Le 6 décembre 2012, à La Roquebrussane dans le var, le corps de Jean, un viticulteur de 48 ans, est retrouvé dans le coffre de sa voiture. Dans cette affaire digne d’un polar, les gendarmes vont se retrouver au cœur d’une histoire familiale machiavélique. Nadine, l’épouse de Jean, a manipulé Benjamin, leur fils unique âgé de 16 ans afin qu’il l’aide à assassiner son père.
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00:00:00 ...
00:00:24 -Nadine téléphone à la gendarmerie
00:00:27 en indiquant qu'elle vient de retrouver le corps de son mari,
00:00:31 Jean, dans le coffre de sa voiture.
00:00:33 -Je reçois un appel me disant qu'il faut que j'intervienne
00:00:36 au milieu des vignes suite à une découverte de cadavre.
00:00:39 -En deux minutes, le gendarme a compris que c'était écrit.
00:00:43 -Le fils de Nadine et de Jean, Benjamin, 16 ans,
00:00:46 paraît assez intéressé par notre travail.
00:00:48 Il pose beaucoup de questions par rapport au décès de son père.
00:00:52 -Le flair du gendarme enquêteur
00:00:55 ne manque pas d'être intrigué par le comportement de Benjamin.
00:00:58 -Je lui dis que je pense qu'il a des choses à me dire.
00:01:03 -Benjamin déclare...
00:01:05 "J'ai tué papa avec la tue-maman."
00:01:07 -Il m'explique comment ils ont organisé la mise à mort de son père.
00:01:11 -Ainsi, d'un côté, la femme de sa vie
00:01:14 et son fils, Uni, en train de l'étrangler.
00:01:16 -C'est un enfant qui a tué son père.
00:01:19 J'étais en état de sidération.
00:01:21 La question, c'est comment Benjamin a pu participer
00:01:25 à la mort de son père.
00:01:26 -Comment un garçon aussi chanty,
00:01:28 comment un garçon aussi aimé de son père a pu en arriver là ?
00:01:31 -Il s'est présenté comme manipulé par sa mère.
00:01:34 Il dit que l'atmosphère avec sa mère était invivable.
00:01:37 -On va démontrer l'emprise exercée par la mère
00:01:41 sur Benjamin, ado de 16 ans.
00:01:45 -Elle préfère tout mettre sur le dos de son fils
00:01:47 plutôt que de reconnaître sa responsabilité.
00:01:50 -C'est passé à la conscience qu'en chargeant son fils,
00:01:54 elle a pris 20 ans de réclusion criminelle.
00:01:56 -Son fils est tout seul, mineur, de 16 ans,
00:01:59 face aux enquêteurs. Il a besoin de vous.
00:02:02 A aucun moment, elle ne vient au secours de son fils.
00:02:05 -Benjamin a perdu son père et sa mère se retourne contre lui.
00:02:09 Il n'a plus personne.
00:02:10 -Elle a armé son fils en machine à tuer, finalement.
00:02:14 Elle a tué son mari, elle a tué son fils.
00:02:18 Musique épique
00:02:20 ...
00:02:37 Musique douce
00:02:40 -La Roque-Brussane, un joli village provençal
00:02:43 situé dans le Var.
00:02:44 Ici, les 2540 habitants
00:02:49 profitent d'un cadre privilégié
00:02:51 entouré de vignes à perte de vue.
00:02:55 C'est parmi ces nombreuses terres viticoles
00:02:59 que vit Jean, 48 ans.
00:03:01 -Jean a un parcours particulier.
00:03:05 C'est un homme qui travaillait dans un supermarché
00:03:09 et puis il avait la passion du vin.
00:03:11 Donc, il a démissionné pour s'établir à son compte
00:03:15 et devenir un viticulteur.
00:03:17 Donc, il a fait rejoindre sa passion avec son métier.
00:03:21 Jean était marié à Nadine,
00:03:24 laquelle était aide-soignante à un couple ordinaire,
00:03:27 avec un enfant unique, qui est Benjamin.
00:03:31 Benjamin avait 16 ans.
00:03:33 -Ils vivaient tous les trois ensemble.
00:03:36 Tout se passait bien.
00:03:37 C'était une vie normale que tous les couples auront
00:03:40 avec leurs enfants.
00:03:41 -Une vie de famille tranquille jusqu'au 6 décembre 2012.
00:03:46 Il est aux alentours de 13h,
00:03:49 lorsqu'à la gendarmerie de la Roque-Brussane,
00:03:52 la sonnerie du téléphone retentit.
00:03:54 Au bout du fil, c'est Nadine, l'épouse de Jean.
00:03:59 -Nadine téléphone affolé à la gendarmerie
00:04:03 en indiquant, avec les mots et l'intensité qu'on peut imaginer,
00:04:07 le fait qu'elle vienne de retrouver le corps de son mari
00:04:12 dans le coffre de sa voiture.
00:04:14 -Nadine hurle aux gendarmes qu'il faut venir au plus vite.
00:04:18 Elle leur donne l'adresse du hangar agricole de Jean,
00:04:22 où elle vient de faire la macabre découverte.
00:04:25 Gilles Valdan est le premier officier de police judiciaire
00:04:29 saisi de l'affaire à être arrivé sur les lieux.
00:04:33 -J'arrive dans un grand hangar agricole,
00:04:35 au milieu des vignes.
00:04:37 Le corps de la personne se trouve au sol, dans la cour.
00:04:41 Nadine nous explique qu'elle l'a sortie du coffre
00:04:44 pour prodiguer des gestes de premier secours.
00:04:47 Le corps est manifestement rigide.
00:04:50 Il est décédé depuis un petit moment
00:04:52 et il n'y a plus rien à faire pour le sauver.
00:04:55 -Gilles Valdan interroge Nadine
00:04:57 afin de comprendre quel drame a pu se nouer
00:05:00 dans cet endroit pourtant si tranquille.
00:05:03 ...
00:05:06 -Nadine nous explique que son mari est parti la veille au soir,
00:05:10 vers 22h, du domicile du village de la Rue Brussane,
00:05:13 pour se rendre dans son hangar.
00:05:15 Elle nous explique qu'il avait peur des rôdeurs
00:05:17 et qu'il voulait protéger son hangar en dormant.
00:05:20 -Il devait rentrer le matin, il n'y est jamais rentré.
00:05:24 Voyant qu'il ne rentrait pas, elle s'est rendue sur les lieux,
00:05:27 accompagnée de Benjamin.
00:05:29 Ils ont trouvé le corps sans vie de Jean
00:05:31 dans le coffre de sa voiture.
00:05:34 -Les gendarmes sont intrigués de retrouver le corps de Jean
00:05:38 dans le coffre ouvert de sa voiture.
00:05:40 ...
00:05:42 Ils interrogent alors Nadine,
00:05:44 qui leur livre une explication toute simple.
00:05:47 -Nadine nous explique que son mari a des problèmes cardiaques.
00:05:51 Elle nous dit qu'il a probablement fait un malaise
00:05:54 et qu'il se serait traîné jusqu'à sa voiture
00:05:56 et se serait recroquevillé dans son coffre.
00:05:59 -Selon Nadine, son mari n'aurait pas eu le temps
00:06:02 d'atteindre le volant de son véhicule
00:06:04 pour se rendre en urgence à l'hôpital.
00:06:07 ...
00:06:09 Et sur le chemin, il se serait affalé
00:06:11 dans le coffre de sa voiture, qui était ouvert.
00:06:14 ...
00:06:16 La version de Nadine est étonnante,
00:06:18 mais semble tout de même crédible,
00:06:20 car aucune trace de violence n'est constatée
00:06:23 sur le corps de son époux.
00:06:24 ...
00:06:26 Et surtout, son fils, Benjamin, 16 ans,
00:06:29 confirme sa version.
00:06:30 ...
00:06:32 -Les déclarations de Benjamin corroborent celles de sa mère.
00:06:36 C'est-à-dire qu'il nous déclare que son père est parti
00:06:39 la veille vers 22h et qu'il a dormi au cabanon.
00:06:42 Et c'est le matin que sa mère a téléphoné à son père
00:06:46 et n'ayant pas de réponse, elle s'est inquiétée
00:06:49 et ils sont allés donc à la recherche de Jean.
00:06:52 Il est calme,
00:06:54 il ne démontre aucune émotion particulière.
00:06:59 ...
00:07:00 -Après avoir entendu l'épouse et le fils de Jean,
00:07:04 Gilles Valdan et ses collègues procèdent
00:07:06 aux premières constatations afin d'essayer de comprendre
00:07:09 ce qui est arrivé à la victime.
00:07:11 -Nous décidons immédiatement de procéder à un gel des lieux.
00:07:15 On fait reculer tout le monde.
00:07:17 Il remarque très rapidement quelque chose d'étrange.
00:07:21 On constate que Jean est en chaussettes
00:07:24 et ses chaussures se trouvent à l'intérieur du hangar,
00:07:27 bien rangées.
00:07:28 A ce moment-là, on remarque que ses chaussettes sont toutes propres.
00:07:33 Or, la voiture se trouve à une cinquantaine de mètres
00:07:37 du hangar et pour aller de la voiture au hangar,
00:07:41 il faut marcher sur l'herbe,
00:07:44 sur le gravier, sur la terre,
00:07:47 et manifestement, on ne peut pas avoir des chaussettes immaculées.
00:07:51 L'oeil du professionnel a remarqué ce détail.
00:07:54 -On se demande comment il a pu venir seul
00:07:56 dans la cour de sable jusqu'à sa voiture
00:07:59 sans salir ses chaussettes.
00:08:01 -La conclusion est simple,
00:08:02 le corps n'est pas venu seul dans la voiture,
00:08:05 quelqu'un l'a transporté.
00:08:06 -Quelqu'un a obligatoirement porté Jean du hangar au coffre.
00:08:11 On écarte immédiatement l'hypothèse d'un malaise
00:08:14 au sein du hangar.
00:08:15 En deux minutes, le gendarme, avec son professionnalisme,
00:08:19 a compris que c'était un crime.
00:08:22 -Le gendarme Gilles Valdan est convaincu
00:08:26 qu'il est face à une scène de crime.
00:08:29 -Et l'autopsie du corps de Jean, ordonnée dans la foulée,
00:08:32 confirme que son intuition était la bonne.
00:08:35 -L'autopsie montre que le décès est dû à un oedème pulmonaire.
00:08:39 -L'oedème pulmonaire, c'est la résultante d'un étouffement,
00:08:43 quelles que soient les causes de l'étouffement.
00:08:46 -Le médecin légiste est formel.
00:08:50 Jean a été étouffé ou étranglé.
00:08:53 ...
