Documentaire - Il était une Voix - 05 Juillet 2023

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00:00 [Musique]
00:14 Mars 1977, conférence arabo-africaine au Somaoké.
00:18 [Musique]
00:22 Mars 1977, des troupes venues d'Angola pénètrent aux Aïrs, envahissent la province du Chabah et menacent de marcher sur Kinshasa.
00:29 [Musique]
00:34 Dans un ville, Marianne Wadi, présidente de la République populaire du Congo, est assassinée par un commandant militaire, le colonel Yonbi Opango, du succès de pouvoir.
00:42 [Musique]
00:50 Il avait tous les atouts pour être exceptionnel. Il avait une voix, il avait une prestance, il avait une culture.
01:04 Tout cela faisait qu'il y avait à la fois de la matière et l'emballage de cette matière.
01:14 Il croquait les personnalités les plus illustres comme les moins illustres.
01:24 Et ce qui m'avait le plus frappé en lui, c'était sa façon de parler, sa voix.
01:33 Sa voix qui savait allier à la fois solennité et familiarité en même temps.
01:43 J'entends encore sa voix qui servait une esthétique particulière du verbe, parce que c'était un esthète du verbe,
01:56 qui cherchait toujours le mot approprié qui aurait le plus d'effet ou la tournure magique qui aurait le plus d'impact.
02:09 Je voudrais que vous appréciez cette voix, cette diction.
02:19 Henri c'était d'abord la voix.
02:24 Tout Henri Bandolo respirait le beau. Ce n'est pas parce que c'est mon papa, mais ça commençait par comment on se tient,
02:35 comment on s'habille, comment on s'exprime.
02:59 Le 16 juillet 1997, Henri Bandolo s'est éteint à Yaoundé, foudroyé par la maladie.
03:06 Mais sa disparition physique n'a pas effacé les souvenirs de sa trajectoire exceptionnelle.
03:13 Dans le cercle familial, comme dans la mêlée de ses collègues et admirateurs, sa voix, sa plume et ses traces sont démerées, fraîches.
03:25 Dans son domicile à Yaoundé, Carole Sauval, sa fille aînée, est encore envahie par la présence absente de son héros.
03:41 Les images sur la vie de son géniteur se bousculent dans son carnet mental, celles notamment des belles phrases du journaliste architecte des mots.
03:52 Il y a des petites choses comme ça dans ma vie qui me rappellent constamment mon père, des phrases, des expressions qu'il avait en français.
04:04 Je me rappelle que quand on était jeune fille, à peine tu avais tracé un peu de noir sur tes sourcils ou bien un trait de eyeliner,
04:18 il te stoppait net, il te disait "Où est-ce que tu vas comme ça, maquillée comme une voiture roulée?"
04:24 Il avait vraiment des expressions tellement typiques de la langue française que j'avais du mal à me dire "C'est un Camerounais, c'est un Africain, mais pourquoi il parle autant cette langue avec acuité, avec précision?"
04:47 Et donc en regardant des films français, forcément, quand j'entends ces expressions-là, ça me renvoie à papa.
04:57 Une carrière flamboyante déroulée sous forme de séquences dans l'un de ses albums, du reste bien conservé.
05:05 Les photos d'album racontent sa vie de journaliste, de l'obtrateur qui a fait un peu tous les continents, intervivant par-ci, par-là des personnalités.
05:18 Il a interviewé pas mal de présidents. On commence par notre président Paul Biya.
05:24 Il y avait une photo aussi de l'ancien président du Cameroun, Aïdjo. On a une photo avec le président de la France, Giscard d'Esta.
05:36 Il était allé à l'Élysée, interviewé aussi, même François Mitterrand.
05:44 Là, j'ai aussi une photo d'une interview avec l'ancien président sénégalais, Abdou Diouf.
05:55 On a une photo où il reçoit le président Obianguema de la Guinée équatoriale en visite au Cameroun.
06:06 Carole sait que la trajectoire de son père est frappée du saut de la singularité.
06:12 Son père André Ngengue était aussi journaliste à Radio Douala.
06:17 Donc, ça fait que quelque part, il y avait un challenge à relever.
06:23 Il avait certainement quelque chose de particulier parce qu'il est né d'une mère qui a fait deux ministres.
06:31 Vous savez que sa petite soeur est devenue aussi ministre, Madame Bombac.
06:38 Donc, c'était une femme exceptionnelle, sa maman, puisque Henri aurait été ministre.
06:45 Et bien plus tard, sa petite soeur, Madame Bombac, deviendra aussi ministre.
06:53 On peut dire qu'il y avait dans cette lignée quelque chose d'exceptionnel.
06:59 Reprenons les choses au tout début de son contact avec le journalisme.
07:09 Une passion née dans l'adolescence, passion qu'il va concrétiser tout juste après l'obtention du BEPC.
07:16 La rencontre avec lui, c'est le 6 novembre 1963.
07:26 C'est-à-dire que les résultats du test de sélection pour les animateurs d'écran sonore viennent d'être publiés, rendus publics.
07:38 Et nous sommes parmi les choisis.
07:44 Nous avons trois mois d'imprégnation avant de passer à l'antenne.
07:55 Trois mois d'imprégnation, c'est-à-dire de travaux pratiques.
