• l’année dernière

Aujourd'hui, dans "Bienfait pour vous", Mélanie Gomez et Julia Vignali ouvrent le dossier santé du jour avec Eric Blondeau, Spécialiste de la mécanique comportementales et des négociations complexes
Retrouvez "La question du jour" sur : http://www.europe1.fr/emissions/vite-fait-tres-bien-fait

Category

🗞
News
Transcription
00:00 On va se mettre tout de suite à la table des négociations.
00:03 On va le faire par contre avec notre expert du jour, c'est vous Eric Blondo, bonjour.
00:06 - Bonjour Julia.
00:07 - Vous êtes spécialiste de la mécanique comportementale et des négociations complexes.
00:13 Vous êtes aussi l'auteur du livre #Nego et c'est paru chez Plon.
00:17 Vous coachez de grands chefs d'entreprise, des sportifs de haut niveau,
00:20 vous avez même formé des négociateurs de troupe d'élite.
00:23 Mais ce livre, il est adressé à tous, puisque vous dites que nous passons nos journées à négocier
00:27 et parfois même sans s'en rendre compte.
00:30 - Oui, en fait, on a commencé à se présenter tout à l'heure, on était déjà en négociation.
00:35 Quand vous écoutez Clément, vous négociez avec lui, il vous regarde si vous riez à ses plaisanteries,
00:40 il essaye de chercher un accord avec ses yeux, donc on ne fait que négocier toute la journée.
00:45 On est des personnes seules, égocentrées, et donc le regard de l'autre nous permet,
00:50 l'accaissement que vous faites en ce moment avec vos yeux me permet de dire que vous comprenez ce que je suis en train de raconter.
00:55 - Mais dans le mot négocier, il y a "ego" que vous disiez d'ailleurs.
00:58 Est-ce qu'il y a une dimension individuelle quand on négocie ?
01:01 Est-ce qu'on fait passer son propre intérêt avant celui des autres ?
01:05 - Dans 100% des cas, c'est-à-dire que comme notre cerveau est dans une boîte noire et totalement isolée,
01:10 on n'est pas en contact avec la réalité, mais la perception qu'on a de la réalité,
01:13 donc on essaye de trouver une solution à l'environnement.
01:18 Et donc l'ego, c'est la seule réponse que l'on a, c'est nos peurs.
01:21 Et l'ego cherche une approbation, il cherche une reconnaissance, il cherche à exister.
01:25 Et donc quand on négocie, on ne parle que de soi.
01:28 - Mais j'ai pas l'impression que ce soit vrai pour tout le monde,
01:30 je sais pas, il y a des gens, ils font tout pour les autres,
01:32 enfin je pense à des grands patrons d'ONG, ou de je sais pas, l'abbé Pierre, Mère Thérésa,
01:38 vous voyez ce que je veux dire ? Ils négociaient quoi ces gens-là ?
01:40 - Mais parlons justement de Mère Thérésa, c'est un très bon exemple.
01:43 Il existe de la pauvreté dans le monde entier, et Mère Thérésa, elle l'a fait pour elle.
01:47 C'est-à-dire que dans son monde, dans sa représentation du monde,
01:51 ce qu'elle va chercher à Mumbai, quand elle est allée dans les pires quartiers de Mumbai,
01:56 c'est quelque chose qui la nourrit aussi.
01:58 Donc en fait, même elle, elle ne fait que ce qui est bon pour elle.
02:02 Elle aurait pu le faire dans d'autres endroits, alors heureusement les enfants en bénéficient,
02:05 les structures en bénéficient, mais on ne fait que des choses qui sont bonnes pour nous.
02:09 - Bon, on va s'y faire, on est comme ça.
02:11 Est-ce qu'on peut dire que négocier, ça veut dire toujours donner envie à l'autre,
02:15 le motiver, de certaine façon ?
02:17 - C'est un sujet très très large en fait.
02:20 On ne peut pas motiver les gens, c'est une illusion.
02:22 La motivation est un processus endogène qui vient d'une représentation mentale
02:27 qui permet de trouver un intérêt à faire quelque chose.
02:29 Donc on peut les forcer à faire quelque chose, on peut les dégoûter de faire quelque chose,
02:33 mais on ne peut pas les motiver.
02:35 En fait, on est 100% responsable de 50% de la relation.
02:38 Et le rôle de la personne qui aimerait embarquer quelqu'un,
02:41 effectivement, c'est de mettre un espace motivant en face,
02:45 et la structure mentale de l'autre va y trouver un intérêt pour elle ou pas.
02:49 Et par exemple, au bout du cinquième petit déjeuner,
02:51 on ne peut pas vous motiver à prendre peut-être le sixième ou le septième.