00:08:56 -Si le gendarme Gilles Valdan n'avait pas eu du flair
00:08:59 en découvrant les chaussettes propres de la victime,
00:09:02 c'était le crime parfait.
00:09:04 Les enquêteurs attendent les résultats
00:09:07 des analyses toxicologiques pour en savoir plus.
00:09:10 Mais il faudra encore patienter quelques jours.
00:09:15 Alors, en attendant, ils se plongent dans la vie de Jean.
00:09:19 Peut-être y trouveront-ils une piste.
00:09:22 -Jean, c'est un monsieur
00:09:24 qui est très bien implanté dans le village depuis très longtemps,
00:09:27 viticulteur.
00:09:28 -Il s'est révélé comme un acharné du travail.
00:09:31 C'était sa passion, sa vie.
00:09:33 Il était passionné par la vie.
00:09:35 Il espérait vivement que Benjamin prenne sa suite.
00:09:39 Il commençait à former Benjamin à l'art de faire du vin
00:09:43 et de cultiver la vie.
00:09:45 -C'est un monsieur qui connaît beaucoup de monde,
00:09:48 qui est d'une gentillesse infinie,
00:09:50 qui est apprécié de tous.
00:09:52 C'était une patte.
00:09:54 Ce qu'on appelle dans l'humilité une patte,
00:09:56 c'est qu'il était malléable.
00:09:58 On en faisait ce qu'on voulait.
00:10:00 C'était un bon vivant.
00:10:02 Jamais ronchon, ça allait toujours bien.
00:10:05 Quelqu'un qui est sociable,
00:10:06 qui est avenant avec tout le monde et qui est sympathique.
00:10:10 Un bon mec.
00:10:11 Ouais.
00:10:12 -Quand une enquête criminelle démarre,
00:10:16 on se dit toujours qu'il était en inimiti avec un tel,
00:10:19 qu'il s'est disputé avec un tel.
00:10:21 Mais y avait rien.
00:10:22 -On peut rien lui reprocher.
00:10:24 Rien. Rien.
00:10:25 C'est incroyable.
00:10:27 Je l'ai jamais vu se disputer avec quelqu'un,
00:10:30 mais jamais.
00:10:31 Jamais. Ça allait toujours bien.
00:10:33 -Aucune piste particulière ne se dessine.
00:10:37 On ne lui connaît pas d'ennemis. Aucun.
00:10:39 -C'est un homme normal, dans une famille normale.
00:10:42 -Absolument rien dans la vie de Jean
00:10:46 ne peut expliquer qu'il ait été tué.
00:10:50 -Les gendarmes vont alors envisager la piste du cambriolage
00:10:53 qui tourne mal.
00:10:54 -Le schéma est simple.
00:10:57 Jean, qui se méfiait et qui avait peur des cambrioleurs,
00:11:00 est allé surveiller son hangar.
00:11:02 Il a surpris des cambrioleurs, lesquels l'ont tué.
00:11:05 -Mais on ne constate aucun vol manifeste dans le hangar.
00:11:08 -Le ou les meurtriers de Jean
00:11:12 ont peut-être tout simplement paniqué après l'avoir tué
00:11:15 et se sont enfuis les mains vides.
00:11:17 ...
00:11:20 -Mais tout de même, les gendarmes n'écartent aucune piste.
00:11:23 Ils poursuivent leurs investigations.
00:11:26 En attendant, les obsèques de Jean
00:11:30 se déroulent dans une ambiance très lourde.
00:11:33 -C'est une famille effondrée.
00:11:36 C'est un jour terrible et qu'ils n'oublieront jamais,
00:11:39 puisque la date, en plus, est peu ordinaire,
00:11:42 puisqu'il a été enterré le 24 décembre, le jour de Noël.
00:11:45 Comment peut-on oublier une date pareille ?
00:11:47 -Bien évidemment, les regards de compassion,
00:11:52 d'affection se tournent tous vers la veuve qui était pleurée
00:11:56 et vers le gamin de 16 ans, qui a perdu son papa,
00:12:00 c'est-à-dire Nadine, et son fils.
00:12:02 -Tout le monde était un peu petit soin avec elle
00:12:07 pour essayer de lui faire passer ce moment triste.
00:12:10 Elle et son fils, bien sûr.
00:12:12 -Ce que les gens n'ont pas manqué de remarquer,
00:12:15 c'est qu'il y avait la veuve qui était véritablement éplorée,
00:12:18 déchirée par les larmes,
00:12:20 et le fils, Benjamin, qui était plus en retrait,
00:12:23 un petit peu sur la retenue.
00:12:25 -Bon, c'est un ado de 16 ans, il a subi un choc épouvantable.
00:12:29 En découvrant quasiment le corps de son père,
00:12:32 on peut penser qu'il était prostré ou hébété,
00:12:36 et donc on n'y a pas prêté plus d'attention que cela,
00:12:39 mais il était plus dans une retenue que la maman.
00:12:44 Elle effondrait, effondrait, écroulait, écroulait.
00:12:47 Elle était en larmes.
00:12:49 C'est une veuve éplorée,
00:12:50 comme beaucoup de veuves qui perdent leur mari.
00:12:53 C'était un enterrement vraiment dramatique, quoi,
00:12:56 parce que c'était...
00:12:58 Et l'attitude de Nadine, c'était...
00:13:00 C'était dans notre monde, quoi.
00:13:02 -Le 30 décembre 2012,
00:13:07 plus de trois semaines après le meurtre de Jean,
00:13:10 l'enquête va rebondir de façon inespérée.
00:13:13 Ce jour-là, les gendarmes se rendent au hangar de Jean
00:13:17 afin de refixer sur la scène de crime
00:13:19 des scellés arrachés par le vent.
00:13:21 Et là, le comportement du jeune Benjamin
00:13:26 va attirer l'attention de Gilles Valdin.
00:13:29 -Sur place, je constate la présence de Nadine et de Benjamin.
00:13:34 Et Nadine me parle de vignes,
00:13:39 de récoltes, de choses comme ça.
00:13:42 De choses sans intérêt.
00:13:44 Et mon collègue continue à parler avec Nadine
00:13:47 et Benjamin vient me voir et me demande
00:13:50 si on a des résultats,
00:13:52 des analyses toxicologiques de son père.
00:13:54 En général, quand on pose ce genre de questions,
00:13:57 c'est qu'on connaît plus ou moins la réponse.
00:14:01 -Alors, là également,
00:14:03 on est partagé entre la suspicion et des discours normaux.
00:14:07 Après tout, le fils est terriblement choqué
00:14:10 par la mort de son père.
00:14:11 Il a la possibilité de voir les gendarmes sur place
00:14:14 et de les interroger sur le sol de l'autopsie.
00:14:16 Mais là également,
00:14:18 le flair du gendarme enquêteur
00:14:22 ne manque pas d'être intrigué par le comportement de Benjamin.
00:14:26 -Benjamin paraît assez intéressé par notre travail
00:14:29 et il pose beaucoup de questions.
00:14:31 Beaucoup, beaucoup de questions
00:14:33 par rapport au décès de son père.
00:14:35 Et je lui demande pourquoi il veut savoir ça.
00:14:39 Il reste assez évasif dans ses explications.
00:14:42 Il est gêné par la présence de sa mère
00:14:44 et on sent qu'il a quelque chose de lourd
00:14:48 qui traîne un gros fardeau.
00:14:50 C'est le sentiment que j'ai.
00:14:52 Et là, je lui dis que je pense qu'il a des choses à me dire,
00:14:56 qu'il sait des choses
00:14:58 et que s'il veut, il peut venir m'en parler.
00:15:02 Et Benjamin me dit qu'il veut bien venir me voir,
00:15:06 mais que surtout, je ne dois pas le dire à sa mère.
00:15:09 Oui, je viens, mais il ne faut pas le dire à ma mère.
00:15:12 D'accord.
00:15:13 Je lui explique qu'à 15h, je serai au bureau
00:15:16 et que s'il veut passer, il passe sans problème
00:15:20 et que je le recevrai.
00:15:21 ...
00:15:24 -De retour à la gendarmerie, le gendarme Gilles Valdan
00:15:27 espère que l'adolescent viendra le voir, comme promis.
00:15:30 ...
00:15:33 Et à 15h, Benjamin arrive comme convenu, seul,
00:15:37 à la gendarmerie de La Roque-Brussane.
00:15:39 -Benjamin se présente à la brigade.
00:15:42 Je l'accueille et je le reçois dans un bureau,
00:15:46 en tête à tête.
00:15:47 Il est mal à l'aise, perturbé.
00:15:49 Il s'assied.
00:15:51 Et je lui dis "Bah écoute, vas-y, dis-moi, je t'écoute."
00:15:54 Et là, il m'annonce qu'avec sa mère,
00:15:58 ils ont tué son père.
00:16:00 -Ainsi donc, les gendarmes se trouvent face à un adolescent
00:16:04 totalement inconnu des services de police,
00:16:06 complètement intégré dans sa vie d'adolescent,
00:16:09 qui avoue avoir tué son père,
00:16:12 avec l'aide de sa mère.
00:16:14 Alors là...
00:16:15 ...
00:16:16 -Je le place immédiatement en garde à vue.
00:16:19 Dans sa première audition, il m'explique en détail
00:16:22 comment ils ont organisé la mise à mort de son père.
00:16:25 -Benjamin dira que c'est sa mère
00:16:29 qui l'a poussée à tuer son père.
00:16:33 Benjamin explique
00:16:36 que sa mère l'a appelée et lui a demandé
00:16:39 de piler des médicaments de la noctamide,
00:16:44 qui est un puissant sédatif,
00:16:47 qu'elle lui a tendu, en disant qu'elle allait mettre
00:16:50 ces médicaments dans le café
00:16:53 que boirait le père après le repas.
00:16:57 Il s'est exécuté, il a pilé les cachets.
00:17:00 Les cachets ont été mis dans le café par Nadine.
00:17:05 Ensuite, la famille a dîné.
00:17:07 -Benjamin nous explique qu'à la fin du repas,
00:17:10 ils ont donné une grande tasse de café à son père,
00:17:13 qui l'a bu.
00:17:15 Jean s'est endormi très rapidement.
00:17:17 Il est monté se coucher à l'étage dans son lit.
00:17:20 -Il a sombré dans un sommeil proche du coma.
00:17:23 Il était sous soumission chimique
00:17:26 et il était livré,
00:17:29 inerte,
00:17:31 aux mains de ses bourreaux, à savoir sa femme et son fils.
00:17:35 -Ils sont allés tous les deux
00:17:37 pour s'assurer que Jean dormait profondément.
00:17:39 Ils l'ont secoué.
00:17:41 -Ils le secouent et le pincent pour voir si il a eu une réaction.