08:00 Comme on dit, on était six à être admis à ces tests.
08:06 C'était la première promotion nationale de ceux qui allaient animer à la radio.
08:14 C'est nous, parce que les gens l'oublient.
08:16 Je faisais déjà partie d'un groupe qui évoluait autour de moi, qui était à l'époque animateur à la radio.
08:27 Dans ce groupe-là, vous aviez des gens comme Joss Lezalima, des gens comme le chanteur Kandem, qui avait connu Henri Bandelot ailleurs.
08:43 Donc quand Henri arrive à la radio, recruté par les mécanismes de l'époque, dont je n'ai pas le détail, il me trouve en place.
08:54 J'ai dirigé un service de programme et on me le présente comme quelqu'un que je dois accompagner dans son évolution dans notre métier.
09:04 Six personnes impatientes d'apprendre le métier sont aussitôt prises en main par des mentors.
09:11 Premier exercice...
09:13 Pendant six mois, on a appris à donner l'heure.
09:17 La manière de donner l'heure le matin n'est pas celle qu'on donne en une journée, encore moins le soir.
09:23 On donne rarement l'heure le soir.
09:26 Mais le matin, c'est continu, c'est permanent, l'heure.
09:32 On les mettait à l'essai les uns et les autres, et ils commençaient effectivement par donner l'heure, ensuite par annoncer les émissions qui allaient suivre.
09:43 C'était des suicœurs.
09:45 C'était un monsieur à ma connaissance très ouvert, très disponible.
09:50 Il évolue assez rapidement.
09:53 Il écoute tout ce qu'on lui demande de faire, il le fait, et il s'inquiète de savoir s'il l'a bien fait.
10:02 Donc on lui répondait très rapidement, très facilement, la manière de présenter une émission, la manière de faire un journal, la manière d'interviewer quelqu'un.
10:16 Il vous écoutait, parfois il prenait des notes, et puis le lendemain ou quelques jours après, il était capable de faire ce que vous lui aviez demandé de faire.
10:25 Les choses vont aller très rapidement, d'autant que le jeune bandolo assimile facilement les leçons.
10:31 Il a commencé par des émissions de variété.
10:35 Après avoir dit l'heure pendant un certain temps, nous avons fait de lui quelqu'un qui pouvait présenter des émissions de variété.
10:47 Et dans ce cadre-là, nous avons créé un certain nombre...
10:55 Enfin, il a eu parmi les choses que nous venions de créer, deux émissions qu'il devait animer.
11:01 Une qui était une émission de variété, où il présentait des chanteurs, parfois des acteurs de théâtre,
11:11 et une autre qui était aussi une émission de variété, qui s'appelait Dominique,
11:18 et dans laquelle il disait un peu, il parlait un peu de tout ce qui se passait autour de lui dans la ville de Yaoundé.
11:26 C'était une émission à la fois satirique, où il critiquait un peu les mœurs de la société,
11:36 les comportements de certains nombres d'agents publics,
11:39 mais aussi où il faisait l'apologie de ceux qui, d'après lui, fonctionnaient bien dans l'État ou dans la société.
11:47 Il croquait les personnalités les plus illustres comme les moins illustres.
11:56 Il s'était mis à dos le délégué du gouvernement de l'époque, qui était le maire de Yaoundé,
12:03 en critiquant le mauvais ramassage des ordures dans la ville, le mauvais état de quelques rues, et tout ça, et tout ça.
12:10 Ce qui fait qu'il n'était pas très aimé de ces autorités-là.
12:16 Ah oui, ah oui. Comme critique, il en avait là. Je veux faire une confidence.
12:26 La route derrière Maïmara, en allant vers le bâtiment du ministère de l'éducation estampillé,
12:38 c'est un rendez-vous avec Henri Bandelot, à travers son émission Dominique, qui est devenu un rendez-vous qu'on ne devait pas manquer les dimanches.
12:50 A l'époque, c'était encore le Parti Unique, et M. Bandelot critiquait le système en place.
12:56 Je ne sais pas si vous imaginez qu'à cette époque du Parti Unique,
13:00 quand un journaliste montait sur les antennes de la radio nationale, il critiquait les ministres,
13:05 il critiquait les délégués du gouvernement, il critiquait tout le monde.
13:09 Mais avec une certaine finesse. Il n'insultait pas. Mais c'était quand même osé.
13:23 C'est le générique de Dominique qui m'intéressait, parce que moi je n'étais pas encore là à l'époque où il faisait cette émission.
13:31 Premier essai et coup de maître.
13:41 Cette évolution fut particulièrement sensible en 1977, et elle risque d'être pour les prochaines années,
13:48 un facteur déterminant dans la vie politique des états africains, et constituer peut-être un élément capital dans les relations internationales.
13:56 L'on découvre une joie qui en impose.
13:59 J'entre en contact avec Henri Bandelot par sa voix.
14:04 Nous sommes le 30 juin 1975, et dans l'histoire nationale du pays, c'est le jour où un certain Paul Biya est nommé Premier ministre.
14:16 Et à l'antenne ce jour-là, il y a Francis Emmanuel Sittwok.
14:21 Moi je suis, je crois, en seconde, effectivement.
