Dans "Une Nuit", en salle ce 5 juillet 2023, Alex Lutz filme l'urgence d'une nuit blanche, comme une une parenthèse dans les vies apparemment rangées de Nathalie (Karin Viard) et Aymeric (Alex Lutz). Sorte de Jeux de l’amour et du hasard, version RATP, ce film a fait la clôture, à Cannes, de la section Un certain regard. A l'occasion de notre avant-première organisée au Silencio des Prés, la cinéaste a répondu aux questions de Jérôme Garcin, chef du service Culture de « l’Obs ».
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Court métrageTranscription
00:00 un clin d'œil à l'affection énorme que j'ai pour cet animal et ce qu'il me provoque
00:04 depuis tout petit.
00:05 Bonjour Alex Lutz, merci d'être là pour la projection en avant-première d'une nuit
00:17 pour les fidèles de L'Obs.
00:18 Elle vient d'où cette idée incroyable des jeux de l'amour et du hasard version RATP?
00:24 C'est bien ça, je vais garder ça.
00:28 Elle vient d'une dispute à laquelle j'ai assisté dans la dite RATP.
00:34 Il y a des années de ça, bien avant Guy, bien avant plein de trucs.
00:39 J'avais vu ce couple se disputer pour cette bousculade telle que c'est dans le film.
00:44 Elle rentre un peu brutalement dans le métro bondé.
00:47 Il lui dit un truc comme on dirait dans une file d'attente, vous pourriez dire pardon.
00:51 Elle dit pardon et elle commence à juger sa manière de dire pardon, ce que je trouvais
00:55 drôle.
00:56 Et les arguments étaient quand même plein de charme, pas con et plein de charme.
00:59 Et l'expression magnifique de la police du ton, ça c'est Karine.
01:02 Ça c'est inventé ça.
01:04 Ah oui, c'est Karine qui me l'a sorti et elle me l'a sorti bien.
01:06 Donc ça me faisait même rire dans la séquence.
01:08 J'ai même conservé le petit rire que j'avais au moment où c'est arrivé parce que la police
01:14 du ton.
01:15 En tout cas, on découvre d'abord aussi très rapidement les vertus des cabines de photomathons.
01:20 Qui deviennent aussi des cabines d'étreinte.
01:24 Donc, débarrassé de la dispute et de l'étreinte, il n'y avait plus qu'à s'intéresser à
01:28 ce sentiment amoureux et cette errance amoureuse toute la nuit.
01:32 Donc, évidemment, on ne dira rien du twist final.
01:37 Non, mais qui est tellement bien fait.
01:39 Oui, alors on peut le pressentir un peu, mais tellement bien fait que moi, je n'ai qu'une
01:45 envie quand j'ai vu le film, c'était de le voir.
01:47 C'est un peu.
01:48 Oui, oui, c'est un peu voulu aussi dans ce sens là.
01:52 Le film est construit et effectivement, sans le dévoiler comme une espèce de tartatin.
01:56 Oui, alors après, on peut faire ce voyage, cette errance qui va d'un point A à B, on
02:02 peut vraiment aller de B à A et se le refaire comme ça.
02:06 C'est aussi comme ça qu'on le souhaitait avec Karine.
02:08 Alors moi, ce que j'avais évidemment beaucoup aimé.
02:12 Dans Guy, c'est que c'était vraiment un film au delà de.
02:19 Les chevaux.
02:20 On en parlera à la fin.
02:23 C'était c'était un film magnifique sur la lenteur du temps qui passe et du temps qui
02:29 se retient à travers le personnage que vous interprétez de Guy.
02:33 Là, c'est exactement l'inverse.
02:34 C'est vraiment un film sur la rapidité du temps qui passe et sur l'urgence.
02:38 Et sur l'urgence.
02:39 Je voudrais savoir si ça avait une traduction, même si je le sais un peu, sur la réalisation,
02:44 c'est à dire le temps de tournage, l'urgence de tourner.
02:47 Oui, il fallait que ça soit comme ça.
02:50 Bon, là encore, par rapport à ce que l'on découvre dans le film et indépendamment
02:53 de ça, finalement, puisque c'est lié à ce que l'on découvre, dont on ne parlera
02:58 pas, mais c'est aussi lié à cette histoire.