00:17:44 Le pauvre n'a aucune réaction.
00:17:46 -Et ensuite, ils ont récupéré un oreiller
00:17:50 qu'ils ont imbibé d'eau de Javel et d'alcool à brûler.
00:17:54 -Ce coussin a été appliqué
00:17:57 sur la bouche et le nez de Jean,
00:18:01 qui, bien sûr, ne bougeait pas.
00:18:03 Il était dans un sommeil proche d'un début de coma.
00:18:08 En plus, il respirait des vapeurs toxiques.
00:18:11 Il respirait très mal,
00:18:13 puisqu'il avait un coussin plaqué sur sa bouche et son nez
00:18:17 par son fils et sa femme.
00:18:19 -Le gendarme Gilles Valdan écoute méduser
00:18:24 les aveux terribles de l'adolescent de 16 ans.
00:18:27 Il pense déjà avoir entendu le pire,
00:18:31 mais Benjamin n'a en réalité pas terminé.
00:18:34 -Jean étant allongé sur le dos,
00:18:36 il lui passe une ceinture sous le cou
00:18:39 qu'il repasse ensuite par-dessus de chaque côté.
00:18:43 Et ils tiennent chacun d'un côté un morceau de la ceinture
00:18:47 pour s'assurer que si Jean venait à bouger
00:18:52 pendant qu'il tentait de l'étouffer,
00:18:54 il puisse tirer sur la ceinture pour l'étrangler.
00:18:57 Et ils pressent à deux très fortement
00:19:00 l'oreiller sur le visage de Jean.
00:19:02 Il reste plusieurs minutes ainsi,
00:19:05 en tirant sur la ceinture également.
00:19:08 -Ainsi donc, d'un côté, la femme de sa vie
00:19:11 et son fils unique en train de l'étrangler.
00:19:15 Et tous les deux tirant sur la ceinture
00:19:19 pendant 30 minutes pour l'achever.
00:19:22 C'est une scène affreuse, cette scène m'épouvante.
00:19:25 C'est affreux.
00:19:27 -Benjamin est très précis dans ses déclarations.
00:19:30 Tellement précis qu'il vient même à nous raconter
00:19:33 quelques anecdotes, notamment le fait qu'ils ont tellement tiré
00:19:37 sur la ceinture qu'il avait encore mal à la main.
00:19:40 -J'avais mal à la main tellement que je tirais sur la ceinture.
00:19:43 -Ce dossier, il est vertigineux. C'est un père...
00:19:46 qui est tué...
00:19:48 par son fils...
00:19:50 et par la maman en même temps.
00:19:53 C'est vertigineux quand on y pense.
00:19:57 -Après s'être rassuré que Jean était bien décédé,
00:20:01 ils décident de maquiller la scène.
00:20:04 -Ils ont pris la décision de maquiller ce crime
00:20:09 pour tenter de le faire passer soit par un crime de voleur,
00:20:12 soit peut-être même par un suicide.
00:20:15 -Ils le descendent, ils le portent jusque dans le coffre
00:20:18 et ils le transportent à deux véhicules jusqu'au hangar.
00:20:22 -Le fils suivant la mère,
00:20:24 bien que n'ayant pas le permis, mais sachant conduire,
00:20:27 se suivant la mère au volant d'un des véhicules,
00:20:30 ils se sont rendus au hangar.
00:20:32 Ils auraient, dans un premier temps,
00:20:35 imaginé de le pendre,
00:20:37 maquiller le crime en suicide,
00:20:39 et puis, finalement, ils ne sont pas allés au bout
00:20:43 de leur désir.
00:20:44 Benjamin, ayant expliqué qu'il avait très mal au dos
00:20:48 après avoir soulevé le corps de son père,
00:20:50 qui était quand même assez postaud,
00:20:52 n'avait plus la force ou peut-être l'envie
00:20:55 d'accrocher son père à une poutre avec une corde.
00:20:58 Finalement, tous les deux en sont restés là
00:21:00 et ont laissé Jean dans le coffre de sa voiture
00:21:03 et ils sont rentrés, tous les deux, à la maison.
00:21:07 -Quand Benjamin m'annonce ça, je suis un petit peu sidéré
00:21:10 parce que autant je m'attendais à ce qu'il m'annonce
00:21:13 que sa mère avait un rôle actif dans le décès de son père,
00:21:17 autant je ne pensais pas que lui en avait eu un.
00:21:20 Quand on voit Benjamin,
00:21:22 on se dit qu'il n'a pas forcément le physique de l'emploi.
00:21:25 C'est un jeune garçon propre sur lui,
00:21:27 gentil, frêle, discret, presque timide,
00:21:32 et on n'imagine pas du tout pouvoir accomplir un tel acte.
00:21:38 C'est un enfant.
00:21:40 Un enfant qui a tué son père
00:21:43 et qui vient me dire ça et qui vient vider son sac.
00:21:46 Et là, j'étais vraiment en état de sidération.
00:21:49 Musique douce
00:21:51 -Le gendarme Valdan est également sidéré
00:21:54 de constater que Benjamin tient des propos très immatures
00:21:57 dont il ne mesure pas l'impact.
00:21:59 ...
00:22:01 -Benjamin nous dira, avec un petit sourire en coin,
00:22:04 qu'il est passé en conduisant la voiture
00:22:06 devant la gendarmerie alors qu'il n'a pas le permis de conduire,
00:22:10 avec le cadavre de son père dans le coffre.
00:22:13 -Pour reprendre ces termes,
00:22:14 ça m'a fait rigoler de passer devant la gendarmerie
00:22:18 en pleine nuit sans permis avec le corps de mon père dans le véhicule.
00:22:22 Ca démontre quand même une certaine immaturité.
00:22:24 -Il n'a pas conscience de ce qu'il dit.
00:22:26 Il n'y a qu'un ado qui peut dire ça.
00:22:28 Il n'y a qu'un ado qui peut le penser et le dire.
00:22:31 ...
00:22:33 -Afin de comprendre à quel mineur ils ont affaire,
00:22:36 les gendarmes vont s'intéresser à la vie de cet adolescent
00:22:39 devenu criminel.
00:22:41 ...
00:22:44 -Benjamin, ado, sans grand problème,
00:22:47 une scolarité normale, ni étincelante ni médiocre.
00:22:50 -C'est un jeune qui est un peu dans les mois
00:22:52 qui ont précédé les faits,
00:22:54 paraissant aux yeux des autres, peut-être un peu sombre,
00:22:57 parfois peut-être un peu en retrait vis-à-vis des autres,
00:23:01 se liant un peu moins que ses copains.
00:23:04 -C'est pas un jeune exubérant, quoi.
00:23:06 Plutôt un peu mal dans sa peau.
00:23:09 Il fait un peu introverti.
00:23:10 C'est pas un jeune qui a beaucoup d'amis.
00:23:14 C'était pas un jeune qui sortait dehors,
00:23:16 plutôt qui restait chez lui.
00:23:18 -C'est un garçon extrêmement gentil.
00:23:20 Tout le monde dit que c'est un enfant aimant,
00:23:23 qui aime son père, qui aime sa mère.
00:23:26 Et sa mère est très protectrice.
00:23:28 Très, très protectrice.
00:23:30 Il faut savoir que quelques années auparavant,
00:23:33 Nadine et Jean ont eu un autre enfant, après Benjamin,
00:23:36 et que cet enfant est mort en très bas âge.
00:23:39 -Il y a eu un bébé qui est mort très tôt,
00:23:41 mort subie d'une nourrisson.
00:23:42 ...
00:23:45 -Benjamin a toujours été un enfant couvé par sa mère,
00:23:48 mais aussi par son père.
00:23:49 -Benjamin était proche de son père,
00:23:53 comme peut l'être un adolescent.
00:23:55 Beaucoup d'amour réciproque entre le père et le fils.
00:23:58 -Son père, c'est quelqu'un de généreux, d'attentif.
00:24:01 C'est quelqu'un qui...
00:24:03 offre tout à son fils.
00:24:05 S'il a besoin d'une guitare, il lui achète une guitare.
00:24:09 S'il a besoin d'avoir une moto, on lui achète une moto.
00:24:13 S'il a besoin de quoi que ce soit,
00:24:15 son père est là.
00:24:17 -Son père jouait le rôle d'un père,
00:24:20 c'est-à-dire l'initiateur, le guide, le maître.
00:24:24 Il lui a appris à pêcher, à chasser,
00:24:26 ce qu'on fait à la campagne, à s'occuper de la vigne.
00:24:31 -Dans les week-ends, il allait avec son père à droite et à gauche.
00:24:35 Il essayait de lui apprendre,
00:24:36 car il faut la comprendre, connaître les chemins.
00:24:40 Il lui apprenait ce que lui avait appris,
00:24:42 comme un père de famille fait quand il a un moment de libre.
00:24:46 -Le papa, c'est le modèle, le protecteur,
00:24:49 c'est le repère, surtout pour un ado,
00:24:53 surtout pour un ado garçon.
00:24:54 -La question, c'est comment Benjamin a pu participer
00:24:58 à la mort de son père.
00:24:59 -Après avoir écouté attentivement Benjamin livrer ses aveux terribles,
00:25:06 le gendarme Gilles Valdan questionne l'adolescent sur le mobile.
00:25:10 Benjamin lâche que sa mère n'en pouvait plus
00:25:15 des violences conjugales qu'elle subissait.
00:25:17 Elle l'aurait alors convaincue de l'aider à tuer son père.
00:25:22 -C'est elle qui a pris la décision
00:25:25 de convaincre son fils de tuer son père
00:25:30 et par voie de conséquence, son époux.
00:25:32 Le chef d'orchestre, c'est la mère.
00:25:34 Il apparaît, au fil des dépositions de Benjamin,
00:25:39 que ça a été monté de longue date.
00:25:41 Et c'est ce qui est encore plus...
00:25:45 ahurissant.
00:25:46 Ce n'était pas un coup d'essai.
00:25:47 Il y avait déjà eu des tentatives
00:25:50 qui ne sont pas allées jusqu'à leur terme.
00:25:52 Ça avait déjà été préparé et exécuté
00:25:54 deux ou trois fois avant les faits du 5 décembre.
00:25:57 -La démarche, j'ai remarqué,
00:26:00 avérique de Nadine dure depuis un certain temps.
00:26:03 Elle est vraiment dans une démarche meurtrière,
00:26:06 mais sur un long terme, quoi.
00:26:08 Elle veut vraiment arriver à ses fins.
00:26:10 -Benjamin, par le passé, a déjà réussi à dissuader sa mère
00:26:16 d'accomplir l'assassinat de Jean.
00:26:19 Et cette fois, il espère aussi
00:26:22 qu'en allant se coucher, elle va laisser tomber.
