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Tous les samedis et dimanches à 19h18, Arthur Meuriot reçoit un invité décalé pour apporter un éclairage inédit sur l'actualité. Ce soir Sophie Lavaud, alpiniste 1ère femme franco-suisse à avoir gravi les quatorze sommets de plus de 8 000 mètres. Son dernier Exploit : L’Himalaya et Catherine Janin Médecin et alpiniste. 1ère femme à avoir gravi l’Everest « Association A chacun son Everest ».
Retrouvez "Les invités d'Europe Soir week-end" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-europe1-week-end

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Transcription
00:00 gravir les plus hauts sommets de la planète,
00:02 grimper sur le toit du monde et être passionné par la montagne, ce sont les points communs de nos deux invités de ce soir.
00:08 Bonsoir Sophie Laveau.
00:10 Bonsoir.
00:10 Vous êtes alpiniste et la première française à avoir gravi les 14 sommets de plus de 8000 mètres.
00:16 Vous avez sorti aussi un livre,
00:17 Sophie Laveau avec Didier Chambarto, "Une femme, 7 sommets, 10 secrets",
00:22 CETO édition Favre.
00:25 Vous êtes un petit peu ce livre, c'était avant que vous fassiez les 14 sommets.
00:29 C'est ça.
00:30 On en reparlera.
00:31 Oui, oui, oui.
00:32 Et on a aussi avec nous Christine Jeannin.
00:34 Bonsoir.
00:35 Bonsoir.
00:36 Namaste.
00:37 Namaste Christine Jeannin.
00:39 Vous êtes médecin alpiniste et la première française à avoir gravi les vrais sommets.
00:45 Christine Jeannin, quand vous voyez l'exploit de Sophie Laveau,
00:47 vous vous félicitez d'avoir ouvert la voie à d'autres femmes à ces expéditions de l'extrême ?
00:51 Non, non, non.
00:52 Je la félicite surtout d'avoir fait les 14.
00:54 Moi, je n'en ai fait que 3.
00:56 Déjà, je trouvais ça pas mal.
00:58 Non, moi, je suis fière d'avoir fait la première.
01:00 Je suis surtout très heureuse de l'avoir fait à une époque, il y a plus de 30 ans maintenant,
01:04 je suis un petit peu plus vieille qu'elle, où je pense qu'il y avait un petit peu moins de monde,
01:09 il y avait beaucoup moins d'embouteillages.
01:11 Et j'avoue que je suis assez contente de l'avoir fait à ce moment-là.
01:15 J'étais dans quelque chose que j'aimais.
01:18 Je crois qu'il y a des points communs qui nous relient.
01:22 C'est la passion, c'est l'engagement, c'est oser ses rêves, c'est réaliser ses rêves,
01:27 et puis y aller.
01:29 Et puis je crois que d'être une femme n'empêche pas de faire des exploits comme ça,
01:33 elle l'a prouvé encore plus.
01:35 Nous, on est juste des femmes qui réussissons comme les hommes,
01:41 et je sais très bien que ce soit Sophie qui ait fait les 14,
01:44 que ce soit le ou la première et le premier Français à avoir fait les 14.
01:49 Parce que je crois que c'est un terrain de jeu où il n'y a pas que le physique,
01:53 il y a vraiment le mental, et le mental ça aide beaucoup.
01:57 Et je crois qu'une femme a vraiment sa place en très haute altitude.
02:01 - On en parlera à Sophie Laveau.
02:03 Comment on se dit "Tiens, je vais aller grimper sur les 14 sommets de plus de 8000 mètres" ?
02:07 C'est une passion qui vous habite depuis toute petite ?
02:11 - Non, alors pas du tout.
02:13 Petite, j'étais danseuse classique.
02:16 Donc en revanche, je pense que c'est une discipline qui forme le mental.
02:22 Parce que c'est une discipline qui est très très dure,
02:25 et je pense que ça m'a servi tout au long de ces années.
02:29 Non, c'est un long chemin. C'est vraiment un long chemin.
02:32 C'est en 2004, un Mont-Blanc, sur un pari avec un copain,
02:38 et puis après un sommet de 5000 mètres, et puis 6000 mètres,
02:43 et puis petit à petit comme ça.
02:45 J'ai assez vite été attirée en fait par aller un tout petit peu plus loin,
02:52 toujours un petit peu plus haut.
02:54 Et puis à un moment on arrive à la barre des 8000,
02:57 et c'est comme ça que j'ai commencé, et en 2012 j'ai fait mon premier 8000.
