Anne Fulda reçoit Jean-Marie Rouart pour son livre «Augustin Rouart – Entre père et fils» dans #HDLivres
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00:00 - Bonjour Jean-Marie Roir. - Bonjour.
00:02 - Alors on ne vous présente pas, vous êtes écrivain, membre de l'Académie française,
00:05 et vous venez de publier un très beau livre qui s'appelle "Augustin Roir, entre père et fils" et publié chez Gallimard.
00:14 C'est un livre qui est comme une mise à nu et avec une forme de pureté, autant dans le texte que dans les dessins, tableaux et lettres de votre père que vous y avez inséré.
00:24 Alors ce n'est pas la première fois que vous évoquez la figure de votre père descendant d'une grande lignée de peintres,
00:30 mais là on a l'impression que c'est comme si vous aviez lâché quelque chose, comme si vous étiez enfin réconciliés avec lui, avec cette figure paternelle.
00:38 - Oui parce que vous savez, tous les rapports avec le père sont toujours complexes, enfin Freud l'avait évoqué,
00:45 mais là c'était particulièrement compliqué, il y avait une sorte de nœud qui faisait que, à la fois j'avais beaucoup d'admiration pour le peintre,
00:54 mais en même temps l'homme était un homme un peu difficile, un caractère un peu ombrageux,
01:00 et puis surtout j'ai toujours eu le sentiment que j'étais le père de mon père, c'est-à-dire que ce n'était pas du tout un homme pratique,
01:08 un homme inséré dans la société, il était très maladroit sur le plan social,
01:14 et c'est ce qui m'a entraîné moi à devenir un peu, je ne suis pas un arriviste, mais en tout cas un ambitieux, et à jouer le jeu social.
01:22 Alors c'est très curieux parce qu'il a eu, à contrario, une influence sur moi, parce que c'est un peu à cause de lui que...
01:29 - Par réaction.
01:30 - Voilà, par réaction, j'ai été jusqu'à me présenter à l'académie, ce qui n'était pas du tout son style, c'était un pur...
01:36 Enfin c'était quelqu'un de très bien, j'ai pas hérité de ses qualités, mais vraiment c'est un homme qui avait, de ce point de vue-là, une pureté.
01:46 Mais j'ai essayé, et c'est ça aussi qui est assez étrange, c'était un peintre, et moi je suis devenu un écrivain,
01:52 c'est-à-dire que j'ai gardé quand même ce goût de l'art qui m'a inculqué.
01:56 - Alors vous racontez quand même, c'était un père assez singulier, parce que vous étiez son modèle favori,
02:00 donc il vous réveille même, ça commence pas à vous commencer là-dessus, il vous réveille avec une torche dans les yeux pour vous peindre,
02:07 il y a plein de tableaux, de dessins de vous endormis, et puis aussi il y a quelque chose d'étrange,
02:12 c'est qu'à un moment, bien que vous aimant beaucoup, vos parents vous abandonnent presque dans une famille d'adoption,
02:18 on comprend pas très bien pourquoi, vous n'ont plus de visiteur à 4 ans.
02:21 - Oui, à l'âge de 4 ans, eh bien ils m'ont confié les pêcheurs de l'île de Noirmoutier,
02:26 alors je crois pas que c'était pas par méchanceté, c'est parce que j'avais une maladie à ce moment-là,
02:32 j'avais viré ma cutie, et il fallait que je sois au grand air, et donc pendant 4 ans, j'ai vécu,
02:38 alors ça a changé beaucoup, je suis passé de famille liée à l'impressionnisme, à les pêcheurs de l'île de Noirmoutier,
02:44 dans des conditions de dénuement complets, mais que j'adorais, c'est-à-dire il n'y avait pas d'eau courante,
02:49 on s'éclairait à la bougie, enfin c'était vraiment très exotique, et puis il y avait cette île magnifique,
02:55 vraiment très très belle, et cet amour que me portait ce couple de pêcheurs,
03:01 qui a vraiment fait que je n'ai pas souffert, même si je me prenais un peu pour le petit pousset,
03:06 mais parce que vraiment, il y avait la beauté des paysages et l'amour.
03:11 - Et puis c'est à ce moment-là que vous devenez un héros de roman, par le biais de votre père,
03:15 qui vous envoie des lettres magnifiques, où vous vous transformez en petit ours,
03:20 vous êtes un petit ours et il écrit, vous écrit des lettres qui sont assez magnifiques, c'est étonnant.
03:26 - Il me raconte ma vie dans une sorte de conte dessiné à travers les lettres qu'il m'écrit,
03:30 et c'est vrai que j'aurais pu devenir un peu schizophrène, vraiment j'ai échappé,
03:35 mais c'est peut-être ce qui m'a vraiment donné ce goût et cette saveur du romanesque,
03:42 à la fois parce que j'étais le héros d'un roman, plus tard peut-être je me suis dit finalement,
03:48 autant écrire des romans, puisque un auteur est toujours plus ou moins un peu le héros de son livre.
03:55 - Alors à l'adolescence, comme tout ado normal, vous vous rebellez et vous lui reprochez notamment,
04:01 vous dites à un moment cette forme de chute sociale, vous parlez de votre consternation face à l'appartement familial,
04:08 suintant la médiocrité, vous étiez assez dur, exigeant ?
04:13 - J'étais déjà un peu snob, et puis vous savez, un adolescent, il faut toujours qu'il rapproche des choses à ses parents,
04:20 et là, ce que je reprochais c'était plutôt la chute du statut social,
04:25 quand vous vivez dans une famille très bourgeoise, avec beaucoup de moyens,
04:29 chez ma tante Julie il y avait 15 manets, vous voyez,
04:32 - Descendants de Manet, Morito, Maurice Denis,
04:35 - Sur les murs, chez moi il y avait encore des tableaux, mais je voyais partir les uns après les autres,
04:39 et donc j'en voulais un peu à mon père de ne pas avoir affronté l'existence,
04:43 j'aurais voulu avoir un père qui était notaire, un grand médecin,
04:47 mais vous savez, c'est la bêtise de l'adolescence, au fond, on voudrait des parents différents,
04:52 on se rêve avec des parents différents, puis après on se rend compte que vraiment,
04:56 c'est mon point de vue maintenant, que j'ai eu une chance absolument folle de vivre,
05:01 non seulement avec des parents très aimants, mais qui m'ont inculqué des valeurs artistiques.
05:06 - Oui, il fut celui qui me fit aborder très tôt mes rives de l'imaginaire, écrivez-vous.
05:11 En tout cas c'est vraiment un très beau livre, et à voir, et à lire, que je vous conseille vivement,
05:17 donc ça s'appelle "Augustin Roir, entre père et fils", et c'est publié chez Gallimard,
05:21 merci beaucoup Jean-Marie Roir. - Merci.
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