00:26:27 -Il a dit "une fois que j'ai pilé les médicaments poisons
00:26:31 "sur la demande de ma mère,
00:26:33 "je suis monté dans ma chambre à 21h comme je fais tous les soirs."
00:26:36 Et j'étais dans ma chambre.
00:26:38 Et là, ma mère est venue me chercher
00:26:41 quelques temps après en disant "il faut y aller".
00:26:44 Je lui ai dit "j'y vais plus, je veux pas".
00:26:46 Et là, sa mère lui a dit "tu as commencé, tu finis."
00:26:50 -Nadine est déterminée, il faut finir le travail
00:26:53 et il faut passer à l'action.
00:26:55 -A la fin de ses aveux, très précis,
00:26:59 Benjamin affiche un grand soulagement.
00:27:02 -Il est soulagé.
00:27:04 Il est soulagé, c'est comme un enfant
00:27:07 qui a fait une bêtise et qui vient d'avouer sa bêtise.
00:27:10 Un soulagement d'avoir dit la vérité.
00:27:12 C'était important pour lui.
00:27:14 Il a traîné ce fardeau depuis plus de trois semaines,
00:27:18 presque un mois.
00:27:19 Il vient soulager sa conscience, clairement.
00:27:23 -Je suis pas persuadé qu'il se rende compte
00:27:25 de la situation dans laquelle il se trouve.
00:27:28 -Il pense qu'une fois que la grosse bêtise a été avouée,
00:27:31 il va pouvoir rentrer chez lui, clairement.
00:27:33 Il imagine pas qu'il peut être incarcéré
00:27:37 ou que... Pour lui, c'est une grosse bêtise.
00:27:39 Mais il imagine pas du tout les conséquences.
00:27:42 Benjamin n'a pas conscience qu'il risque 20 ans d'emprisonnement.
00:27:46 -Benjamin affirme qu'il a accepté d'assassiner son père
00:27:51 à la demande de sa mère.
00:27:53 L'adolescent semble sincère,
00:27:57 mais les gendarmes sont surpris
00:27:59 qu'Arnadine n'a absolument pas le profil, elle aussi,
00:28:02 d'une criminelle capable d'utiliser son fils
00:28:05 pour accomplir son projet macabre.
00:28:07 -Arnadine était d'enquête soignante.
00:28:12 Il est affecté dans un service, gériatrie.
00:28:15 Quelqu'un avec un beau dynamisme, une belle énergie,
00:28:19 très sociable, plutôt gai, jovial, dynamique.
00:28:23 Une bonne collègue, quoi. Rien à dire.
00:28:26 -Arnadine venait à la maison, regardait les enfants,
00:28:29 tout se passait bien, c'était impeccable.
00:28:31 Il y avait aucun problème.
00:28:33 On ne se voyait régulièrement, aucun problème.
00:28:36 Toujours souriante, toujours avenante,
00:28:38 toujours sympathique.
00:28:39 Pas la fille renfrognée, renfermée, violente.
00:28:42 Non, c'était la fille, vraiment.
00:28:44 Vous la rencontrez dans la rue, toujours le sourire aux lèvres.
00:28:47 C'était vraiment une fille adorable.
00:28:49 -Nadine semble, a priori, être une bonne mère de famille.
00:28:55 C'est pourtant elle que Benjamin accuse du pire.
00:28:58 Alors, forcément, les enquêteurs doivent à présent
00:29:02 confronter Nadine aux aveux de son fils.
00:29:04 Elle est immédiatement interpellée.
00:29:08 C'est Julien Navarro, l'adjudant-chef à l'époque,
00:29:11 qui va mener sa garde à vue.
00:29:13 -Je lui indique qu'elle est placée en garde à vue pour assassinat.
00:29:17 Je ne lui indique pas immédiatement que son fils est placé en garde à vue.
00:29:20 Je commence à lui poser des questions
00:29:22 sur les relations qu'elle avait avec son mari.
00:29:25 Elle dit qu'il n'y avait pas de soucis particuliers.
00:29:28 Il y a des hauts et des bas.
00:29:30 -Nadine ne comprend pas les motifs de sa garde à vue.
00:29:32 Elle dit qu'elle n'a aucun problème avec son mari.
00:29:35 -C'est seulement arrivé à la fin de l'audition,
00:29:38 elle lit tout en bloc, que je lui indique
00:29:41 que son fils est placé en garde à vue.
00:29:43 -On lui donne la teneur des déclarations de son fils.
00:29:47 Elle lit immédiatement, "je ne comprends pas,
00:29:49 "mon fils a beaucoup d'imagination", dit-elle.
00:29:52 -Elle m'a dit que son fils, donc, c'est un rêveur,
00:29:56 il a beaucoup d'imagination, il a à peine 16 ans,
00:29:59 elle ne comprend pas pourquoi il déclare ça.
00:30:02 -Il est perturbé par la mort de son père,
00:30:04 il a des problèmes, c'est un ado.
00:30:08 Voilà, en gros, ce qu'elle se borne à dire.
00:30:11 -Elle ne comprend pas son fils,
00:30:13 elle ne comprend pas ce qu'il dit, elle lit en bloc.
00:30:17 -C'est faux, c'est faux, elle ne comprend pas.
00:30:19 On a l'impression que ça ne l'atteint pas.
00:30:22 Alors que je l'avais en garde à vue pour assassinat,
00:30:25 que je lui indique que son fils est placé en garde à vue
00:30:28 pour les mêmes faits, qu'il est en train de s'expliquer sur les faits,
00:30:32 elle garde son sourire.
00:30:34 Elle a un sourire même charmeur, je dirais, vis-à-vis de moi.
00:30:39 Ce qui m'a marqué, c'est que malgré son sourire,
00:30:42 elle est trahie par son regard.
00:30:44 Elle a un regard noir, perçant,
00:30:46 un peu comme le regard d'un requin sans vie.
00:30:49 Un regard, vraiment, un regard noir.
00:30:52 Ca m'a interpellé, mais dès le début.
00:30:54 -Nadine jure qu'elle est innocente
00:30:58 et que son fils ne raconte que des mensonges.
00:31:00 Alors, les gendarmes sont face à un dilemme.
00:31:04 Qui, du fils ou de la mère, dit la vérité ?
00:31:07 Pour répondre à cette question,
00:31:10 ils organisent dès le lendemain une perquisition
00:31:13 dans la maison familiale.
00:31:15 Les gendarmes vont alors mettre la main
00:31:18 sur l'ordinateur de Nadine.
00:31:20 Et ce qu'ils découvrent finit d'accabler la mère de famille.
00:31:24 -L'analyse des recherches internet
00:31:30 nous montre que Nadine a, dans le passé,
00:31:34 fait plusieurs recherches, notamment sur le pouvoir létal
00:31:37 des neuroleptiques, sur la manière de tuer quelqu'un
00:31:41 en lui administrant une décoction de laurier rose,
00:31:45 et comment tuer quelqu'un avec de la morora.
00:31:48 -On va se rendre compte que ça faisait des mois,
00:31:52 des semaines qu'elle faisait des recherches
00:31:55 sur comment empoisonner une personne,
00:31:57 quels sont les poisons les plus efficaces.
00:31:59 -Des recherches, pour le moins étonnantes,
00:32:02 sont en raccord avec ce qu'a déclaré Benjamin.
00:32:05 -Benjamin nous explique d'ailleurs qu'il a,
00:32:08 à la demande de sa mère, donné une soupe à son père
00:32:11 avec du laurier rose à l'intérieur,
00:32:13 et que son père ne l'a pas du tout aimée,
00:32:15 qu'elle était amère et qu'il ne l'a pas bue.
00:32:18 -Et ce n'est pas le seul élément
00:32:21 qui accrédite l'aversion de Benjamin.
00:32:23 Les résultats des analyses toxicologiques
00:32:26 effectuées sur le corps de Jean viennent de tomber
00:32:30 et confirment, une fois encore, les aveux de l'adolescent.
00:32:34 -Il apparaît d'une manière incontestable
00:32:39 que Jean a été placé en soumission chimique
00:32:42 par une administration d'une dose quasi létale
00:32:45 d'un octamide,
00:32:47 et également, les expertises toxicologiques
00:32:51 ont découvert qu'il avait subi, dans les semaines précédentes,
00:32:55 l'administration à haute dose
00:32:58 d'un inoptique puissant, l'aldol,
00:33:02 qui ne se trouve que dans les hôpitaux.
00:33:04 -Nadine était soignante, elle connaît les médicaments,
00:33:07 elle y a assez dans le cadre de son emploi.
00:33:11 -Donc, ça démontre ce que là, également,
00:33:15 disait Benjamin, à savoir qu'il y a eu de nombreuses tentatives
00:33:18 antérieures à celles qui ont abouti à la mort de Jean.
00:33:22 Et on a trouvé tellement de médicaments différents
00:33:25 dans le corps de Jean
00:33:27 qu'on peut dire que son corps était devenu
00:33:31 une véritable armoire à pharmacie.
00:33:33 -Toutes les indications de Benjamin
00:33:36 se corroboraient par les éléments matériels
00:33:39 qu'on a obtenus dans le cadre de l'enquête.
00:33:42 C'est pour ça qu'on donne crédit à sa version.
00:33:45 -En plus des aveux de Benjamin,
00:33:47 accusant sa mère d'être l'instigatrice
00:33:50 du meurtre de son père, les gendarmes ont réussi
00:33:53 à récolter d'autres éléments écrasants contre Nadine.
00:33:56 Alors, sans tarder,
00:33:59 il la confronte à ses nouvelles découvertes.
00:34:02 Et sa stratégie de défense va dérouter les enquêteurs.
00:34:05 -Alors, Nadine, lors de ses premiers interrogatoires,
00:34:10 s'est contentée de dire "Mon fils est un ado,
00:34:12 "il a beaucoup d'imagination."
00:34:14 Elle n'a pas pu tenir longtemps cette ligne de défense
00:34:18 qui était inacceptable et inacceptée.
00:34:21 Elle a été dans l'obligation d'évoluer
00:34:23 parce qu'on lui a mis sous le nez des éléments matériels
00:34:26 qui démontraient d'une manière exacte, à 100 %,
00:34:31 toutes les déclarations faites par Benjamin.
00:34:34 -Lors de sa deuxième audition, Nadine change
00:34:38 son argumentation
00:34:41 et reconnaît être au courant
00:34:44 que son fils a tué seul son père.
00:34:48 -Elle précise même qu'il rêvait depuis longtemps
00:34:51 de supprimer son père, sans indiquer réellement pourquoi,
00:34:54 pour quelle raison il voulait tuer son père,
00:34:58 mais qu'elle, elle a essayé de l'en dissuader.
