La journaliste à l'Opinion Corinne Lhaik et le politologue Brice Teinturier analysent les "100 jours d'apaisment" décrétés par Emmanuel Macron, après l'entrée en vigueur de la réforme des retraites.
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00:00 C'est un exercice que le président Macron a rarement honoré, la traditionnelle interview
00:05 du 14 juillet.
00:06 Depuis son arrivée au pouvoir, il ne s'y est prêté que deux fois, en 2020, en pleine
00:11 crise du Covid.
00:12 Et en 2022, après sa réélection en tant que président, cette année, il s'y était
00:17 engagé à s'exprimer.
00:18 Mais pas facile de prendre la parole à la mi-journée si tout venait à déraper dans
00:22 la soirée du 14 juillet.
00:23 Le chef de l'État a donc décidé de reporter son expression pour tirer un bilan des 100
00:28 jours qu'il avait lui-même annoncés.
00:30 Cette fois, on y est.
00:32 Alors, 100 jours, pour quoi faire ? D'abord, pour sortir de la crise des retraites, ensuite
00:36 pour refixer un cap, remanier son équipe gouvernementale et surtout, avait-il promis,
00:41 apaiser le pays ? Trois invités ce matin dans ce studio pour en parler et vos questions,
00:46 bien sûr, qui sont toujours les bienvenus, vous le savez, au 01 45 24 7000.
00:52 Bonjour Corinne Laïc.
00:53 Bonjour.
00:54 Vous êtes journaliste à l'Opinion et l'autrice de deux livres consacrés au président Macron,
00:59 le président cambrioleur et La nuit tombe deux fois qui vient d'être réédité notamment.
01:04 Bonjour Pristin Thurier.
01:06 Bonjour.
01:07 Analyste politique et directeur général délégué de l'Institut de sondage Ipsos.
01:11 Et puis, rebonjour Yael Ghos.
01:13 Bonjour Karine.
01:14 Notre éditorialiste à France Inter.
01:16 Merci infiniment à tous les trois d'être là.
01:18 J'ai envie de commencer par un rapide tour de table.
01:21 Quel est le bilan Corinne Laïc ? Je commence avec vous.
01:23 Des 100 jours que s'était octroyé Emmanuel Macron à la mi-avril pour sortir de la réforme
01:29 et de la crise des retraites.
01:30 Bilan positif, bilan plus contrasté ou carrément négatif ?
01:33 Je vais adopter un point de vue un peu paradoxal mais d'une certaine manière, le bilan est
01:40 positif puisqu'il a réussi à sortir de la réforme des retraites, à relancer un
01:45 agenda social.
01:46 Donc, s'il n'y avait pas eu les émeutes en banlieue, on aurait pu dire que ces 100
01:51 jours ont été mis à profit pour commencer le quinquennat.
01:56 Je ne dis pas recommencer mais commencer puisque, les livres de mon confrère de l'opinion
02:01 Ludovic Wigognes l'a bien pointé, il n'y a pas eu de campagne.
02:04 Et le début du quinquennat a été complètement obéré par l'état de sidération d'Emmanuel
02:10 Macron face à la non-existence d'une majorité absolue.
02:13 Et donc, le 17 avril, quand il lance cette idée des 100 jours, sa volonté c'est
02:18 de dire voilà, maintenant les choses sérieuses commencent.
02:21 On va oublier les retraites et on va mettre d'autres sujets sur le tapis.
02:24 De ce point de vue là, c'est plutôt réussi puisque la rencontre de mercredi à Matignon
02:32 entre les partenaires sociaux et le gouvernement a été plutôt bien passée.
02:38 Le gouvernement qui n'a d'ailleurs pas trop le choix, ils ont décidé d'une méthode,
02:45 ils ont décidé de sujets.
02:46 Et le gouvernement s'engage à retraduire dans la loi les accords que les partenaires
02:52 sociaux pourront signer.
02:53 C'est important parce que c'est une bonne manière de faire voter des lois au Parlement
02:58 quand on n'a pas de majorité absolue.
02:59 - Alors Yael Ghos, même question, c'était une bonne idée ou pas ces 100 jours ?
03:02 - C'était fait pour se redonner de l'air, de l'oxygène.
03:04 Je dirais qu'à la fin, il re-manque de souffle.
03:07 Donc c'est plutôt l'histoire d'un grand statu quo.
03:09 - A cause de la crise des émeutes ?
03:10 - Exactement.
