Au Gabon, les militaires putschistes ont nommé le général Brice Oligui Nguema chef de la transition, selon un communiqué lu à la télévision nationale. Plus tôt, un groupe d'officiers supérieurs de l'armée a annoncé avoir pris le pouvoir en raison du manque de crédibilité des récentes élections générales, peu après l'annonce de la victoire du président Ali Bongo à la présidentielle.
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00:00 (Générique)
00:10 Bienvenue dans le débat consacré au coup d'état au Gabon.
00:13 Quelques minutes après l'annonce de la victoire d'Ali Bongo au Dimba pour un troisième mandat,
00:17 un groupe de militaires a déclaré à la télévision prendre le pouvoir, annuler les élections et dissoudre toutes les institutions de la République.
00:25 Ali Bongo a été placé en résidence surveillée.
00:28 Il appelle ses amis, je cite, à faire du bruit.
00:31 La Chine a appelé immédiatement à garantir la sécurité d'Ali Bongo.
00:35 La France condamne le coup d'état militaire.
00:37 La Russie se dit préoccupée.
00:39 L'Union africaine a également condamné fermement cette tentative de coup d'état.
00:44 Les États-Unis disent suivre de très près cette situation.
00:47 Et enfin, l'ONU à l'instant condamne également.
00:50 Alors que se passe-t-il véritablement au Gabon ?
00:52 Après le Niger, le Mali, le Burkina Faso, y a-t-il une contagion des poutches ?
00:57 La dynastie Bongo est-elle ébranlée ?
01:00 Quel impact sur les relations du Gabon avec la France, mais aussi avec d'autres puissances comme la Chine ?
01:05 On en débat avec mes invités. J'ai le plaisir d'avoir à mes côtés Christophe Boisbouvier.
01:09 Bonsoir. Chef du service politique Afrique RFI.
01:13 Merci d'être avec nous ce soir, Christophe.
01:15 Francis Laupo est également avec nous ce soir. Bonsoir.
01:17 Journaliste, enseignant et chercheur associé à l'Iris.
01:20 Notre dernier ouvrage, "Blues démocratiques", 1990-2020, c'est aux éditions Cartala.
01:27 Nous avons avec nous Antoine Glazer. Bonsoir.
01:29 Journaliste, écrivain, spécialiste de l'Afrique, auteur de plusieurs livres, Antoine.
01:34 Le dernier, c'est "Le piège africain" de Macron.
01:36 Mais je cite aussi "Africa France", quand les dirigeants africains deviennent les maîtres du jeu.
01:41 Et c'était chez Fayard. Bienvenue à vous.
01:43 Merci, bonsoir.
01:45 Pierre-Jacques Maud est avec nous. Bonsoir.
01:47 Ancien ambassadeur et auteur de "Afrique, la démocratie à l'épreuve". Bonsoir.
01:52 Oui, bonsoir.
01:54 Un groupe de militaires gabaudais, je vous le disais, a donc déclaré prendre le pouvoir,
02:00 a annulé littéralement les élections, a dissout les institutions de la République,
02:04 juste après l'annonce de la victoire d'Ali Bongo à l'élection présidentielle.
02:08 On va d'abord refaire un retour, retour sur les faits en image, avec Léo Péchard.
02:15 Depuis sa résidence surveillée, Ali Bongo lance un appel à l'international.
02:21 Selon ses dires, il serait séparé de sa femme.
02:24 L'un de ses fils a quant à lui été arrêté par les militaires pour des faits de corruption et de trahison.
02:30 Je suis dans ma résidence et il ne se passe rien. Je ne sais pas ce qu'il se passe.
02:37 Donc je vous demande de faire du bruit, de faire du bruit, de vraiment faire du bruit.
02:45 Au pouvoir depuis 14 ans, le président gabonais venait d'être déclaré vainqueur des élections de ce week-end.
02:51 Mais tôt ce mercredi matin, des militaires constitués en comité ont entrepris un coup de force,
02:57 peu après la publication des résultats.
02:59 Les élections générales du 26 août 2023, ainsi que les résultats tronqués, sont annulées.
03:08 Les frontières sont fermées jusqu'à nouvel ordre.
03:11 Toutes les institutions de la République sont dissoutes.
03:16 Une déclaration qui a provoqué des scènes de joie à travers la capitale Libreville ou à Port Gentil, la deuxième ville du pays.
03:23 Oui, je suis contente du changement !
03:26 C'est l'indépendance. L'armée a libéré le pays. Nous sommes libres. Nous avons le droit d'être libres et de nous exprimer comme on veut.
03:33 A tous ceux qui sont à l'extérieur, rentrez, notre pays est libre.
03:39 Vive la liberté du Gabon !
03:42 Nous sommes les jeunes Gabonais indépendants. Nous nous levons et nous nous battons pour notre patrie, pour notre pays.
03:50 Brice, Oligine, Gama, portés ici en triomphe par les soldats.
03:54 Chef de la garde présidentielle, ils travaillent pour la famille Bongo depuis au moins 20 ans.
04:00 Christophe Boisbouvier, on parle bien d'un coup d'État.
04:04 Oui, ça en prend vraiment le chemin parce qu'il n'y a aucune réaction officielle du côté de l'ancien régime, sauf la vidéo que vous avez montrée.
04:14 Et on sent bien, on appelle depuis ce matin à RFI, on appelle partout du côté du pouvoir déchu, on appelle le Premier ministre, on appelle le ministre de la Communication, tous les téléphones sont éteints.
04:27 Pour la spéciale de demain matin, on n'arrive pas à trouver quelqu'un qui pourrait parler au nom du pouvoir déchu, c'est dire.
04:32 Donc qu'est-ce que ça veut dire ?
04:34 Ça veut dire que c'est pratiquement consommé et que je pense que l'armée a été...
04:39 En fait, on a oublié de le dire, mais l'armée a été souvent un arbitre au Gabon depuis 2009 en fait.
04:45 Il y a eu une tentative de coup d'État à l'époque ?
04:48 Quand Ali Bongo est élu officiellement en 2009 face à Baobab, André Baobab, il est ministre de la Défense.
04:56 Il se sert de ses relations avec l'armée pour s'imposer.
04:59 Quand il est réélu officiellement, mais on se souvient des conditions totalement scavreuses, en 2016, il fait frapper le QG de son adversaire Jean-Pink par l'armée.
05:09 Donc l'armée est déjà arbitre du débat.
05:11 Et puis il y a en effet, vous l'avez dit, cette tentative avortée de janvier 2019 où l'armée fait échouer cette première tentative.
05:19 Et là, cette fois-ci, l'armée a basculé du côté du coup.
05:23 Francis Pelloux, il faut rappeler un peu le contexte.
05:26 Ali Bongo venait d'être annoncé élu pour un troisième mandat juste au moment où les Putschistes ont pris la parole, peut-être quelques heures après cette annonce.
