Pourquoi et comment le racisme se perpétue (encore) ? Comment on fait en tant que parent pour s’affranchir du racisme et protéger nos enfants ? Cible ou non du racisme, tout le monde est concerné. Il est primordial pour chaque parent de se saisir de tous les sujets de société (racisme, sexisme, lutte contre l’homophobie etc.) pour comprendre, déconstruire et grandir avec nos enfants. Grace Ly, écrivaine et co-autrice du podcast et du livre « Kiffe ta race » avec la journaliste Rokhaya Diallo, nous explique tout.
Aller plus loin :
☀︎ « Kiffe ta race » de Rokhaya Diallo et Grace Ly, aux éditions First : https://www.lisez.com/livre-grand-format/kiffe-ta-race/9782412066409
☀︎ « Kiffe ta race » le podcast de Binge Audio avec Rokhaya Diallo et Grace Ly : https://www.binge.audio/podcast/kiffetarace/
Aller plus loin :
☀︎ « Kiffe ta race » de Rokhaya Diallo et Grace Ly, aux éditions First : https://www.lisez.com/livre-grand-format/kiffe-ta-race/9782412066409
☀︎ « Kiffe ta race » le podcast de Binge Audio avec Rokhaya Diallo et Grace Ly : https://www.binge.audio/podcast/kiffetarace/
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00:00 Parce qu'un enfant qui vous dit qu'il ne veut pas jouer avec vous,
00:02 quand on grandit, on oublie ça.
00:05 Mais un enfant qui vous dit qu'il ne veut pas jouer avec vous
00:07 parce que vous êtes noir, arabe, asiatique, rome,
00:11 ça on s'en souvient.
00:12 Je m'appelle Grassley, je suis écrivaine et co-autrice du livre
00:18 « Kiff ta race » avec Rokhaya Diallo.
00:20 Je suis mère de trois enfants en âge d'aller à l'école.
00:24 J'ai deux enfants qui sont au collège et ma dernière est en primaire.
00:29 Mes enfants connaissent des situations de racisme
00:33 qui sont très similaires à ce que moi j'ai vécu à leur âge il y a 30 ans.
00:38 C'est rageant même, on se sent impuissant en fait face à ça.
00:41 Une jeune fille de l'école de mes enfants, aux origines asiatiques,
00:46 on l'a traité de corona et elle a été rejetée par ses camarades.
00:50 On ne voulait pas lui donner la main parce qu'on avait peur du virus.
00:52 J'ai déjà entendu dire que les enfants seraient cruels entre eux
00:55 et qu'il y a de la méchanceté dans la cour de récréation,
00:58 comme si c'était quelque chose de naturel et que ce serait une fatalité.
01:02 En fait les enfants ne naissent pas avec du racisme dans leur cœur.
01:04 C'est à force d'entendre des adultes, voir des personnes agir,
01:08 de regarder peut-être des films qui sont imprégnés de racisme,
01:12 ce racisme déteint sur ces enfants.
01:15 De la même manière qu'on a baigné dedans et qu'on reproduit le racisme,
01:20 on peut aussi apprendre l'antiracisme,
01:22 s'affranchir de ces idées reçues, ces stéréotypes et ces préjugés.
01:27 Quand on est parent d'un enfant qui subit du racisme,
01:31 notre instinct c'est celui de protection.
01:33 Mes enfants, je ne suis pas leur seule interlocutrice.
01:35 Et je ne peux pas empêcher qu'ils soient confrontés au racisme.
01:38 Les copains, l'école, ils ont une vie en dehors de moi.
01:41 Et si je ne peux pas faire que ça n'arrive jamais,
01:44 je peux être là pour eux lorsque ça arrive,
01:47 qu'ils ont besoin de m'en parler.
01:49 Ce qui fait que le racisme se perpétue,
01:50 c'est aussi le déni et le silence et l'indifférence
01:53 dans laquelle on est plongé quand on vit du racisme.
01:55 Ça se manifeste de beaucoup de manières.