03:11 Et pas seulement à cause de ça, parce qu'indépendamment des émeutes, il n'a pas fait bouger le paysage
03:16 politique.
03:17 La promesse qui était faite, en tout cas l'engagement, la mission qui incombait à
03:21 Elisabeth Borne était d'élargir la majorité, de trouver de nouvelles alliances.
03:25 C'était ça les mots à la locution du 17 avril.
03:28 C'est le statu quo.
03:29 Il n'y a pas de nouvelles alliances.
03:30 Il y a peut-être même des perditions, quelques pertes dans la majorité aujourd'hui, des
03:34 doutes qui s'expriment.
03:35 Donc je dirais un grand statu quo.
03:37 De toute façon, c'était un artifice, un marketing politique.
03:40 Lui-même, Emmanuel Macron n'a jamais cru à cette théorie des 100 jours.
03:43 Je me souviens d'une interview de lui fin 2016, il n'était pas encore président,
03:46 il disait ne pas croire une seule seconde à cette théorie.
03:49 On ne fait pas la politique en 100 jours.
03:51 - C'est bien de rappeler ça.
03:52 - Et juste une précision factuelle, il a bien dit le 17 avril, le 14 juillet doit nous
03:57 permettre de faire un premier bilan.
03:59 - On attend le bilan et c'est pour ça qu'on en parle.
04:02 - Il n'y avait pas d'interview prévue le 14 juillet, le président voulait en faire
04:04 une, il le disait à nous, français, le 17 avril.
04:07 - Alors vous, Brice Tinturier, qu'est-ce que vous diriez ? Est-ce que les français
04:10 d'ailleurs s'en sont rendus compte de ces 100 jours et éventuellement, quelles conclusions
04:14 est-ce qu'ils vont en tirer ?
04:15 - Quand on interroge les français, on a fait une enquête tout à fait récente là-dessus,
04:19 on retrouve finalement cette dichotomie.
04:21 Il y a des aspects positifs incontestables, on est sortis de la période retraite et de
04:27 son intensité.
04:28 Maintenant, ce que les français nous disent, c'est que par rapport à un certain nombre
04:31 d'engagements, les choses ont très peu bougé.
04:33 Mais c'est effectivement logique, en 100 jours, on est par exemple seulement à 9%
04:37 de français qui nous disent que depuis ces 100 jours, le président et le gouvernement
04:42 sont plus à l'écoute des français.
04:44 On est à 12%, ils font des propositions qui sont plus adaptées, etc.
04:48 Donc c'est très faible.
04:49 Mais il y a quand même un bilan aussi positif, qui est que 60% de nos concitoyens estiment
04:55 que le gouvernement parviendra à faire des réformes importantes en s'alliant tantôt
04:59 avec la gauche, tantôt avec la droite ou avec les LR.
05:02 Donc pour les français, et contrairement à une petite musique qu'on entend parfois,
05:06 il n'y a pas de blocage.
05:07 Ce gouvernement, à tort ou à raison, mais les français le considèrent ainsi, ce gouvernement
05:13 peut encore faire un certain nombre de réformes.
05:15 D'ailleurs nous n'avons pas non plus d'attente majeure à l'égard d'un remaniement gouvernemental.
05:19 Ça c'est une idée souvent d'analystes.
05:22 Les français, la première de leur réponse c'est "peu m'importe là-dessus".
05:26 Dites-nous, Brice Tinturier, comment est-ce qu'il va le pays ? Comment vont les français
05:31 là, en ce tout début d'été ? On se dit que la réforme des retraites est passée,
05:35 que finalement tout ça est digéré.
05:37 Cela dit, il y a quand même eu 5 jours d'émeute, on a l'impression que ça les a sacrément
05:40 effrayés.
05:41 Comment vont les français ?
05:42 Vous avez dans ce pays d'abord une partie extrêmement importante qui est hantée par
05:47 une angoisse de disparition.
05:49 Avec cette idée que l'avenir est porteur de menaces, que l'immigration est porteuse
05:55 de menaces, que le réchauffement climatique également est présent, qu'il y a, ne l'oublions
06:00 pas, l'arrière-plan de la guerre qui inquiète aussi nos concitoyens.
06:04 Maintenant on entend des choses sur la baisse de la natalité.
06:06 Vous pouvez ramener tout cela sous un chapeau qui est peur, angoisse de disparition.
06:11 Et je n'ai pas évoqué les crises sanitaires.
06:13 Les émeutes urbaines ont réactivé considérablement cette angoisse et elles ont sidéré le pays.