14:27 Et Francis Emmanuel Sittwok, qui est l'animateur du jour, passe une musique,
14:32 qui est une excellente, avec votre fibre musicale, il passait Take Five,
14:40 qui dit "Nous attendons d'importants textes de la présidence de la République, le journal, dans un instant".
14:48 Il passe sa répétition, et finalement, une voix sort de nulle part.
14:55 Parce qu'en plus, jeune élève, vous y imaginez, j'étais très impressionné.
15:00 Il faut dire que mon grand frère, chez qui j'étais, écoutait beaucoup la radio.
15:05 D'une certaine manière, c'est lui qui m'a amené vers la radio. Il avait une écoute tellement assidue de la voix de l'Amérique.
15:12 Ça commençait toujours très tôt le matin, autour de 5 heures et quart, parce qu'il faut dire qu'il commençait à travailler à 6h30.
15:18 Et donc, Francis Emmanuel Sittwok, le moment venu, dit "Voici Henri Bandolo".
15:27 Et il arrive avec ses importants décrets.
15:31 Et je découvre une voix de Stantor, avec une prestance extraordinaire.
15:37 Et je deviens donc un fidèle de la radio et de l'écoute de Henri Bandolo.
15:43 C'était la plume, mais c'était aussi et surtout la voix, la maîtrise du verbe et de l'expression.
15:51 Ça coulait, on buvait du petit lait quand on suivait Henri Bandolo.
15:56 Soit la présentation du journal, soit la présentation d'une émission de variété, Daniel Zocamba, Saïd Joseph Titari, "Devenez des enfants".
16:04 Mais surtout, quand on écoutait le commentaire de l'actualité de Henri Bandolo à 22h, on ne se touchait pas.
16:12 Chantant encore sa voix, qui servait une esthétique particulière du verbe,
16:22 parce que c'était une esthétique du verbe, qui cherchait toujours le mot approprié qui aurait le plus d'effet,
16:32 ou la tournure magique qui aurait le plus d'impact.
16:38 Ce n'était pas un phraseur, au sens de quelqu'un qui est grandiloquent, qui cherche le style affecté.
16:48 Mais il avait un style extrêmement soigné, aussi bien quand il parlait que quand il écrivait.
16:55 Sa voix qui s'avait alliée à la fois solennité et familiarité en même temps.
17:05 Vous savez, je vais vous suppondre.
17:08 Les gens pensaient qu'on nous a recrutés parce que nous avions de belles voix. Non.
17:14 Les tests que nous avons subis ne se limitaient pas seulement aux essais de voix.
17:20 Il y avait plus. Ce n'était pas la voix, mais c'était l'autorité à travers la voix.
17:28 Dès lors, à rien ne pas l'arrêter, d'animateur d'écran sonore, il gravit les échelons jusqu'au prestigieux poste du rédacteur en chef.
17:37 Un red chef à l'humilité déconcertante.
17:41 Le rédacteur en libre-entendu nous avait accueillis comme stagiaires.
17:45 Il était rédacteur en chef. Nous étions à l'école de journalisme.
17:48 C'était Joseph Martel, Ndiye Blech Moussa, Antoine Lobé et moi, Soufontem, nous étions Patrice Gnano.
17:57 Nous étions nombreux. La première promotion à venir faire le stage à la radio-diffusion.
18:00 Il était rédacteur en chef. Et il nous a très bien accueillis.
18:04 De par la force des choses et de par la volonté de Dieu, nous sommes sortis de l'école.
18:08 Nous sommes revenus comme agents. Nous avons été acceptés à la salle de rédaction.
18:13 L'humilité. Monsieur Henri Bandolo, tout rédacteur en chef qu'il était, ne présentait jamais un papier sans que nous l'ayons lu.
18:23 Nous, ses collaborateurs. Que ce soit un papier du journal, un commentaire du journal ou alors une émission.
18:29 Tout était écrit et il nous faisait lire, nous corrigeant, nous, jeunes journalistes qui venons d'arriver, les papiers de M. Henri Bandolo.
18:39 Le rédacteur met de l'art et de la rigueur pour préparer sa prise en têne. C'est le style Bandolo.
18:46 Il était d'une culture, excusez-moi le terme, démentielle.
18:52 C'était un homme accompli qui se laissait rarement kidnapper par le jugement de toi ou par la critique de l'autre.
19:05 Souvent, il me faisait lire ses articles pour que je corrige et pour que je lui donne mon avis.
19:13 Et il me disait quelque chose de très pertinent qui aujourd'hui manque.
19:20 A Radio Tamroune, dans les années 60 et 70, on coulisse entre la rédaction et les programmes.
19:26 Dans cet exercice, Henri Bandolo se montre polyvalent et compétent.
19:31 Un talent qui fait soupirer d'aise ses collaborateurs.
19:35 Au nombre de ceux-là, des voix féminines qu'il appelle bien les gazelles.
19:40 Pour les besoins de la production, nous avons fait revenir à l'audiothèque du Poste National de la CRTV, Anne-Marthe Vantan et Thérèse Bélobo.
19:50 Alors, on prenait l'amorce, j'espère que je vais me souvenir.
19:56 On faisait ça, ça, et on passait là.
20:07 Il fallait donc d'abord caler l'amorce.
20:14 Wow, Thérèse!
20:24 Oh mon dieu, tant! Sauf qu'on a pris quelques...