05:35 Et il y avait déjà un petit moment d'incertitude après l'annonce de ses résultats.
05:41 Il y a un contexte quand même à décrire.
05:43 Il y avait surtout eu une longue attente depuis dimanche.
05:46 Parce que pour des élections auxquelles ont participé 800 000 électeurs ou un peu plus, trois jours pour proclamer un résultat, ça faisait déjà beaucoup.
05:57 Mais par ailleurs, ce qu'il faut surtout souligner, c'est qu'on se posait la question de savoir quels seraient les lendemains de ces élections.
06:03 Si le régime en place allait renouveler une fois de plus le scénario qu'on a connu en 2009 et en 2016.
06:11 De proclamer cette fois-ci une victoire invraisemblable d'Ali Bongo.
06:17 Et évidemment, on se souvient de 2016, les lendemains des élections étaient marqués par cette répression d'une violence inouïe des opposants.
06:25 Avec cette charge contre le siège, contre le QG de l'opposant Jean Ping.
06:31 Mais c'est vrai que le scénario du coup d'État n'était pas forcément prévisible.
06:34 Donc on a simplement assisté...
06:36 - Vous ne l'attendez pas vraiment.
06:37 - Voilà. Donc ce coup d'État a marqué une chose, c'est-à-dire que c'est le simulacre électoral de trop.
06:42 Puisqu'il faut bien accepter l'évidence que depuis qu'Ali Bongo a succédé à son père, depuis 2009, il n'a jamais remporté une élection.
06:51 C'est une réalité. Et que ces élections ont été systématiquement contestées, réprimées.
06:55 Et que cette fois-ci, l'armée a joué l'arbitre en se rangeant de certaines façons du côté de la population.
07:01 Considérant d'ailleurs, constatant, que le rapport de force avait désormais basculé en faveur de la population et de la société civile gabonaise.
07:09 - Mais donc la population les soutiendrait, ces putschistes.
07:11 Antoine Glazer, qui sont-ils d'ailleurs ?
07:13 On parle beaucoup de Brice Olégui Nguema, qui est le chef de la garde républicaine.
07:18 Manifestement, on apprend maintenant qu'il a été choisi, ce général, comme chef de la transition.
07:23 Donc parmi les différents généraux de ce putsch.
07:26 Qui est-il ? Est-ce qu'effectivement il représente le peuple ?
07:30 - Seigneur, en fait, c'est un putsch militaire de palais, soutenu par la population.
07:36 Les gens qui en ont marre d'être pauvres, alors que le Gabon est un des pays les plus riches d'Afrique.
07:42 Mais je veux dire, c'est vraiment un putsch de palais.
07:45 Et je veux dire, Olégui Nguema, qui est le chef de la garde présidentielle, a été aide de camp du père Omar Bongo.
07:53 Et c'est vrai qu'il a tout de suite voulu emprisonner, il a nommé Nuregin Bongo.
07:59 Ça veut dire le fils d'Ali Bongo et l'ensemble de son cabinet.
08:03 Qui voulait, ces derniers jours, d'après mes confrères d'Africa Intelligence,
08:08 faire revenir l'ancien chef de la garde, Frédéric Bongo, le demi-frère d'Ali Bongo.
08:13 Donc c'est d'abord une histoire de palais qui finalement soulève un enthousiasme populaire.
08:20 Mais c'est simplement, au départ, c'est un peu comme le Niger.
08:23 Ça veut dire au Niger, c'est vrai que c'est le chef de la garde qui allait être débarqué.
08:26 Et c'est un peu la même chose qui allait se passer au Gabon.
08:30 Et on a bien vu d'ailleurs la façon dont il a tout de suite emprisonné le fils du président.
08:37 Et il a tout de suite été acclamé.
08:39 Mais lui est quand même un homme qui a été chef de la garde présidentielle.
08:43 C'est un neveu également d'Omar Bongo.
08:47 Donc je veux dire, c'est quelqu'un qui est quand même un homme du Serail.
08:50 C'est d'abord un coup d'état, un putsch de Serail qui est appuyé par une population kandamare de la dynastie Bongo.
08:58 Mais enfin, il ne faut pas se leurrer.
09:00 Ce sont quand même les gens qui ont fait ce putsch.
09:02 Ce sont d'abord des militaires du palais.
09:05 Simplement, il suffit de regarder les bérets.
09:07 Vous voyez les bérets verts de la garde.
09:09 Vous voyez les bérets rouges des gens qui sont entraînés par les militaires français.
09:12 Et puis vous voyez également des bérets noirs des blindés.
09:16 Donc c'est l'ensemble de l'armée qui a utilisé à une certaine période, une période historique, les élections
09:24 pour ne pas que recommence le coup électoral de 2016,
09:28 qui avait été d'une extrême violence, comme l'a rappelé Francis Lalloupo.
09:33 Et là, je pense que c'est un tournant.
09:35 Mais il ne faut pas se leurrer.
09:37 C'est un tournant.
09:39 Le général Oligi Nguema reste quand même un homme du clan Bongo.
09:43 Pierre Jacquemont, vous êtes d'accord avec ce que vient de dire Antoine Glaser ?
09:46 Il a donné une interview au Monde, avant justement qu'il soit nommé président de la transition,
09:51 par les putschistes, puisqu'on vient de l'apprendre,
09:53 disant que Bongo était mis à la retraite, qu'il n'avait pas le droit de faire un troisième mandat.
09:59 Écoutez, oui je suis d'accord et pas d'accord avec ce qui vient de dire.
10:06 Parce que pour moi, derrière cet événement, ce coup d'État, c'est la fin d'une époque.
10:12 C'est la fin et c'est la mort d'une illusion qui était celle de penser que l'élection conduisait ex-facto,
10:21 sans détour, à la démocratie.
10:23 Et en fait, on s'aperçoit, c'est une illusion qu'on avait depuis les années 90,
10:28 depuis les conférences nationales qui se sont généralisées sur le continent africain,
10:34 depuis le fameux discours de la baume de François Mitterrand.
10:37 Eh bien, ça n'est pas vrai.
10:39 Et il y a un très bon proverbe qu'on entend à Kinshasa, à propos des élections,
10:48 qui dit "Lorsque le ventre est vide, l'urne sonne creux".
10:53 Je sais que M. Leloupo connaît bien cette référence.
10:57 C'est très significatif sur le discrédit qui est accordé aujourd'hui dans la majorité des pays africains
11:04 aux processus électoraux qui n'ont pas conduit à une véritable démocratie,
11:09 c'est-à-dire au respect des libertés fondamentales, à l'indépendance de la justice,
11:15 à la redevabilité des élus, à la lutte contre la prévarication, etc.
11:21 Et donc, on est un peu victime d'une illusion.
11:24 Et je dirais d'ailleurs que le gouvernement français est victime lui aussi de cette illusion
11:28 lorsqu'il dit "Mon Dieu, il n'y a pas de double standard".