03:02 - Et comment, parce qu'on se prépare physiquement certes,
03:04 mais comment est-ce qu'on se prépare mentalement à escalader,
03:07 à faire l'ascension d'un sommet de plus de 8000 mètres d'altitude ?
03:11 - Alors ça je pense qu'en tant que médecin, ça serait presque une question pour Christine.
03:15 - Mais vous personnellement.
03:17 - Et d'ailleurs je suis ravie de parler à Christine Jannin quand même.
03:20 - Ouais, je suis ravie, bravo, je serais ravie de te rencontrer.
03:23 - De même, de même.
03:24 - On se connaît pas mais...
03:25 - Alors Christine Jannin, je vous pose la question,
03:27 comment est-ce que mentalement on fait pour se préparer
03:29 à grimper des sommets de plus de 8000 mètres ?
03:31 - Je pense pas qu'on se prépare, je pense qu'il y a des gens
03:35 qui ont du mental pour faire certaines choses.
03:38 Moi, à 24 ans, j'ai fait mon premier 8000 mètres,
03:40 j'avais pas fait le Mont-Blanc, j'ai commencé tout de suite.
03:43 Voilà, c'est des choses où on aime.
03:45 Alors déjà, je crois qu'il faut vraiment insister sur le problème de l'altitude.
03:50 Tout le monde n'est pas capable d'y aller, psychologiquement et physiologiquement.
03:55 Voilà, donc déjà il faut être capable de monter là-haut,
03:58 et puis après il faut avoir envie, et avoir envie de se dépasser,
04:02 aimer ce genre de défi, aimer les challenges.
04:05 Et je crois que ça, il y a des gens qui sont nés comme ça,
04:08 moi je suis née comme ça, voilà.
04:10 On me propose de monter à 8000, je monte.
04:12 Après on me propose d'aller à l'Everest.
04:14 J'ai jamais rêvé toutes ces expéts, puis voilà.
04:17 Après, je suis quand même bretonne, donc ça explique aussi des choses.
04:20 Et puis moi, la médecine m'a tout permis.
04:23 Parce que chaque fois, j'étais médecin d'une expédition.
04:25 Donc c'est prendre soin des autres, mais c'est aussi bien connaître
04:28 le monde de l'altitude, sa physiologie, comment on monte.
04:31 Et je crois que ce qui est très important, c'est je dis toujours
04:35 qu'il faut être libre d'échouer, c'est-à-dire que c'est pas le sommet à tout prix.
04:38 Et savoir redescendre, savoir trouver le moment où on peut s'engager,
04:42 où il faut savoir redescendre.
04:44 Parce que chaque expédition, et elle en a fait les 14,
04:48 chaque expédition est un véritable challenge.
04:50 C'est vraiment mettre sa vie en jeu.
04:52 Tout est compliqué.
04:54 À 8000 mètres, il fait -40, -50 degrés.
04:58 Vous avez 10% d'oxygène, donc il y a vraiment l'acclimatation.
05:02 Vous pouvez à peine marcher, vous faites 10 pas, vous vous arrêtez, etc.
05:06 Alors moi j'ai pris de l'oxygène juste à la fin, je l'ai fait en 34 heures le sommet,
05:11 mais à 1000, j'ai pris de l'oxygène.
05:14 Voilà, j'étais fière de savoir trouver aussi ma limite.
05:18 Je crois qu'il faut bien se connaître, il faut se respecter,
05:21 il faut respecter l'environnement, et surtout pas vouloir toujours aller trop loin.
05:26 Parce que quand vous êtes au sommet, c'est pas fini.
05:29 Il faut savoir redescendre.
05:31 Et la redescente c'est des fois beaucoup plus compliqué que la montée.
05:34 Et beaucoup plus dangereux.
05:36 Sophie Laveau, c'est vrai que nous on pense toujours à l'ascension,
05:38 mais la descente est même parfois plus dangereuse que l'ascension ?
05:42 Alors en fait effectivement il y a beaucoup d'accidents sur les descentes.
05:48 Essentiellement par le fait qu'on veut tellement aller au sommet
05:53 qu'on va donner tout ce qu'on veut, tout ce qu'on a, toute l'énergie,
05:57 sans forcément penser à la descente.
06:01 Et il y a effectivement beaucoup d'accidents, d'épuisements, pour redescendre.
