Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son “Voyage en absurdie”, du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie
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00:00 8h41 sur Europa, Emmanuel Ducrot du journal L'Opinion choque dans le monde agricole irlandais.
00:06 Votre grande passion, le pays envisage de tuer, attendez, 200 000 vaches en l'espace de trois ans.
00:12 Et c'est une solution radicale qu'a adopté le pays pour faire baisser son bilan carbone.
00:17 - Oui, on parle bien de tuer 65 000 bovins par an sur trois ans.
00:21 Pas faire baisser le cheptel en limitant les naissances, ça prendrait un peu plus de temps.
00:24 Effectivement c'est assez massif et c'est totalement radical.
00:27 - Alors l'Irlande s'est en effet fait rappeler à l'ordre par l'Union Européenne
00:30 après avoir soumis son plan stratégique national agricole pour la prochaine PAC, la politique agricole commune.
00:36 - Comme tous les pays le font pour expliquer comment ils vont transcrire la politique agricole commune 2023-2027,
00:41 chacun à leur échelle nationale.
00:43 En Irlande, le secteur laitier a fait du gras après la fin des quotas européens de production de lait.
00:48 En 2015, le pays s'est tissé parmi les plus importants producteurs européens de produits laitiers.
00:53 Le nombre de vaches a augmenté de 40% en 10 ans. Il y a 6,5 millions de vaches en Irlande,
00:58 plus que d'Irlandais puisqu'ils sont 5 millions.
01:00 Et selon la commission, si Dublin veut réduire d'un quart les émissions de gaz à effet de serre de son secteur agricole d'ici à 2030,
01:06 comme on le lui demande, eh bien pas le choix.
01:08 Il faut tailler dans le secteur le plus actif de l'agriculture irlandaise, c'est-à-dire l'élevage bovin.
01:12 Les Pays-Bas se sont fait rappeler à l'ordre de la même manière, ce qui pourrait se traduire par la disparition de 30%
01:17 à 50% des élevages du pays, mais de manière un peu plus lente.
01:21 - C'est moins radical quand même comme coupe, comparé à ce qui va se passer en Irlande,
01:25 parce que les vaches, il faut le rappeler, comme d'ailleurs les moutons, font partie du paysage irlandais,
01:30 mais ils émettent aussi beaucoup de gaz à effet de serre.
01:32 - Oui, c'est le propre déruminant, ils irructent, enfin en gros ils rotent essentiellement du méthane,
01:36 dont le pouvoir de réchauffement est bien plus important que le CO2.
01:39 L'équation est simple, vu de Bruxelles, moins de vaches, moins de méthane, moins de CO2, moins d'émissions.
01:43 - Mais quand même, cette perspective d'un abattage massif, c'est loin de faire l'unanimité.
01:47 - Oui, elle réussit l'exploit de réunir dans la même colère les éleveurs irlandais, on les comprend,
01:51 et les opposants à l'élevage, tendance animaliste des militants qui n'aiment pas l'idée de l'élevage pour le lait,
01:57 ça revient à faire naître des veaux qu'on sépare de leur mère pour leur prendre leur fameux lait,
02:01 mais pour autant ils ne sont pas prêts à accepter l'idée que pour en finir avec l'élevage,
02:04 il faille massivement mettre à mort des animaux.
02:06 - Alors il y a, au-delà de l'argument purement moral, la fin de l'élevage,
02:10 c'est pas forcément la panacée écologique non plus.
02:12 - Bah oui, l'écologie c'est beaucoup plus compliqué que de simplement éliminer les vaches.
02:15 En France, il y a quelques semaines, la Cour des comptes avait lancé un rapport polémique
02:19 qui préconisait de réduire drastiquement le cheptel bovin.
02:21 Alors elle ne donnait pas de chiffres aussi précis qu'en Irlande, mais en creusant un peu,
02:25 on avait pu se rendre compte que ça avait des effets indésirables.
02:28 D'abord une réduction de la surface des prairies, des surfaces qui ne sont souvent pas arables,
02:32 on ne peut rien y faire pousser d'autre.
02:33 Ça veut dire des paysages qui se referment et puis une forme de biodiversité qui disparaît
02:37 parce que la prairie, c'est, de ce point de vue, comme pour la gestion de l'eau,
02:40 un espace absolument fantastique.
02:41 En Europe, les animaux sont essentiellement élevés sur de la prairie.
02:46 Et puis le deuxième effet qui se coule, si on peut dire, c'est que de réduire l'élevage,
02:49 ça ne veut pas dire qu'on cesse de consommer des produits laitiers.
02:52 La consommation augmente même en Europe, ça se traduit par quoi ?
02:55 Par une hausse massive des importations.
02:57 Du lait venu de loin, produit avec des bilans carbone bien moins bons que les bilans européens
03:01 puisque les animaux ne sont pas à l'herbe,
03:04 ça veut simplement dire déplacer le problème et les émissions de gaz à effet de serre.
03:08 Or ça, globalement, la Commission européenne a du mal à l'intégrer dans ces politiques dites "vertes".
03:12 Les vaches irlandaises seront peut-être les victimes de cette difficulté
03:15 à tirer les fils de nos ambitions jusqu'au bout.
03:17 Merci beaucoup Emmanuelle Ducrox du journal L'Opinion, 8h44 sur Europe 1.
03:22 Le club de la presse européenne dans un instant, Benjamin Morel, Mathieu Bocoté.