Niger : «d'importantes décisions» attendues lors d’un nouveau sommet de la Cédéao

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Dans Europe midi, Arthur de Laborde et ses invités débattent de la situation au Niger.
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00:00 Europe 1 Midi, Arthur Delabord.
00:04 Deux semaines après le coup d'Etat au Niger, on va parler de la situation dans le pays alors que s'ouvre aujourd'hui un sommet crucial au Nigeria.
00:15 Nous sommes avec Thierry Vircoulon. Bonjour.
00:19 Bonjour.
00:20 Chercheur associé à l'Institut français des relations internationales, l'IFRI.
00:25 Le bloc ouest africain est donc réuni, énième tentative pour sortir de la crise.
00:32 Comment vous voyez les choses Thierry Vircoulon ? Est-ce que ce sommet peut aboutir déjà sur quelque chose de concret ?
00:39 Non, ce sommet ne va pas aboutir à quelque chose de concret.
00:44 Il fait suite à la fin de l'ultimatum de la CDAO dimanche.
00:49 Très probablement, le sommet d'aujourd'hui va simplement dire que le recours à la force est toujours sur la table,
01:01 mais qu'il faut d'abord privilégier une solution négociée.
01:06 Ils vont montrer finalement, ce qu'il faudra lire entre les lignes, c'est qu'il ne peut pas y avoir de recours à la force et il n'y en aura pas.
01:14 Et donc la CDAO aura largement perdu son bras de fer avec la junte nigérienne.
01:21 Donc pas d'intervention militaire, ça vous paraît totalement inenvisageable à ce stade ?
01:27 À ce stade oui, parce qu'on a vu depuis quelques jours des voix dissidentes s'exprimer.
01:33 Et en fait on a vu les fissures dans la détermination initiale de la CDAO lorsqu'elle a posé son ultimatum.
01:41 On a vu qu'il y avait des pays qui étaient en effet très pour, mais qu'il y en avait d'autres qui étaient beaucoup plus tièdes.
01:48 Et la CDAO c'est un ensemble de 15 pays, même s'il y en a fait des juntes qui sont suspendues,
01:53 donc ils sont moins de 15 autour de la table, mais en tout cas il faut un consensus politique,
01:58 pour qu'il y ait une intervention militaire et un consensus politique fort.
02:03 Et ça, il y a peu de chance que la CDAO y pervienne.
02:06 Le régime militaire au Niger avance, quelque part il a formé un gouvernement par décret dans la nuit.
02:15 Qu'est-ce qu'on sait finalement sur ces militaires qui ont pris le pouvoir au Niger ?
02:20 On sait premièrement pourquoi ils ont pris le pouvoir au Niger,
02:25 puisque le président Basoum avait l'intention de changer un certain nombre de ses sécurocrates.
02:33 Et c'est eux qui ont pris le pouvoir, notamment le chef de la garde présidentielle,
02:38 pour justement ne pas perdre leur position et notamment leur honte,
02:43 qui est très importante puisque depuis que la guerre contre le djihadisme s'est développée au Sahel,
02:50 cela s'est traduit par d'importants financements pour les forces de sécurité, évidemment,
02:56 dont une bonne partie est détournée.
02:58 Il y avait eu un scandale de corruption assez majeur au ministère de la Défense nigérien,
03:03 il y a quelques années, qui n'avait pas été sanctionné.
03:06 Et donc pour ces sécurocrates, perdre leur position, c'était aussi perdre une partie de leur argent.
03:12 Et donc c'est la principale motivation qui est derrière ce putsch.
03:16 Thierry Vircoulon, on entend des pays émettre des inquiétudes sur les conditions de détention du président Basoum.
03:27 On a relativement peu de nouvelles de lui pour le moment.
03:31 Oui, on sait qu'il est détenu à Niamey et qu'il a été placé en résidence surveillée.
03:38 Il est évident qu'il est actuellement l'otage parfait pour de futures négociations entre la Jinte et la CDAO.
