Retrouvez Thierry Steiner dans les débats de l'été tous les jours de la semaine de 12h00 à 13h30. Dans le débat du jour il reçoit Irène Tolleret, députée européenne Renaissance.
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00:00 Les pluies récentes sur le nord de la France n'y changent rien ou pas grand chose. Nos ressources en eau sont toujours menacées.
00:06 68% des nappes phréatiques présentent des niveaux sous la normale,
00:11 selon les données officielles du Bureau de recherche géologique et minière.
00:15 Pour en discuter ce midi j'accueille Irène Tolleret, bonjour.
00:19 - Bonjour.
00:20 - Députée européenne du groupe Renew, Renew ?
00:23 - Exactement.
00:23 - C'est le groupe macroniste ?
00:25 - Oui.
00:25 - Et vous êtes aussi vigneronne au Pic Saint-Loup dans les Rho. Vous êtes la seule vigneronne au Parlement européen ?
00:33 - Deux nationalités françaises mais il y en a d'autres nationalités, oui.
00:37 - D'accord.
00:37 - Il y a un belge.
00:38 - Alors l'agriculture française, c'est la question qu'on va se poser ce midi,
00:42 l'agriculture française va-t-elle arriver à s'adapter assez rapidement au dérèglement climatique ?
00:49 - Je crois que pour qu'elle arrive à s'adapter il faut aussi que les consommateurs l'accompagnent en achetant au bon prix des bons produits français.
00:57 Donc c'est l'œuf et la poule. Si on ne paye pas le bon prix c'est compliqué et face au changement climatique les agriculteurs ont à faire leur transition.
01:06 Mais cette transition quand on va du point A au point B, il faut être accompagné par les ventes.
01:11 - Mais est-ce qu'il n'est pas déjà trop tard ? Est-ce qu'on n'aurait pas dû engager l'évolution de l'agriculture et de nos modes de consommation ?
01:20 Du coup les deux sont liés, il y a longtemps, il y a une vingtaine d'années, est-ce qu'on a eu suffisamment de courage ?
01:27 - Alors je pense que pour la partie agricole il y a beaucoup de choses qui ont évolué ces 20 dernières années,
01:32 il y a beaucoup de travail sur la recherche qui a été fait, les changements dans les systèmes d'irrigation.
01:37 Après au niveau de la prise de conscience du grand public qu'on a cette année, effectivement on ne l'avait pas avant,
01:42 parce qu'on était dans les années d'abondance, qu'on ne s'était jamais posé la question.
01:46 Voilà, maintenant ce travail collectif il n'est pas encore fait.
01:52 - Et le rôle du politique qui est d'impulser ces changements, ces évolutions,
01:59 est-ce qu'on n'a pas eu une vision quand même relativement court-termiste ?
02:04 Est-ce qu'on ne s'est pas dit d'année en année que ça irait mieux l'année d'après ?
02:07 - Je pense qu'on n'avait pas la prise de conscience du fait qu'on allait pouvoir manquer d'eau,
02:13 comme on manque d'eau, et que les usages divers et variés de l'eau il fallait qu'on les re-questionne.
02:19 Moi j'étais maire d'un petit village, quand le maire d'un petit village fait respecter l'arrêté préfectoral de ne pas vider les piscines,
02:26 il ne se fait pas accueillir avec des bouquets de fleurs, il se fait accueillir avec des tombeaux d'insultes.
02:31 Et ça, je ne vous parle pas de 2022, j'étais élue en 2014.
02:35 Donc je crois que toute cette prise de conscience, je pense que c'est aussi à l'école.
02:40 Ou peut-être à l'école il faut qu'on commence très tôt à parler du fait que notre nature,
02:45 on doit peut-être retrouver des gestes d'antan sur l'économie d'eau.
02:50 - Alors vous nous appelez bien sûr pour réagir au 0826 300 300,
02:55 et nous sommes avec Camille de Saint-Rémy-de-Provence. Bonjour Camille.
03:00 - Bonjour.
03:02 - Vous êtes vous-même agricultrice en bio, c'est ça ?