02:55 - Alors pour illustrer ça justement, vous faites un petit exercice durant vos formations,
02:59 vous vous allongez par terre, et on doit vous motiver à vous relever,
03:03 je crois que vous passez un très bon moment.
03:04 - J'aurais adoré être là aussi.
03:06 - Moi je sais comment vous faire vous lever.
03:08 - Ah !
03:09 - Si ce coucher devant vous, vous arriveriez à le faire lever, vous ?
03:11 - Si je crie au feu, vous vous levez.
03:13 Tout ça, ça a déjà été essayé mille fois.
03:15 - Vous vous levez pas ?
03:16 - Non, c'est ça qui est intéressant, c'est que, en fait,
03:18 tous les arguments qui sont utilisés par les personnes,
03:20 et notamment au feu à l'instant, ne parlent que de vous.
03:23 Ils ne font que vous lever, vous, si on crie au feu.
03:27 Certaines personnes m'ont renversé une bouteille d'eau,
03:29 une personne m'a marché dessus, une autre s'est allongée à côté de moi,
03:34 d'autres m'ont proposé des sommes d'argent conséquentes.
03:36 Et en fait, ils ne donnent que les informations qui les feraient se lever.
03:40 Ou, inversement, ils vont parler d'araignées,
03:44 ils vont parler de saletés sur le sol, qui les feraient se lever, eux.
03:48 - Mais vous, qu'est-ce qui vous fait vous lever ?
03:50 - Un bidon de sang, oui, ça c'est bien sûr,
03:52 on va chercher une compassion, on va chercher quelque chose.
03:55 Mais si ça marche, c'est qu'à ce moment-là, vous en avez besoin.
03:58 Mais dans la démonstration que je fais à ce moment-là,
04:00 c'est très important, c'est que les gens prennent conscience
04:02 qu'ils ne parlent que d'eux, et ils utilisent des arguments
04:04 qui les concernent uniquement.
04:06 - Cet exercice, ce n'est pas tellement pour que vous vous leviez,
04:09 c'est pour qu'on comprenne qu'est-ce qui motive ?
04:12 - C'est en fait des arguments, c'est les automatismes qui sont en place
04:15 qui font qu'on est dans l'illusion de pouvoir motiver les gens.
04:18 Je travaille avec des sportifs de haut niveau,
04:20 je travaille dans d'autres sphères aussi,
04:22 et on ne peut pas motiver les gens.
04:24 On peut vous pousser à courir,
04:27 mais on ne peut pas vous pousser à courir vite, en fait.
04:30 Et la nuance de la vitesse, c'est quelque chose que vous trouvez, vous,
04:33 dans un projet qui est personnel, qui va servir vos propres intérêts.
04:36 Et en fait, l'approche est très contre-intuitive
04:39 par rapport au système d'éducation traditionnel.
04:41 - Merci Eric Blandeau, ne vous couchez pas,
04:43 on reste ensemble dans ce studio.
04:45 Comment devenir un as de la négociation dans tous nos échanges ?
04:48 Et ça ne signifie pas qu'il faut toujours dominer la discussion,
04:50 vous allez voir, en fait, l'art du questionnement et de l'écoute
04:53 sont la clé du succès. On vous dit tout dans un instant sur Europe 1.
04:57 Europe 1, bien fait pour vous.
05:00 Julia Vignali et Mélanie Gomez.
05:03 Votre magazine Feel Good, bien fait pour vous,
05:05 de retour dans un instant sur Europe 1.
05:07 On vous éclaire sur l'art de la négociation aujourd'hui,
05:09 et ça vous sera utile aussi bien à la maison qu'au bureau.
05:12 Restez avec nous, on va y revenir juste après un peu de musique.
05:15 Tout de suite, on écoute MC Solar avec "Tout se transforme" sur Europe 1.
05:18 Autant des premiers laptops et des autobots,
05:21 rendez-vous au burger ou au magasin cop.
05:23 Sur l'écran plat, c'est du hip-hop top.
05:26 Yo, MTV Rap, Madonna et RuPaul.
05:28 Le fleuron de l'époque était le starter.
05:30 Primo, Guru, Michael, Schumacher,
05:33 avant-gardiste, autant d'optimus.
05:35 Je vends des dégouttelecs, de Biggie, Opus.
05:38 Certains m'appelaient le joueur de Tetris.
05:40 Archéopuriste, super futuriste.
05:42 Moi qui croyais que tout était figé.
05:45 Une Porsche vient de se transformer.
05:47 On nous informe que tout se transforme,
05:50 comme les autobots et les Decepticons.
05:53 On nous informe que tout se transforme,
05:59 comme les autobots et les Decepticons.