03:00 Si elle n'était que une errance de nuit comme ça, qu'est ce que ça impose des gens
03:07 qui, dès la sortie du métro après cette disputée, avoir fait l'amour maladroitement
03:12 dans un photomaton et quand ils sont à la surface, se disent bon, on va se dire au revoir.
03:16 Ça impose un ultimatum de cette nuit qui a forcément une fin avec le jour qui se lève.
03:23 Et puis une nuit d'été, une nuit courte.
03:26 Oui, mais tellement importante.
03:28 J'ai l'impression qu'il y a trois personnages.
03:30 Il y a les deux plus la nuit.
03:31 La nuit est un personnage, presque un vêtement.
03:34 Absolument.
03:35 Et donc, oui, il y avait cette urgence là et dans le dispositif avec Karine, on voulait
03:39 ça.
03:40 On l'avait même fantasmé en 40 points maintenant en camionnette.
03:42 On tourne ceci, on tourne cela.
03:43 Bon, il ne s'agissait pas non plus de, j'allais dire, de brader quelque chose pour juste
03:48 un principe.
03:49 Ça, c'était pas, c'était hors de question.
03:51 Mais c'est vrai qu'on s'est dit, si on avait cet instinct là de la rapidité, c'est
03:56 qu'il faut qu'on le conserve parce qu'il y avait l'état de la fatigue que l'on
04:00 voulait conserver, que l'on voulait percevoir en tout cas de nos personnages.
04:04 Donc, cette espèce de rapidité enchaînée des vraies nuits.
04:08 On n'était qu'en tournage de nuit, nuit, nuit, nuit, la vraie nuit.
04:11 Et en même temps, sur un timing court, c'est-à-dire 15 nuits, 14, 15 nuits pour provoquer l'urgence.
04:21 C'est-à-dire à la fois la fatigue et à la fois l'urgence de ne rien avoir à louper,
04:26 enfin de ne rien avoir à perdre de tout ce qu'on a à dire en si peu de temps, dans
04:30 un temps concentré comme ça.
04:31 Donc ça, c'était quelque chose qu'il fallait que l'on provoque un peu artificiellement
04:35 par le dispositif.
04:36 Et qui est très bien fait parce que cette rapidité fait croire, laisse à croire tout
04:41 le temps que c'est improvisé, alors que c'est un film dont on mesure à quel point
04:46 il est écrit à la virgule près, un peu comme certains textes même parfois des relations
04:51 amoureuses du 18e.
04:52 Il y a quelque chose qui est très, très précis.
04:54 Or, l'urgence fait qu'on a l'impression qu'ils improvisent toute la nuit.
04:58 Oui, en fait, il y a tout de même de l'improvisation qui a pu se convoquer dans le travail, mais
05:05 sur un cadre extrêmement écrit, sur des séquences dont les enjeux dramatiques étaient
05:11 écrits, dont on connaissait l'objectif dramatique, des intentions de dialogue bien
05:16 précises, mais avec une manière de pouvoir se les livrer assez libre.
05:20 C'est-à-dire, je donne un exemple, mais sur la séquence de l'alchimie et du type
05:25 qui est au début, il parle comme ça de qu'est-ce que c'est l'alchimie, qu'est-ce que c'est
05:28 le type, un type d'homme, un type de femme, qu'est-ce que c'est la disponibilité amoureuse,
05:34 etc.
05:35 On avait vraiment écrit la séquence sur 4-5 plots qui étaient comme des chapitres
05:39 comme ça, avec un certain nombre de répliques, mais on se permettait de se piéger dans l'ordre
05:48 de livraison des chapitres.
05:50 Si bien que dans l'écoute, déjà ça demandait une écoute très importante, puis si tout
05:55 d'un coup Karine me disait "ça, ça m'intéresse l'alchimie", si vous voulez dire par là,
05:59 je me disais "ah, ça c'est quelque chose de dans 20 répliques, bon ben c'est pas grave,
06:03 je rétropédale et je me raccroche aux branches".
06:05 Donc ça donnait aussi une sensation d'accident de l'oralité tel que dans la vie, enfin,
06:15 de travailler sur le naturalisme, mais de le travailler, parce que je trouve qu'il n'y
06:18 a rien de pire que de dire "bon c'est naturaliste, alors on filme", c'est plus compliqué que
06:23 ça quand même.
06:24 C'est comme les peintres ultra réalistes, ça demande de créer une manière de le faire.