20:28 On a pris des rides, moi j'ai pris des kilos, elle n'a rien pris du tout.
20:36 L'autobot accusé en début d'année par le gouvernement béninois de complicité dans la tentative d'invasion du Bénin.
20:43 L'autobot c'est l'humain plein d'un complot oublié à l'extérieur de ses frontières.
20:47 La voix! 77!
20:52 C'est l'année où je suis recrutée à la radio.
20:57 Ça veut dire que Henri était déjà là, que je l'écoutais déjà adolescente à la maison.
21:03 Mais je voudrais que vous appréciez cette voix, cette diction, cette...
21:13 Henri c'était la voix.
21:15 Ah oui, Henri c'était d'abord la voix.
21:18 Thérèse Belobo arrive à la radio en 1975 à Noitour, quant à elle débarque en 1977 dans le service des programmes confiés à Henri Bandelot.
21:29 L'atmosphère est faite de gaieté mais elle est de rigueur.
21:33 Il était d'abord chef de service de l'animation, donc il était notre patron.
21:37 Je crois que c'est Lucien Mamba qui était son adjoint, chef de service adjoint.
21:43 Donc on est dans la grande salle des animateurs là-bas avec les Denis Zahingono, les Francine Gobata,
21:51 Thérèse Belobo, Hélène Tshikanda, Marthe Bilunga, Thérèse Francine Bamié, j'en oublie certainement les hommes,
22:07 vous aviez effectivement Daniel Zocambassa.
22:11 Il y en a qui sont arrivés, qui sont sortis pourtant de l'SIJ, mais qui avaient été séduits par la façon de manager les collaborateurs de Henri Bandelot
22:34 et qui ont décidé de venir faire de l'animation.
22:37 Je pense à Canelon, je pense à Michel Essang, ça c'est des journalistes sortis de l'école de l'SIJ
22:46 et qui avaient décidé comme ça de venir faire de l'animation alors qu'à l'époque on disait que l'animation c'était pour des gens qui n'avaient pas été formés.
22:56 Ça se tient à la fenêtre de la salle de rédaction qui donne sur l'actuel supermarché Carrefour, c'était à l'époque vraiment le quartier Brick et Terry
23:12 et il dit « je voudrais que quand vous vous adressez aux auditeurs, que vous regardiez là derrière,
23:20 est-ce que la femme à la brique qui lave son linge, qui prépare son repas ou qui vend le petit vendeur de cigarettes à la Brick et Terry là comprend ce que vous dites ?
23:31 Tout en ayant un langage soutenu, un français soutenu, je voudrais que vous parliez d'abord à cette femme, à ce jeune homme. »
23:40 C'était d'abord un monsieur très rigoureux. Avec lui, nous avons retenu cette phrase « la meilleure improvisation est écrite ».
23:52 Avec Henri, on n'allait pas à l'antenne si on n'avait pas tout écrit. Il me faisait « si je devais passer à l'antenne demain matin, avant 18 heures, je devais lui présenter mon conducteur.
24:07 Et dans ce conducteur, vous aviez les musiques sélectionnées, les petits textes que vous alliez dire. Il me faisait marquer jusqu'à l'heure. »
24:20 Le chef a même un côté hyper social.
24:24 Nous restons ses filles. Nous restons ses filles parce qu'à l'époque où il est notre chef de service des programmes,
24:31 après nous avoir dirigé d'une main de fer dans la journée, quand il fallait rentrer le soir, il avait une petite voiture rouge.
24:39 Nous, nous appelions « taxi rouge ». Alors, quand il démarrait sa voiture, si vous étiez à la sortie de la radio, vous disiez « taxi, taxi » et il vous emmenait en disant « bon ».
24:51 Et puis, il vous disait à la fin « on paye combien, chef ? On vous paye combien ? » Ça l'amusait aussi.
24:57 Henri, il débarquait chez toi. Il fallait qu'il sache toutes nos maisons. Il fallait qu'il ait les plans de tous nos logements, de toutes nos maisons.
25:06 Et il passait à l'improviste et il ne vous disait pas « je vais passer chez toi à tel jour, à telle heure ».
25:13 Non, il arrivait seulement comme ça, avec une petite bouteille. Et puis, il venait voir si ça va, quel est votre environnement.
25:20 Le séjour à la radio va être interrompu par le fait d'une nomination dans la province de l'Est.
25:27 Henri Bandolou est nommé délégué provincial de l'information et de la culture. Il va donc s'éloigner du micro à l'insu de son plein gré.
25:35 Voilà Bandolou qui quitte la scène. Comme si on lui arrachait. On arrachait à un professeur ou à un maître.
25:48 Ça crée son tableau et un professeur s'achère. On va le confiner. Le monde n'est pas fort, vraiment.
26:00 On va le confiner dans un rôle pour lequel il n'était pas destiné, être délégué.
26:10 Délégué c'est quoi ? Assurer la coordination des services embryonnaires.
26:18 Arrête. Là, il va s'y mettre.
26:24 L'escale de Berthois aura tout l'air d'un détour avant l'ascension professionnelle.
26:29 Ce passage va être un déclic. Le simple homme de radio peut-il être un coordonateur global des services publics ?
26:43 Le déclic est là. Le simple homme de radio, le speaker,
26:53 comment peut-il englober des sujets complexes liés à la coordination des services placés sous son autorité ?