06:02 J'roule vers la tour avec Bumblebee.
06:09 On m'a dit "Blue-tack, ce soir c'est de la folie,
06:11 y'a des sports de tout style".
06:13 P.A. Daniel, il te frappe en diagonale
06:15 parce qu'il fait du padel.
06:16 Zinedine Zidane, l'attaque en pyromane
06:18 a capturé l'étoile et redoré la flamme.
06:21 Y'avait dans la tête des fans de la Chiffeur,
06:23 au kebab d'à côté c'était pas qu'on burger.
06:26 J'te parle du temps, du "Wesh la famille",
06:28 du club d'Euroté, de Rémy sans famille.
06:30 Ben oui, maintenant y'a la Wi-Fi.
06:33 Face à l'âge au condom, fais des selfies.
06:35 On nous informe que tout se transforme,
06:38 comme les autobots et les Decepticons.
06:45 On nous informe que tout se transforme,
06:48 comme les autobots et les Decepticons.
06:51 Et comme Michael, I remember the time,
06:57 the wimpy old kitsch, quick and free time.
07:00 Je n'ai pas vu Vegas depuis la mort de Tupac,
07:02 si tu comptes en années c'est 21 + 4.
07:04 J'voulais être Mirage, un peu puis beaucoup,
07:07 des coups de boule et de coude, il en a mis beaucoup.
07:09 Encore un effort et je deviendrai plus fort
07:11 que JJ Okocha dans l'équipe de Vamford.
07:14 Il faut pas que j'élude, que dans la bolle sud,
07:16 faut qu'on lâche les études pour aller vers le stu.
07:18 It's over, n'appelez pas le sauveur,
07:21 pour la Terre promise on a le Range Rover.
07:23 On nous informe que tout se transforme,
07:26 comme les autobots et les Decepticons.
07:29 On nous informe que tout se transforme,
07:35 comme les autobots et les Decepticons.
07:38 Ah ça fait du bien un peu de musique,
07:40 avec MC Solar à l'instant sur Europe 1,
07:42 on passe à la seconde partie de Bienfaits pour vous.
07:44 Ravi de vous retrouver dans Bienfaits pour vous,
07:55 nous sommes ensemble jusqu'à midi et on vous propose aujourd'hui
07:57 d'apprendre à mieux négocier avec votre patron,
08:00 votre conjoint ou même avec vos amis.
08:02 Pour en parler nous sommes toujours avec un spécialiste du sujet,
08:05 c'est vous Eric Blondo, je rappelle que vous êtes l'auteur du livre
08:08 #Nego qui est paru chez Plon.
08:11 Alors Eric, l'une des premières choses à faire si on veut négocier comme un as,
08:14 c'est d'instaurer la confiance, vous dites,
08:16 et vous préférez même plutôt parler d'absence de peur, expliquez-nous ça.
08:20 La confiance ça n'existe pas.
08:23 La confiance ça vient du latin confides, confidere,
08:26 ça veut dire avoir la foi en quelque chose, c'est donc un sentiment.
08:29 Et malheureusement, comme on a peur, on cherche la confiance,
08:33 et ça devient un objectif d'attraper la confiance.
08:36 Et donc je me suis posé la question, qu'est-ce qui pouvait nuire à la confiance ?
08:40 En fait la confiance elle est en balance avec une émotion qui est la peur.
08:44 Plus j'ai peur, moins j'ai confiance, moins j'ai peur, plus j'ai confiance.
08:48 Donc en fait la cause de la confiance c'est la peur, ou l'absence de peur.
08:52 Donc il faut rassurer ?
08:54 Donc l'idée c'est d'éviter que la peur s'installe dans une relation,
08:58 que ce soit en couple, ou en fait dans le travail,
09:01 ou même dans d'autres relations d'affaires,
09:03 lors d'une session, d'une fusion, d'une acquisition.
09:07 Et en fait, pour comprendre les causes, les injections de la peur,
09:11 j'ai trouvé six critères.
09:13 Il y a l'authenticité, la loyauté, la compétence, la cohérence,
09:18 l'ouverture au changement et la disponibilité.
09:21 L'authenticité, ça veut dire que je refuse de mentir à l'autre.
09:24 La loyauté, c'est qu'on va fixer des règles et on va les respecter.
09:27 Je refuse de les transgresser.
09:28 La compétence, c'est que pour le travail, ou en fait le merge, l'acquisition que je fais,
09:33 c'est qu'il y a vraiment une compétence technique qui est à l'appui,
09:36 et que je ne trahirai pas.
09:38 La cohérence, c'est l'impact du facteur temps.
09:41 C'est dans Le Petit Prince, apprivoiser quelqu'un,
09:44 c'est que je suis habitué à cette chose-là.