03:06 - Oui, c'est ça, notamment je suis agricultrice maraîchère et arboricultrice sur la commune de Saint-Rémy-de-Provence.
03:11 On fait beaucoup de bio, on fait également encore un peu de conventionnel, mais voilà.
03:16 - Et pour vous le dérèglement climatique a eu quelles conséquences, et encore quelles conséquences,
03:22 et quelles conséquences vous en tirez d'ailleurs ?
03:25 - C'est-à-dire que le dérèglement climatique il est de plus en plus visible pour tout le monde,
03:30 et notamment pour nous qui vivons avec la nature.
03:34 Ça fait quand même pas mal d'années qu'on travaille sur les raisonnements d'économie d'eau,
03:41 notamment, et puis pour tout le reste, pour l'amélioration de manière générale,
03:44 l'amélioration continue de nos pratiques environnementales et agricoles.
03:48 C'est sûr que là ça s'accélère ces derniers temps, et je dirais que pour nous aider à continuer
03:54 à aller dans ce sens-là, parce qu'il est bien évidemment hors de question de revenir en arrière
03:58 sur des pratiques qui étaient moins respectueuses, mais qui sont, voilà, qu'on a dépassées depuis longtemps,
04:04 pour nous inciter à aller encore de l'avant. Le problème c'est qu'il nous faut des moyens.
04:08 Et comme le disait Madame Tolleray, effectivement pour avoir des moyens,
04:12 c'est le commerce qui nous fait progresser aussi, parce que sans argent on ne va pas très loin.
04:20 Et donc effectivement, il faut non seulement un engagement fort du gouvernement
04:25 pour nous accompagner dans cette progression, et puis par ailleurs,
04:30 une prise de conscience qui avait été initiée au moment du Covid, mais qui a rapidement été oubliée,
04:37 de l'importance de la production française et de la souveraineté alimentaire.
04:43 Parce que tout ça c'est lié, tout est très lié. On peut parler d'invectures biologiques,
04:49 qui je le rappelle n'est pas du tout opposable au conventionnel,
04:52 puisqu'en France on a quand même des pratiques qui sont extrêmement poussées
04:56 dans le respect de l'environnement, notamment par tout un tas de démarches,
05:00 de certifications qu'on peut acquérir. Donc voilà, l'important c'est vraiment
05:06 qu'il y ait une vraie prise de conscience et des consommateurs, et surtout un accompagnement,
05:10 un réel accompagnement du gouvernement sur ces problématiques-là.
05:14 Parce qu'aujourd'hui, en plus de toutes les contraintes climatiques
05:19 que nous vivons en ce moment de plus en plus, on a aussi une crise quand même importante
05:25 sur notamment toute la partie commerce, parce que c'est très difficile cette année.
05:30 On voit bien que le pouvoir d'achat est en baisse, et on s'efface à des pratiques commerciales
05:36 qui sont pour nous, ont pensé derrière nous. Et là on voit que ça revient notamment
05:41 sur des marges importantes de la part des distributeurs, alors que nous,
05:46 on sait combien on vend nos produits. Quand on les vend en magasin, ça fait un peu hurler.
05:50 - Oui, oui. Vous parliez d'un engagement fort du gouvernement qui serait nécessaire.
05:57 J'élargirais en parlant d'un engagement fort de l'Europe, puisque Mme Toléré est députée européenne,
06:03 je le rappelle. Quel type d'engagement vous attendez des pouvoirs publics financiers ?
06:09 - Ce n'est pas tellement financier, parce que bien sûr qu'on a des engagements financiers
06:15 qui nous aideraient, mais c'est plus au niveau de l'encadrement des pratiques commerciales,
06:21 notamment sur la régulation des marges, où là on a un réel problème.
06:26 Ce que voit le consommateur, ce n'est pas ce qui se passe réellement dans nos relations commerciales.
06:31 Quand on parle d'inflation du fruit et légumes dans des grandes enseignes,
06:36 nous on n'a aucune inflation au niveau de nos prix de vente.