27:07 Le déclic.
27:08 Fait nouveau, le journaliste va glisser du micro à la plume. Un changement de ciel un peu soucié au départ.
27:15 Car à la société de presse et d'édition du Cameroun, où il évolue désormais, on ne se montre pas très favorable à son arrivée.
27:24 À ce moment-là, il est directeur adjoint de la Sopéka. Le décret avait été très précis, avec une assignation particulière en charge du journal Cameroun Tribune.
27:40 Pour la petite histoire, il vient de Berthois. Il avait été affecté de manière disciplinaire.
27:47 On ne va pas raconter toute l'histoire. Quand il revient à la rédaction radio, c'est lui-même qui me raconte son histoire.
27:54 Il arrive et évidemment, les gens sont un peu... Ils ont peur. Il y a tout le mythe qui le précède.
28:05 Il leur dit pour les rassurer les uns et les autres à la rédaction du Cameroun Tribune.
28:10 "Ecoutez, je suis un journaliste de radio. Je viens apprendre chez vous."
28:15 Et qu'est-ce qu'il fait ? Tous ces papiers... D'abord, il commence par ce qu'on appelle dans le métier les chiens écrasés.
28:21 Tous les faits divers. Il se fait fort de les raconter lui-même.
28:25 Chaque fois qu'il revient de reportage, il pose sa copie.
28:29 Il appelle les plus jeunes de la salle de rédaction. Lisez, en leur donnant un stylo rouge.
28:35 En leur disant que vous pouvez corriger. D'ailleurs, il quitte la salle pour leur laisser l'entière liberté.
28:41 Voyez un peu l'humilité des grands hommes.
28:45 C'est là où notre trait de caractère de bandero va se révéler.
28:50 Il fait fi de cet environnement méfiant, hostile, avec ou sans guillemets.
29:00 Et se met en travail.
29:06 En se mettant au travail, on découvre que l'homme de radio est un très grand éditorialiste.
29:16 Il n'est plus la voix qui est distillée avec autorité.
29:22 La plume qui est rendue avec conviction et qui convainc.
29:27 Je ne m'y attendais pas. J'étais comme les autres, un peu perplexe.
29:34 Ce journaliste de radio qui vient à la presse écrite, comment ça va se passer?
29:41 Mais je peux vous dire qu'en un temps de mouvement, Bandolo a avalé toutes les petites techniques de la presse écrite.
29:49 Et quand il s'est mis, c'était tout simplement circulant.
29:55 Ah oui!
29:57 Les preuves de l'accueil passé, Henri Bandolo se construit une signature.
30:05 HB. Et il tient le haut de l'affiche.
30:08 Ce n'était pas un diplômé au sens pratique, mais il était d'une culture.
30:14 Je crois que c'est le paradoxe d'un self-made man, quelqu'un qui s'est formé par lui-même.
30:20 Il n'a pas de diplôme au sens scolaire, mais il a eu le temps de se faire, de se cultiver.
30:28 Parce qu'il était imbattable de ce point de vue.
30:32 Et moi, je l'ai vu écrire.
30:35 Il va même devenir à son tour, mentor de jeunes journalistes.
30:39 Le premier contact physique, c'est quand, trois ans plus tard, j'entre à l'école de journalisme en 1978.
30:48 Avec certains noms que vous connaissez sans doute.
30:51 Alain Bélibi, Denis Zepoté, Michel Jokabada, Dabo Moussa, Thomas Babi Koussana, et bien d'autres.
30:59 Henri Bandolo fait partie de nos encadreurs.
31:03 Nous l'attendons souvent.
31:07 On avait une telle admiration pour lui.
31:10 On se tenait tous sur le perron de l'école de journalisme, les CIG à l'époque, en attendant que sa voiture arrive.
31:16 A la prestance que j'avais déjà suivie en 1975, s'ajoutait le charisme de l'homme que je découvrais.
31:25 Et que je découvrais dans l'encadrement.
31:28 Il fallait nous encadrer vraiment pour nous inculquer la culture des professionnels.
31:35 Je l'ai écouté tout petit à la radio.
31:38 Et je mesurais l'aura qu'il projetait dans le public.
31:42 Parce que j'étais à Douala à cette époque-là.
31:45 Et la radio émettait de Yaoundé.
31:47 Mais je me rendais bien compte que quand son émission passait dimanche en mi-journée,
31:52 même à Douala, toutes les rues étaient vides.
31:54 Parce que tout le monde écoutait cette émission Dominique, Dominique.
31:58 Chaque fois, il m'envoyait un reportage.
32:00 Il partait de son bureau là-bas et puis nous retrouvait dans la salle de rédaction.
32:06 J'étais à l'époque au service Société.
32:08 Et qu'est-ce qui se passait ?
32:10 Il arrivait, il ne s'adressait même pas à mon chef de service, qui à l'époque était Patrice Itundimba.
32:15 Directement, il venait là où j'étais assis, il regardait.
32:17 Je ne savais pas qui il était derrière.
32:19 Moi, il voyait ce que je faisais.
32:21 Je me disais, c'est l'éditeur général.
32:25 Il me dit, vous faites quoi ?
32:28 J'attends d'aller à un reportage.
32:31 Je réponds, il me dit, c'est sur quoi ?