09:46 Et l'ouverture au changement, c'est que nous sommes maintenant dans un monde très complexe,
09:50 et donc c'est la capacité à l'autre à s'adapter à des ruptures qu'il peut y avoir sur les marchés,
09:54 ou des ruptures dans les comportements.
09:56 Et le dernier critère, c'est la disponibilité.
09:59 Et ça, c'est intéressant.
10:00 C'est-à-dire que quand un des six critères manque, la peur monte.
10:03 Quelqu'un peut être loyal, compétent, ouvert au changement, disponible, cohérent,
10:07 mais s'il n'est pas authentique, la peur monte, la confiance baisse.
10:10 Quelqu'un peut être authentique, compétent, disponible,
10:15 mais s'il n'est pas cohérent, la peur monte et la confiance baisse.
10:18 Si quelqu'un peut être très authentique, très loyal, très compétent,
10:24 mais s'il est rigide, la peur monte, la confiance baisse.
10:27 Ces six critères-là, en fait, sont des critères déterminants,
10:31 et ce sont des invariants dans les comportements
10:33 qui font que je peux rajouter une peur chez l'autre,
10:36 et effectivement perdre sa confiance.
10:38 - Je vous écoute, je suis en train de me dire que pour être un bon négociateur,
10:41 il faut avoir beaucoup de qualité humaine, quand même.
10:43 - Pourquoi pas ?
10:44 - Bah oui, voilà, c'est ce que je me dis.
10:46 C'est-à-dire que la moindre faiblesse, tac !
10:48 On passe du côté des mauvais négociateurs.
10:49 - C'est-à-dire que c'est encore beaucoup plus simple que ça.
10:51 C'est-à-dire que si vous êtes conscient et lucide que vous allez négocier,
10:54 vous jouez avec le cerveau de l'autre.
10:56 Et dans mon approche, c'est le cerveau de l'autre qui va prendre les décisions.
10:59 Et s'il doit dire oui, auquel intérêt ai-je à le manager par la peur ?
11:03 Quel intérêt ai-je à être incompétent ?
11:05 Quel intérêt ai-je à rompre les engagements qui sont les miens ?
11:08 Quel intérêt ai-je à être indisponible pour lui ?
11:10 Quel intérêt ai-je à le surprendre en permanence ?
11:12 Donc en fait, ces techniques-là, elles sont là pour préserver la relation.
11:15 Et cette approche-là, elle est extrêmement bienveillante dans cette dynamique-là.
11:19 - Alors vous expliquez dans votre livre que pour être un fin négociateur,
11:22 vous avez identifié 11 leviers qui peuvent influencer nos décisions,
11:25 et parmi eux, on n'a pas le temps de développer forcément les 11,
11:28 mais il y a l'intention.
11:30 Alors comment je fais moi pour savoir quelles sont les intentions réelles
11:33 de la personne qui est en face de moi, avec qui je suis en train de négocier ?
11:35 Quelles sont les bonnes questions pour justement doser cette intention ?
11:38 - Alors déjà, toutes les intentions sont bien réelles, et elles sont toutes positives.
11:41 Ça paraît paradoxal, mais quand je braque une banque, l'intention est positive pour moi.
11:46 Donc elle est peut-être nuisible pour les autres, mais elle est positive pour moi.
11:51 Donc déjà, tout ce que l'autre me dit est vrai pour lui.
11:53 Première chose.
11:54 Ensuite, son intention, il n'y a pas d'action sans intention.
11:57 L'intention, c'est "inteneré", c'est la direction dans laquelle je vais,
12:01 sinon c'est un mouvement ou un réflexe.
12:02 Donc toute action est précédée par une intention.
12:05 Ensuite, l'idée, c'est de comprendre l'énergie qui est mise derrière.
12:08 Donc ça part de la velléité.
12:10 J'ai l'intention d'apprendre le japonais, mais je ne fais rien.
12:12 Je ne mets aucune énergie derrière.
12:14 J'ai la volonté d'apprendre le japonais, et donc effectivement,
12:16 je dégage des heures et je dégage de l'énergie.
12:19 Ou ma vocation, c'est de vivre au Japon et de mourir au Japon,
12:23 auquel cas je vais mettre toute l'énergie de mon corps.
12:25 On trouve ça en vocation, justement, vous parliez de Mère Thérésa,
12:28 vous parliez des militaires, vous parliez de l'enseignement,
12:30 de la parentalité, du rôle de maman.
12:33 En fait, ça peut devenir une vocation.
12:35 Donc premièrement, j'ai besoin de comprendre l'intention.
12:38 Mais déjà, de décrire l'intention.
12:40 C'est une direction qui va précéder une action.