11:31 Lorsque le président Macron dit "Il n'y a pas de standard, il n'y a pas une démocratie pour l'Europe
11:36 et une démocratie pour l'Afrique", en fait, il n'y a pas de démocratie dans le contexte africain.
11:42 Les élections, en tout cas, n'ont pas conduit à un mieux-être pour les populations,
11:47 à un développement et à un accroissement des libertés.
11:50 On va revenir sur les réactions en France.
11:52 Mais avant cela, Christophe Babouviela, Pierre Jacquemot, parle d'un changement d'époque.
11:56 On voit qu'il y a eu pratiquement 8 poutches en 3 ans en Afrique.
12:00 On ne compte pas depuis les années 50 parce que là, c'est plus d'une centaine.
12:03 Donc, il y a une sorte d'accélération. Est-ce qu'effectivement, on change d'époque ?
12:07 Est-ce qu'on peut faire... Bon, évidemment, chaque pays a son histoire particulière,
12:11 chaque poutche est différent, mais est-ce qu'on est un peu tout de même dans une vague dans ce changement d'époque ?
12:16 Oui, évidemment. Comme disait Antoine, on pense tout de suite au Niger
12:19 parce que c'est aussi le chef de la GP, de la garde présidentielle, qui a renversé le président sortant.
12:24 Mais il y a une différence fondamentale avec le Niger.
12:27 C'est que le 26 juillet dernier, les militaires du Niger renversent un président démocratiquement vraiment élu.
12:36 Mohamed Bazoum, en 2021, a été démocratiquement vraiment élu.
12:42 Donc, il y a une vraie différence avec le Niger.
12:43 Absolument. C'est quand même fondamentalement différent.
12:46 Et avec les autres ?
12:47 Ce qui fait dire à beaucoup que le poutche de Niamé était un poutche de confort
12:52 pour un chef de garde présidentielle en manque de sérénité par rapport à son avenir professionnel.
12:59 Là, on a quand même, en effet, une dynastie qui est au pouvoir depuis 1967.
13:07 Je n'ai pas fait le calcul, mais ça fait très très longtemps.
13:11 Plus de 40 ans ?
13:12 Plus de 40 ans, oui.
13:13 56 ans.
13:14 56 ans, le maire Francis, avec une profonde lassitude qui s'est exprimée dès 2009.
13:22 Et je suis d'accord avec Francis, c'est l'élection truquée de trop.
13:28 À un moment, il y a un ras-le-bol.
13:30 Donc, ça veut dire effectivement que cette dynastie bongo s'est terminée, Francis Lalloupo ?
13:36 Ou en tout cas, il y a clairement... ça se brise de ce côté-là ?
13:40 Nous sommes en train de commenter l'histoire en direct.
13:42 Donc, je ne pourrais pas être affirmatif, évidemment.
13:45 Sachant par ailleurs que...
13:46 Elle est ébranlée, peut-être ?
13:48 Elle est certainement ébranlée.
13:49 Et puis bon, alors, est-ce qu'on tourne définitivement la page d'une culture politique ?
13:52 C'est une autre histoire.
13:53 La dynastie bongo, c'est vrai que Ali Bongo aurait été, certainement, je dirais,
13:57 le dernier représentant au sommet de l'État de cette dynastie,
14:00 puisque le coup d'État qui intervient, évidemment, met fin, je dirais, à cette succession dynastique.
14:05 Mais par ailleurs, la plupart des acteurs politiques aujourd'hui au Gabon
14:09 viennent, je dirais, de ce creuset du Parti démocratique gabonais.
14:12 C'est ce qu'on disait, justement, sur ce président de la transition,
14:15 ce général Brice Oligine-Guémat, qui vient du même serail, finalement.
14:18 Qui vient du même serail, alors voilà.
14:20 J'ai presque envie de dire que la classe politique gabonaise est une grande famille, n'est-ce pas ?
14:24 Avec, évidemment, je dirais, Sébastien...
14:26 Bon, entre-temps, évidemment, cette famille, c'est aussi, d'une certaine façon, restructurée,
14:32 avec d'un côté le pouvoir et de l'autre côté des opposants
14:35 qui viennent, en fait, je dirais, de la même culture, du même creuset.
14:38 Mais bon, je veux dire que c'est une manière, peut-être, je veux dire,
14:41 de cette façon que la démocratie gabonaise est en train de se structurer.
14:46 - C'est le cas ? Enfin, vous pensez, effectivement, que ça pourrait,
14:48 quand on parle, justement, de président de transition avec un militaire,
14:51 ça pourrait déboucher sur une démocratie qui peut rendre au Gabon ?
14:54 - Non, non, pas du tout. Ce n'est pas ce que je dis.
14:56 Je parle des civils, je parle de la classe politique civile.
14:58 Parce que, bon, la question des militaires est une question particulière.
15:01 C'est qu'au moment où nous parlons, la transition en tant que telle n'est pas encore déclenchée au Gabon.
15:06 Puisque les militaires sont en train de se concerter.
15:08 Alors, ce que j'entends surtout dire, c'est que, bon,
15:10 est-ce qu'il est nécessaire de mettre en place une transition au Gabon, aujourd'hui ?
15:14 Parce que les raisons pour lesquelles ce coup d'État a été fait ce matin,
15:20 au petit matin, sont tout à fait claires.
15:22 En tout cas, les raisons énoncées, cet insimilacre électoral,
15:24 ce sont des résultats qui ne sont pas conformes à la réalité.
15:28 - Qui ont été contestés par l'opposition.
15:29 - À la vérité des urnes.
15:30 Donc, il suffirait, simplement, je dirais, soit de rétablir, effectivement,
15:33 la vérité des urnes, ou d'organiser très rapidement,
15:35 de nouvelles élections pour établir l'ordre constitutionnel.
15:38 - C'est un scénario possible ?
15:39 - C'est un scénario souhaitable.
15:41 - On pourrait prendre au mot le porte-parole des Pouchis,
15:44 qui dit ce matin, "les résultats tronqués sont annulés".
15:47 Eh bien, on les annule et on fait de nouvelles élections.
15:50 - Les réactions internationales, en tout cas, se sont multipliées.
15:53 La Chine, qui a été la première à réagir, à appeler à garantir la sécurité d'Ali Bongo,
15:58 donc Ali Bongo, qui est en résidence surveillée.
16:02 La France a condamné le coup d'État militaire.
16:04 La Russie s'est d'y préoccupée.
16:06 La Maison-Blanche dit aussi regarder de très près ce qui se passe au Gabon.
16:10 On fait un point en image avec Axel Simon.
16:12 Hors des frontières du Gabon, c'est la condamnation qui prime
16:16 après l'annonce de la tentative de coup d'État à Libreville.
16:19 Parmi les premières réactions sur le continent,
16:22 celle de l'Union africaine qui la condamne fermement
16:25 et dénonce dans un communiqué une violation flagrante des principes de l'organisation.