03:47 Il est fort probable que quand la Jinte nigérienne aura fini d'humilier la CDAO,
03:54 elle entrebâillera la porte, puisque ça fait deux fois qu'elle a refusé de recevoir une délégation de la CDAO.
04:00 Elle entrebâillera la porte pour commencer à négocier la libération et le départ du président Basoum,
04:07 qui vraiment dans ce contexte va être l'otage parfait à négocier.
04:11 La Jinte militaire au Niger qui s'en est pris à la France hier,
04:15 et qui accuse Paris d'avoir libéré des djihadistes et violé l'espace aérien du pays.
04:22 Des accusations fermement démenties dans la foulée par le Quai d'Orsay.
04:28 Thierry Vircoulon, comment interpréter ces accusations nigériennes ?
04:33 Est-ce qu'on peut y voir par exemple le rôle de la Russie derrière ces allégations ?
04:39 Ces accusations sont très classiques parce que les coulchistes nigériens
04:44 suivent les mêmes scénarios qu'on a vus à Bamako et à Ouagadougou, chez leurs voisins.
04:50 Ils utilisent la France comme le bouc émissaire parfait pour mobiliser la jeunesse urbaine
04:58 et se créer une façade de popularité et donner à cette jeunesse qui a besoin d'être,
05:04 qui a un désir de changement, une cible en quelque sorte.
05:10 Du coup, on voit en effet que ce sont les mêmes schémas de désinformation
05:15 qu'il y a eu à Ouagadougou, au nom du coulchiste et à Bamako.
05:20 Et comme on sait que derrière ces schémas de désinformation
05:23 qui fonctionnent essentiellement sur les réseaux sociaux,
05:25 il y a en effet beaucoup de faux comptes et qu'un certain nombre de ces faux comptes ont des origines russes,
05:31 on peut en effet considérer que la Russie non officielle
05:36 est en train d'appuyer les coulchistes au Niger comme elle a appuyé ceux à Ouagadougou et à Bamako.
05:43 Et puisque vous évoquez Bamako, on a appris il y a quelques minutes
05:48 que la France et le Mali suspendaient leur visa, la délivrance de visa,
05:55 décision qui fait suite après le placement en zone rouge du Mali par la France.
06:03 On voit que les relations se dégradent encore un peu plus avec le Mali.
06:08 Oui, avec le Mali, mais ça va être aussi la même chose avec le Burkina Faso et le Niger dans les semaines qui viennent.
06:18 On est vraiment sur un schéma là où l'ensemble du Sahel va maintenant être anti-français.
06:23 En tout cas, les trois pays forment une grande partie du Sahel et prennent une posture anti-française.
06:31 Ils se sont évidemment rapprochés de Moscou et donc ça va être la fin de la présence militaire française au Sahel également.
06:40 L'ensemble du Sahel anti-français, vous nous dites, est-ce que ça peut comporter des risques en termes de terrorisme notamment ?
06:50 On verra, c'est trop tôt pour le dire, mais en tout cas, il est clair que la fin de l'opération militaire française au Sahel va créer un vide sécuritaire
07:04 et pose une question stratégique majeure de savoir comment va s'organiser maintenant la lutte contre les mouvements djihadistes qui sont au Sahel
07:13 et comment l'équilibre des forces va évoluer avec le départ de l'armée française et quels nouveaux partenaires,
07:24 alors la Russie on en a parlé, mais il peut y en avoir d'autres, mais quels nouveaux partenaires ces jantes militaires vont se tourner ?
07:31 Thierry Vircoulon, restez bien avec nous. Nous sommes en ligne avec Yves qui nous appelle de Toulouse. Bonjour Yves et bienvenue sur Europe 1.
07:40 Oui, bonjour Arthur et bonjour monsieur votre interlocuteur qui, moi j'irai dans son sens, mais enfin il faut préciser aussi qu'au niveau économique,
07:50 enfin le Niger quand même, parce qu'on nous a montré évidemment des français rapatriés dans 3 ou 4 avions vers la France,
07:58 mais il reste quand même pas mal de sociétés comme Areva ou même Total implantées au Niger.