00:35:02 -On lui pose la question.
00:35:03 "Qu'est-ce qui s'est passé ?" "Je sais pas, je préparais le café,
00:35:07 "et puis je suis monté et j'ai vu Benjamin près du lit de son père,
00:35:13 "et son père était mort."
00:35:15 -Elle nous explique que quand elle est montée se coucher,
00:35:18 elle a trouvé son fils en train d'étouffer avec l'oreiller son père.
00:35:23 -Qu'elle est arrivée, qu'il était décédé,
00:35:26 qu'elle a essayé même de le sauver,
00:35:28 elle a pris son peau, mais c'était trop tard,
00:35:30 et qu'après, pour protéger son fils,
00:35:33 elle l'a aidé à dissimuler le corps
00:35:35 et à transporter le corps sur le camaron.
00:35:37 Mais à aucun moment, elle va reconnaître sa responsabilité.
00:35:42 -Elle nous a juste concédé à voir aider son fils
00:35:45 à transporter le corps parce qu'elle voulait le protéger.
00:35:48 -La voilà qui dit,
00:35:50 "mais c'est lui qui voulait tuer son père,
00:35:53 "c'est lui qui a tout fait.
00:35:54 "Moi, je n'ai fait que de l'accompagner
00:35:57 "parce que je voulais le canaliser et peut-être l'en dissuader."
00:36:01 Donc, ce revirement scandaleux et odieux vis-à-vis de son enfant
00:36:05 est dans le déni complet, et elle n'en démord pas.
00:36:09 Et qu'elle soit dans le déni, on le comprend,
00:36:12 mais qu'après, elle en vienne à dénoncer son fils,
00:36:15 c'est pas possible.
00:36:16 Elle préfère tout mettre sur le dos de son fils
00:36:20 plutôt que de reconnaître sa responsabilité.
00:36:23 -Elle charge son fils complètement.
00:36:26 Je ne comprends pas le schéma intellectuel de Nadine.
00:36:30 Je ne le comprends pas.
00:36:31 Je ne sais pas si elle a conscience
00:36:34 que dans son fils, il risque 20 ans de réclusion criminelle.
00:36:37 -C'est terrible. Je lui explique, je rappelle son rôle de mère.
00:36:41 Je lui dis que son fils est tout seul, mineur de 16 ans,
00:36:44 face aux enquêteurs.
00:36:45 Je vais lui demander de venir en secours de son fils.
00:36:48 Je vais lui dire clairement, je vais lui dire,
00:36:51 "Il a besoin de vous."
00:36:52 Alors si, elle va verser quelques larmes,
00:36:55 mais ça, ce ne soit pas faux.
00:36:57 On ne sait pas, d'ailleurs, si c'est larmes,
00:37:00 c'est par rapport à la situation dans laquelle elle se trouve
00:37:03 face à son fils.
00:37:04 Je lui dis.
00:37:06 Et elle garde ce regard, un regard noir,
00:37:08 qui ne traduit aucun sentiment.
00:37:10 Et à aucun moment, elle vient en secours de son fils.
00:37:13 A aucun moment.
00:37:14 ...
00:37:16 -Dans la salle de garde à vue d'à côté,
00:37:18 le gendarme Gilles Valdan doit à présent annoncer à Benjamin
00:37:21 que sa mère l'accuse d'être l'assassin de son père.
00:37:24 -Une fois que je lui explique que sa mère le charge
00:37:29 et le dénonce comme étant l'instigateur de l'assassinat,
00:37:33 il s'effondre et se met à pleurer.
00:37:35 Benjamin, il est retourné,
00:37:39 parce que non seulement il a perdu son père,
00:37:42 et sa mère se retourne contre lui.
00:37:44 Donc, il n'a plus personne.
00:37:47 -Au cours de la garde à vue,
00:37:48 on avait de l'empathie pour ce jeune Benjamin.
00:37:51 Il nous faisait peine, parce qu'il était tout seul,
00:37:54 tout seul face à cette histoire.
00:37:56 Sa mère ne reconnaissait rien, elle lui mettait tout sur le dos.
00:38:00 -Moi, je suis papa.
00:38:01 J'ai un fils à le même âge à l'époque.
00:38:04 C'est vrai que c'est compliqué, parce que d'une part,
00:38:07 on a notre travail d'enquêteur,
00:38:09 et puis, il y a le côté humain derrière qui vient.
00:38:13 Comment peut-on expliquer qu'une mère accuse son fils du pire ?
00:38:17 ...
00:38:19 -Les gendarmes sont excédés par le comportement
00:38:22 et les mensonges de Nadine.
00:38:23 Alors, dans la salle de garde à vue, la tension monte.
00:38:27 ...
00:38:28 Et acculée, Nadine lâche alors une troisième version.
00:38:32 -Elle finira, mais au bout de plusieurs heures
00:38:35 de garde à vue, avec pas mal d'énervement,
00:38:38 je peux vous assurer qu'on commençait à avoir
00:38:40 une certaine pression face aux mensonges de Nadine.
00:38:45 Elle finira par reconnaître d'avoir assisté son fils
00:38:48 depuis le début.
00:38:49 -Nadine nous explique que Benjamin ne supportait plus son père
00:38:53 et que pour l'aider, par amour pour lui,
00:38:56 elle l'a aidé à tuer Jean.
00:38:59 -Elle gardera toujours un rôle d'assistante.
00:39:01 A aucun moment, elle voudra reconnaître
00:39:03 ce rôle d'instigatrice. Jamais.
00:39:05 -Donc, elle reconnaît implicitement sa participation
00:39:08 à la commission de l'assassinat, mais uniquement
00:39:11 pour le bonheur de son fils et pour l'aider.
00:39:14 -Nadine précise aux gendarmes qu'elle a accepté
00:39:17 d'aider son fils à assassiner son mari,
00:39:19 car la vie aux côtés de Jean était un véritable enfer.
00:39:24 ...
00:39:26 Dès lors que Nadine concède d'avoir participé activement
00:39:31 à l'assassinat de son mari, d'un mari gentil
00:39:35 et avec aucun problème,
00:39:37 il est devenu mari violent, alcoolique,
00:39:41 violeur.
00:39:43 -En fait, madame décrit
00:39:46 une vie qui est qualifiée d'un enfer,
00:39:49 suivant ses déclarations.
00:39:52 Qu'elle subirait des viols réguliers.
00:39:54 Qu'elle serait violentée.
00:39:58 Et que pour elle, c'était devenu totalement insupportable.
00:40:05 ...
00:40:07 -Nadine accuse son défunt mari du pire.
00:40:10 Mais là encore, les gendarmes ne sont pas dupes.
00:40:14 -Jamais personne n'a été témoin de violences
00:40:17 de la part de Jean sur son épouse,
00:40:20 mais elle se plaignait à tout le monde
00:40:22 que son mari était violent.
00:40:24 -Nadine disait que son mari était violent,
00:40:26 il buvait, il...
00:40:28 Elle se présentait comme une femme qui souffrait dans sa vie de couple.
00:40:32 Elle n'est jamais arrivée avec un oeil ou autre, non.
00:40:36 Quand je l'observais, elle n'avait pas le profil d'une victime.
00:40:39 -Il ressort des témoignages de toutes les personnes
00:40:43 interrogées, que ce soit dans le milieu familial,
00:40:47 le milieu amical, le milieu professionnel,
00:40:50 que Jean était un homme doux, gentil,
00:40:54 aimant sa femme et n'ayant jamais commis
00:40:57 la moindre atteinte au physique de sa femme.
00:41:01 Donc, elle a totalement menti là-dessus.
00:41:03 Ca a été démontré.
00:41:14 -Jean, qui n'a jamais touché un cheveu à quelqu'un,
00:41:18 va taper sa femme pendant 20 ans,
00:41:20 en plus, elle a violé.
00:41:21 Qui va le croire ? Franchement.
00:41:23 Qui va le croire ?
00:41:25 C'est inimaginable de charger Jean comme ça.
00:41:28 Ca, je supporte pas.
00:41:30 Comment on peut voir Jean violent ?
00:41:33 C'est impossible.
00:41:35 C'est impossible.
00:41:36 Nadine, c'était une femme d'accord,
00:41:38 mais elle avait quand même du répondant.
00:41:41 Elle avait besoin de personne pour se défendre.
00:41:44 Pendant 20 ans, se prendre des coups sans rien dire,
00:41:47 chapeau, bravo. 20 ans, ça fait long.
00:41:49 -Nadine avait une personnalité bien affirmée,
00:41:53 donc on pouvait la craindre.
00:41:55 Elle pouvait faire peur à certaines personnes.
00:41:58 C'est pourquoi elle pouvait pas avoir un profil de victime.
00:42:01 -Il n'y a jamais eu la moindre plainte déposée,
00:42:04 le moindre certificat médical établi
00:42:06 démontrant qu'elle aurait subi des violences.
00:42:09 Donc, elle dit des conneries comme ça, pour quoi faire ?
00:42:12 Pour se disculper ?
00:42:13 Ca me met en colère, dans le sens où elle assume pas.
00:42:16 Elle assume pas ce qu'elle a fait.
00:42:18 -Quoi qu'on en dise,
00:42:19 personne n'est détenteur de la vérité,
00:42:22 personne n'est en mesure de dire ce qui se passe dans l'intimité.
00:42:25 Et absolument personne ne peut confirmer ou affirmer
00:42:30 ce qui se passe dans une chambre.
00:42:33 On n'en sait rien, c'est ça, la vérité,
00:42:37 mais l'inconvénient, c'est rien.
00:42:39 Peut-être que c'est faux,
00:42:41 peut-être que c'est vrai,
00:42:43 mais qu'on ne vienne pas affirmer et écarter
00:42:47 d'un revers de main...
00:42:50 "Madame, vous n'avez subi aucune violence."
00:42:54 On est qui pour dire ça ?
00:42:57 Musique angoissante
00:42:59 ...
00:43:01 -Il n'empêche que les gendarmes ne croient absolument pas Nadine.
00:43:05 Mais loin d'être déstabilisée,
00:43:08 elle accable encore un peu plus son défunt mari.
00:43:11 -Nadine, qui n'est avare de rien,
00:43:14 elle va jusque même avancer
00:43:17 que Jean aurait tué le nourrisson
00:43:22 que le couple a eu après Benjamin,
00:43:26 un nourrisson âgé de 2,5 mois,
00:43:28 après l'avoir secoué, jusqu'à entraîner sa mort.
00:43:31 -Elle est persuadée que la mort de son enfant
00:43:34 est due à l'intervention de son mari.
00:43:38 Ce n'est pas confirmé par les spécialistes,
00:43:41 mais en tout cas, elle en est persuadée.