12:42 Donc je vais le questionner.
12:43 Votre question est sur les questions.
12:45 C'est que que voulez-vous obtenir ?
12:47 Vers quelle direction allez-vous ? Quel est votre projet ?
12:50 Qu'est-ce qui se passerait si ça n'aboutissait pas ?
12:53 J'ai besoin de comprendre ce qui structure sa pensée.
12:55 Et il n'y a pas d'action sans intention,
12:57 donc j'ai besoin d'essayer de décortiquer dans le futur
13:00 ce qui motive ces actions du moment.
13:04 Alors le fait de connaître les différentes casquettes de l'autre,
13:07 on comprend que ça nous sert à mieux négocier,
13:10 mais est-ce qu'on peut prendre l'autre par les sentiments, par exemple ?
13:13 Je ne sais pas si c'est un père de famille.
13:15 Je crois que vous n'êtes pas contre le fait de pouvoir dire
13:18 "est-ce que tu crois que ton père aurait été fier de toi ?"
13:20 C'est un raccourci.
13:22 Ce qu'il faut faire, c'est d'abord comprendre
13:24 que vous avez vous-même plusieurs personnages en vous.
13:26 Il y a la maman, il y a la professionnelle, il y a l'ami,
13:29 il y a plein de personnages.
13:31 Et en fait, c'est cette dichotomie qui est intéressante de travailler,
13:35 parce que quand je vais négocier avec vous,
13:37 je ne sais pas avec qui je négocie.
13:39 Et en fait, derrière, il y a toute une population,
13:41 une tribu qui est dans votre tête.
13:43 Et l'idée, c'est de comprendre si une personne
13:45 pourrait être en désaccord dans cette négociation.
13:47 Je peux, par exemple, vous proposer un travail,
13:49 mais votre enfant peut dire "mais non, c'est trop loin".
13:53 Et donc, la maman va résister à ce travail-là.
13:55 Et donc, c'est intéressant, quand vous dites
13:57 d'aller travailler sur les sentiments,
13:59 ce n'est pas l'approche qui m'intéresse.
14:01 Ce qui m'intéresse, c'est l'intention de chacun des personnages
14:03 que vous avez en tête pour essayer d'éviter un désaccord.
14:05 Parce que le travail peut être extrêmement motivant,
14:08 mais la rupture que ça causerait avec l'écosystème
14:11 qui est le vôtre dans votre famille
14:13 va créer une objection à un moment donné.
14:15 Et moi, en tant qu'employeur, je ne la comprendrai pas.
14:19 Alors que si, dès le début, il y a cette clarté des personnages
14:22 qui parlent aux personnages, là on peut avoir un accord
14:24 et on peut créer un contrat.
14:26 Et c'est une approche qui n'est pas toujours utilisée,
14:28 parce qu'en face, je prends la professionnelle
14:30 avec son CV dans la main, et je la projette dans mon futur
14:32 en disant "j'aimerais bien l'amener dans mon histoire".
14:35 Mais si, dans la négociation, on nommait la part des personnages,
14:40 en fait, on crée des ruptures potentielles
14:42 ou des contradictions potentielles.
14:44 - Mais que je comprenne bien, ça veut dire que
14:46 si j'ai un entretien d'embauche avec vous
14:48 et que vous me proposez un boulot qui est trop loin
14:50 par rapport à mon rôle de maman,
14:52 qui doit l'énoncer ? C'est vous ?
14:54 C'est vous qui avez dû anticiper ça avant ?
14:56 Ou c'est moi qui vous dis "je ne peux pas accepter" ?
14:58 - Très bonne question.
15:00 En négociation, moi je pose la question en disant
15:02 "est-ce que quelqu'un dans votre environnement
15:05 pourrait avoir une objection
15:07 à ce que nous rapprochions cette entreprise de cette entreprise ?"
15:10 - On a le droit d'aller sur ce terrain privé, par exemple,
15:12 dans la partie professionnelle ?
15:14 - Mais de toute façon, il est là.
15:16 - On l'amène avec nous.
15:18 - Bien sûr que vous l'amenez avec vous.
15:20 Cette contrainte-là, cette compression que vous aurez,
15:22 vous l'amenez dans le travail.
15:24 Donc si on n'a pas cette humilité,
15:26 puisque c'est un problème d'ego,
15:28 puisque tout d'un coup vous dites "je suis parfaite,
15:30 je suis totalement disponible",
15:32 mais c'est un gros mensonge.
15:34 Donc déjà, vous rompez la règle de la loyauté,
15:36 vous mentez, vous rompez la règle de la compétence
15:38 parce que quelque part, vous n'aurez pas le temps de tout faire.
15:40 Donc c'est cette transparence et cette humilité qui est intéressante.
