet accord.
00:41Ça devrait être le cas dans les prochaines heures, mais ce n'est toujours pas fait. Est-ce que vous y croyez, vous, à ce cessez-le-feu ?
00:46Alors il me semble qu'on peut y croire à court terme. Premièrement parce que Netanyahou a quand même énormément de pression en interne
00:53pour sécuriser la libération d'au moins quelques otages, premièrement. Et deuxièmement, c'est quelque chose qui a été expressément demandé,
01:01voire exigé par Donald Trump, dont l'inauguration a lieu lundi. Donc ce serait compliqué, je pense, pour Benhamin Netanyahou de refuser ça.
01:10Exigé par Donald Trump. On sait que cet accord a été négocié par les Etats-Unis, par le Qatar, par l'Egypte.
01:17On se demande presque si Israël et le Hamas ont validé les détails. Quand on voit ce qui se passe, finalement, on leur a forcé la main, vous le diriez comme ça ?
01:26Forcé la main, partiellement. Mais les grandes lignes de cet accord sont connues depuis mai.
01:31En fait, c'est une reprise du plan qui avait été déjà négocié à l'époque de l'administration de Biden.
01:36Et c'est aussi des raisons de politique intérieure qui avaient poussé Netanyahou à le refuser.
01:40Là, aujourd'hui, visiblement, il y a eu effectivement des pressions, plutôt qu'une contrainte très forte, et un possible bargaining, comme on dit, entre Netanyahou et Trump,
01:50qui lui a peut-être dit, fais-moi ce cadeau maintenant, entre guillemets, et on discute des suites, une fois que je suis inauguré, que je suis en place et que je peux lancer d'autres choses.
01:57La trêve à Gaza n'aurait jamais eu lieu sans mon équipe, c'est ce qu'a dit cette nuit Donald Trump. C'est ça le tournant, l'élection de Donald Trump ?
02:04Alors, bien sûr, c'est ce qu'il va essayer de faire, de faire penser. Ce qui est vrai, c'est que pour le coup, l'administration Biden, elle a été, si je vous le dis, réglo,
02:12parce qu'elle a associé le conseiller de Vitkoff, le conseiller de Trump, aux négociations, alors qu'elle était obligée de le faire, puisqu'il n'a aucune position au gouvernement pour l'instant.
02:23Donc, peut-être que c'est cet accord qui est eu à l'origine des négociations par l'administration Biden, il a été parachevé en collaboration avec l'équipe Trump.
02:32Mais vous disiez Donald Trump met sans doute la pression sur Benyamin Netanyahou, le premier ministre israélien. C'est comme ça que ça se passe, entre les deux hommes ?
02:42Alors, bien que l'alliance entre Israël et les États-Unis soit très très solide, dans l'histoire de cette relation, il y a toujours eu des pressions plus ou moins micales, plus ou moins fortes.
02:52Une ligne qui n'a jamais été franchie, enfin quasiment jamais été franchie, c'est une espèce de façon de dire pour les États-Unis,
02:58si vous ne faites pas ça, je bloque l'aide militaire, par exemple. Donc là, on n'est pas du tout dans un schéma comme ça, notamment parce que l'administration Trump, quelque part,
03:06elle compte énormément de membres qui partagent l'agenda politique de Netanyahou sur l'Iran, sur la Cijandani, sur la relation avec l'Arabie Saoudite.
03:17Donc, ce n'est pas une pression très très forte, il n'y a pas eu de chantage, il n'y a pas eu de ça.
03:20Par contre, comme on le sait, il aime se présenter comme ça, Donald Trump, il est dur en affaire, et pour commencer la négociation, il instaure un rapport de force.
03:28Donc, il lui a dit, attention, je demande que tu acceptes ce cessez-le-feu, et puis après, on verra.
03:34Et l'objectif, c'est d'avoir l'image, dimanche, des otages libérés, alors que lui est officiellement investi lundi, c'est ça ?
03:40Je crois que c'était ça l'idée, voilà. Alors, le problème, c'est qu'il faut que, comme il y a des délais en Israël, il faudrait que ce soit validé aujourd'hui,
03:46parce qu'il y a 48 heures de délai, pour que ça puisse être effectif dès dimanche ou lundi matin.
03:51Et qu'il y a Shabbat ?
03:52Exactement, il y a Shabbat.
03:53Je complète ici les choses que nous expliquait notre envoyé spécial sur place.
03:56Vous disiez que ce cessez-le-feu peut tenir à court terme, et ensuite ?
04:00Ensuite, c'est la question qu'on se pose tous, est-ce que finalement, ce n'est pas le plus dur qui commence, faire durer ce cessez-le-feu ?
04:06Et en cas d'échec, ce serait un échec pour Donald Trump ?
04:09Alors, très clairement, c'est très difficile de voir le moyen et encore plus le long terme,
04:13parce que là, à court terme, tout le monde a envie que les hostilités s'arrêtent, pour des raisons évidentes.
04:17Il y a des milliers de morts, des dizaines de milliers de morts à Gaza, des milliers de morts côté israélien depuis le 7 octobre.
04:22Donc, il y a une espèce de fatigue, donc ça c'est absolument nécessaire.
04:25Mais, il est impossible d'imaginer une solution de moyen ou de long terme, tant qu'il n'y a pas une discussion politique.
04:30Or, cette discussion politique, sauf surprise qui peut toujours arriver,
04:34on n'a pas l'impression que Netanyahou ait l'intention de s'engager dans la discussion avec l'autorité palestinienne sur l'administration de Gaza.