06:19 On a une demande d'ordre qui est extrêmement forte.
06:22 On le voit sur des indicateurs clairs qu'on pose à ce propos.
06:26 On le voit également dans les popularités des personnalités testées.
06:30 C'est Marine Le Pen, c'est Bardella, c'est Eric Ciotti qui montent alors qu'à l'inverse
06:36 les personnalités de gauche baissent et à l'intérieur du gouvernement, seule Gérald
06:40 Darmanin monte.
06:41 Donc très forte demande d'ordre et d'autorité par rapport à une crise qui a secoué les
06:46 français et encore une fois c'est quelque chose de considérable.
06:49 Puis vous avez une autre partie du pays, juste très rapidement pour qu'on ne reste pas
06:53 que sur cet aspect-là, il y a une autre partie du pays qui n'est pas malgré tout uniquement
06:58 dans cette angoisse de disparition ou cette demande d'ordre et d'autorité.
07:01 Là ce sont des français, on a fait une grosse enquête sur le lien social pour le groupe
07:05 Hébra, et bien ce sont des français qui ont plutôt confiance dans l'avenir, qui
07:09 nous disent que le lien social n'est pas délité.
07:11 Quelle proportion de français ? C'est plutôt 30 à 40% de français qui
07:17 sont sur les aspects qui unissent les français.
07:19 Mais ce qui est intéressant c'est que dans cette enquête qui a eu lieu avant les émeutes
07:22 urbaines, la violence était perçue comme le premier facteur qui venait détruire le
07:26 lien social.
07:27 Donc j'en reviens malgré tout à l'importance de ce qui s'est passé.
07:31 Elle est énorme à la fois pour le gouvernement, à la fois par l'effet de sidération auprès
07:35 des français, mais également parce que c'est ce qui vient activer le sentiment que décidément
07:40 dans ce pays, le lien social est difficile à trouver.
07:42 Alors je rebondis justement sur ces violences et je me tourne vers vous Yael Ghosn, les
07:46 émeutes.
07:47 Pour l'instant il n'y a pas eu vraiment de réponse apportée de la part de l'exécutif,
07:51 c'est un sujet compliqué certes, mais est-ce que ce n'est pas un sujet encore plus compliqué
07:55 pour Emmanuel Macron ? Mais il veut se donner du temps.
07:57 Vous avez vu, il a reçu 302 maires la semaine dernière, en format peu grand débat, non
08:03 filmé, 4 heures d'échange à bâton rompu, où on a vu tantôt des idées de gauche,
08:09 de maires de gauche émerger, tantôt des façons de lire la crise de droite.
08:14 Donc en fait il a pu constater aussi qu'il y avait encore des lectures gauche-droite
08:17 de la crise des émeutes.
08:18 Et lui au milieu, tentant de dépasser tout ça.
08:21 Et la revoyure c'est en septembre, c'est avant la fin de l'été il a dit.
08:25 Donc il veut revoir les maires, il veut avoir des propositions.
08:27 Il y a 8 chantiers qui sont lancés.
08:28 Il se donne du temps.
08:29 Parce que pour lui la réponse n'est pas du tout évidente.
08:32 Quand on a injecté comme ça beaucoup de milliards dans la politique de la ville, et
08:37 que derrière ça flambe, il y a une incompréhension.
08:39 Et les Français ne sont plus prêts aujourd'hui à ce que l'État verse et verse de l'argent
08:45 sans distinguo, sur les banlieues et sans effet concret sur la politique sociale de
08:50 ces territoires.
08:51 Donc Emmanuel Macron en fait, il se donne du temps, il se donne l'été.
08:55 Ça explique aussi pourquoi il ne nous parle pas le 14 juillet.
08:58 Parce qu'il n'a pas une réponse clé en main à donner.
09:03 Il a besoin de muscler sa réponse, de nourrir sa réponse.
09:06 La demande d'ordre et de fermeté, effectivement, elle est là.
09:09 C'est pour ça qu'il y a toujours cette hypothèse d'un Gérald Darmanin à Matignon.
09:13 Peut-être pas pour maintenant, peut-être pas dans l'immédiat, mais c'est pour ça
09:16 qu'il y a aujourd'hui cette rumeur qui court toujours.
09:19 - Yael, on va y revenir sur le remaniement.
09:20 Je sais que vous adorez ce sujet-là.
09:22 - Non, mais non, je suis contraint de le traiter.
09:23 - Je vous charrie.
09:24 En tout cas, les crises s'enchaînent.