06:40 On est plutôt sur des moyennes de prix qui sont bien plus inférieures à ce qu'on a pu connaître les années précédentes,
06:45 alors qu'on est en coûts exponentiels, on est sur des niveaux de coûts de production
06:50 qui n'ont rien à voir avec les années précédentes, parce qu'effectivement on a pris énormément de...
06:55 enfin on a un pourcentage d'évolution des coûts qui est vraiment trop important par rapport à ce qu'on vend.
07:01 Et ça, ça ne se voit pas, parce qu'il n'y a vraiment aucune régulation de marge au niveau des grands distributeurs.
07:09 Et donc voilà, c'est surtout sur ce volet-là qu'on demande un accompagnement,
07:15 parce que nous on ne peut pas faire grand-chose,
07:18 quand en plus les consommateurs, chaque fois qu'ils allument la télé, on leur parle de l'inflation en magasin,
07:22 qu'il n'y a plus de pouvoir d'achat, etc.
07:25 Donc c'est ce qu'ils voient, et nous ce n'est pas ce qu'on vit.
07:28 Nous on n'est pas en inflation de prix de vente.
07:30 Merci beaucoup Camille, vous nous appelez des "bouches du Rhône".
07:34 Madame la députée, qu'est-ce que ça vous inspire, le témoignage de Camille,
07:39 qui a eu une exploitation agricole dans le maraîchage, avec la production de légumes.
07:44 Alors je suis complètement d'accord avec ce qu'elle a dit,
07:46 je suis d'autant plus d'accord que j'ai fait une question écrite à la Commission européenne,
07:50 justement sur ce point des pratiques des distributeurs en France,
07:54 mais au niveau européen, qui ne jouent pas le jeu.
07:57 Et nous à un moment donné, comme elle l'a très bien dit,
08:00 nos paysages, notre culture sont liés à une production française et européenne.
08:06 Donc on a des agriculteurs qui jouent le jeu, justement, d'améliorer leurs pratiques,
08:10 il faut que derrière, les consommateurs puissent trouver ces bons produits au juste prix.
08:15 Je voudrais rajouter qu'il y a un acteur qui n'a pas été mentionné,
08:18 ce sont les collectivités locales.
08:20 Parce que les collectivités locales, elles peuvent faire de grandes choses,
08:23 que ce soit au niveau des régions ou des départements,
08:26 pour avoir des filières de circuits courts organisés, les favoriser,
08:30 de manière à ce que les agriculteurs s'en sortent par le haut.
08:35 C'est-à-dire, le travail d'un agriculteur qui améliore ses pratiques,
08:38 il doit être payé, et le consommateur doit pouvoir manger ces bons produits-là au bon prix.
08:43 - Alors je reviens quand même à ces questions d'eau,
08:46 de nappes phréatiques qui ne sont pas secs partout,
08:49 mais en tout cas qui sont en déficit.
08:51 43% de l'eau serait consommée par l'agriculture.
08:57 Il y a quand même une énorme responsabilité de nos agriculteurs
09:02 pour faire évoluer les pratiques, notamment les questions d'irrigation, etc.
09:07 - Alors oui et non.
09:09 C'est-à-dire, le chiffre de 43% de la consommation d'eau,
09:12 si on regarde les prélèvements de l'agriculture, c'est 8%.
09:15 On a isolé là-dedans l'eau,
09:20 et on considère que l'eau qui part dans les stations
09:25 est remise dans la nature et dans le circuit hydrologique.
09:29 Donc en fait, on pointe du doigt les agriculteurs
09:31 sans regarder d'autres vastes consommations d'eau
09:35 qui pourtant sont arrêtées quand on est en manque d'eau.
09:40 Typiquement, arroser les pelouses, vider les piscines,
09:43 toutes ces consommations d'eau là.
09:45 Donc il faut qu'on ait un grand plan sur l'eau
09:48 en se disant que la consommation vitale humaine est prioritaire, bien sûr,
09:52 mais que la consommation pour l'agriculture est aussi prioritaire,
09:55 pour deux raisons.
09:56 Parce que d'abord, on doit manger.
09:57 Sans agriculture, sans eau, il n'y a pas d'agriculture.
10:00 Accessoirement, la photosynthèse a besoin d'eau pour se faire.
