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NewsTranscription
00:00 Et jusqu'à 11h, Philippe Vandel, vous recevez Yann Kefelec.
00:04 Bonjour Yann Kefelec.
00:05 Bonjour Philippe Vandel.
00:06 Vous êtes romancier, pris Goncourt en 85 pour "Le Nos Barbare".
00:09 Dès votre deuxième roman, vous venez à combien de romans ?
00:11 Trop, et je ne me lasse pas du trop, j'ai même l'impression de commencer.
00:14 À la rentrée, vous étiez venu nous parler de votre dernier roman, "D'où vient l'amour".
00:18 C'était publié par Calman Levy.
00:19 Et voici que vous publiez un récit, et même deux récits en un, suite à "Armorican".
00:24 Un texte de vous et un autre de votre père, l'écrivain Henri Kefelec, mort en 92.
00:28 Ce livre a une histoire. Comment est né ce livre ?
00:31 Il est né dans un tiroir, lorsque l'éditeur Jean Legall, des éditions du Cherche-Midi,
00:35 a retrouvé les mémoires de mon père, qui sommeillaient depuis un certain nombre d'années,
00:39 et qui promettaient d'y sommeiller encore longtemps, car la postérité a la vie longue.
00:43 Mais elles avaient déjà été publiées ou pas du tout ? C'était un manuscrit.
00:46 Elles avaient déjà été publiées en 88, et lorsque Jean Legall a relu les mémoires de mon père,
00:49 il a trouvé qu'elles étaient à la fois pleines de modernité, qu'elles donnaient une vision de la Bretagne,
00:53 d'une Bretagne disparue, qu'il aurait été donc intéressant de confronter
00:57 le point de vue du père et celui du fils, c'est-à-dire moi-même,
01:01 en publiant un texte qui est suite à Moriquen, où il y aura à la fois la vision de la Bretagne
01:06 vue par mon père, et celle de la Bretagne vue par moi-même, le fils.
01:10 Pour qui ne l'a pas lu, qui était votre écrivain de père, Henri Kefelec ?
01:13 Oh, mon père, c'était un homme extraordinairement simple, bardé de tous les diplômes,
01:18 qui avait un sens de l'humour forcené, qui parlait grec, latin, hébreu,
01:22 mais qui ne parlait pas breton, et qui en avait honte, et qui faisait semblant de parler breton,
01:26 parce qu'il le baragouinait. C'était un homme qui avait la langue française dans la peau,
01:30 il écrivait comme il respirait, il n'y avait aucune rature sur ses manuscrits,
01:34 c'est même très impressionnant d'avoir entre les mains les manuscrits d'un livre de mon père.
01:37 On a l'impression que sa pensée passe directement, comme ça, dans la phrase, dans le manuscrit,
01:41 sans aucun doute, sans aucune...
01:44 Vous en parlez avec beaucoup de tendresse, mais il ne vous aimait pas.
01:47 Ah non, non, non, mon père ne m'aimait pas, non.
01:49 Mais si vous voulez, on n'est pas obligé d'aimer ses enfants, c'est comme ça,
01:52 on a le devoir de les élever, bien entendu, de constituer un exemple à leurs yeux,
01:56 de créer chez eux un souvenir impérissable, ce qui est le cas,
02:00 car mon père m'a laissé un souvenir impérissable, mais aucun doute qu'il ne s'est jamais attaché à moi.
02:05 Alors je voulais vous poser une question, et en fait j'ose plus, j'ai plus osé.
02:08 Parce que vous écrivez dès la page 8, je me pose une question,
02:12 en écrivant ces lignes préliminaires, la question qu'un romancier n'entend jamais,
02:16 sans avoir envie de tourner les talons et d'imiter le meuh d'une vache égarée,
02:20 ça parle de quoi votre livre ? De vous ? C'est dommage, c'est une bonne question, je voulais vous la poser moi.
02:24 - Alors je ne vais pas faire meuh, Philippe Vordel, mais le cœur y est quand même,
02:28 et la vache n'est pas loin dans ma voix.
02:30 Mais si vous voulez, en fait l'écrivain il sait ce dont il parle, mais il ne le sait pas complètement,
02:35 et le lecteur vient compléter l'idée qu'il se fait de son propre texte.
02:38 Donc il attend du lecteur qu'il lui dise ce que contient son livre.