32:35 Je répondais, il me disait, arrêtez-moi ça.
32:37 Allez à tel endroit, faites-moi un reportage sur ceci et sur cela.
32:41 Et vous me ramenez ça.
32:43 Et là, j'étais subjugué.
32:46 Quand il a dit ça, il est reparti dans son bureau.
32:50 Et moi, j'allais voir mon chef pour lui dire, écoutez, chef,
32:53 il y a le DG qui vient de m'envoyer un reportage à tel endroit,
32:57 donc si vous pouvez trouver quelqu'un d'autre pour aller faire le travail que j'avais à faire.
33:01 Il me dit non, quand c'est lui, il n'y a même pas à discuter, il faut aller le faire.
33:06 Sa plume émerveille.
33:08 Henri Bondolo illumine les colonnes du grand quotidien national par ses éditoriaux.
33:13 Est-ce que vous savez que l'éditorial qui est resté célèbre,
33:17 qu'il publie le 6 novembre au matin,
33:21 et qui est intitulé "De la Seine au trône",
33:24 le 6 novembre 1982, le jour de la prestation de serment,
33:29 il a écrit cet éditorial, m'avait-il confié lui-même dans l'avion entre Douala et Yaoundé.
33:36 Donc il a écrit quasiment en quoi ?
33:39 C'était les avions de cette époque, ça faisait encore 45 minutes,
33:43 aujourd'hui on fait 25-30 minutes entre Douala et Yaoundé.
33:46 Grosso modo, c'était 30 minutes.
33:49 Mais il faut relire ce texte "De la Seine au trône", c'est extraordinaire.
33:54 C'était comme ça que tous ses écrits.
33:56 Ses écrits tenaient lieu de bulletins de météo-politiques.
34:01 C'est-à-dire que nous sommes en 1984, il n'y a pas la télévision,
34:05 la radio est évidemment sous contrôle,
34:10 mais Henri Bandolo a un carnet d'adresses.
34:15 Il a une surface relationnelle qui lui permet d'entrer en contact quasiment avec qui qu'il veut,
34:22 puisqu'il accédait facilement au président Haïtchou.
34:25 Et naturellement, les gens voyaient qu'il avait ce contact facile,
34:28 y compris le président Haïtchou.
34:30 Les portes, c'est ce qui lui a permis aussi d'écrire avec tant de brio "La Flamme et la fumée".
34:37 Sommet de sa production, son maître-ouvrage "La Flamme et la fumée".
34:41 C'est l'événement éditorial, un coup d'éclat qui émerveille et bouleverse journalistes et politiques.
34:48 C'est là où je découvre que l'homme est également un homme mystérieux, je dirais même secret.
34:55 Moi qui suis avec lui matin, midi et soir, je ne sais pas ce qu'il prend de nous chaque jour.
35:03 Je connais les relations, son éventail de relations d'hommes proches du pouvoir.
35:17 Je connais l'éventail de ses relations extra-pouvoir.
35:22 Je ne sais pas que lorsqu'on se quitte ou lorsqu'on n'est pas toujours ensemble,
35:29 c'est un monsieur qui prend des notes, c'est un monsieur qui observe la scène.
35:38 J'ai l'union de ce côté.
35:42 Dans cette étape délicate et complexe du passage de témoin, le livre, le best-seller, l'ouvrage.
35:52 Je me rappelle très bien quand il a terminé de rédiger ses livres, il m'a montré la première version.
36:02 Je l'ai lu toute la nuit, je n'ai pas dormi cette nuit-là.
36:05 Le lendemain, je l'ai appelé pour lui faire part de mes observations, ce qu'il a pris avec beaucoup de bienveillance.
36:12 Lorsque nous avons eu cet échange, le lendemain de la lecture de son ouvrage par moi,
36:19 je lui ai posé un certain nombre de questions, dont celle-ci.
36:23 Est-ce qu'il vous semble correct, approprié, d'étaler ainsi des propos
36:32 dont vous avez eu connaissance dans un milieu qui baignait dans la confiance réciproque, mutuelle, l'amitié, la famille, etc.
36:43 Il m'a dit qu'il y a un moment dans la vie où il faut se déterminer,
36:49 et qu'il avait choisi de se déterminer en livrant ce témoignage-là, et c'était son témoignage.
36:54 C'est un ouvrage qui a été, j'allais dire, très célèbre,
37:02 parce que dans cet ouvrage, Henri reprend un peu ce qu'on aurait pu dire aujourd'hui.
37:13 Tous les kombosas du régime, les échanges entre les petits coups-de-bas que les gens se font,
37:23 les petits mensonges, les petites vérités.
37:26 C'est un ouvrage de référence. Je peux vous dire, pour l'avoir interrogé sur cet ouvrage,
37:34 qu'il m'a raconté toutes ses rencontres, les personnalités qu'il était allé voir, leurs réactions, l'apparition,
37:44 et les problèmes posés par cet ouvrage.
37:47 Parce que figurez-vous, cet ouvrage qui a été salué unanimement par la critique est devenu une espèce de boulet
37:54 que Henri Bandolo traînait, parce que tout le monde le regardait.
37:59 Il faut évidemment se situer dans ce contexte historique-là.