06:06 Et pour revenir à ce qu'on disait avant, je pense qu'il y a aussi l'expérience
06:10 qui fait qu'on se connaît de mieux en mieux.
06:16 Moi ces 14 sommets, je les ai réussis en 22 expéditions.
06:22 Donc c'est bien la preuve que ça marche pas à tous les coups.
06:25 Mais quand vous commencez, vous vous dites directement
06:27 "je vais arriver à tant de sommets" ou vous dites "on verra,
06:30 je vais aller au bout de ce que je peux donner, de ce que je peux faire" ?
06:32 Non, alors à chaque fois que je pars, moi je dis toujours
06:35 l'important c'est de rentrer à la maison pour raconter l'histoire.
06:38 Et peu importe ce qui va se passer sur la montagne.
06:41 Donc non, je pense que c'est une vraie école de renoncement.
06:45 Alors bien sûr, quand on est au camp de base
06:49 et quand on est dans la dynamique de l'expédition,
06:52 on a envie d'aller en haut, mais voilà, 22 pour...
06:57 C'est que j'ai fait quand même souvent demi-tour.
07:01 Mais je suis ravie d'être là pour vous le raconter par contre.
07:03 Mais de faire demi-tour, ça fait aussi partie de l'expérience.
07:05 Et c'est aussi important, Christine Janin, de faire demi-tour.
07:08 C'est aussi des expériences qui vont nous consolider pour les prochains sommets.
07:12 C'est essentiel. Il faut savoir ce que je disais,
07:15 être libre d'échouer. En même temps, moi quand je grimpais,
07:18 je faisais pas à l'époque méditation et tout.
07:21 Vous êtes dans un état hypnotique, en fait.
07:24 Vous êtes vraiment focus sur la respiration, sur le mental, sur le cœur.
07:28 Donc vous êtes vraiment dans un moment de, j'allais dire,
07:32 de méditation, de pleine conscience.
07:35 Et il faut être vraiment très prudent
07:39 et savoir à quel moment on peut continuer,
07:43 à quel moment on va repartir.
07:45 Moi j'étais avec Pascal Conner à l'Everest.
07:48 À 8000, il était déjà 9h du matin, la météo était stable.
07:52 On a osé continuer, on est arrivé au coucher du soleil, au sommet de l'Everest,
07:56 ce qui est complètement déraisonnable.
07:58 Et en même temps, voilà, il y a des fois où on gagne aussi parce qu'on ose,
08:02 parce que c'est le moment, vous savez, les planètes sont alignées,
08:05 vous avez la forme, la météo est bonne, vous êtes bien.
08:09 C'était un soir de pleine lune, il n'y avait pas de vent, voilà.
08:12 Et je crois que dans la vie, c'est aussi savoir prendre ses opportunités,
08:16 savoir renoncer, mais aussi savoir aller prendre cette chance, cette opportunité,
08:21 ce qui fait qu'on peut gagner ou pas, ou on fait demi-tour.
08:25 - Sophie Laveau, vous vouliez réagir à ce que venait de dire Christine Jadin ?
08:29 - Oui, alors l'état de pleine conscience, je ne sais pas si...
08:33 Moi je pense que dans une situation d'hypoxie,
08:39 donc l'hypoxie c'est effectivement le manque d'oxygène,
08:44 la grande, grande difficulté c'est que la capacité de réflexion est complètement altérée
08:50 et ce qui décuple le danger, c'est quand même pas pour rien
08:55 qu'on appelle toute cette zone au-dessus de 8000 mètres la zone de mort,
08:59 parce qu'on est vraiment en incapacité souvent de prendre des bonnes décisions.
09:05 C'est ce qui rend loin de la situation complètement extrême.
09:08 - Quand on arrive en haut, on ne profite pas tellement finalement du sommet,
09:11 dans l'état dans lequel on est ?
09:13 - On arrive à profiter quand la météo le permet,
09:16 quand il y a une... et c'est quelques...
09:18 si on fait quelques photos, une petite vidéo, un 360 si on y arrive,
09:24 on envoie le point GPS pour prouver qu'on est bien au sommet
09:28 et puis voilà, on n'est effectivement qu'à la moitié du chemin,
09:32 donc il faut redescendre, mais ça c'est partout pareil,
09:34 dans les Alpes on a exactement les mêmes réflexes.
09:37 - Christine Jadin, je vous entends dévidouiller.