00:43:44 -Bien évidemment, les enquêteurs
00:43:46 ont sorti le dossier médical de ce bébé
00:43:51 et le corps médical a été unanime pour dire
00:43:54 que cet enfant n'a pas été secoué, car un enfant secoué,
00:43:58 les médecins savent le détecter,
00:44:01 le bébé est mort d'une mort subie du nourrisson,
00:44:04 comme ça arrive à cet âge-là,
00:44:06 mais la maman n'a pas hésité à s'emparer
00:44:08 de ce malheureux et triste épisode
00:44:11 pour le mettre sur le dos de son mari.
00:44:13 -Nadine n'hésite pas à souiller la mémoire de son mari,
00:44:17 mais les gendarmes vont découvrir,
00:44:20 en fouillant son téléphone et son ordinateur,
00:44:22 qu'en réalité, c'est elle qui n'était pas une épouse modèle.
00:44:26 -L'exploitation
00:44:29 de l'Internet
00:44:32 et du téléphone montrent que Nadine n'est pas
00:44:37 la veuve éplorée qu'on peut imaginer,
00:44:40 mais plutôt une veuve joyeuse.
00:44:42 On se rend compte qu'elle échange avec beaucoup d'hommes.
00:44:46 -Nadine était inscrite sur pas moins de sept sites de rencontres,
00:44:51 et ceux-là, non seulement durant la période
00:44:55 qui ont suivi immédiatement le décès, le meurtre de son mari,
00:44:59 mais la période antérieure, ça a duré depuis un moment.
00:45:02 -La veuve entretenait pas moins de six relations
00:45:06 avec six hommes différents.
00:45:09 Le mot "veuve joyeuse", c'est celui qui s'adapte le mieux.
00:45:13 -Est-ce que ça en fait pour autant
00:45:15 quelqu'un qui doit participer à telle ou telle chose ?
00:45:18 Je pense que c'est un domaine
00:45:20 qui ne devrait pas rentrer en ligne de compte.
00:45:23 -On lui en veut pas.
00:45:24 Elle mène sa vie comme elle veut.
00:45:26 Si elle veut tromper son mari, c'est son droit.
00:45:29 Si elle veut tuer son mari, c'est son droit.
00:45:32 Et encore moins de contraindre son fils à tuer son père.
00:45:35 Ça, elle n'a pas le droit.
00:45:36 -Quand les enquêteurs commencent à dresser le portrait de la mère,
00:45:41 on va de plus en plus démontrer l'emprise
00:45:46 exercée par la mère
00:45:48 sur Benjamin, ado de 16 ans.
00:45:52 -Et c'est grâce à son art de la manipulation
00:45:56 que Nadine a réussi à convaincre son fils mineur
00:46:00 de commettre le pire des crimes, le parricide.
00:46:04 Pour comprendre comment elle a pu avoir une telle emprise
00:46:10 sur Benjamin, âgé de 16 ans,
00:46:12 il faut remonter à la jeunesse du couple Nadine-Jean.
00:46:15 Ils se fiancent dans les années 90,
00:46:18 alors qu'ils se connaissent depuis l'enfance.
00:46:21 -Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
00:46:24 -Elle se fiance avec cet amie qu'elle a retrouvée,
00:46:27 cette amie d'enfance.
00:46:28 Durant cette période de fiançailles, Nadine s'est montrée infidèle.
00:46:32 Elle a commencé avant le mariage.
00:46:34 Passez-moi l'expression, je ne saurais pas en sourire,
00:46:37 mais elle est tombée enceinte.
00:46:39 Cette amant, l'amant ne voulant ni la mère
00:46:43 ni le futur bébé,
00:46:45 il fallait que Nadine se marie.
00:46:48 Et vite.
00:46:50 Parce qu'on n'est pas en 2021,
00:46:53 on remonte dans le courant des années 90,
00:46:56 dans une vie sociétale où ce n'est pas bien vu.
00:46:59 -Il faut bien se rendre compte de l'époque où elle évolue,
00:47:03 de l'environnement géographique.
00:47:05 On est dans l'arrière-pays, on est dans un village.
00:47:09 Ce n'est pas rien d'être mère célibataire dans l'arrière-pays.
00:47:12 -Ça tombe bien, elle était fiancée.
00:47:15 Elle n'a pas d'autre solution que de dire à Jean qu'elle est enceinte.
00:47:20 Donc, lui était content, puisque sa fiancée était enceinte.
00:47:24 Et voilà le couple fiancé qui se marie.
00:47:26 -Peut-être que le drame commence là.
00:47:28 Parce qu'au final, elle va mettre au monde un enfant
00:47:31 avec un homme avec lequel elle se marie,
00:47:34 qui n'est pas le père.
00:47:36 En Germe, on a déjà un drame.
00:47:38 -Et donc, voilà comment a débuté
00:47:41 la vie de Benjamin
00:47:45 sur un mensonge.
00:47:48 -Et non.
00:47:49 Le secret, c'était que Nadine qui le détenait.
00:47:53 Elle et elle seule,
00:47:54 et son ancien amant,
00:47:58 qui avait disparu de la circulation, ça s'arrêtait là.
00:48:00 -Cinq mois après son mariage avec Jean,
00:48:04 Nadine donne naissance à Benjamin.
00:48:06 Le couple est parent pour la première fois.
00:48:10 Ils sont aux anges d'accueillir ce bébé.
00:48:12 Ils affichent même l'apparence d'une famille modèle.
00:48:18 Mais les années passent,
00:48:20 et Nadine, qui a toujours gardé son terrible secret,
00:48:23 s'ennuie dans son couple.
00:48:25 Elle n'aime plus Jean.
00:48:27 Alors, elle multiplie discrètement les amants
00:48:31 et envisage de divorcer pour changer de vie.
00:48:35 -Elle avait cette vie dissolue dont elle avait besoin,
00:48:38 ce caractère d'infomane,
00:48:39 et en fin de compte, son mari était devenu
00:48:43 un obstacle à sa vie sexuelle.
00:48:48 -Mais Nadine ne va pas tarder à comprendre
00:48:51 qu'un divorce pourrait lui coûter cher.
00:48:54 -Le mari devient encombrant et inintéressant,
00:48:57 et le divorce coûte cher.
00:48:59 Elle s'est rendue compte qu'elle allait perdre de l'argent
00:49:02 dans un divorce, et que c'était pas la bonne solution.
00:49:06 -C'est à ce moment-là que Nadine aurait pris la décision
00:49:10 de supprimer ce mari qu'elle n'aimait plus.
00:49:14 -Et pour ne pas commettre l'irréparable toute seule,
00:49:17 elle va se tourner vers ce qu'une mère a de plus précieux,
00:49:20 son fils unique, Benjamin.
00:49:22 Elle va alors tout mettre en oeuvre
00:49:25 pour que Benjamin, devenu adolescent,
00:49:28 haïsse son père.
00:49:29 -Benjamin nous explique qu'il avait de temps en temps
00:49:33 des coups de gueule avec son père,
00:49:35 mais comme tout adolescent,
00:49:36 et qu'un jour, il s'est disputé avec son père,
00:49:39 ils étaient au hangar ensemble,
00:49:42 et qu'il est rentré à la maison en colère après son père,
00:49:45 c'était une dispute futile,
00:49:47 et il est rentré en disant à sa mère "je vais le tuer",
00:49:51 et sa mère l'a pris au bout.
00:49:53 Benjamin ne veut absolument pas supprimer son père.
00:49:57 Bien évidemment, c'était un coup de colère,
00:49:59 mais il nous dit "ma mère était comme un enfant
00:50:02 à qui on vient de donner une sucette,
00:50:04 avec des grands yeux ouverts et un grand sourire."
00:50:07 C'est à partir de là qu'elle va commencer à travailler
00:50:11 sur Benjamin pour qu'il...
00:50:13 qu'il vienne l'aider à tuer Jean.
00:50:16 -Ca a démarré vraisemblablement
00:50:18 vers l'âge des 13 ans de Benjamin.
00:50:22 La maman n'a eu de cesse
00:50:24 que de monter le fils contre son père
00:50:27 et d'amener progressivement,
00:50:30 avec force, persuasion, manipulation,
00:50:33 en prise, à amener son fils à la décision
00:50:37 de tuer son père, ou du moins d'aider la mère
00:50:41 à tuer son père.
00:50:42 Il a fallu 3 ans pour ça.
00:50:45 3 ans de longs travaux préparatoires.
00:50:47 Alors, tout y passait.
00:50:49 "Ton père est un salaud.
00:50:51 "Il me frappe.
00:50:53 "Il me frappe dans le vent pour pas que j'ai de marques.
00:50:56 "Il m'insulte en permanence.
00:50:58 "Il me viole tout le temps.
00:51:01 "Ca ne peut plus durer."
00:51:02 Et tout le temps, elle racontait ses balivernes.
00:51:05 -Benjamin ne se fit qu'aux déclarations de sa mère.
00:51:07 Il n'a jamais été témoin de quoi que ce soit.
00:51:10 Ni de gestes violents de son père sur sa mère.
00:51:13 -Elle a dit à Benjamin,
00:51:14 "Mais moi, je ne t'ai jamais rien dit,
00:51:17 "je ne te dis rien, je ne te dis pas la moitié du quart,
00:51:20 "pour te protéger, mon fils.
00:51:22 "Je veux pas que tu souffres de savoir ce que j'endures,
00:51:25 "mais voilà ce que j'endure."
00:51:27 Et tout le temps, depuis longtemps.
00:51:29 C'est, en gros, le discours qu'elle a tenu à Benjamin
00:51:32 pour couper Benjamin, qui aime son père
00:51:35 et qui est aimé par son père,
00:51:37 pour le pousser au crime.
00:51:40 Ca, c'est le premier étage de la fusée. Ca suffit pas.
00:51:43 Voyant que Benjamin n'acquiesce pas
00:51:47 au projet mortifère de sa mère,
00:51:50 celle-ci va allumer le deuxième étage de la fusée.
00:51:52 Le deuxième étage de la fusée, c'est,
00:51:54 "Tu sais pas tout, mon fils.
00:51:56 "Tu avais un petit frère.
00:51:58 "Ton papa l'a tué."
00:52:00 -Nadine explique à Benjamin que c'est Jean
00:52:03 qui serait à l'origine du décès du nourrisson
00:52:07 de son petit frère
00:52:09 et qu'il l'aurait secoué
00:52:10 et qu'il serait mort à cause de lui.
00:52:13 -Comment voulez-vous
00:52:15 que Benjamin, âgé à l'époque de 13, 14, 15 ans,
00:52:19 n'ayant aucun élément
00:52:21 pour démontrer le mensonge de sa mère ?
00:52:24 Comment voulez-vous qu'il ne croie pas sa mère ?