38:03 C'était un contexte de restriction des libertés, c'était le parti judique, c'était la suspicion,
38:10 et c'était même l'ère des soupçons, parce que vous dites bien 1984,
38:14 on est en pleine crise de succession. Le président Paul Biya vient d'arriver au pouvoir.
38:19 On croyait que les choses se passaient très bien le 4 novembre,
38:25 et puis les choses se sont dégradées, comme vous le savez.
38:29 On est entré dans une crise de succession qui a culminé avec ce coup d'État.
38:34 Il a réuni tous ces faits, et il les a rassemblés, il les a racontés, dans un livre qu'il faut lire et relire.
38:44 Gratin supplémentaire, la nomination au poste de ministre de l'Information et de la Culture.
38:50 C'est une marge de plus qu'on franchit les journalistes, désormais dans la cour des grands.
38:56 Le ministre, ça m'a un peu plus surprise, mais dans le sens pas très agréable,
39:04 parce que j'ai connu papa qui aimait beaucoup son métier de journaliste,
39:09 et je me rappelle que le jour où le décret est sorti, j'étais la seule qui n'était pas contente.
39:16 Et puis, bon, il y avait l'expertise, les gens arrivaient à la maison et tout,
39:20 et demandaient de le voir parce qu'on venait le féliciter.
39:25 Et moi, j'étais dans mon coin, et il s'approche et dit pourquoi je suis dans ton coin.
39:31 Je lui dis que ça ne me plaît pas trop que tu sois ministre.
39:34 Il me regarde et me dit pourquoi.
39:36 Je lui dis que c'est parce que tu n'as plus de travail de journaliste.
39:41 C'était un ministre qui avait pratiquement banalisé la chose.
39:44 Un ministre qui avait presque les portes ouvertes tout le temps,
39:48 qui recevait tout le monde, qu'ils vous connaissent ou pas.
39:52 Dès qu'on vous annonçait, on lui disait de faire l'entrée,
39:55 on vous amènerait au salon et deux ou trois minutes après,
39:59 il vous retrouvait, il vous écoutait, il écoutait trop.
40:03 Et s'il avait des conseils à donner, il vous les donnait.
40:07 Il a voulu mettre la culture en spectacle pour que le grand public puisse enjouer.
40:14 Ce n'était plus quelque chose qui était dans les amphithéâtres,
40:18 ou dans les écrits pleins d'éruditions, ou dans les journaux,
40:24 dans les colloques ou les revues.
40:30 Mais il a voulu vraiment mettre la culture en spectacle pour le grand public.
40:36 Il a quand même initié une cérémonie de récompense et de reconnaissance des arts,
40:44 des épidores, et qu'est-ce qui s'est passé par la suite,
40:51 on ne va pas juger ses successeurs,
40:54 mais c'était une époque qui revalorisait la culture
41:01 et qui avait permis aux artistes de se sentir,
41:07 j'allais dire, pris en main par les pouvoirs publics,
41:12 de se croire plus connus et pris en main par les pouvoirs publics.
41:15 Les épidores!
41:17 Je suis d'autant plus aise pour en parler que j'ai été moi-même distingué,
41:22 doublement distingué, le jour de ces épidores.
41:26 Je suis distingué comme meilleur présentateur du journal télévisé.
41:34 La télévision n'a que quatre ans d'âge, rappelez-vous.
41:38 Et aussi meilleur reporter, parce que j'ai commencé à faire des reportages,
41:42 notamment sur l'activité présidentielle.
41:46 C'était un artiste, comme vous le savez,
41:50 et vraiment, il était de ces hommes qui, en passant, laissent des traces.
41:58 Il a laissé de ce point de vue comme ministre de la culture.
42:02 Je vous invite à relire, je vais peut-être vous en donner une copie,
42:06 le témoignage que fait de lui Richard Ikukasa Mewane, le jour des obsèques.
42:13 Il le décrit comme un chef d'orchestre,
42:16 un chef d'orchestre qui était à l'aise dans toutes les gammes
42:20 et qui se mettait au milieu pour donner le ton.
42:24 C'est comme ça qu'il a animé son ministère.
42:27 Il avait toujours des idées, des concepts nouveaux pour faire avancer les choses.
42:35 Pourtant, dans ce contexte difficile.
42:38 Mais comme il avait sa réputation de grand journaliste,
42:43 maître de la plume et de la parole, qui le précédait,
42:48 je pense qu'il inspirait non seulement de l'admiration,
42:52 mais une certaine peur à tout le monde,
42:55 y compris les autorités qui n'osaient pas toucher à lui,
42:59 au contraire, qui préféraient l'avoir de leur côté que contre eux.
43:05 Les craquelures apparaissent dans ce tableau élogieux,
43:10 c'est que ce personnage brillant est tout simplement aussi humain.
43:15 Henri Bondolo alterne entre les rencontres avec les chefs d'état,
43:19 dignitaires de haut rang,
43:21 et les randonnées avinées dans les gargouettes et boîtes de nuit.
43:25 Ses anciens collègues font lecture commune.
43:28 De ce côté, bon vivant.
43:30 Il fallait que les filles soient bien mises et les garçons bien habillés.
43:37 Et nous, on se rencontrait, parce que nous aussi on était des...
43:43 Donc on se rencontrait en boîte de nuit, dans les cafés, dans les restaurants.