16:31 Hors du continent, la Chine a été la première grande puissance à réagir,
16:35 appelant à la responsabilité et au dialogue.
16:38 Nous appelons les partis à agir dans l'intérêt du peuple gabonais,
16:42 à résoudre les différends par le dialogue, au retour immédiat à l'ordre normal
16:46 et à garantir la sécurité d'Ali Bongo, pour préserver la paix et la stabilité nationale.
16:51 La Russie, en quête d'influence sur le continent,
16:55 a également exprimé sa profonde préoccupation.
16:59 Moscou s'inquiète de la forte détérioration de la situation intérieure dans ce pays ami.
17:04 Nous continuons de suivre de près les événements
17:07 et attendons avec impatience sa stabilisation rapide.
17:10 Aux Etats-Unis, la Maison-Blanche indique suivre de très près la situation.
17:14 John Kirby porte parole du Conseil de sécurité nationale,
17:17 jugeant profondément inquiétante la succession de coups d'État en Afrique ces dernières années.
17:22 Les Européens ont aussi exprimé officiellement leur inquiétude
17:26 par la voix du haut représentant de l'Union européenne pour la diplomatie.
17:29 À l'issue d'une réunion informelle des ministres de la Défense
17:32 et des affaires étrangères de l'Union européenne à Tolède,
17:34 Josep Borrell a regretté l'accroissement de l'instabilité dans la région,
17:38 tout en promettant la coopération de Bruxelles pour les Européens sur place.
17:42 Nous ferons avec le Gabon ce que nous avons fait avec le Niger
17:47 et tout autre pays où nos citoyens ont besoin d'aide.
17:52 La France, ancienne puissance coloniale, n'a pas tardé à réagir
17:56 pour condamner la tentative de Pouche et rappeler son attachement
17:59 au processus électoraux libre et transparent.
18:02 La France dispose de 350 soldats français positionnés au Gabon
18:06 et de près de 10 000 ressortissants résidant dans le pays.
18:09 Christophe, ça nous concerne directement.
18:12 Les pouchistes au Gabon rétablissent la diffusion des médias français suspendus.
18:16 En tout cas, c'est un communiqué. Qu'est-ce que ça signifie ?
18:18 Ce qu'il faut quand même rappeler, c'est qu'il n'y avait pas que RFI et France 24.
18:21 Qui étaient coupés depuis samedi dernier.
18:24 Il y avait Internet, tout court.
18:27 Qui a été rétabli ce matin.
18:30 Il y avait le couvre-feu tous les soirs.
18:33 Il y avait une chape de plomb sur le Gabon depuis samedi dernier.
18:37 Donc évidemment, les pouchistes d'aujourd'hui veulent montrer un autre visage,
18:42 j'imagine, en rétablissant Internet et en rétablissant les signaux de nos deux médias.
18:46 Antoine Glazer, sur la relation avec la France,
18:48 la France qui condamne ce coup d'Etat militaire.
18:51 On parle de cette famille Bongo.
18:53 On se souvient bien sûr, et on va voir, revoir ces images,
18:55 de cette relation avec Omar Bongo, avec Jacques Chirac.
18:59 Au funérail d'Omar Bongo, il y avait Jacques Chirac, il y avait Nicolas Sarkozy.
19:03 Ensuite, il y a eu des relations tout de même aussi avec son fils Ali Bongo.
19:07 Emmanuel Macron est allé d'ailleurs récemment à Libreville,
19:10 il y a quelques mois, dans le cadre d'une tournée.
19:13 Qu'est-ce qu'il va être l'impact de ce qui se passe
19:15 et de ce coup d'Etat militaire, effectivement confirmé,
19:17 dans la relation entre la France et le Gabon ?
19:19 Je pense que compte tenu de ce qu'a été le Gabon du temps d'Omar Bongo,
19:23 c'était vraiment l'endroit où se faisaient toutes les opérations secrètes
19:27 de la France en Afrique, que ce soit le Biafra,
19:30 que ce soit les relations avec l'Afrique du Sud.
19:32 C'est le Gabon qui finalement accueillait les mercenaires de Bob Denard.
19:37 Vous aviez d'un côté la Côte d'Ivoire avec Oufouette-Boigny,
19:40 en relation avec Jacques Focard, le monsieur Afrique du général de Gaulle.
19:44 C'est vrai que le Gabon était vraiment le pétrole, l'uranium et manganèse.
19:50 Il n'y a plus d'uranium, il y avait une pile atomique.
19:53 Mais ils étaient complètement intégrés.
19:56 C'était vraiment le cœur de la France-Afrique à l'ancienne.
19:59 Ali Bongo, contrairement à ce qu'on dit,
20:02 je pense que quelque part c'était un parricide.
20:04 Ça veut dire qu'il est rentré au Commonwealth.
20:07 Finalement, tous les milieux français l'avaient un peu mis à l'écart
20:10 pour ne pas gêner le père Omar Bongo.
20:13 Lui, son fief, c'est vraiment plutôt, comme son fils Nourdine,
20:17 c'est plutôt la finance à Londres.
20:20 Ses enfants ont été formés à Londres.
20:22 Il avait des hôtels particuliers, c'était à Londres.
20:25 Et vous avez vu d'ailleurs la réaction du Commonwealth et des Chinois
20:29 qui ont vraiment des intérêts qui sont pas bien évidemment les intérêts français.
20:33 Donc lui, il était d'ailleurs, c'est incroyable de voir comment il parle en anglais.
20:37 Pour demander à ce qu'on… Il dit "I beg you, je vous supplie d'intervenir,
20:42 faites du bruit", mais il dit tout ça en anglais tellement il était intégré.
20:45 Lui, ses amis, c'était le roi du Maroc, c'était l'Arabie Saoudite,
20:50 il est président de la communauté musulmane.
20:53 C'était vraiment plutôt les Américains d'ailleurs.
20:56 C'est ça qui est assez étonnant, comment finalement la France,
20:59 on la voit toujours comme si c'était elle qui tirait les ficelles complètement au Gabon.
21:03 C'est pas les 350 soldats français qui vont aller maintenant le sauver.
21:07 Et je pense que la période… On vit un anachronisme historique.
21:11 Ça veut dire évidemment les élections, on sait bien ce qui se passe entre deux élections,
21:16 mais le problème de fond, c'est de souverainisme maintenant en Afrique.
21:22 Ce sont des militaires qui ont compris que c'est le moment finalement
21:26 d'être soutenus par des populations qui en ont marre d'avoir des politiques qui les affament.
21:32 Et donc il y a cette jonction entre l'armée et des populations.
21:35 Mais il ne faut pas non plus se leurrer, encore une fois,
21:38 les militaires, ils ont leur propre stratégie bien évidemment.
21:41 Et par rapport à la France, la France, le problème c'est le manganèse.
