Atteint d'un cancer incurable, Dominique Vovk, 56 ans, est comédien et auteur de la pièce "Uppercut", dans laquelle il évoque son choix d'avoir arrêté la chimiothérapie. Pour neo, il parle de son expérience sur scène et de son combat contre la maladie.
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00:00 D'ailleurs, je ne vais plus aux enterrements, car cela est devenu trop difficile pour moi.
00:03 Car à chaque fois, j'ai l'impression que c'est moi que l'on célèbre.
00:06 J'essaierai pourtant de ne pas rater le mien.
00:08 Bonjour, je m'appelle Dominique Woff, j'ai 56 ans.
00:10 Je suis comédien et auteur de ma propre pièce,
00:12 "Upercut", dans laquelle je parle avec réalisme, mais non sans une pointe d'humour,
00:16 de mon choix d'avoir arrêté la chimiothérapie.
00:19 Donc, j'ai appris la nouvelle de la maladie en retour d'une mission humanitaire.
00:23 Une douleur qui est apparue dans le dos, tout simplement.
00:26 Donc, j'ai passé quelques examens.
00:27 "Monsieur, les résultats sont mauvais, vous avez un cancer."
00:30 Et puis surtout, garde le moral.
00:33 Tu sais, c'est important.
00:37 Ça va t'aider, c'est essentiel pour la guérison.
00:43 Et en 2021, j'ai attaqué les premières chimiothérapies.
00:47 Pendant deux mois, j'ai eu la chance d'être opéré.
00:50 Par la suite, j'ai repris le protocole de chimiothérapie qui était prévu.
00:54 Et puis, j'ai eu une période, donc mai-juin de l'année dernière,
00:57 où ça devenait très compliqué.
00:58 Je ne faisais plus grand-chose de mes journées,
00:59 si ce n'est passer du temps à la salle de bain et dans mon canapé,
01:03 ne plus pouvoir sortir, être dans un état vraiment très fatigué.
01:06 Ou après une longue discussion avec mon oncologue,
01:08 je lui demandais un petit peu, bon, qu'est-ce qui se passe ?
01:10 Quelles sont les nouvelles ?
01:11 J'étais malheureusement récidive.
01:13 Et après, je me pose la question du futur.
01:15 Qu'est-ce qu'on fait ?
01:15 Est-ce qu'il faut faire un choix de continuer la chimiothérapie ?
01:18 À quel prix ? Parce que c'est très compliqué.
01:20 Les effets secondaires sont évidemment très, très lourds.
01:22 Donc, c'est un choix très personnel, difficile.
01:24 On élimine des chances, des temps de vie.
01:26 Alors, pas des chances de survie, je n'en avais pas de toute façon.
01:28 En tout cas, du délai dans ce qui peut rester.
01:30 Après avoir pris cette décision, évidemment, mes proches se sont interrogés,
01:34 m'ont interpellé en me disant, tu es sûr, tu prends la bonne décision ?
01:37 Est-ce qu'il n'y a rien d'autre à faire ?
01:38 Est-ce que tu ne veux pas continuer de te battre encore ?
01:40 J'ai dit, non, je ne cesse pas le combat, mais je vais le mener autrement.
01:44 Ensuite, à l'arrêt des traitements, bien évidemment,
01:45 j'ai ressenti au bout de quelques semaines,
01:47 une élimination de cette chimie qui était en moi.
01:49 C'est très paradoxal, mais je me suis senti mieux,
01:52 à excepter les douleurs et d'autres soucis que j'ai.
01:55 J'ai compris que j'avais pris la bonne décision.
01:57 Je voulais quand même continuer l'activité artistique.
01:59 J'avais en tête de monter un projet d'une pièce de théâtre.
02:02 Ça va te booster, ça va te faire du bien,
02:03 ça va te motiver tous les jours à te lever et te battre encore.
02:06 Et j'ai reçu une invitation de la part d'un festival de théâtre à Voiron.
02:10 Le président Dominique Barbeillon m'a dit, écoute,
02:13 on a au mois d'octobre, on a le festival.
02:15 Je te laisse une soirée carte blanche.
02:17 Si tu veux venir jouer chez nous, tu joues ce que tu veux.
02:19 Je me suis dit, pourquoi tu ne parlerais pas de ce qui t'arrive en ce moment,
02:22 de ton histoire, de ton cancer ?
02:23 Tu n'es pas le seul à vivre ça.
02:25 Toi, ça peut peut-être t'aider au niveau psychologique.
02:27 Donc je me suis mis à écrire.
02:28 En trois mois, j'ai mis pour écrire la pièce
02:30 et j'ai pu jouer au mois d'octobre une première de cette pièce.
02:34 Dès que j'ai su, j'ai fait comme tout le monde.
02:36 Je suis allé sur Internet pour savoir,
02:38 pour en savoir plus.
02:40 Mauvaise idée.
02:42 Espérance de vie ? Cinq ans.
02:44 Moi, je le sais.
02:44 Je n'ai pas encore terminé la deuxième mi-temps,
02:46 que je ne peux même pas penser autant additionnel,
02:48 ni même espérer jouer les prolongations.
02:50 Je n'atteindrai jamais le douzième round.
02:53 Dans l'écriture, évidemment, j'ai fait attention,
02:55 mais c'est le mieux naturellement.
02:56 Des petites phrases d'humour, des moments plus légers se sont glissés.
02:59 C'était la bonne idée pour garder avec moi le spectateur sans l'assommer,
03:02 parce que j'annonce des choses qui sont difficiles.
03:04 Je ne voulais pas tomber dans le pâteau.
03:05 Ça aurait été une pièce glauque pendant une heure.
03:07 D'ailleurs,
03:08 je me demande bien si je vais inviter tout le monde à la cérémonie.
03:14 [Rires]
03:16 Et quelle musique choisir ?
03:20 Alors, à l'issue de la pièce, j'ai pu discuter avec une grande partie du public,
03:23 qui m'a remercié, qui a été très touché.
03:25 Ils m'ont dit "Monsieur, merci, vous avez mis des mots sur ce que je vis,
03:28 sur ce qu'un proche a vécu."
03:29 Certaines autres personnes m'ont dit "Mais vous avez changé ma façon de voir la vie."
03:33 Je n'ai pas vraiment de message à faire passer,
03:34 mais si mon expérience peut aider certains qui sont dans le même cas que moi
03:37 à s'interroger, à s'interpeller, à mieux vivre ce qu'ils vivent, tant mieux.
03:42 Le côté pervers du jeu que je suis en train de jouer,
03:44 c'est que moi, je sais que le décompte a commencé.
03:46 C'est ça qui est difficile psychologiquement.
03:48 Alors, j'essaie de m'améliorer, de ne pas y penser tous les jours.
03:50 Mon chemin est comme ça.
03:51 De toute façon, je ne peux plus rien changer.
03:52 J'ai essayé, j'étais bon soldat.
03:54 J'ai suivi ce qu'on me disait de faire pendant un an et demi,
03:57 un peu plus d'un an et demi.
03:57 Oui, j'ai accepté tout ce qu'il fallait accepter.
03:59 Mais ça me donne l'énergie pour avancer encore et profiter pleinement.
04:03 [Générique de fin]
04:05 [Musique]