10:03 Donc ça permet aussi de faire de la photosynthèse.
10:07 C'est ce qui permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
10:10 Et c'est très positif.
10:12 Donc je crois qu'il faut qu'on tous ensemble,
10:14 on se dit qu'on a un gros challenge
10:16 et on doit changer nos usages de l'eau,
10:18 mais en priorisant le fait d'utiliser moins d'eau,
10:22 tous, de réutiliser l'eau quand on le peut.
10:25 J'avais une discussion avec le préfet de l'Aude
10:27 au moment où il y a eu des grosses tensions sur l'eau.
10:30 J'ai appris que les ambulances,
10:32 elles étaient lavées tous les jours avec de l'eau potable.
10:35 Est-ce que cette eau potable,
10:36 si vraiment c'est obligatoire qu'on lave les ambulances,
10:39 est-ce que cette eau potable, on peut la stocker, la retraiter
10:41 et la remettre pour de l'irrigation,
10:44 mais pas la rejeter dans des stations qui vont aller à la mer ?
10:48 - Oui, mais tout de même, là vous regardez ailleurs.
10:51 Moi je veux bien que si je me brosse les dents un peu moins longtemps,
10:54 ça sera bon pour la planète et pour nos nappes phréatiques.
10:57 Mais pour l'agriculture, l'irrigation,
11:00 les écologistes continuent par exemple
11:02 de dénoncer le système des bassines.
11:05 Le ministre de l'Agriculture, lui, parle de solutions vertueuses.
11:08 Et il nous dit que le risque, ce serait de produire moins
11:11 et donc d'importer davantage.
11:14 - Je suis complètement alignée avec ce que dit le ministre de l'Agriculture
11:20 et au niveau européen aussi.
11:22 Donc je ne pense pas qu'on doit pomper de l'eau dans des nappes phréatiques.
11:27 Je pense en revanche qu'une des caractéristiques du changement climatique,
11:32 c'est que les pluies tombent différemment, pas au bon moment.
11:35 Et donc, stocker cette eau de pluie l'hiver,
11:39 quand elle est en abondance, pour pouvoir la réutiliser l'été en agriculture,
11:43 me paraît quelque chose d'extrêmement vertueux.
11:45 Parce que sinon, on produira moins.
11:47 Et si on produit moins, on n'importera plus.
11:51 Parce qu'on va quand même continuer à manger.
11:52 - Oui, mais si on produit moins de maïs par exemple,
11:54 qui est une culture particulièrement gourmande en eau,
11:58 et qu'on exporte là pour le coup ?
12:01 - Alors, je suis complètement d'accord sur le fait
12:03 qu'il y a une transition à faire.
12:05 Et d'ailleurs, je crois que les chambres d'agriculture régionales
12:08 ont toutes travaillé sur des plans depuis 2009
12:13 pour arriver à identifier le potentiel nourricier des sols
12:16 et essayer de mettre la meilleure culture au meilleur endroit.
12:19 Et bien entendu, avec les risques liés au climat,
12:23 il me semble un grand bon sens paysan d'aller vers plus de polyculture,
12:28 et donc qui permettra d'avoir des rotations de culture,
12:32 qui permettront de mieux nourrir en utilisant moins d'eau.
12:35 - Alors, l'agro-climatologue Serge Zaka,
12:39 qu'on reçoit régulièrement sur cette antenne,
12:41 dit que 70% des efforts à faire pour s'adapter au dérèglement climatique
12:47 n'ont pas encore été faits.
12:48 Ça veut dire qu'on n'a pas fait grand chose ?
12:51 - Je pense qu'il a raison, dans le sens où déjà,
12:54 on a un texte qui est sur la table au niveau européen,
12:57 et qu'on traîne, qui est sur des nouvelles techniques de recherche
13:02 pour améliorer les plantes.
13:04 Parce que typiquement, sur le maïs, sur d'autres cultures,
13:09 on peut trouver des plantes qui ont moins besoin d'eau,
13:12 donc c'est essentiel, ou qui ont un rythme de développement de la plante
13:16 qui fait qu'elles arrivent à maturité en dehors de période de sécheresse.