21:45 Héramède, qui est la première producteur mondiale de manganèse,
21:50 c'est le principal intérêt actuel de la France.
21:53 Et c'est pas un intérêt mineur, c'est éolienne, batteries, vraiment Héramède.
21:59 Pierre Jacquemaud, pour rebondir sur Héramède d'ailleurs, qui a suspendu ses activités,
22:03 qui va reprendre d'après ce qu'ils disent leurs activités à partir de demain.
22:07 Il y a des intérêts, donc il y a Héramède, il y a également le groupe Total,
22:11 il y a quoi, pratiquement 10 000, un peu plus de 10 000 Français qui se trouvent au Gabon,
22:15 300 soldats, donc il y a effectivement des intérêts français.
22:19 Qu'est-ce qui peut changer si ce coup d'État militaire se confirme,
22:23 ce qui a l'air quand même d'être le cas ?
22:25 Oui, je pense qu'on peut considérer que ce coup d'État est confirmé,
22:29 là je suis d'accord avec Bob Ouvier.
22:32 Qu'est-ce qui peut changer dans la relation avec la France ?
22:35 Visiblement, la situation est très différente de celle qui prévaut dans les trois pays sahéliens
22:40 qui ont connu des coups d'État depuis 2020, dans la relation avec la France.
22:44 On ne voit pas agiter de pancarte à Bas-la-France,
22:48 pas davantage qu'on voit agiter des drapeaux de presse parmi la population
22:55 qui manifeste sa joie après ce coup d'État.
22:59 Donc tout laisse penser a priori qu'il n'y aura pas de remise en cause des intérêts français.
23:06 Ce ne serait certainement pas l'intérêt des Gabonais
23:09 du fait de cette cohabitation très forte entre la France et le Gabon.
23:16 Il y a également, comme vous venez de le rappeler, une communauté française importante
23:20 qui a créé des liens d'habitier avec les Gabonais.
23:24 Donc on peut penser qu'on n'assistera pas à une situation d'aggravation,
23:29 d'appourissement anti-français dans ce pays.
23:33 Quant aux intérêts économiques qui sont là,
23:37 mais d'autres puissances, ne serait-ce que la Chine,
23:40 ont des intérêts également dans le secteur forestier, dans le secteur minier,
23:45 au moins si important, sinon davantage.
23:48 On va y revenir d'ailleurs sur la Chine.
23:50 Un mot justement, Christophe, pour rebondir sur ce que vient de dire Pierre-Jacques Maud.
23:53 Un sentiment anti-français au Gabon, ni en Afrique centrale, comme on peut le voir par exemple au Brésil ?
23:58 Pour le coup, le Gabon crée une ligne de fracture historique en France entre la droite et la gauche.
24:04 Le Gabon est proche de la droite française, mais moins proche de la gauche française.
24:10 Par exemple, les relations Omar Bongo et Ali Bongo avec Nicolas Sarkozy étaient très bonnes.
24:17 En revanche, les relations Ali Bongo-François Hollande étaient très froides.
24:22 Et les relations Ali Bongo et Emmanuel Macron n'ont jamais été extraordinaires.
24:30 C'est vrai qu'Emmanuel Macron est allé à Libreville pour le sommet One Forest Summit du 1er mars dernier.
24:36 C'est vrai qu'Ali Bongo a arrangé à cette occasion une entrevue rapide entre le président français et le président centrafricain.
24:43 Mais ce n'était pas le grand amour.
24:46 Et les Gabonais le savent.
24:48 Je suis d'accord avec Pierre Jacmo pour dire que je ne suis pas sûr que les putschistes d'aujourd'hui aient envie de surfer sur un sentiment anti-français
24:58 qui n'existe peut-être pas au Gabon comme il a pu exister ces derniers temps au Sahel.
25:03 Par ailleurs, je crois que j'ai perdu le fil de mon idée.
25:10 Non, c'était justement sur la France, sur les intérêts français.
25:13 Qu'est-ce qui pourrait changer dans la relation entre le Gabon et la France ?
25:17 - C'est ce que disait Antoine.
25:20 Ce qui va être intéressant, c'est sur le pétrole.
25:24 C'est la place de Total.
25:25 Mais on voit mal comment Total pourrait quitter le Gabon.
25:29 Ce qui va être intéressant, c'est sur le manganèse.
25:31 Ça, c'est très important.
25:33 C'est la place d'Eramet.
25:35 Et puis, en effet, il y a deux indicateurs forts qui sont la communauté française de Libreville
25:42 qui est une des plus importantes d'Afrique.
25:44 On l'oublie.
25:45 J'ai pas le chiffre en tête, mais c'est très important.
25:47 Et c'est la base militaire qui est un point d'appui important pour les Français
25:55 quand ils veulent faire une opération d'évacuation, par exemple, sur Bangui.
26:00 C'est souvent à partir de Libreville que ça se passe.
26:03 - Mais là, a priori, on serait peut-être dans un affrontement moindre, en tout cas,
26:06 que celui qui a pu se passer au Mali, par exemple, ou même au Niger.
26:11 C'est ce que vous dites.
26:12 - Oui, parce que regardez, par exemple, quand les Français disent leur attachement
26:19 au processus électoral libre et transparent, ils le disent aujourd'hui dans le communiqué
26:25 à propos de la chute d'Ali Bongo.
26:27 Libre et transparent, c'est le contraire de ce qui s'est passé samedi dernier.
26:31 C'était pas libre et c'était pas transparent, puisque c'était l'opacité totale.
26:35 Il n'y avait plus d'Internet.
26:37 Donc je pense qu'en fait, l'appel des Français, et c'est certainement la volonté aussi
26:42 de beaucoup de Gabonais, c'est que la transition militaire dure le moins longtemps possible
26:46 et qu'il y ait de nouvelles élections, et que des Jean Ping, des Alexandre Barrault-Chambrier,
26:52 des Paulette Missambo, des Albert Ondo-Ossa, qui étaient le candidat unique de l'opposition,
26:58 aient leur chance dans de prochaines élections.
27:00 - Francis Lalloupau, ça serait le meilleur scénario possible.
27:04 - Ce que je me dis déjà, c'est que c'est vrai que les coups d'État auxquels on a assisté
27:09 depuis quelques temps, il serait erroné de considérer que tout cela procède de la même logique.
27:15 Que l'on se trouve au Mali, au Burkina Faso, ou en Guinée, ou même au Niger...
27:19 - Il n'y a pas une coïncidence ?
27:21 - Il y a une dynamique, je dirais.
27:23 Je pense que de toute façon, le coup d'État au Gabon a pu aussi intervenir dans un contexte particulier
27:27 où les militaires se sont sentis peut-être désinhibés également par l'appel venu de l'Ouest.
27:31 - C'est ça ? Est-ce que ça joue un peu ce phénomène de contagion ?