09:39 - On ne peut pas profiter... oui, oui, moi j'étais arrivée au sommet à 16h45 avec Pascal Tournaire,
09:44 et j'avais qu'une... quand je suis arrivée, je ne me suis pas dit "j'ai gagné",
09:47 je me suis vraiment dit "il faut redescendre maintenant, concentration maximum,
09:51 tu n'as absolument pas gagné",
09:53 et c'est vrai que j'ai eu un sentiment là-haut de "c'est pas fini",
09:57 et c'est vraiment ce message aussi, je vais en parler un petit peu, moi,
10:00 de ma redescente qui a été physique, psychologique,
10:03 et puis de pouvoir retrouver mon métier différemment,
10:06 puisque maintenant j'accompagne des enfants, des femmes qui ont des cancers,
10:10 pour leur permettre, parce que je réalisais très vite que eux,
10:13 ils avaient fait un véritable éverest, que j'appelle le sommet,
10:17 c'est le guérir, la guérison,
10:19 c'est le... voilà, et savoir les accompagner dans cette redescente
10:23 qui est difficile, qui est compliquée,
10:26 et je suis assez fière d'avoir pu faire de mon éverest plein d'éverest,
10:30 et surtout d'avoir su m'arrêter, voilà, j'en avais fait trois,
10:34 moi j'étais contente, je cherchais pas les 14-8000,
10:37 parce que je savais qu'effectivement ça demanderait un engagement,
10:41 ce qu'a fait Sophie, et bravo, parce que 22 ans,
10:44 enchaîner les expéditions, c'est quand même...
10:47 - 12 ans, 22 expés.
10:49 - 22 expés, 12 ans, ce qui est quand même énorme,
10:52 et vraiment, bravo, parce que ça demande vraiment de tenir,
10:58 de rien lâcher, et puis chaque fois de recommencer, quoi.
11:02 Les gens n'imaginent pas, et je crois que c'est aussi ça mon message,
11:06 c'est qu'on n'imagine pas ce que c'est que d'être à l'éverest,
11:09 de ce que c'est que d'être à 8000 mètres,
11:11 parce qu'on peut le raconter, mais personne ne peut imaginer,
11:14 et c'est vraiment mon message, c'est qu'on ne peut pas raconter,
11:18 les gens qui n'ont pas eu de cancer ne peuvent pas comprendre ce que c'est
11:21 que d'être... voilà, pour moi, ils sont à 8000 largement,
11:24 quand ils sont sous chimio, etc.,
11:26 et c'est vraiment deux mondes que je compare,
11:30 parce que voilà, c'est un peu mon outil maintenant,
11:33 pour permettre cette résilience, mais c'est compliqué,
11:39 c'est compliqué de raconter, personne ne peut le...
11:42 personne ne peut comprendre ce que c'est que d'être là-haut.
11:44 - Sophie Laveau, 14 sommets, il y en aura d'autres, dans le futur ?
11:47 Quelles sont vos prochaines expéditions ?
11:49 Ce qui en est prévu des prochaines expéditions ?
11:51 - Alors, je pense que... bon là, ça fait à peine 15 jours
11:55 que je suis rentrée du Pakistan, avec l'ascension du dernier,
11:59 qui est le Nanga Parbat, qui est quand même de loin
12:03 de ceux que je vais mettre dans la top liste des difficiles,
12:06 et de très très engagée, donc je pense qu'il faut quand même
12:10 que je prenne le temps de décanter un petit peu tout ça,
12:13 de savourer, surtout !
12:15 Mais d'un autre côté, le monde de l'expédition,
12:19 je pense qu'elle fait complètement partie de ma vie maintenant,
12:22 mais le monde est vaste, donc je pense que j'ai envie
12:28 d'aller explorer peut-être d'autres choses que l'Himalaya,
12:32 ou une partie de l'Himalaya, parce que je pense qu'il y a encore
12:36 80% de l'Himalaya qui est inexplorée, faire des choses différentes,
12:42 ça c'est sûr.
12:43 - Et on suivra ces expéditions. Merci Sophie Laveau,
12:46 et merci Christine Jalin d'avoir été mes invitées !
12:50 - Merci.
12:51 - Merci, et de rendre hommage aux femmes aussi,
12:55 qui font ce genre d'exploits, parce qu'il y en a,
12:58 et bravo Sophie !
12:59 - Et vous en êtes la preuve !
13:01 - Bon retour, parce que la redescente, c'est pas toujours pas si facile en fait.
13:06 - Merci à toutes les deux !

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