15:42 - Eh bien, merci beaucoup.
15:44 On n'en a pas fini avec vous.
15:46 On va poursuivre dans quelques minutes
15:48 cette initiation à l'art de la négociation.
15:50 Et on va voir par exemple que dans toute négo,
15:52 il est bon de soigner son entrée.
15:54 Les premières phrases de l'échange,
15:56 on va vous expliquer comment vous y prendre.
15:58 Donc restez bien à l'écoute d'Europe 1.
16:00 (Générique)
16:02 - Europe 1, bien fait pour vous.
16:04 - Mélanie Gomez et Julia Vignali.
16:06 - Soyez les bienvenus
16:08 si vous nous rejoignez sur Europe 1.
16:10 Bien fait pour vous.
16:12 On continue avec notre dossier du jour consacré
16:14 à la façon de bien négocier dans votre quotidien.
16:16 Parce qu'on le fait tous, même sans le savoir.
16:18 Et on en parle avec Eric Blondeau,
16:20 spécialiste de la mécanique comportementale
16:22 et des négociations complexes
16:24 et auteur du livre #Négo et c'est paru chez Plon.
16:26 Alors Eric,
16:28 quand on va négocier,
16:30 que ce soit dans le cadre pro ou perso,
16:32 vous dites qu'il faut soigner son entrée,
16:34 que les premières paroles sont primordiales.
16:36 Je ne sais pas, sur quel terrain, des banalités,
16:38 la météo, on demande des nouvelles des enfants
16:40 avant de passer à la négo ?
16:42 - Il y a une posture avant ça, c'est de comprendre
16:44 que le sujet est plus important
16:46 que l'objet.
16:48 Vous discutez de toute façon, vous allez négocier
16:50 avec une personne vivante et le sujet
16:52 est plus important. Quand je suis rentré dans le studio,
16:54 j'ai pris le temps de vous saluer
16:56 parce que le sujet est plus important que l'objet.
16:58 Et si on saute sur l'objet en disant,
17:00 si j'étais rentré dans le studio en disant "bon allez, on commence,
17:02 ça commence quand ?" Derrière, j'aurais rompu
17:04 un lien très important. Donc effectivement,
17:06 le sujet est plus important.
17:08 Ensuite, moi j'ai trois questions que j'ai en tête
17:10 tout le temps si on doit se croiser dans l'ascenseur.
17:12 C'est qui est la personne ?
17:14 Donc, comprendre ses mécaniques comportementales,
17:16 on parlait des leviers tout à l'heure,
17:18 ses perceptions, ses connaissances,
17:20 ses besoins, ses croyances, ses valeurs,
17:22 le réseau qui l'influence.
17:24 Donc, essayer de comprendre ce qui meut la personne
17:26 dans une dynamique. Et donc,
17:28 le sujet est important. Deuxième question,
17:30 c'est quels sont ses enjeux ?
17:32 Puisque 100% de nos décisions
17:34 sont prises avec une projection mentale
17:36 dans le futur et qui fait
17:38 que l'individu va se projeter. Donc, j'ai besoin de
17:40 comprendre ses enjeux. Et la troisième question
17:42 que je vais toujours avoir dans ma tête, en tout cas,
17:44 et la sémantique va suivre derrière, c'est
17:46 comment on va pouvoir travailler ensemble ?
17:48 Comment je vais pouvoir accompagner cette
17:50 personne-là et l'augmenter dans sa relation ?
17:52 - J'aimerais pas vous croiser dans un ascenseur, honnêtement.
17:54 À ce moment-là, ça me fait peur. Il faut aller vite,
17:56 pour se poser toutes ces questions. J'ai déjà tout analysé,
17:58 j'en suis sûre. Dans les cours que vous donnez
18:00 pour apprendre à négocier de façon efficace, vous dites
18:02 qu'il faut savoir, ça je l'imagine bien,
18:04 a priori, on essaie de faire ça avec Julia tous les jours,
18:06 mais vous dites qu'il faut savoir écouter son interlocuteur
18:08 et écouter sans juger.
18:10 Pourquoi c'est si important et comment on fait ça ?
18:12 - L'écoute est un peu négligée d'abord
18:16 parce que, comme le questionnement, on l'enseigne pas à l'école,
18:18 on l'oblige à l'école, on force les gens
18:20 à écouter au lieu de dégager
18:22 de l'intérêt. Et je crois que c'est
18:24 Stephen Covey qui disait que
18:26 les gens écoutent
18:28 non pas pour comprendre, mais pour répondre.
18:30 Et en fait, ça vient
18:32 de l'éducation, c'est qu'on écoutait
18:34 les pères, on écoutait
18:36 les enseignants avec un rapport à l'autorité important.