27:35 - Mais il y a en même temps le recul, la mise en retrait des forces, des éléments, des soldats français
27:43 qui se trouvent au Gabon et qui aujourd'hui sont beaucoup moins impliqués dans les règlements de conflits post-électoraux.
27:51 Je pense qu'il y a un certain nombre de facteurs qu'il faut prendre en compte pour justement regarder ce pouce gabonais
27:57 dans un dessin-contour spécifique.
28:00 En ce qui concerne les relations entre la France et le Gabon, en fait ces relations ont déjà beaucoup évolué dans le temps.
28:06 Parce que, comme le disait Antoine d'ailleurs, les relations entre la France et le Gabon n'ont pas été les mêmes,
28:12 soit Ali Bongo, comme ce fut le cas avec Omar Bongo, qui vient quand même de l'histoire africaine.
28:19 - C'était la France-Afrique, la relation.
28:21 - C'est ça. La transformation de son pays en symbole presque au confins de la caricature de ce système.
28:27 - On est sorti de cela parce que Emmanuel Macron, c'est la chambre qui disait qu'il souhaitait sortir de la France-Afrique.
28:32 - Je pense que, je veux dire que, évidemment, les époques évoluent.
28:35 Vous savez, il était quelques mois avant son décès, Omar Bongo, que j'avais rencontré, m'expliquait,
28:40 il me disait "écoutez, je ne comprends pas, quand je téléphones à l'Elysée, Nicolas ne décroche plus, ça ne se passe plus comme avant".
28:47 Donc entre l'époque de Jacques Faucard et l'époque de Nicolas Sarkozy, il y avait déjà eu, je dirais, un changement.
28:53 C'était un tournoi générationnel avec les chefs d'État français de Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron.
28:59 Et sachant que Omar Bongo disait à l'époque qu'il était, lui d'ailleurs, une partie, il était une mémoire de la Ve République.
29:05 Parce qu'il détenait quelques secrets, je dirais, de la Ve République.
29:08 D'autant qu'il avait survécu, en fait, il avait connu tous les chefs d'État qui s'étaient succédés et avait survécu à tout cela.
29:14 - Donc il y avait déjà du changement.
29:15 - C'était une autre histoire, c'est une autre époque.
29:17 Une autre époque, celle qu'a décrite très bien Antoine Glazer, donc la gestion du pouvoir d'État par Ali Bongo et la diversification de ses partenariats à travers le monde.
29:26 Et puis on arrive effectivement aujourd'hui à ce coup d'État qui n'a pas besoin, pour l'instant en tout cas, de s'alimenter d'un sentiment antifrançais,
29:33 comme on a pu l'observer dans le Sahel.
29:35 Et dans une moindre mesure, d'ailleurs, quand on parle du Sahel, dans une moindre mesure, ce sentiment antifrançais, en Guinée, qu'on a créé par exemple,
29:40 qui est aussi un cas particulier, où il n'y a pas eu de crise sécuritaire.
29:43 Parce qu'il y a des facteurs communs entre le Niger, le Burkina Faso et le Mali.
29:47 C'est la crise sécuritaire qui a également, de certaine façon, passionné, je dirais,
29:52 exacerbé les passions dans les relations entre la France et l'Afrique.
29:56 - Antoine Glazer, on voit...
29:57 - Et cette partie de l'Afrique.
29:58 - Quand les Américains disent qu'ils regardent de toute façon cette situation de manière très attentive,
30:04 enfin on sent tout de même que l'ensemble des pays regardent en ce moment l'Afrique.
30:08 Il y a quand même un risque d'instabilité, de déstabilisation, on pourrait le dire, avec ces multiples putschs.
30:14 - Oui, puis il y a une question géostratégique.
30:16 Quand vous regardez une carte de l'Afrique, vous voyez à quel point le Gabon est vraiment déjà...
30:23 Dans l'Atlantique, c'est aussi un point d'appui pour tout ce qui est renseignements.
30:28 Et c'est extrêmement important.
30:30 Mais moi, ce qui m'a aussi... Ce que vous avez évoqué, c'est la Chine.
30:33 Comment la Chine, qui réagit franchement très rarement, comment pour eux,
30:38 la Chine est le premier partenaire commercial du Gabon.
30:42 Ils rasent les forêts, ils sont extrêmement actifs, à Dax, ils ont sonné dans le pétrole.
30:46 Mais je veux dire, on voit bien que pour eux, le Gabon est vraiment un pays stratégique
30:52 pour l'ensemble de leur développement de l'ensemble de l'Afrique centrale.
30:57 Alors que la Russie est en Centrafrique, la Chine est au Gabon.
31:02 Et le Congo est entre les deux.
31:04 Donc vous voyez que c'est quelque chose qui est aussi extrêmement important.
31:08 Il faut quand même toujours rappeler que le Gabon, c'est 2,3 millions d'habitants.
31:12 Vous aviez 850 électeurs.
31:15 Donc c'est anormal que ce pays ne se développe pas avec ces richesses qu'il a.
31:20 C'est ça le problème de fond.
31:21 C'est un des rares pays à revenus intermédiaires de ce continent.
31:25 Je veux dire, c'est... Normalement, quelqu'un...
31:29 J'ai un historien...
31:31 Et pourquoi il n'y arrive pas, Antoine Glaser ?
31:33 Parce que je me souviens des grands discours d'Ali Bongo,
31:35 justement, lorsqu'il est arrivé au pouvoir, avec son grand plan de transformation de l'économie du Gabon.
31:40 Et comme vous dites, il y a 2 millions de personnes dans ce pays.
31:43 Le plan au pouvoir a toujours mangé l'argent d'une façon absolument faramineuse.
31:51 C'est pas possible que ce pays ne revienne sans infrastructure.
31:56 Il y a ce problème-là.
31:59 Le Gabon, et on dit toujours que la RDC a un scandale géologique,
32:03 je veux dire, le Gabon, c'est un scandale humain par rapport aux richesses de ce pays.
32:08 Pays à revenus intermédiaires qui a fait les pieds et des mains, justement,
32:12 parce que la Banque mondiale ne voulait même plus lui verser d'argent.
32:15 Et c'est ça qui est le problème.
32:17 Alors, est-ce que les militaires vont passer le relais aux civils ?
32:22 À mon avis, c'est ça qu'il va falloir voir.
32:24 Encore une fois, le putsch, il est quand même un putsch au sein du plan Bongo pour l'instant.
32:31 Juste compléter ce que disait Antoine, vous avez plus d'occasion de savoir pourquoi il n'y arrive pas,
32:37 pourquoi le pays est dans cet état-là.
32:39 Il y a quand même d'exécution aussi, peut-être.
32:41 Parce que simplement, nous avons affaire à une gestion patrimoniale du pouvoir.
32:44 C'est-à-dire que nous avons une famille qui a opéré une captation de l'État depuis 50 ans
32:49 et qui a privatisé tous les leviers du pouvoir, tout simplement.