13:24 L'ensemble de ces outils doivent être tous mis sur la table.
13:28 On n'a pas une bonne solution, on a plein de petites solutions,
13:33 il faut que toutes on les fasse évoluer.
13:35 - Irène Toleret, députée européenne du groupe Renaissance et Vigneron,
13:40 par ailleurs, vous restez avec nous, on revient juste après la pause,
13:42 et vous réagissez, vous intervenez, évidemment,
13:45 au 0826 300 300 sur Sud Radio. A tout de suite.
13:48 Comment l'agriculture française doit, peut s'adapter, évoluer,
13:53 s'adapter à cette sécheresse qui impacte nos nappes phréatiques ?
14:00 C'est le sujet dont on discute ce midi avec Irène Toleret,
14:04 députée européenne du groupe Renew et Vigneron, dans les Ros, au Pic Saint-Loup.
14:09 Nous sommes avec Philippe, qui nous appelle d'Angers. Bonjour Philippe.
14:13 - Bonjour.
14:15 - Vous avez appelé au 0826 300 300 et vous vouliez témoigner, réagir,
14:19 à cette thématique que nous abordons ce midi.
14:23 - Oui, alors, par rapport aux intervenants précédents,
14:26 je voudrais préciser qu'on va bientôt arriver à 25% d'importation de notre alimentation.
14:32 Et ça n'a rien à voir avec la sécheresse et l'irrigation.
14:35 L'irrigation, moi, je la pratique encore.
14:39 Ça permet de faire des gains de productivité, mais qui ne tombent pas dans la poche des paysans.
14:43 Ce qui fait qu'on est dépendant, c'est la libre circulation des biens, des hommes, des marchandises et des capitaux.
14:49 C'est le fait que des plateformes de l'agroalimentaire et de la grande distribution
14:54 mettent en compétition les paysans à travers le monde.
14:57 Ça, c'est le premier point.
14:59 Concernant l'irrigation, la sécheresse, il faut revoir le modèle en fonction des territoires.
15:05 Alors, dans les départements, il faut du stockage, évidemment.
15:09 Pour préparer les plantes vines, il faut de l'eau. Un horticulteur lui faudra de l'eau.
15:13 Un maraîcher lui faudra de l'eau. Ça, c'est bien évident.
15:16 Les cultures spécialisées. Mais après, attention, sur la grande culture,
15:21 ce n'est pas rentable dans certains départements d'aller faire du stockage pour irriguer, pour nourrir des bovins.
15:29 Et on n'a pas de marge avec les bovins parce qu'on va sur des marchés,
15:33 à l'exportation ou en compétition avec des Indiens ou des Allemands ou etc.
15:38 Et là, ce n'est pas la peine de subventionner de l'irrigation pour aller sur ces schémas-là.
15:43 Le contribuable, il paie déjà très cher.
15:46 Le budget des ménages, on estime qu'il est arrivé.
15:48 Et le TA13, on estime qu'il est à 16.
15:50 En fait, c'est faux. Il est proche de 20.
15:53 Parce que si on rajoute toutes les subventions à l'agriculture, on est totalement perfusé.
15:58 Donc, faire du stockage, irriguer, oui.
16:02 Mais pas n'importe où et pas n'importe comment.
16:05 Et à condition qu'il y ait une valorisation derrière.
16:08 Parce que faire du stockage pour que l'agriculteur, il ne gagne pas sa vie, ça, ça ne sert à rien.
16:14 Ça va développer un tas de secteurs comme on les a développés déjà depuis 30-40 ans.
16:19 Ça provoque du... ça fait du business pour les entreprises.
16:22 Mais l'agriculteur, lui, il n'en tire aucun profit.
16:25 Et ça part souvent à l'exportation.
16:27 Donc, ça n'a rien à voir avec l'autonomie agricole.
16:31 On peut avoir de l'autonomie sans faire des grandes bassines partout.
16:35 Il faut le raisonner en fonction des régions.
16:38 - Vous parliez des bovins, si je comprends bien votre raisonnement.