09:26 Les crises continuent après la crise des Gilets jaunes, après la crise du Covid, la
09:31 guerre en Ukraine, second quinquennat d'Emmanuel Macron qui a démarré avec la crise des
09:35 retraites qui a quand même duré à peu près cinq mois.
09:36 Et une crise donc là des banlieues.
09:38 Avec toutes ces crises, Corinne Laïc, qu'est-ce qui reste comme temps, comme place, comme
09:43 espace pour réformer le pays ?
09:45 - Il reste quatre ans comme temps.
09:46 C'est la réponse première.
09:49 Mais peu d'espace parce que le président n'a pas de majorité absolue.
09:54 Et toute la difficulté est là.
09:56 Alors c'est vrai que les Français ont peut-être l'impression que le pays avance, mais il
09:59 ne progresse pas autant qu'Emmanuel Macron souhaiterait ou aurait besoin de le faire
10:04 progresser.
10:05 Et pour revenir à cette idée de crise, c'est quelque chose qu'Emmanuel Macron a parfaitement
10:09 intégré et théorisé.
10:10 Je me rappelle nettement sa conférence de presse du 17 mars 2022, quand il présente
10:15 son programme de candidat à la présidentielle.
10:17 Il dit "Nous sommes entrés dans une ère de crise successive".
10:20 Et il est servi parce que dans ce que vous avez énoncé, il y a à la fois des crises
10:25 qui se sont imposées à tout le monde, le Covid en étant évidemment le meilleur exemple,
10:29 mais des crises aussi qui sont très franco-françaises.
10:32 Les gilets jaunes, les émeutes.
10:34 Et on a vraiment le sentiment qu'une crise chasse l'autre et que d'une certaine manière,
10:39 elle permet de résoudre certains problèmes.
10:42 Je veux dire que par exemple, le remaniement se pose de manière moins aiguë maintenant
10:47 après les émeutes qu'il ne l'était avant et les remaniements sont toujours un
10:51 casse-tête pour Emmanuel Macron.
10:53 Donc je pense que l'espace et le temps qui reste à Emmanuel Macron sont à la fois
11:01 limités par l'absence de majorité et par cette espèce d'état de crise permanente
11:06 sur laquelle il est obligé de rebondir en permanence.
11:09 Yael, vous voulez réagir ?
11:10 Oui, c'est quand même l'un des ratés des 100 jours, c'est bien ça.
11:12 C'est qu'il n'a pas élargi, créé la coalition rêvée.
11:15 Les torts sont évidemment partagés.
11:17 Et puis surtout, on ne voit toujours pas de cap.
11:18 Et puis les émeutons durcient, radicalisent les positions des leaders des Républicains.
11:24 Donc ça éloigne d'autant plus la jonction possible un jour sur une loi immigration
11:28 ou sur d'autres thèmes.
11:29 Mais pour moi, c'est ça l'un des éléments politiques, politiques intérieurs lourds
11:33 de ces 100 jours, c'est ce ratage sur la coalition impossible.
11:37 Je pense qu'elle était par définition impossible dès le départ.
11:40 Je suis d'accord avec ça aussi.
11:42 Il pourrait être le cap de cette deuxième année, de ce second quinquennat ?
11:46 Rude question, parce que depuis le début, c'est bien ce que recherche ce gouvernement,
11:53 comme d'autres gouvernements.
11:54 Souvenez-vous, sous François Hollande, on disait aussi le cap, le cap, le cap.
11:58 Sous Nicolas Sarkozy, il n'avait pas échappé.
11:59 Mais incontestablement, dans une tripartition politique, il doit impérativement, à forcer
12:05 quand il n'a pas de majorité absolue, donner le sentiment de où le gouvernement va.
12:10 Quelle est l'ambition ?
12:11 Je vous embarque vers quoi ?
12:13 Et ça, les Français n'en ont pas le sentiment.
12:15 Vous avez une majorité de Français qui pensent que le gouvernement agit au jour le jour et
12:19 qu'il n'y a pas une vision claire de l'avenir.
12:21 Je voudrais juste revenir sur cette question des crises, parce que j'ai l'impression
12:25 que c'est pire encore.
12:26 Ce ne sont pas des crises successives, ce sont des polycrises.
12:28 Ce sont des crises qui arrivent en même temps.
12:31 Crise sanitaire, crise internationale.
12:34 Et c'est ça qui transforme la donne.
12:37 Donc oui, le gouvernement et Emmanuel Macron n'ont pas pu non plus élargir leur majorité
12:42 politique, mais il faut être à deux pour lancer le tango.