18:38 Et donc, dès qu'on était questionné,
18:40 on était programmé
18:42 pour répondre. Et on n'a jamais appris à questionner,
18:44 on a appris à répondre.
18:46 Et donc, l'écoute est très importante,
18:48 mais on démarre mal, en fait, sur l'écoute.
18:50 Parce que la seule chose qui m'intéresse, c'est l'autre.
18:52 C'est-à-dire que je dois comprendre, encore une fois, comment il réfléchit,
18:54 et je suis un invité dans sa tête.
18:56 Et ça, c'est le plus important,
18:58 parmi toutes les techniques d'écoute qui sont sur la planète.
19:00 Moi, je retiens une seule ligne,
19:02 c'est que je suis un invité dans votre tête,
19:04 et je ne suis pas là pour vous juger,
19:06 je ne suis pas là pour vous imposer
19:08 des solutions, mais je vais
19:10 vous aider à redessiner, en fait, cet espace-là
19:12 de la négociation,
19:14 en utilisant votre mode de pensée,
19:16 en utilisant vos techniques, en utilisant
19:18 ce qui est important pour vous. Peut-être qu'on n'arrivera à rien,
19:20 mais en tout cas, je ne suis pas
19:22 rentré comme un non-invité, et j'ai envie
19:24 d'être invité plusieurs fois dans votre...
19:26 - Avec plaisir !
19:28 - Mais comment faire, justement,
19:30 pour vous parler de questions,
19:32 comment on fait pour structurer nos questions ?
19:34 Est-ce qu'il faut les préparer à l'avance ?
19:36 Est-ce qu'on arrive avec des notes ? - Oui, parce que parfois, en sortant
19:38 de toute négoce, on se dit "Ah, j'aurais dû dire ça,
19:40 pourquoi je ne vous ai pas demandé ça ?"
19:42 - La clé, elle est dans la préparation. Dans
19:44 mes négociations, 80% du temps est donné
19:46 à la préparation. Pas la moitié,
19:48 80%. - C'est fou, hein ?
19:50 - Parce que vous arrivez avec des idées préconçues,
19:52 et vous forcez la négociation. Or,
19:54 ce qui m'intéresse, c'est 80%
19:56 de préparation pour pouvoir
19:58 improviser. Comme on est dans un système complexe,
20:00 c'est l'improvisation qui est importante,
20:02 mais elle présuppose non pas
20:04 comme un usurpateur, mais au contraire, parce que je connais
20:06 le sujet, je peux alors improviser
20:08 et danser avec mon interlocuteur.
20:10 Donc, l'écoute est
20:12 très importante, parce qu'elle va me donner des clés
20:14 d'importance pour vous, et de vos
20:16 priorités, pour que je puisse, en fait,
20:18 structurer avec vous une négociation
20:20 qui soit utile pour vous, et utile pour moi.
20:22 - Donc, ça veut dire que pour bien improviser, il faut bien
20:24 préparer avant ? - C'est ça, la préparation est
20:26 très importante. Donc, dans la structure des questions,
20:28 le modèle
20:30 que j'ai dessiné a trois piliers.
20:32 Le premier, c'est l'intention. C'est-à-dire que
20:34 l'intention, on y revient tout à l'heure, un des proches disait
20:36 la différence entre
20:38 une mauvaise cuisinière et une
20:40 empoisonneuse, c'est l'intention.
20:42 Et effectivement, c'est-à-dire que si je rentre avec une intention
20:44 qui est orientée vers moi, derrière,
20:46 je vais perdre l'autre. Par contre, mon intention,
20:48 elle est orientée sur l'autre, pour l'augmenter, le
20:50 comprendre, discerner. - Génial !
20:52 - Deuxième clé, c'est le scope,
20:54 c'est le territoire. Ma question pourrait être
20:56 dans ce studio,
20:58 de dire combien de personnes, combien de personnes de
21:00 sexe féminin, combien de personnes qui viennent
21:02 de Catalogne ou d'autres personnes.
21:04 - Comment vous avez su ? - J'ai juste tombé
21:06 tout à l'heure sur un papier, tout un papier
21:08 là-dessus avec un drapeau catalan.
21:10 - Ah, parce que Mélanie est de là-bas, vous savez.
21:12 - Je sais bien, je l'ai vu.
21:14 Donc, je suis tombé dessus tout à l'heure. Et donc, en fait,
21:16 si j'ai besoin de scope, c'est que je peux préciser mes réponses
21:18 en fonction de l'élargissement
21:20 de ma question. Je peux parler du studio,
21:22 je peux parler des personnes qui
21:24 sont dedans, ou alors de leur provenance.