32:52 Il y a eu une volonté de changement d'Ali Bongo, quand il est arrivé.
32:55 Oui, mais il était effectivement l'héritier d'un système.
32:57 Il y avait le discours et puis il y avait l'héritage, évidemment.
32:59 Et puis cette culture, évidemment, qui a persisté tout le temps.
33:02 De la gestion patrimoniale du pouvoir et surtout, je dirais, de cette privatisation de tous les leviers du pouvoir.
33:08 C'est une réalité et ça ne peut donner que ce résultat-là.
33:11 Donc il faut peut-être simplement un changement profond de culture politique au Gabon.
33:15 Pierre Jacquemont, mais est-ce que ce changement peut venir à partir d'un putsch de ce type-là,
33:19 dont on voit bien sur ce plateau qu'il est tout de même au sein du clan, ce putsch ?
33:24 Il ne va pas faire table rase ?
33:27 Écoutez, on est devant trois hypothèses, trois scénarios possibles,
33:31 autant qu'on puisse les établir aujourd'hui sur la base des informations dont on dispose.
33:37 Le premier, c'est celui qui a été évoqué,
33:40 un retour à de nouvelles élections le plus rapidement possible
33:44 pour rétablir un pouvoir civil le plus légitime possible.
33:49 Il y a un deuxième scénario, c'est le scénario sahélien,
33:52 c'est-à-dire une transition annoncée par les militaires, les putschistes,
33:57 et qui nous annonce un retour au pouvoir civil pour les trois années,
34:00 dans les trois années qui viennent, avec d'abord un débat national,
34:03 une réforme de la Constitution, puis des élections peut-être.
34:07 C'est un scénario qui n'est pas complètement impossible.
34:11 Et un troisième scénario auquel on peut penser,
34:14 ne serait-ce qu'en regardant ce qui s'est passé dans un certain nombre de pays voisins,
34:18 je pense au Congo, au Congo-Brasil, par exemple,
34:21 mais également au Rwanda, en Ouganda,
34:26 où les militaires s'installent durablement au pouvoir,
34:30 ils apprécient les prébendes qui sont associées au pouvoir,
34:35 se civilisent, changent de costume et restent durablement au pouvoir.
34:40 Alors, vous allez me dire en quoi chacun de ces scénarios
34:44 peut apporter du mieux-être pour la population, plus de développement.
34:48 Moi, j'ai le souvenir d'avoir participé en 1981,
34:52 déjà à une mission au Gabon sur l'après, l'AP-Pétrole.
34:57 On réfléchissait déjà à la sortie du pétrole
35:01 et à l'utilisation la plus efficiente possible pour diversifier l'économie,
35:05 en particulier l'agriculture, et oui.
35:08 Et on s'aperçoit que 40 ans après, on a complètement échoué.
35:12 Ce n'était pas une question de financement,
35:14 c'était pour ce que Francis Aloupo explique,
35:18 une gestion patrimoniale du pouvoir,
35:21 au bénéfice d'un clan,
35:26 et sans, avec de très faibles retombées, au bénéfice des populations.
35:30 Et ça reste comme ça depuis toutes ces années ?
35:32 Ça reste comme ça en ce qui concerne l'évolution politique.
35:34 Oui, c'est comme ça.
35:36 Ce n'est pas une exclusivité gabonaise.
35:40 On peut voir que le système congolais
35:43 obéit à peu près au même dispositif, au même...
35:46 Justement, Christophe, pour reparler un peu de l'ensemble,
35:49 puisqu'on est à la fin de cette émission,
35:50 est-ce que ça peut donner des idées à d'autres ?
35:52 Il y a la RDC, il y a tous ces pays d'Afrique centrale,
35:55 il y a le Cameroun.
35:57 Là, on est effectivement dans ces huit poutches en trois ans.
36:02 Est-ce que tout de même, ça peut donner encore des idées à d'autres ?
36:06 Parce que même s'il y a des différences,
36:08 on se retrouve avec quand même les mêmes dynamiques.
36:10 La population qui reste dans la pauvreté,
36:12 la non-représentativité de mauvaise gouvernance,
36:15 la non-représentativité des élites, ça on le retrouve.
36:18 Et puis la puissance des militaires, bien sûr, aussi.
36:21 C'est vrai qu'il y a une analogie entre le Gabon,
36:24 dont c'est la même famille depuis plus de 50 ans,
36:27 le Cameroun, dont c'est le même chef d'État depuis plus de 40 ans,
36:31 le Congo-Brazaville, dont c'est le même chef d'État depuis 1979,
36:37 avec une exception de 5 ans dans les années 90,
36:41 et la Guinée-Équatoriale,
36:44 où vous avez le chef d'État le plus ancien d'Afrique, en fonction.
36:48 Donc vous avez ces quatre pays qui cumulent,
36:51 où les quatre chefs d'État cumulent un siècle de pouvoir, pour faire vite.
36:56 Et c'est vrai que je pense que ce soir, à Malabo, à Brazaville et à Yaoundé,
37:03 on doit s'interroger sur l'avenir de ces régimes,
37:06 face à la déflagration qui vient de se produire à Libreville.
37:10 Dans les trois scénarios qu'invoque l'ambassadeur Jacques Meaux,
37:14 je pense qu'il y en a quand même deux au bout desquels il y a des élections.
37:19 Je parle sous le contrôle de mes collègues,
37:23 mais je ne crois pas me souvenir qu'il y ait eu, depuis 1960,
37:27 une seule élection libre au Gabon.
37:30 Et je pense qu'il y a une impatience des Gabonais.
37:33 - Vous pensez que c'est loupo ? - Tout à fait.
37:35 - Mais est-ce que le risque, ce n'est pas quand même plus aussi d'instabilité ?
37:38 Parce que c'était ça aussi, c'était le soutien à tous ces régimes,
37:41 qui datent parce que ça donne de la stabilité à l'Afrique.
37:44 - Vous avez lâché le mot stabilité, le mot terrible en fait.
37:47 C'est ce glacier autoritaire, en fait,
37:50 qui fige à ces pays, je dirais, dans le temps,
37:54 et qui empêche toute forme d'alternance, notamment au sommet de l'État.
37:58 - Oui, mais l'instabilité, ça fait peur.
38:00 - Mais l'instabilité fait peur, oui, mais enfin, vous avez quand même des pays
38:04 où il y a des alternances politiques, démocratiques,
38:08 qui opèrent parfaitement depuis 30 ans, depuis les années 90.
38:14 Il y a des pays comme le Gabon, le Bénin jusqu'en 2016,
38:17 le Nigeria, ça fonctionne, le Cap-Vert, etc.
38:20 Et puis sans compter les pays d'Afrique australe,
38:22 où les alternances fonctionnent parfaitement,
38:24 où il y a les respirations démocratiques, je veux dire, sont réelles.