12:44 Et la vraie question, c'est que ni les LR ni le PS ne souhaitent en réalité accompagner
12:49 ce gouvernement.
12:50 Et c'est ça qui donne ce sentiment qu'on peut peut-être faire encore des choses, mais
12:54 c'est dans un espace contraint et que donc, ni le cap, ni l'envergure des réformes
12:59 ne sont clairement affichées.
13:00 Est-ce qu'on peut refixer un cap, réorganiser tout ça, sans changer d'équipe gouvernementale
13:05 ?
13:06 Est-ce que vous croyez ou pas, Emmanuel Macron, il y a une gauze ?
13:08 Il va le faire ou qu'est-ce qui va se passer ?
13:09 Je pense que c'est le cadet de soucis des Français.
13:11 Nous on commente, mais c'est vrai, on est sur ce sujet.
13:14 J'ai vu des journaux qui depuis deux mois racontent la chronique quotidienne des bons
13:18 des mauvais élèves des ministres en sortant ou pas sortant, alors qu'on n'en sait strictement
13:22 rien.
13:23 La question, c'est la question des ressources humaines, la gestion des ressources humaines
13:25 par Emmanuel Macron, je trouve.
13:26 Parce que en faisant traîner quelque part une idée que lui-même avait suggérée,
13:32 un nouveau cap et donc de nouvelles équipes, il crée, il insécurise ses propres troupes,
13:38 ses propres équipes qui ne savent pas si elles doivent s'investir.
13:41 Et donc quand vous avez un ministre qui est insécurisé, derrière c'est l'administration
13:46 qui n'a plus forcément confiance, qui a envie de s'attacher à cet homme ou à
13:49 cette femme, puisqu'elle ne sait pas si elle sera là encore dans un mois, dans deux
13:51 mois.
13:52 Donc ça c'est une insécurisation et donc quelque part un frein à l'action publique
13:56 et à l'élan de l'action publique.
13:57 Et ensuite, changer de gouvernement, pour faire quoi ?
14:01 Si on n'a pas un cap clair, comme disait Brice Tinturier, pourquoi changer le casting ?
14:05 Les deux vont ensemble.
14:07 Donc là on ne voit pas très bien quel serait l'intérêt en fin juillet, à la fin d'un
14:11 mois de juillet, quand la bande passante, quand l'attention des Français est ailleurs,
14:15 forcément d'aller d'un seul coup changer complètement une équipe.
14:19 Est-ce que c'est un ajustement technique, auquel cas ça fera une dépêche dans les
14:22 journaux, un portrait la semaine prochaine ?
14:25 Ou est-ce que c'est vraiment un acte 2 politique, ça, l'acte 2 politique qui serait plus
14:29 cohérent de la voir avant les européennes ?
14:31 Après le budget, quand on aura épuisé les 12 49.3 budgétaires de l'automne.
14:36 Je vois sourire Brice Tinturier, vite !
14:38 Non, parce que les changements de cap sont très rares dans la vie politique française.
14:42 83-84 c'était un vrai changement de cap, mais sinon ils sont très rares.
14:45 On en déduit d'ailleurs souvent que changer le casting, ça ne compte pas.
14:50 Ça ne compte pas si vous regardez effectivement les courbes de popularité, mais malgré tout
14:55 l'incarnation ce n'est pas totalement neutre.
14:57 Donc là je crois qu'il faut se détacher justement un peu des enquêtes d'opinion.
15:01 Quand vous ne changez pas de cap, et c'est souvent le cas, c'est la plupart du temps
15:05 le cas, et bien il faut à ce moment-là pouvoir agir sur les personnes.
15:09 Ce n'est pas que les français.
15:11 Et donc du coup éventuellement, Elisabeth Borne qui nous explique, c'était quoi son
15:15 expression déjà ?
15:16 Elle délivre, merci.
15:19 Mais elle imprime pas suffisamment, il faudrait changer cette incarnation-là ?
15:23 Vous n'avez que 36% des français, surtout des sympathisants de la France Insoumise ou
15:27 du RN, qui souhaitent un changement d'ampleur avec un changement de la Première Ministre.
15:32 Pour les français, ce n'est pas le sujet.
15:34 Maintenant, l'incarnation, malgré tout je le redis, ce n'est pas un sujet totalement
15:39 anodin non plus.
15:40 Il ne faudrait pas tomber dans un excès inverse.