21:26 Et j'aurai des réponses différentes. Et enfin, la dernière
21:28 clé, qui est la plus importante,
21:30 c'est que je peux, par le questionnement,
21:32 vous demander des choses connues, des
21:34 intuitions, des opinions
21:36 que vous avez, mais je peux aussi vous faire élaborer
21:38 une réponse. Et ça, c'est très très plus important.
21:40 Et le cerveau a été programmé pour répondre,
21:42 parce que les cinq sens, soit
21:44 dans la lecture, soit dans l'oreille,
21:46 sont là pour s'adapter. Donc, ils vont prendre
21:48 l'information, ils vont,
21:50 dans votre grille de lecture, trouver une réponse.
21:52 Donc, on va beaucoup plus loin que les questions ouvertes
21:54 ou fermées, puisque je peux vous faire
21:56 élaborer une réponse ou demander votre opinion.
21:58 - On l'a dit depuis tout à l'heure, on négocie
22:00 dans tous les prismes de notre vie, que ce soit
22:02 au travail, mais aussi dans notre vie personnelle.
22:04 Et justement, on a une question d'une auditrice
22:06 d'Europe 1, c'est Lucie, sur notre
22:08 répondeur. On l'écoute tout de suite.
22:10 - Bonjour l'équipe. Alors, j'écoute votre émission
22:12 et c'est drôle, parce que je vais
22:14 accoucher dans trois semaines. Et le prénom
22:16 du pire, on ne l'a toujours pas trouvé.
22:18 Moi, j'aimerais bien l'appeler Gabrielle, alors que
22:20 pour le coup, mon mari préférait l'appeler
22:22 Marius. Qu'est-ce que je peux faire pour essayer
22:24 de le convaincre ? - Alors,
22:26 qu'est-ce qu'elle peut faire ? - Déjà, l'idée de
22:28 convaincre, dans
22:30 convaincre, il y a vaincre.
22:32 - Il ne s'invertait pas trop ? - Donc, en fait,
22:34 ça veut dire que je veux gagner. Et or, les négociations
22:36 pour moi... - Il faut dire que Marius, c'est beaucoup plus joli que Gabrielle.
22:38 - Son enfant s'appelle Marius.
22:40 - Oui, si, Marius, donc, bien évidemment.
22:42 - Moi, j'aime bien Gabrielle. - Et vous, vous avez une vraie reconnaissance
22:44 sur Gabrielle. Donc, en fait, chacun parle de lui
22:46 et chacun va essayer de protéger son
22:48 territoire. Donc, si je devais accompagner cette personne-là,
22:50 je lui ferais toucher du doigt
22:52 que son territoire est une chose,
22:54 que le territoire de son mari est une chose,
22:56 mais que le territoire du couple en est une autre. Et en fait,
22:58 celui qui veut essayer de gagner là-dedans
23:00 ignore la projection, en fait,
23:02 d'un territoire commun, qui s'appelle le couple,
23:04 et a déjà défini et impose quelque chose.
23:06 Ça veut dire qu'il y aura une contrepartie. - Ça veut dire
23:08 qu'il va s'appeler Jean-Jacques, le gars. - Je sais pas.
23:10 En tout cas, ce qui est le plus intéressant, ça aurait été de demander
23:12 aux gamins comment ils veulent s'appeler. Et malheureusement,
23:14 on ne peut pas le faire. Et donc,
23:16 ce genre de négociations,
23:18 elle arrive déjà contraint. Il y a un rapport
23:20 de force. Ce n'est pas de la négociation, c'est de
23:22 la confrontation. - Oui, mais on a
23:24 tous envie de gagner. - Oui, mais ça veut dire non-cas.
23:26 - Ah oui, on a tous envie
23:28 de gagner à un moment donné. C'est normal.
23:30 C'est pas grave, non, d'avoir envie de gagner. - Vous essayez de gagner parce que
23:32 vous avez peur. En fait, vous gagnerez
23:34 beaucoup plus si vous essayez de co-construire.
23:36 - Eh bien voilà, Mélanie.
23:38 Ça lui a fait beaucoup de bien, cette entretien. Merci beaucoup,
23:40 Eric Blondo, d'avoir été notre invité ce matin
23:42 sur Europe 1 depuis 11h.
23:44 Et je rappelle que l'on peut retrouver votre méthode
23:46 et vos conseils dans votre livre #Nego
23:48 et c'est paru chez Plon. Merci encore.
23:50 À suivre, les bienfaiteurs du jour
23:52 d'Europe 1 vont nous rejoindre.
23:54 Gévins Clément-Héruise va nous proposer de découvrir une ville
23:56 d'Asie qui mérite le détour. C'est
23:58 Singapour. Décollage imminent.