38:27 C'est vrai que l'Afrique centrale...
38:28 - Est-ce que ça ne décline pas ?
38:29 Est-ce qu'on n'est pas justement dans une période
38:31 où il y a moins de démocratie, y compris en Afrique d'ailleurs ?
38:33 C'est pas seulement en Afrique, il y a effectivement une tendance...
38:35 - Non, il y a une défiance à l'égard de la démocratie,
38:37 parce que, mettez-vous, je veux dire,
38:39 vous prenez le cas des jeunes qui ont aujourd'hui 30 ans au Gabon,
38:43 et donc qui avaient... qui sont nés d'ailleurs en 1990
38:48 avec le processus de démocratisation,
38:50 qui n'ont connu en fait de la démocratie,
38:52 de ce qu'on appelle la démocratie,
38:53 que des fausses électorales, des contentions pré- et post-électorales,
38:57 des conflits politiques, la répression, etc.
38:59 Ce n'est pas la démocratie qui est en cause.
39:00 En fait, c'est la manière dont le système a été malmené,
39:03 dévoyé, contourné par ceux qui étaient censés l'animer
39:07 et le faire prospérer.
39:09 C'est le non-respect des règles démocratiques qui pose problème.
39:11 - Ce n'est pas contradictoire de penser que des militaires vont vous sortir de cette situation ?
39:14 - Ah non, les militaires, non.
39:15 Il faut considérer toujours que les militaires, c'est une fracture.
39:18 Un coup d'État, ça reste une fracture.
39:20 Un coup d'État, ça reste une anomalie, je veux dire, dans la vie d'une nation.
39:23 Ce n'est pas la norme.
39:24 Et le coup d'État, quoi que l'on dise, constitue toujours,
39:27 c'est comme la guerre, la pire, une mauvaise réponse en fait,
39:30 à des revendications, y compris les plus légitimes.
39:33 - Mais vous avez les coups d'État vertueux.
39:34 C'est arrivé au Mali en 1991 et au Niger en 2010.
39:38 - Tout à fait, absolument.
39:39 Qui étaient d'ailleurs ces coups d'État qui avaient été perpétrés
39:42 pour rétablir l'ordre constitutionnel normal.
39:45 - Ce qui est arrivé.
39:46 - Et renforcer la démocratie.
39:47 - Qui sont minoritaires.
39:48 - Oui, minoritaires.
39:49 - On n'est passé pas à des coups d'État salutaires aussi.
39:51 Et puis il y a des coups d'État évidemment beaucoup plus crapuleux qu'on n'a pu voir parpeler.
39:54 - Est-ce que ce soir, Antoine Glazer, en un mot,
39:56 est-ce que ce soir, tous les scénarios restent possibles encore ?
39:59 En tout cas les trois dont a parlé Pierre Jacquemot.
40:01 - Non, enfin, pour moi, non.
40:03 Je pense que c'est toujours bien de faire des scénarios.
40:07 On se fait plaisir avec des scénarios.
40:09 Mais je veux dire, pour l'instant, il y a un coup d'État d'un parti, d'un clan
40:13 qui va surfer sur finalement une sorte de âne populaire.
40:17 Et finalement, toute une partie du clan bongo est passée à l'opposition.
40:21 C'est la seule bonne nouvelle.
40:23 Pour une fois, l'opposition a trouvé un homme de consensus avec Albert Rondos.
40:27 C'est ça la bonne nouvelle pour moi.
40:29 C'est que finalement, pour une fois, les gabonais se sont mis d'accord
40:32 pour trouver un candidat de consensus.
40:34 Et c'est ça qui est vraiment nouveau.
40:36 Ça veut dire que c'est le début quand même de pouvoir.
40:39 Alors, est-ce que les militaires vont laisser une partie du clan bongo,
40:43 du parti démocratique gabonais, qui sont passés dans l'opposition ?
40:47 Il peut y avoir des recompositions.
40:49 Mais je suis d'accord avec Christophe Bobbouvié, c'est en ce moment.
40:52 Demain, on va mal dormir à Brazzas, à Malabo et à Yaoundé.
40:57 - Mais pourquoi on va mal dormir si vous avez l'air de dire que c'est une bonne nouvelle ?
41:00 - Parce que ce qui se produit là aujourd'hui,
41:02 c'est quand même relativement inédit dans l'histoire de ce pays, ce coup d'État.
41:06 Et on pensait en fait que ce que vous appeliez stabilité,
41:09 que j'appelle le glacier autoritaire,
41:11 était une sorte comme ça, je dirais, de fait établi dans cette région.
41:14 Donc c'est un petit secousse sismique qui s'est produit en fait aujourd'hui au Gabon.
41:19 Et dont, je dirais, les répliques, en tout cas,
41:21 je dirais dont les effets vont se diffuser dans le voisinage.
41:24 Et c'est évident que, tu as fait raison Christophe,
41:28 c'est vrai qu'il y a des pouvoirs aujourd'hui qui vont se dire
41:31 que cela est aussi possible.
41:33 - Pierre-Jacques Moreau, un dernier mot.
41:34 Oui, cela est aussi possible, c'est ce qu'on peut se dire.
41:37 - Oui, oui, non, mais rien n'interdit de réfléchir au coup d'après,
41:43 de ce qui va se passer, et donc je défends la démarche des scénarios,
41:47 même s'il s'agit d'hypothèses, qu'il faut réagir en permanence.
41:51 Voilà, ce que je pense absolument indispensable,
41:55 c'est que nous, Français, on fasse preuve de réalisme
42:00 et dans nos analyses, plutôt que de nous projeter avec des slogans,
42:06 notamment sur le pouvoir de l'élection,
42:10 porteur de, ipso facto, encore une fois, de démocratie,
42:15 c'est loin d'être démontré dans le cadre africain,
42:18 on vient de le préciser.
42:20 Donc c'est faire preuve de cette capacité d'analyse des réalités africaines,
42:24 aussi différentes puissent-elles être dans chacun des contextes,
42:29 mais d'éviter d'avoir ce regard, encore une fois, condescendant, vertical,
42:34 qui manque de pertinence pour analyser les dynamiques profondes,
42:41 parce que des dynamiques de démocratie par le bas,
42:44 il y en a beaucoup dans le contexte africain,
42:46 y compris dans le contexte gabonais,
42:49 et c'est ça qui me paraît très, très utile.
42:52 Et la bonne nouvelle, c'est que France 24 et RFI restent porteurs,
42:58 restent écoutés et vus au Gabon,
43:02 et pourront, j'espère, faire ce travail d'analyse des réalités profondes
43:07 de ces dynamiques sociétales dans ce pays.
43:10 Merci beaucoup en tout cas, Pierre Jacquemaud, d'avoir été avec nous,
43:13 Antoine Gazert, merci Christophe, Christophe Amouvier,
43:15 merci Francis Lalloupo, et merci à vous tous de nous avoir suivis.
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