04:44L'espèce d'échéance de moyen terme, qui est un peu plus courte, enfin plus court terme pardon,
04:49c'est que début juin, il doit y avoir un sommet à New York, d'ailleurs sous le parrainage français et de l'Arabie Saoudite,
04:55pour discuter sur les deux États. C'est à New York, on ne sait pas encore tous les détails.
04:59Est-ce qu'Israël est ok pour y aller ? Est-ce qu'Israël le boycottera ?
05:03Est-ce qu'Israël ira sans, disons, j'y vais pas pour le principe, mais il n'en sortira rien ?
05:07Voilà, c'est peut-être une échéance dont on peut espérer un début de normalisation.
05:10Enfin, normalisation pardon, le mot est trop fort.
05:12Un début de réflexion sur l'après.
05:14De discussion, de négociation sur l'après.
05:16Vous disiez que cette réunion aura lieu au mois de juin, donc sous l'égide de la France et de l'Arabie Saoudite.
05:21La France qui a été absente, visiblement en tout cas ces derniers jours, sur ces dernières négociations autour du cessez-le-feu.
05:27Qu'est-ce qui s'est passé ? On est sorti du jeu ?
05:29De toute façon, très clairement, Israël fait tout pour exclure non seulement la France, mais l'Union Européenne,
05:35qui est perçue comme trop critique, peut-être trop arabe, trop pro-palestinienne,
05:39ce qui ne reflète pas la réalité, parce que la position de l'Union Européenne et de la France,
05:43elle est constante, ces deux états et tout ça.
05:45Mais quand on ne veut pas de deux états, Nathaniel ne fait que le renvoyer au calendre grec.
05:50Mais en tout cas, quand on ne veut pas de deux états, on ne rentre pas dans la négociation des gens qui sont sur cette ligne.
05:55Sans compter qu'il faut être assez clair, l'Europe et la France ont des moyens d'aider à la reconstruction,
06:00peuvent mobiliser des capitaux, mais il n'y a pas un scénario où il y a une garantie de sécurité crédible
06:07par l'Union Européenne ou même par la France, si j'ose dire.
06:09Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, a toujours dit que son objectif, c'était d'éradiquer le Hamas.
06:14Après 15 mois de conflit, dans quel état est aujourd'hui le Hamas ?
06:18Le secrétaire d'état américain disait en début de semaine qu'ils avaient recruté presque autant de combattants
06:23pendant ces 15 mois qu'il y avait été tués. C'est vrai ça ?
06:28Alors c'est très difficile à dire. D'après les chiffres qu'on peut avoir pour l'instant, mais qui sont provisoires,
06:34il y aurait eu apparemment près de 17 000 combattants tués du Hamas.
06:39Que l'ampleur des dévastations, le nombre de morts et tout ça, ça va susciter des vocations, ça c'est très probable.
06:47Ce qui est important aussi, c'est que les 17 000 soldats combattants qui ont été tués,
06:53c'était probablement des gens entraînés, aguerris, équipés.
06:57Si vous remplacez 17 000 combattants entraînés, aguerris, équipés par des novices, si j'ose dire,
07:04vous n'avez pas la même capacité de porter une attaque.
07:07Mais, ce qui est certain, c'est que, encore une fois, si on ne débouche pas sur un processus politique,
07:11les mêmes causes produiront les mêmes effets.
07:14Si Gaza reste une prison à ciel ouvert, ça ne suscitera pas des vocations pacifistes, si j'ose dire.
07:19David Elkaïm, est-ce qu'il faut aussi redouter les libérations massives de prisonniers palestiniens ?
07:23Je rappelle ce que prévoit l'échange, la phase 1 en tout cas, la libération de 1000 prisonniers contre 33 otages.
07:30Eux aussi, ils risquent de venir regonfler les rangs du Hamas ?
07:34Alors, il faut aussi savoir qu'en Israël, il y a des gens qui ont été condamnés dans des procès classiques
07:41parce qu'ils ont participé à des opérations qui sont sur les mains potentiellement.
07:44Donc, ça, c'est effectivement des gens dangereux, il n'y a pas de doute.
07:47Eux seront probablement expulsés, si on a compris.
07:50Donc, a priori, ils n'auront pas le droit de revenir, évidemment, en Israël, mais probablement pas en Syrie.
07:54Après, à Gaza, ce sera un autre scénario.
07:56Après, dans les 1000 personnes, ou plus de 1000 personnes qui vont être libérées,
07:59il y a aussi des gens qui sont, j'allais dire, qui sont là sur des emprisonnements administratifs,
08:04donc qui sont détenus, des fois sans jugement, depuis très longtemps, des fois depuis un âge très jeune.
08:08Est-ce que 1, 2, 3, 4, 5 ans de prison sans jugement en Israël, ça les a réconciliés avec Israël ? Je ne crois pas.
08:14Mais on peut espérer que si, encore une fois, un processus politique s'amorce,
08:21on peut espérer que ces gens-là finiront par le rallier.
08:25Pas demain matin, pas dans 3 semaines, et ils ne deviendront pas instantanément de combattants des pacifistes.
08:31Mais voilà, on peut toujours espérer.
08:32Mais ce qu'on comprend bien, c'est que sans processus politique se cesser le feu, il ne tiendra pas.
08:37Alors, moi je dirais, on peut tout à fait se retrouver dans un scénario
08:42où ça continue et il ne se passe rien du point de vue politique,
08:45donc la situation continue à empirer à Gaza,
08:47donc périodiquement il y a des éruptions de volants,
08:49et on recommence dans un scénario près 7 octobre.
08:52Ce que Nathaniel voulait éviter d'ailleurs.
08:54Merci beaucoup David Elkayim d'être venu ce matin ici en studio pour nous aider à comprendre ce qui se joue en ce moment.

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