43:54 Mais il faisait attention également à ce que vous consommiez,
44:00 et qu'il fallait tenir sa classe.
44:03 Après le journal du soir, on quittait, on allait dans les cafés,
44:09 on allait dans les boîtes de nuit.
44:11 Monsieur Bondolo travaillait, restait en boîte de nuit,
44:14 et travaillait jusqu'à 2 heures du matin.
44:17 Il repartait, les papiers étaient déjà rédigés, les commentaires, les analyses.
44:21 Et parfois, nous quittions la boîte de nuit, on allait directement au journal.
44:27 C'était un bon vivant.
44:29 Il assumait. Il assumait tous ses faits et gestes.
44:34 Bondolo n'était pas celui qui allait dans le boisseau,
44:38 faire ceci et puis rentrer et oublier.
44:41 Mais non. Il avait des relations suivies et poussées.
44:46 Je dirais même jusqu'au bouddhisme.
44:49 Il avait un tel rapport à son métier et aux hommes qui étaient particuliers.
44:58 C'était un rapport d'autorité.
45:01 C'était l'homme qui avait beaucoup d'ascendants sur tous les gens de sa génération,
45:08 y compris les gens comme Abel Beguet,
45:11 qui était arrivé à la radio quasiment au même moment que lui,
45:14 qui était un frère. Il l'accompagnait dans toutes les virées entre guillemets.
45:21 Parce que c'était un bon vivant, Henri Baddoulou.
45:24 Lui-même, d'ailleurs, peu avant sa mort,
45:27 m'a confié que voilà ce que ça me coûte 20 ans de cigarette et de vie un peu échevelée.
45:35 C'était cela. Il savait faire la distinction entre les hommes avec lesquels il pouvait s'amuser,
45:42 avoir toutes les blagues, tous les moments de légèreté.
45:46 Après tout, il est parti relativement tôt. Il n'avait que 54 ans quand il nous quitte.
45:52 Il nous quitte après quasiment 30 ans de métier, parce qu'il avait commencé très tôt.
45:57 Il savait faire la distinction entre l'amitié et l'autorité dont il devait faire preuve
46:04 dans l'exercice du métier et dans la gestion des hommes.
46:09 Nul doute que la jeunesse pourrait s'inspirer de ce parcours qui fournit quelques clés pour réussir.
46:16 C'est quelqu'un qui était animé d'une saine ambition de marquer son couloir, de marquer la profession.
46:26 Et comme il était servi par une voie exceptionnelle, à force de volonté, à force de travail,
46:35 à force de rigueur et surtout à force d'abnégation, parce que c'est quelqu'un qui travaillait pour le parti,
46:44 jamais il ne s'est affiché, jamais il n'a rien réclamé.
46:48 Donc à force d'abnégation, c'est quelqu'un qui a réussi à atteindre les cimes.
46:54 Je crois que les jeunes d'aujourd'hui peuvent se dire, qui que je sois, où que je sois,
47:02 à force de travail, de volonté, d'abnégation, je peux arriver au sommet.
47:09 Il est important que la jeune génération s'inspire de ce que les anciens ont fait, la manière de travailler.
47:18 Même s'il y a des nouvelles technologies et tout, moi je pense que la base du journalisme reste la même.
47:25 Bandolot n'était plus qu'un orfeu, mais il était aussi un orfeu dans sa main.
47:35 Dans le paysage médiatique national, il n'était pas qu'un orfeu, il était un guide.
47:47 Aimez-le, appréciez-le, mais reconnaissez qu'il est distingué et qu'il se distingue.
48:00 Si on devait résumer ça, moi qui suis orfeu dans la matière de la phrasiologie,
48:09 je ne dirais pas d'orfeuvre appliquée, parce qu'il le fait avec une essence incroyable.
48:23 Je dirais la plume et le verbe dans l'excellence.
48:31 Victor Hugo disait que j'aimerais être château brillant ou rien.
48:36 Je me disais que j'aimerais être bandolot ou rien.
48:42 C'est dire à quel point il m'a façonné.
48:45 Quand il va nous quitter, je crois que nous sommes en Générale en 1997,
48:50 je fais un article dont le titre est "Le journaliste auquel je voulais ressembler".
48:55 J'ai toujours marché sur les brisés de Henri Bandolot, sans avoir nécessairement ses qualités,
49:04 mais en me disant que je vais le suivre comme on suit une asymptote.
49:08 Peut-être que je ne vais pas y arriver, mais je vais m'en rapprocher,
49:11 parce qu'il avait tous les atouts pour être exceptionnel.
49:17 Il avait une voix, il avait une prestance, il avait une culture.
49:25 Tout cela faisait qu'il y avait à la fois de la matière et l'emballage de cette matière
49:35 qui faisait de lui un journaliste exceptionnel.
49:38 Nous allons toujours nous battre pour lui ressembler.
49:41 Nous n'allons probablement pas y arriver, parce qu'encore une fois il était exceptionnel,
49:45 mais si nous nous en rapprochons, ce serait déjà une très grande victoire.
49:50 L'histoire professionnelle et même personnelle d'Henri Bandolot est celle d'un passionné bourré de talent
49:57 qui par sa voix et sa plume a tracé la voie à bien de générations de professionnels.
50:03 (Musique)