16:42 Il faudrait lever le pied sur l'élevage et donc, nous consommateurs, manger moins de viande, c'est ça ?
16:48 - Non, pas lever le pied sur l'élevage, mais suivant les régions.
16:52 Les régions où il y a de faibles pubiométries.
16:55 La culture du maïs, si vous montez des bassines que vous allez subventionner
17:00 pour faire du maïs au sud de la Loire,
17:03 le pays va travailler un coût énorme.
17:07 - On vous a perdu, Philippe, mais on a compris le raisonnement.
17:11 Irène Tolré, qu'est-ce que vous répondez à Philippe ?
17:15 - Deux choses. D'abord, au niveau de l'agriculture,
17:19 l'ensemble des mécanismes agricoles qui encadrent, y compris avec des gros budgets,
17:24 sont la politique agricole commune.
17:26 Et si on a des budgets qui nous permettent, dans ce cadre de cette politique agricole commune
17:30 qui a été votée, de déployer de l'irrigation,
17:33 je crois qu'il est important qu'on le fasse,
17:35 parce que le changement climatique, avec ses changements de temporalité,
17:40 et de rythme, et d'intensité de pluie,
17:43 fait qu'on peut se retrouver avec des périodes de sécheresse
17:46 si on n'a pas des stockages temporaires.
17:49 Parce que, tant qu'on ait changé nos plantes,
17:54 et aujourd'hui, on travaille sur des plantes qui avaient l'habitude d'avoir la pluie à un certain moment,
17:59 donc si il y a des pluies à ce moment-là, il faut bien qu'on les irrigue.
18:02 Soit on se donne le temps de développer de la recherche avec des plantes
18:06 qui sont adaptées à ces nouvelles données climatiques,
18:11 aujourd'hui on ne les a pas, soit on se dit que par sécurité,
18:14 le fait d'avoir des infrastructures de stockage des pluies
18:17 quand on est en période d'abondance, pour pouvoir les réutiliser
18:20 quand on est en besoin au niveau de l'agriculture, c'est important.
18:23 - Vous reconnaissez les plantes qui ont besoin de moins d'eau ?
18:26 - Il n'y a pas que les plantes, il y a aussi l'élevage.
18:30 Par exemple, quand il y a eu la grosse sécheresse dans l'Aude et les Pyrénées-Orientales,
18:33 les éleveurs ne savaient pas comment donner à boire à leurs troupeaux.
18:36 Donc c'est terrible pour un éleveur.
18:39 Donc je crois que sur l'élevage, il faut qu'on mange mieux de viande.
18:42 - Mieux, c'est moins ?
18:46 - Pas forcément, parce que je pense...
18:49 Parce qu'aujourd'hui, on a augmenté notre consommation de viande,
18:54 y compris des produits d'importation qui sont mis, par exemple,
18:59 dans des circuits de restauration collective ou de choses comme ça.
19:02 Le consommateur est aussi le juge arbitre.
19:05 Quand lui, il va acheter cette viande-là, ou quand il consomme cette viande-là,
19:08 c'est un peu au détriment des éleveurs français et européens.
19:13 Et pourtant, les éleveurs français et européens,
19:16 ils font du stockage carbone dans le sol,
19:19 ils font des prestations environnementales, ils entretiennent nos paysages.
19:22 Et donc je crois que c'est très important.
19:25 Je suis complètement d'accord avec ce qu'a dit Philippe, je crois.
19:28 Il faut des solutions locales.
19:31 C'est-à-dire qu'on n'a pas le même besoin d'eau,
19:34 en fonction des endroits et en fonction des cultures qu'on a.
19:37 Donc il faut qu'on ait des plans puissants, locaux,
19:40 en embarquant toutes les parties prenantes.
19:42 - Philippe, vous êtes revenu, vous êtes convaincu
19:45 de ce que dit Irène Toleré ?
19:47 - S'il vous plaît, il faut, après le projet,
19:49 il faut que l'agriculteur en tire un revenu.
19:51 Parce que faire de l'irrigation, si vous n'avez pas de revenu,
19:54 nous on est nombreux à irriguer,
19:56 vous pouvez irriguer tant que vous voudrez,
19:58 l'irrigation n'est pas synonyme de revenu.