02:41 Et je ne suis jamais autant heureux que lorsque le lecteur vient à moi en me disant
02:44 "J'ai lu votre livre, j'ai retrouvé ma propre histoire dans votre histoire, dans ce qui ressemble à votre histoire",
02:50 et c'est ainsi que se crée le dialogue entre le lecteur et l'auteur, qui est un dialogue miraculeux.
02:55 - Alors vous savez quoi ? J'ai lu votre livre, et il me reste 3 pages de questions,
03:00 ça tombe bien on est ensemble jusqu'à 11h. Yann Kefelek avec nous dans Culture Média sur Europe 1.
03:04 - Suite à mort armoricaine, des récits de Yann et Henri Kefelek parus aux cherches médias,
03:11 on en parle jusqu'à 11h, Philippe Vordel.
03:12 - Henri Kefelek qui a été votre père, je me suis évidemment intéressé plutôt à votre partie.
03:16 Vous racontez une Bretagne, la Bretagne de votre enfance, qu'on a peine à imaginer.
03:21 En 2023 par exemple, vous racontez des discussions avec votre grand-mère.
03:26 "C'est vrai grand-mère qu'on est dans les choux ?"
03:28 "Voyons, dis pas de bêtises, est-ce que tu crois sérieusement que t'es née dans un chou,
03:31 ou que moi, ta grand-mère, j'y suis née ?"
03:33 C'est la grand-mère qui parle, hein.
03:35 "Ils arrivent comment les enfants ?" Vous vous demandez.
03:37 "Mais tout naturellement mon petit chéri."
03:39 "On se marie, on pense très fort au bon Dieu, on ferme les yeux très fort,
03:42 et la maman, elle n'a plus qu'à laisser le bébé germer dans son ventre,
03:46 un bébé différent à chaque fois, le bon Dieu c'est lui qui donne la vie."
03:51 On a l'impression qu'on est il y a deux siècles.
03:53 Et c'était votre enfance !
03:55 - Oui c'était mon enfance, mais déjà dans mon enfance,
03:57 on était un peu rétrograde dans la famille, si vous voulez,
04:00 donc rien ne se faisait sans la complicité du bon Dieu.
04:04 Il fallait que le bien et le mal soient là, mais toujours sous le regard de Dieu.
04:08 Donc effectivement, la naissance des enfants ne pouvait pas se faire de manière naturelle,
04:12 elle se faisait de façon surnaturelle, et ensuite la nature arrivait au galop.
04:17 - Et puis vous avez aussi connu l'époque où une nourrice de 20 ans
04:20 venait donner le sein au dernier né du clan.
04:23 J'ai l'impression que quand j'entends ça, ça m'a rappelé des dessins de l'almanach vermot,
04:27 il y a très très très longtemps.
04:29 - Oui mais c'était l'almanach vermot, et l'almanach vermot en chair, en os et en sein,
04:34 c'était extraordinaire, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas le droit bien entendu
04:37 de marquer la poitrine féminine dans la famille.
04:39 Il n'en était pas question, le mot soutien-gorge n'existait pas,
04:42 vous pouviez être chassé de la maison pour l'avoir prononcé.
04:45 En revanche, eh bien voilà...
04:47 - Une petite question, c'est votre famille qui était très particulière,
04:50 ou c'est l'époque et la Bretagne qui étaient comme ça ?
04:52 - C'était ma famille bretonne et chrétienne, mais ma famille en particulier.
04:57 Je ne sais pas pourquoi, ma grand-mère et ma tante-jeanne avaient été élevées
05:00 à la Légion d'honneur à Saint-Denis,
05:02 donc c'était une institution extrêmement rigide et austère sur le plan des mœurs
05:06 et sur le plan de l'enseignement de la vie et de la nature.
05:09 Donc ça redoublait probablement cette espèce de pudeur bretonne
05:12 à l'égard des choses de la vie.
05:14 - On affirmait sa bretonnitude, je découvre que dans vos lettres
05:17 vous signez Jean et non pas Yann. C'est quoi votre vrai prénom ?
05:21 - Mon vrai prénom c'est Jean-Yann, c'est Jean-Marie, mon vrai prénom...
05:24 - J'ai mal posé la question !
05:25 - Non c'est parfaitement posé !