01:58 Ça bat des petites phrases dans la cour de récréation,
02:00 chez nous, dans la rue, que nos enfants peuvent entendre.
02:03 C'est des petites phrases piquantes
02:04 qui gardent le champ libre aux plus violentes expressions du racisme.
02:09 Pour moi c'est très important de le détecter déjà,
02:12 de savoir que c'est ça, de savoir ce qui s'est passé,
02:15 de leur demander comment ils se sentent dans cette situation-là,
02:18 comment ils ont réagi, comment ils auraient voulu réagir.
02:22 L'idée c'est de leur permettre de ne pas garder ce poids
02:25 et qu'il pèse trop sur leurs épaules.
02:27 Parce qu'un enfant qui vous dit qu'il ne veut pas jouer avec vous,
02:30 quand on grandit, on oublie ça.
02:33 Mais un enfant qui vous dit qu'il ne veut pas jouer avec vous
02:35 parce que vous êtes noir, arabe, asiatique, rome,
02:38 ça on s'en souvient.
02:40 Et ça nous marque vraiment au fer rouge.
02:42 C'est humiliant, c'est dégradant,
02:43 et il y a cette négativité qu'on conserve.
02:46 Et ce que je veux dire à mes enfants,
02:47 c'est que je leur explique à partir d'une situation qu'ils ont vécue,
02:50 ce que c'est que le racisme.
02:51 Pourquoi on en a hérité aujourd'hui,
02:53 et que ce n'est pas leur faute.
02:54 Ça c'est très important de leur dire que ce n'est pas de leur fait.
02:57 Ils n'ont pas à en avoir honte.
02:59 Même quand on n'est pas directement la cible du racisme,
03:02 on reste concerné par le racisme qui existe dans la société.
03:05 Une société dans laquelle le racisme perdure
03:08 n'est pas une société qui porte en elle le respect de tous et toutes.
03:14 Si vous êtes l'auteur, l'autrice ou témoin de racisme,
03:18 ou si votre enfant est dans cette situation,
03:20 il est important d'adresser le racisme.
03:22 Parce que c'est réellement la mise sous silence
03:24 qui permet que le racisme continue à avoir autant de place,
03:28 et à gêner et à peser sur autant de personnes.
03:31 Je vais vous raconter une histoire qui m'est arrivée
03:34 à l'école primaire avec ma fille.
03:35 Ma fille est rentrée un jour avec un dessin qu'une camarade lui avait fait.
03:38 Ce dessin, c'était un personnage avec des yeux en forme de trait.
03:41 Comme ça.
03:42 Mais elle me dit "mais ce dessin, il me ressemblait,
03:45 mais il ne me ressemble pas du tout".
03:46 Bon, ma fille, elle a des yeux comme des billes.
03:48 Et elle a déjà compris que derrière ce dessin,
03:51 il y a une négativité.
03:52 Il ne lui ressemble pas, mais on lui rappelle toujours que c'est elle.
03:56 Et que c'est un terreau fertile pour des brimades,
03:59 et des moqueries, et éventuellement des discriminations.
04:02 Je parle à ma fille, je lui dis que oui, c'est ça, c'est une question raciste.
04:05 Que évidemment, ce dessin ne lui ressemble pas.
04:06 Et qu'elle a raison de ne pas être contente,
04:09 de ne pas être satisfaite de ça.
04:11 Et que si elle me permet, je vais en parler aux parents.
04:14 Que c'est important en fait, qu'on puisse discuter et échanger là-dessus.
04:17 Et évidemment, les parents, ils étaient à l'écoute
04:19 quand je leur ai exposé la situation.
04:21 On n'est pas à l'aise quand on apprend que notre enfant
04:25 a pu tenir ce genre de propos.
04:27 Une des premières réactions, c'est le déni.
04:29 Ce n'était pas son intention de la blesser.
04:31 Et en fait, ce qui compte là, au moment où je leur parle,
04:33 ce n'est pas l'intention de leur gamine.