08:03 Moi je pense que cette jante militaire qui a carrément, enfin c'est un putsch, je pense qu'il ne pourra pas se retirer comme ça,
08:11 parce qu'au niveau économique quand même le Niger, il faut savoir que déjà avec le Mali, il y a des tensions,
08:19 le Tchad également, la Mauritanie également on n'en parle pas, le Togo aussi qui est un petit pays,
08:24 mais moi la question que je me pose aussi actuellement c'est que par rapport au réseau Wagner,
08:29 parce que le réseau Wagner j'ai lu sur un site russe, qui était déjà, enfin ils sont quand même un peu partout,
08:35 ils sont déployés au delà de l'Ukraine, ils sont quand même sur l'Afrique,
08:38 et dans tout, je ne sais pas ce qu'en pense votre interlocuteur concernant la milice de Wagner.
08:47 Alors justement on pose la question à Thierry Vircoulon sur ce rôle des miliciens russes de Wagner au Niger,
08:55 on sait qu'ils jouent un rôle important désormais au Mali, est-ce qu'on s'oriente vers un scénario similaire au Niger ?
09:03 On va voir, en tout cas il est clair qu'ils ont rencontré, quand ils ont été à Bamako,
09:09 ils ont rencontré des représentants de Wagner, l'agente malienne joue le rôle au Sahel d'entremetteur pour le groupe Wagner,
09:20 ils avaient déjà établi les contacts avec Ouagadougou, donc je veux dire on est sur un scénario qui se répète.
09:26 Alors évidemment le groupe Wagner essaie toujours de faire croire qu'il est plus gros qu'il n'est,
09:32 et donc dit qu'il est partout en Afrique, alors ce n'est pas le cas, mais en tout cas là sur le Sahel,
09:38 clairement il est en train, lui et d'ailleurs l'influence russe, il faut le dire, sont en train de marquer des points au détriment de la France,
09:48 ça c'est clair, et ce qui est aussi très intéressant c'est de voir que leur arme principale c'est la propagande sur les réseaux sociaux,
09:56 et donc ce n'est ni la force militaire ni une action économique, c'est les réseaux sociaux qui sont devenus maintenant la principale arme du groupe Wagner,
10:10 et on peut dire de Moscou, dans la région.
10:13 Thierry Birkoulon, Yves nous parlait tout à l'heure de l'importance économique du Niger, en particulier pour la France,
10:21 qu'est-ce qu'on peut dire sur ce point ? La France va devoir renoncer à ses intérêts au Niger ?
10:27 On va voir de toute façon si la relation se détériore, il est clair que les entreprises françaises ne seront pas les bienvenues au Niger,
10:36 et après la jeune te verra comment elle arbitre entre ses différents intérêts économiques.
10:41 En ce qui concerne l'uranium qui est le principal sujet dont on parle dans les relations franco-nigériennes,
10:50 il faut savoir qu'Orano a trois permis là-bas et qu'elle n'en exploite qu'un seul, que les deux autres sont des permis dormants,
10:58 et donc l'approvisionnement en uranium du Niger représente 10% de l'approvisionnement français,
11:09 ce n'est quand même pas fondamental et ça peut se remplacer.
11:14 La position de la France, Thierry Birkoulon, qui semble avoir évolué, c'était relativement intransigeant il y a deux semaines,
11:24 juste après le coup d'État, aujourd'hui on sent que Paris privilégie la voie diplomatique, est-ce qu'on peut résumer ça comme je viens de le faire ?
11:34 Paris s'aligne sur la position de la CDAO et donc plus la position de la CDAO s'amolie, plus la position de Paris s'amolira également.
11:43 Et en fait l'impuissance de la CDAO, ça va aussi être l'impuissance de Paris.
11:50 Et peut-être pour revenir sur les accusations formulées hier par les nouvelles autorités militaires nigériennes à l'encontre de Paris,
12:01 sur d'éventuelles manœuvres militaires, des libérations de terroristes comme elles ont été qualifiées,
12:09 ça vous paraît crédible ou il faut vraiment, comme le fait la France, démentir ces informations le plus rapidement possible ?