00:52:27 C'est sa mère qui le lui dit.
00:52:29 Il n'a aucune raison de ne pas la croire.
00:52:31 Il a secoué
00:52:33 ton petit frère, qui avait deux mois,
00:52:36 et il est mort. C'est la faute de ton père.
00:52:39 Il a cru.
00:52:40 Il a cru.
00:52:41 Deuxième étage de la fusée.
00:52:44 Ca n'a pas suffi.
00:52:45 Alors, on allume le troisième étage.
00:52:48 Le troisième étage est encore plus terrible.
00:52:51 Le troisième étage, il a été allumé
00:52:53 quelques semaines avant le meurtre de Jean.
00:52:56 Voyant qu'elle n'y arrivait pas,
00:52:58 qu'est-ce qu'elle lui dit à son fils ?
00:53:01 "Ton père n'est pas ton père.
00:53:02 "Si tu veux pas le tuer, c'est pas ton père.
00:53:05 "Non seulement il me frappe, il me viole, il me bat,
00:53:08 "je vais tuer l'enfant que j'ai eu avec lui,
00:53:10 "mais c'est pas ton père. Ton père, c'est un tel."
00:53:13 Le gamin, il a 16 ans.
00:53:15 Il se construit par rapport à son père
00:53:17 et il apprend ça de sa mère.
00:53:19 C'était trois semaines avant
00:53:21 et ça a été le bouquet final.
00:53:24 Elle a révélé
00:53:26 à Benjamin
00:53:29 ce qu'elle avait tué pendant 16 ans
00:53:31 et que celui-ci était à milieu d'imaginer.
00:53:34 "Ton père n'est pas ton père."
00:53:36 Et donc, elle va lui expliquer
00:53:38 qu'il n'a pas de remords à avoir,
00:53:40 puisque de toute façon, ce n'est pas son père.
00:53:43 Benjamin était un garçon fragile à l'époque
00:53:48 et tout ce que lui a révélé sa mère
00:53:50 a fait que son armure s'est fendue
00:53:52 et que les quelques réticences qu'il pouvait avoir
00:53:56 et qui le maintenaient dans ce schéma
00:54:00 de ne pas tuer son père,
00:54:02 toutes ces résistances ont été anéanties, finalement.
00:54:06 Et quand sa mère lui explique
00:54:09 que Jean n'est pas son vrai père, ça l'achève, moralement.
00:54:13 La carapace, elle commence à se fendre.
00:54:16 Quand il apprend ça,
00:54:18 il n'a plus de père, finalement.
00:54:21 Comment Benjamin pouvait imaginer
00:54:24 sur l'instant que sa mère était dans un processus d'emprise
00:54:29 depuis des années ?
00:54:31 Et ça a été le bouquet final.
00:54:33 Et là, il a basculé.
00:54:35 Ça ne l'exonère pas, ce qu'il a fait.
00:54:37 Ce qu'a fait Benjamin est horrible et affreux.
00:54:39 Il ne faut pas oublier
00:54:41 qu'il a empoisonné, étouffé, étranglé son père
00:54:47 pendant presque une demi-heure.
00:54:49 On ne peut pas non plus l'oublier.
00:54:50 Mais comment en est-il arrivé là ?
00:54:52 Comment un garçon aussi chanti,
00:54:54 comment un garçon aussi aimant,
00:54:56 comment un garçon aussi aimé de son père a pu en arriver là ?
00:54:59 S'il en est arrivé là, c'est que la notion d'emprise
00:55:02 a fait son oeuvre pendant des mois, des années.
00:55:06 Le pauvre Benjamin a été mis dans un tonneau jusqu'à la fin
00:55:10 et il n'a pas pu s'en sortir.
00:55:12 Il ne s'en est pas sorti et il a tué son père.
00:55:15 Notre sentiment, c'est que vraiment,
00:55:18 Benjamin est sous l'emprise complète de sa maman.
00:55:21 Une emprise morale qui fait qu'il est obligé de la suivre.
00:55:27 Tout le monde le sait, sa mère avait une influence énorme sur lui.
00:55:31 Je pense que c'est ce qui a lui un peu facilité les choses.
00:55:35 Et à un moment donné, il a craqué.
00:55:38 Et ça, c'est terrible.
00:55:39 Si Nadine arrivait à manipuler des adultes,
00:55:42 je pense que manipuler son enfant, c'est d'autant plus facile.
00:55:47 Surtout s'il a un tempérament comme elle le décrivait,
00:55:51 puisqu'elle l'avait décrit comme un jeune homme plutôt timide,
00:55:54 qui n'allait pas de l'avant.
00:55:55 Vous avez des enfants, vous avez plus de mal à manipuler.
00:55:57 Ça dépend du profil de l'enfant, son profil psychologique.
00:56:00 Par la faite, on peut manipuler quand on est une maman.
00:56:03 En fait, on peut dire qu'elle a armé son fils en machine à tuer.
00:56:08 Elle a réussi à en faire son bras armé.
00:56:12 À l'issue de leur garde à vue,
00:56:16 Nadine et Benjamin sont mis en examen pour assassinat
00:56:19 et incarcérés dans des prisons différentes.
00:56:23 Benjamin est dans un centre de détention pour mineurs.
00:56:27 Maintenant que les enquêteurs ont réussi à déterminer
00:56:30 le rôle de Nadine et de son fils,
00:56:32 le juge d'instruction ordonne des expertises
00:56:35 psychologiques et psychiatriques.
00:56:37 Le Dr Michel Gueda est expert psychiatre,
00:56:41 spécialiste des enfants et des adolescents.
00:56:44 Il n'a pas été mandaté dans cette affaire,
00:56:47 mais à notre demande, il a travaillé sur le dossier.
00:56:50 Il peut ainsi nous éclairer sur la personnalité de Benjamin.
00:56:56 Benjamin a connu une période de sa vie difficile
00:57:00 sur le plan scolaire et relationnel avec ses camarades
00:57:05 quand il était en cycle primaire
00:57:07 et au début de son insertion en collège,
00:57:10 car il était victime de brimades de certains de ses camarades.
00:57:16 Il souffre de douleurs,
00:57:17 et ça a duré jusqu'au début du secondaire.
00:57:21 Bon, ça n'excluait pas qu'il avait des relations amicales avec d'autres,
00:57:26 mais il était sans défense,
00:57:28 et donc c'est l'objet de tyrannies, d'actes dégradants.
00:57:33 Il a une personnalité qui est estimée fragile,
00:57:36 un caractère qui était décrit comme passif,
00:57:39 sans défense par rapport à autrui,
00:57:43 dans une attitude de repli.
00:57:45 Benjamin était un adolescent vulnérable.
00:57:51 Selon les experts psychologues et psychiatres,
00:57:54 le climat familial dans lequel il a grandi
00:57:57 a contribué à cette vulnérabilité.
00:57:59 Il a décrit le climat familial qu'il vivait,
00:58:04 les tensions énormes qu'il y avait entre le père et la mère,
00:58:09 qui étaient en conflit quasiment permanent,
00:58:15 et c'était une situation invivable pour lui.
00:58:18 Il le verbalisera en disant que, finalement, la prison,
00:58:22 c'est un jardin d'enfants par rapport à la vie de famille qu'il a connue.
00:58:27 Il a évolué dans un contexte familial très dégradé,
00:58:31 qui a contribué sans doute à un manque d'assurance, de réactivité,
00:58:36 et donc ça facilite les fragilités,
00:58:39 l'élaboration de la permanence de fragilité
00:58:41 dans la construction de la personnalité.
00:58:45 Les experts psychologues et psychiatres
00:58:47 n'ont pas manqué de travailler sur la relation complexe
00:58:51 qui unissait Benjamin à sa mère Nadine.
00:58:54 Il y a une dimension de manipulation perverse dont il a fait l'objet.
00:58:57 C'est vrai qu'il y a eu des arguments très perturbants
00:59:01 pour un jeune adolescent.
00:59:03 Le fait qu'on lui dise que son père n'était pas son père,
00:59:06 ce qui semble en plus exact, puisqu'il y a eu une recherche d'ADN
00:59:10 qui a prouvé qu'effectivement, c'était pas son père.
00:59:14 C'est des éléments qui peuvent être vécus de façon très pénible.
00:59:21 On voit bien chez les enfants, notamment chez les enfants adoptés,
00:59:24 combien ils s'inquiètent de qui peut être leur père
00:59:27 et que c'est un désir qui se renforce souvent à l'adolescence,
00:59:31 retrouver leur identité et leur origine.
00:59:34 Donc effectivement, cette révélation à ce moment-là de la vie
00:59:37 est particulièrement perturbante.
00:59:38 Selon les experts psychologues et psychiatres,
00:59:43 mais aussi les enquêteurs et le juge d'instruction,
00:59:45 Nadine avait une emprise destructrice sur son fils âgé d'à peine 16 ans.
00:59:50 C'est elle qui l'a poussée à commettre l'irréparable,
00:59:54 assassiner son père.
00:59:56 Et pourtant, jusqu'au bout, elle ne fait pas machine arrière.
01:00:00 Elle va continuer à accuser son fils.
01:00:05 À aucun moment, elle a eu des remords
01:00:10 par rapport à la situation de son fils.
01:00:12 C'est la vie de son fils qui est en jeu quand même.
01:00:15 C'est un jeune qui allait avoir sa vie complètement gâchée
01:00:18 par rapport à l'instrumentalisation qu'elle en a fait.
01:00:21 À un moment donné, quand on manipule quelqu'un
01:00:25 et qu'on arrive à ce qu'on voulait,
01:00:27 et qu'on se rend compte qu'on a fait une grosse bêtise,
01:00:29 une grosse connerie,
01:00:30 on peut quand même revenir en arrière.
01:00:32 Pas revenir en arrière, pas résoudre le problème,
01:00:35 mais on peut quand même prendre sur son dos tout ce qu'on a voulu faire.
01:00:39 Et ça, ça serait bien.
01:00:40 Moi, je serais à sa place, de son fils.
01:00:43 J'apprécierais que ma mère vienne me dire,
01:00:45 "Je t'ai fait faire une grosse connerie, je te demande pardon.
01:00:48 "C'est moi qui t'ai fait faire, j'en prends la responsabilité,
01:00:51 "tu n'en es pour rien."
01:00:52 Parce que c'est quelque chose qu'elle pourrait faire pour son fils.
01:00:54 Ça montre le mépris total
01:00:57 qu'elle pouvait avoir sur l'avenir de son fils.
01:01:00 Mais pas seulement l'avenir judiciaire.
01:01:03 L'avenir tout court d'homme.
01:01:06 Elle a mis au monde, elle est là pour l'élever,
01:01:08 elle est là pour en faire un homme.