20:01 Et après l'autonomie, dans les régions où il n'y a pas ou moins d'irrigation,
20:06 vous pouvez faire de l'élevage pareil.
20:08 Simplement, vous allez être moins intensifs,
20:10 vous aurez moins d'animaux à l'hectare.
20:12 Mais ça, c'est quelque chose qui se prépare.
20:14 Même pour les cultures spécialisées,
20:16 comme je vous ai dit tout à l'heure,
20:18 horticulture, maraîchage, démarrer les plantes vignes,
20:20 là vous ne pouvez pas y couper.
20:22 Il faut un peu d'irrigation.
20:23 Mais c'est pas ça qui consomme beaucoup d'irrigation.
20:26 C'est surtout la grande culture.
20:28 Et sur les grandes cultures, il faut raisonner
20:30 en fonction des territoires,
20:32 et regarder si on a toujours intérêt à faire du stockage.
20:36 Il y a des endroits où on a intérêt à faire du stockage,
20:39 mais il y a des régions où on a intérêt
20:41 à faire un autre mode d'agriculture.
20:43 - Et évoluer vers d'autres cultures,
20:49 qu'est-ce que vous en pensez, Philippe ?
20:52 Est-ce qu'on devrait développer la culture
20:55 sur des produits comme la figue,
20:58 la pistache, l'olive, par exemple ?
21:02 - Par exemple, le sorghon.
21:04 Alors tu voulais, un des problèmes sur le bovin,
21:06 c'est que qui dit maïs, dit soja.
21:09 Et dit importer de la pétrine de l'autre continent.
21:12 Donc ça nous rend dépendants.
21:14 Donc le maïs, il faut le garder,
21:16 mais il faut sans doute le raisonner.
21:18 Il faut sans doute le raisonner.
21:20 Parce qu'il nous rend dépendants,
21:22 le protéine du soja.
21:24 Vous voyez ce que je veux dire ?
21:26 - Juste, nous avons donc un plan protéine européen,
21:29 enfin, sur la table,
21:31 qui devrait sortir, je pense, pour la fin de cette année,
21:33 ou début d'année prochaine.
21:35 Parce qu'effectivement, le sujet de l'autonomie protéique européenne
21:39 est un sujet qui est très important,
21:41 et on doit être au rendez-vous
21:43 pour tous les éleveurs, tous les consommateurs,
21:45 quitte à aussi remplacer quelques protéines animales
21:48 par des protéines végétales, les légumineuses,
21:50 il y a des choses très intéressantes à développer.
21:52 Et encore une fois, ce travail aussi sur la recherche
21:54 pour avoir des plantes qui soient mieux adaptées au climat.
21:58 - Alors cette sécheresse est la troisième en quatre ans.
22:01 Est-ce qu'il faut considérer que désormais
22:04 les années dites "normales"
22:06 deviendront une exception ?
22:08 - C'est un petit peu ce que je disais tout à l'heure,
22:12 sur le fait qu'il me semble de la bonne gestion de père de famille,
22:16 de se dire que ce qu'on vit aujourd'hui,
22:18 on risque de le revivre,
22:19 et donc se donner des outils de stockage
22:21 me paraît une très bonne chose à faire.
22:24 Je voudrais aussi dire que les outils de stockage de l'eau
22:27 peuvent servir, par exemple, pour les pompiers
22:29 en cas de risque incendie,
22:30 qui est en train de monter vers le nord,
22:32 et c'est très important de se dire que quand on a un incendie,
22:36 si les pompiers n'ont pas accès à de l'eau,
22:38 ils ne peuvent pas l'éteindre.
22:39 Donc c'est important qu'on fasse très attention
22:42 à la réutilisation de l'eau.
22:43 - Et pas de l'eau potable nécessairement.
22:45 - Exactement.
22:46 Par exemple, en Occitanie,
22:48 l'ensemble des caves coopératives
22:49 a mis à disposition l'ensemble des eaux usées des caves
22:52 pour les pompiers.
22:53 Et ça fait des quantités importantes.