12:19 Non, on est rentré dans le paradis des campagnes de désinformation, comme je le disais,
12:25 et des campagnes de désinformation qui sont très formatées, on a entendu les mêmes accusations au Mali et au Burkina Faso,
12:33 donc c'est vraiment une répétition et il est évidemment important d'apporter la vérité sur ces faits et de les démentir,
12:43 mais il faut bien comprendre quel est leur objectif. Leur objectif c'est de désigner à la population nigérienne un bouc émissaire,
12:51 et c'est la France qui joue ce rôle au Niger et dans toute la région actuellement,
12:57 et c'est bien malheureux et il est important évidemment de répondre à ces accusations,
13:04 mais chaque jour il va y avoir de nouvelles accusations contre la France, professées par la Junte, ça va se succéder chaque jour.
13:12 Ce sentiment anti-français Thierry Birkoulon qui, vous venez de le dire, se répand dans la région, un peu partout au Sahel,
13:20 et plus largement en Afrique, comment il s'alimente ?
13:25 Peut-être on a l'impression d'une forme d'impuissance des autorités françaises pour lutter contre ce sentiment anti-français,
13:33 on a l'impression qu'il n'y a pas grand chose qui peut être fait aujourd'hui par Paris pour inverser ce processus ?
13:42 Oui, il n'y a pas grand chose qui peut être fait aujourd'hui parce qu'en fait il fallait agir il y a 10 ou 20 ans,
13:48 parce que les racines de ce sentiment remontent à cette époque,
13:52 et elles sont dues au fait que les élites politiques africaines ont mis en avant très souvent l'idée d'un complot de la France contre l'Afrique,
14:03 alors évidemment il y a des faits historiques au 20ème siècle qui ont alimenté cette idée,
14:09 mais cette idée maintenant est devenue assez largement fantasmée,
14:13 et elle est utilisée par des élites politiques africaines qui sont en manque de popularité,
14:18 et donc les poutchistes par définition ont manque de popularité et ont besoin de bouc émissaire,
14:25 et donc ils exacerbent cette idée,
14:28 et cette idée est déjà enracinée depuis très longtemps dans l'opinion publique africaine,
14:36 parce qu'elle lui a été répétée par ces élites politiques,
14:38 et donc maintenant il est en effet assez trop tard je dirais pour essayer de l'extirper,
14:45 et c'est pour ça comme vous le disiez qu'on a l'impression d'une grande impuissance de Paris face à ce discours qui se développe.
14:53 L'Elysée et le ministère de la Défense qui ont tout de même tenté de réagir,
14:59 notamment avec la fin de l'opération Barkhane,
15:01 ou le changement de stratégie dans plusieurs états africains d'un point de vue militaire,
15:09 avec plus de formation et une présence française moins visible,
15:17 là encore est-ce que ça peut être efficace à vos yeux Thierry Vircoulant ?
15:23 On voit son inefficacité depuis une semaine,
15:28 puisque le Niger était censé être la vitrine de cette nouvelle politique,
15:32 où l'armée française, quand après en post Barkhane si je puis dire,
15:36 était là maintenant en appui aux opérations de l'armée nigérienne,
15:40 et devait répondre aux demandes et sollicitations de l'armée nigérienne.
15:44 Et donc ça s'était présenté comme la vitrine,
15:46 or la vitrine vient d'éclater puisque les poutchistes ont pris le pouvoir,
15:51 et surtout leur première action après avoir pris le pouvoir,
15:55 c'est d'accuser la France tous les jours.
15:57 Donc cette nouvelle politique, on voit son résultat depuis une semaine.
16:03 Merci infiniment Thierry Vircoulant, chercheur associé à l'Institut français de relations internationales.
16:10 On va se retrouver dans un petit instant pour parler d'une mauvaise surprise,
16:14 le retour du Covid cet été, qui gâche d'ailleurs la vie de certains d'entre vous.
16:20 Vous nous appelez au 01 80 20 39 21.
16:23 A tout de suite sur Europe 1.

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