01:01:10 Déjà, elle lui fait tuer son père,
01:01:13 donc ça va compliquer sa transformation
01:01:18 entre enfant, adolescent et homme.
01:01:19 Mais en plus, elle tente de lui faire porter
01:01:23 tout le poids du crime sur lui.
01:01:26 Comment va-t-il devenir un homme ?
01:01:27 Alors qu'elle sait, du moins, je l'espère,
01:01:30 que le poids du crime ne repose pas.
01:01:34 C'est un garçon qui m'a beaucoup touché,
01:01:35 parce que...
01:01:37 C'est un garçon aussi jeune, gentil
01:01:40 et sous-emprise.
01:01:43 Le procès de Nadine et Benjamin s'est ouvert le 31 juin 2015
01:01:49 devant la cour d'assises des mineurs de Draguignan.
01:01:53 Même si Nadine est majeure,
01:01:55 elle comparait en même temps que son fils,
01:01:57 car la présence des deux accusés était indispensable
01:02:00 pour juger cette affaire.
01:02:01 Le procès se déroule à huis clos
01:02:06 en raison de la minorité de Benjamin
01:02:08 au moment des faits.
01:02:09 Nous sommes un peu plus de deux ans après l'assassinat de Jean.
01:02:14 L'adolescent a désormais 18 ans.
01:02:17 Et pour lui, comme pour sa mère, l'enjeu est de taille.
01:02:21 Ils risquent tous les deux une lourde condamnation.
01:02:25 Donc, le climat est lourd.
01:02:27 Et on voit arriver Nadine,
01:02:30 telle qu'en elle-même,
01:02:32 une femme de son âge,
01:02:34 présente en bien.
01:02:36 Et puis on voit arriver Benjamin.
01:02:38 J'ai la souvenance qu'il était très pâle, très recorcrevillé.
01:02:42 Il vivait d'un instant dramatique.
01:02:44 Sa mère avait plus d'allant.
01:02:46 D'abord, elle est plus âgée.
01:02:48 C'était une manipulatrice, donc les manipulateurs sont à l'aise.
01:02:52 Lui, non, il était très, très mal.
01:02:54 Benjamin semble beaucoup plus fragilisé
01:02:57 parce qu'il a pleinement conscience de l'enjeu de ce procès,
01:03:02 pour lui.
01:03:03 Il sait qu'il risque une réclusion criminelle
01:03:06 et que son avenir va se jouer là.
01:03:09 Il était tellement mal qu'il s'était quasiment évanoui.
01:03:14 Il a eu un malaise.
01:03:15 Lorsque Benjamin a fait un malaise,
01:03:17 la présidente a demandé une expertise
01:03:20 par un psychiatre en urgence
01:03:21 pour savoir s'il était en mesure ou non de poursuivre le procès,
01:03:26 parce qu'on avait vraiment affaire à quelqu'un
01:03:28 dans un état de fébrilité vraiment majeur.
01:03:32 On est dans une affaire criminelle,
01:03:33 on passe devant une cour d'assises,
01:03:35 sa maman est dans le box des accusés.
01:03:37 On a toute la famille de son père qui est là
01:03:43 et j'imagine que ne serait-ce que d'éprouver,
01:03:46 et ça, ce serait logique,
01:03:47 un sentiment de honte vis-à-vis de la famille,
01:03:50 de son papa, d'être en face d'eux,
01:03:52 d'être en face de sa maman,
01:03:55 face à des situations qui...
01:03:58 qui doivent être d'une lourdeur inouïe.
01:04:01 Il était d'une fragilité extrême, mais vraiment.
01:04:04 Dans la salle d'audience,
01:04:07 tout le monde attend que Benjamin raconte sa version des faits.
01:04:11 Alors, lorsqu'il revient à la barre,
01:04:13 la salle est suspendue à ses lèvres.
01:04:15 À la barre, il dit ce qu'il a toujours dit.
01:04:18 "J'aimais mon père, j'aimais ma mère.
01:04:22 "Je ne pouvais pas imaginer que ma mère mentait
01:04:26 "quand elle me disait qu'elle était violée, battue,
01:04:28 "et donc, progressivement, elle m'a emmené
01:04:31 "à la solution de tuer mon père,
01:04:33 "car je n'en avais pas d'autre, et elle a fait en sorte
01:04:35 "que je le fasse tout en me fournissant, en m'aidant
01:04:37 "et en me participant avec moi."
01:04:39 Il a dit ce qu'il a toujours dit.
01:04:41 Après Benjamin, c'est au tour de Nadine, sa mère, d'être interrogée.
01:04:46 Mais une fois encore, elle va surprendre tout le monde.
01:04:51 Alors, elle se comporte comme une manipulatrice.
01:04:55 C'est-à-dire qu'elle tente, bien évidemment,
01:04:59 de manipuler la cour, ce qui n'est pas interdit.
01:05:01 Elle est là pour se défendre.
01:05:02 Elle dit...
01:05:03 "Moi, je ne veux pas enfoncer mon fils,
01:05:06 "je ne déclarerai rien, je ne répondrai pas."
01:05:08 Où est l'intérêt de dire...
01:05:10 "Écoutez-moi, je décide de me taire,
01:05:13 "j'exerce mon droit au silence."
01:05:15 Ça pose une véritable question, c'est...
01:05:18 Est-ce qu'elle le fait par provocation ?
01:05:19 Ou est-ce qu'elle le fait pour protéger son fils ?
01:05:25 On a affaire à une maman.
01:05:26 Et on ne me fera pas croire
01:05:28 que cette maman, qui est dans le box des accusés,
01:05:31 n'a pas senti, j'allais dire,
01:05:33 la mise en danger de son fils à l'audience.
01:05:36 On sentait bien qu'il était dans une...
01:05:40 d'une fragilité qui était palpable.
01:05:43 Alors qu'on vient de me dire que la maman...
01:05:45 qui a mis son fils au monde,
01:05:48 qui vient de ses entrailles,
01:05:50 n'a pas perçu ce danger.
01:05:54 Et en plus de voir son fils,
01:05:55 qu'elle n'avait pas vu depuis très longtemps,
01:05:57 lorsque son fils donne sa version
01:06:01 et qu'elle décide de garder le silence,
01:06:04 c'est pour corroborer la version de son fils.
01:06:06 Après cinq jours de procès, les jurés ont tranché.
01:06:11 Nadine est condamnée à 25 ans de réclusion criminelle.
01:06:16 Quant à Benjamin, il écope d'un an de prison ferme
01:06:20 et quatre ans avec sursis.
01:06:23 Mais ayant déjà passé un an derrière les barreaux,
01:06:26 il ressort libre du tribunal,
01:06:28 car il a déjà purgé sa peine.
01:06:31 La cour a finalement compris
01:06:34 que Benjamin avait été sous l'emprise de sa mère
01:06:38 et qu'il n'avait été que le bras armé, finalement,
01:06:41 qui avait pu aider sa mère pour accomplir l'acte criminel.
01:06:45 Nadine, quand le vertigue tombe, il n'y a pas d'exclamation.
01:06:50 C'est toujours lourd à porter, évidemment,
01:06:52 mais...
01:06:53 Je me rappelle que la première chose a été de me dire
01:06:57 "Mon fils est épargné."
01:06:59 Et là, les mots ne sont même pas pour elle.
01:07:02 "Mon fils est épargné", c'était tout ce qui comptait pour elle.
01:07:06 C'est pour ça que je dis,
01:07:08 quel que soit l'acte commis qui est impardonnable,
01:07:11 mais quels que soient les reproches qu'on puisse lui faire,
01:07:14 c'est une mère de famille.
01:07:16 Et son fils, quoi qu'on en dise, elle l'aime.
01:07:20 Je n'appuierai jamais assez sur ce point.
01:07:22 Cette maman, on peut lui reprocher de multiples choses.
01:07:25 On peut jeter l'anathème sur elle,
01:07:29 on peut l'exclure de la société, vu ce qui s'est passé,
01:07:33 mais il ne faut jamais perdre à l'idée
01:07:36 que c'est son fils, unique de surcroît,
01:07:39 et que quoi qu'il arrive, c'est un lien qui est indéfectible
01:07:42 et indestructible.
01:07:44 Aujourd'hui, Nadine est toujours derrière les barreaux.
01:07:51 Quant à Benjamin, son histoire lui appartient désormais.
01:07:54 Il a reconstruit sa vie, libre, quelque part en France.
01:07:59 Mais depuis le drame,
01:08:01 il n'a pas pu renouer avec sa famille paternelle.
01:08:04 La famille a toujours beaucoup aimé Benjamin.
01:08:08 Beaucoup.
01:08:10 Ils ne peuvent pas oublier ce qu'il a fait.
01:08:13 Ils le comprennent mal, mais avec la réflexion
01:08:16 et avec la vérité de la cour d'assises,
01:08:19 ils ont véritablement compris
01:08:21 le rôle infiniment néfaste de la mère.
01:08:25 Mais je ne sais pas si un jour,
01:08:27 Benjamin pourra retrouver sa famille paternelle.
01:08:32 Je le souhaite à tout le monde, mais je ne suis pas certain.
01:08:35 Je comprends tout le monde.
01:08:37 C'est inoubliable ce qui s'est passé.
01:08:40 Le fils a pris très peu, tant mieux pour lui,
01:08:43 parce qu'il pense qu'il ne méritait pas une peine trop lourde.
01:08:47 Donc, il doit refaire sa vie, c'est tout ce que je lui souhaite.
01:08:50 J'espère qu'il aura un avenir et qu'il arrivera à vivre.
01:08:53 Finalement,
01:08:56 elle a tué son mari et son fils.
01:08:59 Pour moi, il y a double meurtre.
01:09:03 Benjamin est mort également
01:09:05 dans la nuit du 5 au 6 décembre.
01:09:07 Parce que c'est quelque chose qui tue aussi,
01:09:11 qui tue un futur adulte
01:09:13 et qui va porter préjudice à sa vie future.
01:09:16 C'est évident.
01:09:17 Maintenant, il a une vie à construire.
01:09:19 Mais qui va l'aider dans sa vie ? Il est tout seul pour construire sa vie.
01:09:23 Je lui souhaite qu'il arrive à construire sa vie.
01:09:25 C'est d'ailleurs la beauté de l'adolescence.
01:09:27 C'est une chrysalide qui n'est pas sortie.
01:09:31 Lui, il est sorti dans des conditions tragiques.
01:09:33 Maintenant, il faut que ça, ce soit le passé,
01:09:36 et qu'il devienne un homme.
01:09:37 Il se battra pour ça, je le pense, je l'espère.
01:09:40 Sous-titrage ST' 501
01:09:42 ...