22:54 Il faut qu'on réutilise l'eau
22:57 quand on habite de plus en plus en ville.
23:00 Ça veut dire qu'on a de plus en plus d'eau
23:02 qui sortent de ces stations d'épuration
23:05 qui vont plutôt directement à la mer.
23:07 Donc c'est important que cette eau-là aussi,
23:09 cet excès d'eau qui vient de l'apport de population,
23:12 on sache le réutiliser sur les enjeux prioritaires
23:15 qui pour moi sont la consommation humaine vitale
23:18 et l'agriculture.
23:19 - Donc c'est un réseau parallèle
23:21 qu'il faut petit à petit construire.
23:23 Sauf que le réseau principal,
23:25 il est plein de trous aussi.
23:27 Il y a dans certaines communes
23:29 plus de 30% de l'eau potable qui est perdue
23:32 à cause des fuites.
23:33 Comment l'expliquer cette situation aujourd'hui en 2023
23:37 et comment y remédier ?
23:39 - Ça vient du fait que les maires
23:41 qui sont élus par des concitoyens,
23:44 plus le prix de l'eau était bas,
23:46 plus c'était un argument électoral.
23:48 Et effectivement, plus le prix de l'eau est bas,
23:50 moins on fait les travaux pour entretenir les réseaux.
23:52 Donc c'est un truc un peu...
23:54 un cercle un peu vicieux.
23:56 Et donc il y a un plan haut qui a été mis en place.
23:58 Il y avait même des communes
24:00 où on était à plus de 80% de perte.
24:02 Donc on a vraiment...
24:04 C'était le temps de l'abondance de l'eau.
24:06 Ce temps, il est derrière nous.
24:07 Tout le monde doit faire un effort.
24:09 Et je crois que c'est important
24:11 qu'on le fasse tous ensemble, surtout.
24:13 - Puisque vous êtes vigneronne,
24:15 Irène Tolré, comment se présentent
24:17 les vendanges du côté du Pic Saint-Loup ?
24:19 - Alors le Pic Saint-Loup
24:21 a une caractéristique climatique.
24:23 On a plus de pluie qu'ailleurs.
24:24 Donc on n'a pas les problèmes
24:26 que par exemple, ont nos collègues de l'eau
24:28 sur l'eau au jour d'aujourd'hui.
24:30 On avait des ancêtres prévoyants
24:32 qui avaient déployé
24:34 des réseaux d'eau brute
24:36 qui permettent éventuellement d'avoir des appoints.
24:38 Donc je crois que c'est important de se dire
24:40 que nos ancêtres, ils ont réussi
24:42 à faire le lac du Salagou dans les années 50-60.
24:44 C'était une réserve d'eau agricole
24:46 à l'époque. Donc il faut qu'on se dise
24:48 que l'homme, au fur et à mesure de son évolution,
24:50 il a toujours géré l'eau. L'opidum dans ses ruines,
24:52 le pont du Gard, c'est une
24:54 adduction d'eau qui date des Romains.
24:56 Donc voilà, le changement climatique s'intensifie.
24:58 On a un problème de plus
25:00 important sur l'eau. On doit être au rendez-vous,
25:02 continuer à investir
25:04 dans la recherche pour l'agriculture
25:06 pour avoir moins d'eau, plus de réutilisation
25:08 d'eau, des plantes plus résistantes,
25:10 même des vaches qui ont peut-être
25:12 besoin de boire moins d'eau,
25:14 pourquoi pas ?
25:16 On est une recherche qui nous permet
25:18 d'avoir besoin de moins d'eau.
25:20 Et en même temps que nous, dans nos usages de l'eau,
25:22 on la réutilise.
25:24 Je me souviens de ma grand-mère,
25:26 quand elle lavait l'eau des légumes,
25:28 l'eau des légumes, après,
25:30 servait à arroser le jardin.
25:32 - Le bon réflexe. - Le bon réflexe.
25:34 Et donc pour les maires, ça s'appelle un 3e réseau
25:36 quand on met des nouvelles
25:38 surfaces en urbanisation.
25:40 - Ça prendra un peu de temps. Merci beaucoup