15:43 Alors il y a un autre sujet qui n'est pas anodin, et c'est dommage il nous reste très
15:45 peu de temps, c'est le retour, me semble-t-il, en transparence du clivage gauche-droite.
15:50 Vous l'avez vaguement dit tout à l'heure.
15:51 Alors, vrai ou faux, est-ce qu'on est en train d'arriver peut-être au bout du en
15:55 même temps, Corinne Lahi ?
15:56 Je pense que ce clivage n'a jamais vraiment disparu, malgré la volonté d'Emmanuel
16:00 Macron de le dépasser.
16:01 Je pense que lui l'a complètement dépassé, même si certains disent qu'il penche très
16:05 à droite.
16:06 Mais je pense que nous, les observateurs et les français, continuent toujours de raisonner
16:11 en termes de droite-gauche.
16:12 Je prendrai pour preuve l'épisode assez cocasse et inédit qui s'est déroulé pour
16:17 la nomination du premier ministre du second quinquennat, à savoir Elisabeth Borne, où
16:22 on avait une femme de droite, Catherine Vautrin, qui était quasiment nommée et qui a été
16:27 changée pour une femme de gauche, Elisabeth Borne.
16:30 Et le fait que l'une appartienne à la droite et l'autre à la gauche a été majeur dans
16:34 ce choix.
16:35 Donc pour moi, le clivage droite-gauche n'est absolument plus dépassé et il va continuer
16:41 à jouer et à organiser le débat politique dans les mois qui viennent.
16:46 On ne peut pas dire qu'il revient en force, Brice Stinturier.
16:49 Sur certains enjeux, malgré tout, vous le voyez de manière extrêmement prégnante.
16:57 Typiquement sur les émeutes urbaines.
16:59 Là, vous avez un clivage très très fort.
17:01 Tout cela, c'est la RN qui tire les marrons du feu.
17:06 Qui empoche.
17:07 Oui, alors 4 ans, c'est extrêmement long.
17:11 Mais sans dire grand-chose.
17:12 Sur le marché de Beauvais, Marine Le Pen, mercredi matin, est venue dans la compassion
17:17 en disant "c'était quand même mieux avant votre ville, par rapport à ce qui s'est
17:21 passé, par rapport aux émeutes".
17:22 Mais sur les propositions précises, elle laisse ça à Jordane Bardella.
17:26 Eric Ciotti est plus précis finalement dans les mesures de sanction des parents de délinquants
17:31 que Marine Le Pen qui reste très très floue, très en surface.
17:33 Présidentiable, évidemment.
17:34 Mais il y a une stratégie quand même derrière.
17:37 Et elle marche ou pas ?
17:38 Écoutez, pour l'instant, effectivement, elle est à la tête de ce pôle.
17:43 Vous avez les LR qui courent derrière.
17:44 C'est très impressionnant ça.
17:45 Vous avez un copie original.
17:48 Ça a été pendant très longtemps, depuis 40 ans, une théorie du François Duprat,
17:54 un des théoriciens du FN qui disait "un jour, quand nous aurons gagné la bataille
17:59 culturelle, ce sont les autres qui nous copieront".
18:01 50 ans après, on regarde, on se dit "c'est très impressionnant de voir comment LR a
18:06 aspiré des mesures entières du RN dans son programme".
18:08 Et puis Marine Le Pen numéro 2, notre baromètre Ipsos Le Point en popularité, suivi maintenant
18:13 par Jordane Bardella numéro 3.
18:15 Mais est-ce que les sondages montrent qu'il y a effectivement nettement une hausse continue,
18:21 progressive chez Marine Le Pen ?
18:22 Elle est haute, mais en fait ça ne bouge pas ?
18:24 Alors, elle a beaucoup progressé.
18:27 Maintenant, il y a, vous avez raison, quand même un plateau.
18:29 Il n'y a pas une hausse continue qui permettrait de dire de manière inéluctable "Marine
18:35 Le Pen va être élue en 2027".
18:37 Non, ça c'est excessif.
18:38 Il y a encore beaucoup de fragilité du côté du RN, du côté de Marine Le Pen.
18:42 Un français sur deux, malgré tout, continue à penser que c'est une formation dangereuse
18:47 pour la démocratie, qu'il y a des enjeux de compétence.
18:49 Donc l'affaire est loin d'être réglée.
18:51 Merci beaucoup et à tous les trois.
18:53 Corinne Laïc, Brice Tinturier, Yael Gauze, merci pour vos éclairages, pour vos explications.
18:57 Bonne fête nationale et bon week-end.