05:27 - Il y a écrit quoi à l'état civil ?
05:28 - Il y a écrit Jean-Marie, mon père se présente à l'état civil
05:30 pour me déclarer sous le nom de Yann, l'état civil anti-breton
05:34 comme on l'était à l'époque. L'administration bretagne détestant,
05:37 l'administration française détestant la Bretagne, refuse le Yann
05:41 et Jean est devenu mon nom. Et d'ailleurs j'adore mon prénom de Jean,
05:44 mon père m'appelait Jean, j'aime bien quand on m'appelle Jean.
05:46 - Vous avez connu les écriteaux, peut-être c'est une image d'Epinal,
05:49 dans les salles de classe où il y avait écrit "ici il est interdit de cracher,
05:51 de parler breton".
05:52 - Ah mais bien entendu ! Oh non ! Pardon, je ne l'ai pas connu, je connais,
05:55 je connais l'anecdote, je connais l'anecdote du pauvre breton
05:58 qui a ses sabots autour du cou parce qu'il a osé parler la langue de ses ancêtres,
06:01 sa langue immémoriale et non pas le français. Je connais ses familles bretonnes
06:05 justement où d'un côté il y avait les grands, c'était la famille de mon père,
06:08 d'un côté il y avait les grands-parents, c'est-à-dire ses grands-mères
06:10 qui ne parlaient que breton et les autres qui parlaient français.
06:13 Donc il y avait forcément une incompréhension qui s'installait.
06:16 C'est du massacre patrimonial, du massacre culturel de la part d'un pays
06:20 qui lui, la France, qui n'hésite pas à les défendre, les langues perdues
06:24 du bout du monde.
06:25 - Et vous dites, non sans ironie, que vous aimez bien l'époque où les bretons
06:28 passaient pour des ploucs. Pour quelle raison ?
06:31 - Parce qu'ils passent toujours pour des ploucs, même quand on écoute...
06:33 Mais si, quand on écoute Europe 1 de temps en temps, dès que le mot breton est prononcé,
06:36 il y a une espèce de sourire qui s'empare de la compagnie.
06:39 Ah les bretons, ça fait rigoler, on ne sait pas pourquoi.
06:42 Ça vient de la nuit de temps. Le breton appelle le soleil.
06:45 - Mais pas du tout ! Le breton c'est Châteaubriand.
06:47 - Mais bien entendu, c'est Victor Hugo.
06:49 - Si Châteaubriand est un plouc, je veux bien être un plouc.
06:51 - Mais parfaitement d'accord. Et non seulement c'est Châteaubriand,
06:54 mais c'est également Victor Hugo, fils de Sophie de Trébuchet, qui était bretonne,
06:59 mais c'est aussi aujourd'hui le pays d'une identité que tout le monde vient chercher en Bretagne,
07:04 dans une époque où le pays ne s'appartient plus,
07:07 l'identité ne s'appartient plus. On vient en Bretagne,
07:11 là on trouve la bonté du monde, on trouve la simplicité bretonne,
07:14 la gentillesse bretonne, l'authenticité bretonne,
07:17 et on en repart avec un supplément d'âme.
07:19 - Vous n'allez pas voir, on parlait du surtourisme, Romain Désart m'en parlait,
07:22 vous n'allez pas voir ces hordes de touristes qui viennent chercher la fraîcheur en Bretagne.
07:26 Ça vous agace ?
07:27 - Non, c'est pas que ça m'agace. Les Bretons ont toujours été partageurs,
07:31 ils adorent quand on vient les voir, quand on comprend ce qu'ils sont, ce qu'ils donnent,
07:34 mais simplement ce qui m'agace un peu c'est de voir que l'on massacre les paysages
07:38 au nom de ce déferlement touristique, et là c'est terrible,
07:41 ce qu'il faut conserver à la Bretagne, c'est également la bonté des paysages,
07:45 la bonté du site, et les sites sont en danger du fait de ce surtourisme.
07:48 - On va en parler parce que votre livre commence par une tirade contre les éoliennes en mer.
07:53 - Je suis é.
07:54 - Culture Média continue, on est avec Yann Kefelek, on va parler musique,
07:58 évidemment c'est la fête de la musique mercredi, Aurélie Sada va nous rejoindre, à tout de suite.
08:02 A tout de suite !