06:32 Alors pourquoi le choix de Karine Vierne ? Pourquoi le choix d'Alex Lutz ?
06:35 Parce que je l'ai écrit pour elle et parce que j'avais envie, parce que ça correspond
06:42 à l'énergie de notre amitié, on a une amitié très franche, on se dit facilement
06:48 les choses, on n'a pas des parcours communs, mais on a des enfants, pas tout à fait le
06:54 même âge, mais dans le même type de génération.
06:58 Moi j'ai un parcours de couple dans ma vie long, elle en a eu un très long aussi avec
07:05 son ex-compagnon, mais enfin quand même un vrai compagnonnage long, enfin comme ça.
07:10 Ce qui a fait que dans nos vies on était souvent sur des conversations de préoccupation
07:19 proches et qu'on connaissait, et avec une franchise.
07:25 C'est-à-dire on ne s'est jamais fait de politesse et de cadeaux à se dire les choses,
07:30 à se conseiller, à se faire beaucoup beaucoup rire aussi.
07:34 Elle est encore plus cash que moi, donc ça me créait souvent une espèce de gêne qu'il
07:43 a fait rire, donc elle en fait des caisses dans ce sens-là.
07:45 Et toute cette énergie-là, on aurait pu le mettre au service d'une histoire de frère
07:50 ou de soeur, d'ami, de collègue, mais on avait envie de le mettre au service d'une
07:55 histoire d'amour et d'une romance.
07:57 Dernière question Alex, pourquoi toujours le cheval ? Il y en a dans Guy, il y en a
08:03 évidemment dans le spectacle, des folies bergères, et je me disais, enfin dans Une
08:11 nuit il n'y en aura pas.
08:12 Et il apparaît à la fin évidemment avec une très belle tête d'ailleurs.
08:16 Oui, Nilo.
08:17 Je ne sais pas, c'est un animal totem.
08:22 Ça veut dire que vous ne pouvez ni jouer, ni réaliser, ni faire quoi que ce soit sans
08:27 lui.
08:28 J'aime bien m'imposer cette espèce de curieuse contrainte artistique.
08:32 Je la comprends, mais j'essaie.
08:35 C'est un clin d'œil à l'affection énorme que j'ai pour cet animal et ce qu'il me
08:41 provoque depuis tout petit, notamment des premiers souvenirs d'images de cinéma où
08:48 quand un cheval dans une cavalcade tombait et qu'on entendait "hu hu hu", ça me
08:53 brisait mon cœur pour lui.
08:54 Quand j'étais petit, si je regardais un western ou quoi, quand les chevaux tombaient,
08:58 j'avais du chagrin pour le cheval qui tombait.
09:00 Il me dit des choses de l'humanité, il me dit beaucoup de choses sur notre humanité
09:05 parce que je trouve qu'on est deux gréguerres qui se ressemblent quand même beaucoup plus
09:09 que… D'ailleurs, ce n'est pas pour rien.
09:11 Je crois qu'on s'est rassemblés.
09:12 Je veux dire, on ne s'est pas rassemblés avec des biches ou des chevreuils, on s'est
09:15 rassemblés avec des chevaux.
09:16 Et en fait, dans les groupes de chevaux, les déplacements physiques, la manière, les
09:25 cartes distribuées de celui qui suit, de celui qui fuit, de celui qui décide, de celui
09:29 qui nourrit, il y a des choses qui sont… Il y a des gémédités quand même.
09:33 Et donc, oui, j'aime bien me dire tiens, c'est mon petit totem, c'est ma petite
09:37 truc.
09:38 Alors parfois, peut-être qu'il sera juste… Je ne sais rien.
09:40 Peut-être qu'un jour, je filmerai juste un cheval avec des flics qui passent.
09:45 Ce ne sera peut-être que ça.
09:46 Mais j'aimerais bien qu'il y en ait à chaque fois.
09:48 À la fin du film, il a une tête de moral, pour ne pas dire d'apologue.
09:53 Et ça, je trouve ça très bien.
09:54 Oui, je crois.
09:55 Il vient comme… Oui, oui.
09:56 Merci.
09:57 Merci.
09:58 Alex.
09:58 Alex.
09:58 Alex.
09:59 Alex.
09:59 Alex.
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10:01 Alex.
10:02 Alex.
10:02 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]
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