04:34 En fait, c'est les conséquences sur la mienne.
04:36 Donc, je leur explique que l'histoire a hiérarchisé les gens,
04:41 et qu'il y a des gens qui me ressemblent.
04:43 On les a mises dans une catégorie, une prétendue race.
04:46 Et on aurait tous des petits yeux, on appelle ça des yeux bridés,
04:49 comme si c'était limité.
04:51 Je ne sais pas du tout, je vois très bien avec mes yeux.
04:52 Ça assigne une catégorie de gens à cette race.
04:55 Et donc, j'ai expliqué aux parents qu'en fait, c'est comme ça.
04:59 C'est en adressant la question du racisme avec nos enfants,
05:01 qu'on les éduque dans leurs interactions sociales,
05:04 futures et présentes.
05:05 La petite fille, elle a très bien compris.
05:06 Elle était navrée d'avoir fait du mal à sa copine.
05:08 Elle s'est excusée et je pense, je suis assez certaine,
05:11 qu'elle ne dessinera plus des yeux en forme de traits
05:13 pour illustrer une gamine aux origines asiatiques.
05:17 C'est vraiment une constante dans la lutte contre le racisme.
05:20 C'est vraiment de nommer le racisme, de dire non,
05:22 ça ce que tu as dit, c'est raciste, mais je t'explique pourquoi
05:26 et je suis sûre que tu vas comprendre.
05:27 On pourra repartir sur une base saine
05:30 où on nommait pas les gens dans des catégories où ils sont réduits.
05:33 Comment on apprend à un enfant à s'aimer ?
05:35 Je crois que c'est une grosse question.
05:37 Je crois qu'on peut poser la même question aux adultes.
05:39 J'essaye de procurer à mes enfants des représentations positives,
05:43 de qui ils sont et de la société qui les entoure.
05:45 Donc que ce soit des livres, des séries, des films, des dessins animés.
05:49 Vraiment, c'est important que nos enfants se retrouvent,
05:53 qu'ils puissent imaginer, qu'ils puissent se projeter,
05:56 qu'ils puissent bien sûr aussi s'identifier à des personnes
05:58 qui ne leur ressemblent pas,
06:00 mais que tout ça se soit sous le signe de la pluralité.
06:04 Ça n'empêche pas aussi de regarder des classiques
06:06 et de déconstruire avec eux, d'avoir des discussions
06:08 sur les messages sexistes, parfois racistes,
06:11 que des productions portent.
06:12 Et on les défait ensemble, on en parle.
06:14 J'ai envie que mes enfants se sentent libres
06:15 d'être qui ils sont et qui ils veulent être.
06:17 Il faut qu'on soit conscient des rapports de force qui sont à l'œuvre.
06:20 Qu'est-ce qu'on attend d'une fille, d'une femme aujourd'hui
06:23 et comment on peut les détourner ?
06:25 Qu'est-ce qu'on attend d'un garçon et d'un homme
06:27 et comment on peut s'en affranchir ?
06:29 Qu'est-ce qu'on fait peser sur les femmes et hommes noirs,
06:34 asiatiques, arabes, roms ?
06:36 Et comment ne pas se laisser enfermer par ces assignations ?
06:39 Ce sont des sujets et des conversations que j'ai à cœur
06:41 d'amener tous les jours sur la table,
06:44 personnellement et professionnellement,
06:45 pour qu'on puisse collectivement s'en détacher.
06:49 De plus en plus, nos enfants sont sensibles
06:51 aux questions qui agitent la société,
06:54 que ce soit le sexisme, le racisme,
06:58 la lutte contre l'homophobie.
07:00 C'est vraiment important que nous aussi, en tant que parents,
07:03 on s'en saisisse pour être à leur côté dans cette réflexion,
07:06 pour les accompagner, grandir en même temps qu'eux
07:09 sur ce bouillonnement qui existe
07:13 et qui nous permet d'avancer tous ensemble.
07:16 ♪ ♪ ♪