• il y a 2 ans
Clotilde mère de famille de 5 enfants témoigne : "j'ai traversé une dépression sévère"

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Transcription
00:00 Je suis Clotilde, mère de famille, j'ai cinq enfants, je suis journaliste, je suis
00:09 accompagnatrice en sortie de crise personnelle.
00:11 Il y a 13 ans, j'ai traversé une maladie, j'ai souffert de dépression profonde.
00:18 Il se trouve qu'il y a une succession d'événements extérieurs qui viennent alourdir un passage
00:29 de vie où justement j'avais besoin d'être sécurisée, entourée.
00:33 Je perds mon beau-père, puis voilà que mon papa tombe malade, puis voilà qu'une naissance
00:38 arrive et que mon petit bébé a des soucis de santé.
00:41 Et voici que je me retrouve dans une période très chargée, à un moment où au contraire
00:47 j'avais besoin d'être entourée et soutenue.
00:49 Et cette période s'installe durablement avec deux ans et demi de maladie pour mon
00:55 propre papa.
00:56 Cette période intense, lourde, a installé chez moi un climat de tristesse profond.
01:03 À cela il faut ajouter la fatigue de la jeune mère qui a quatre enfants et qui doit maintenant
01:10 se lever tous les matins pour répondre aux besoins des enfants sans s'écouter.
01:14 Il faut ajouter à cela le déracinement de la vie parisienne citadine à une vie à
01:20 la campagne où j'ai lâché mon travail de journaliste et où je me retrouve à m'occuper
01:25 des enfants dans une vie sans doute plus intérieure, centrée sur la vie de la maison.
01:31 Un peu coupée de liens sociaux, moi qui ai la fois coupée aussi de liens spirituels,
01:36 et puis un grand sentiment de solitude face à cette vie qui était un peu difficile.
01:43 Ces événements, je pensais que c'était la vie telle qu'elle est et je me suis usée
01:50 à vouloir mener cette vie courageusement, mais je ne savais pas à quel point j'étais
01:56 en train de passer dans un syndrome d'épuisement profond.
02:00 Le signe le plus fort c'est une tristesse qui s'installe.
02:08 La deuxième chose évidente c'est une fatigue, une espèce de lourdeur.
02:14 On parle du chien noir de la dépression.
02:15 Vous savez comme si un énorme chien venait s'asseoir sur vous, vous empêcher de vous
02:22 mouvoir.
02:23 Lever un bras devient difficile.
02:24 Et puis il y a des instabilités psychologiques comme la dévalorisation.
02:31 Tout ce que vous faites est dévalué dans votre tête.
02:34 Comme aussi la culpabilité.
02:36 Tout ce qui se passe dans votre vie, il y a un petit vélo dans la tête qui vous culpabilise.
02:43 Ce sont des signes inquiétants.
02:45 Je crois que quand on a déjà ces quatre signes, il faut se faire aider.
02:49 Et quand je dis aider, ce n'est pas un entourage familial ou social porteur.
02:54 Non, non, non.
02:55 Quand je dis aider, je parle de la médecine, je parle d'un psychiatre, je parle d'une
03:00 psychologue formée aux techniques cognitives et comportementales.
03:04 Et pourquoi pas des médicaments.
03:06 Alors ce qui a provoqué, c'est la peur, c'est la peur de sauter par la fenêtre.
03:15 Je raconte dans ce livre à quel point moi qui étais heureuse, qui avais tout pour être
03:20 heureuse dans ma vie, j'ai été attirée par le vide.
03:24 Attirée par le vide, pourquoi ? Pour faire taire ces petits mots-là dont parle Stromae
03:29 qui sont un enfer dans la tête.
03:31 J'avais ce même enfer dans ma tête.
03:33 Et c'était pour moi peut-être une issue, une issue paisible.
03:37 Vous avez dans votre entourage quelqu'un qui souffre ou quelqu'un peut-être même
03:48 qui est passé à l'acte, qui se serait suicidé.
03:50 Sachez une chose, c'est qu'il n'a pas voulu faire du mal ou faire de la peine à ceux
03:54 qui les entourent.
03:55 Il a juste voulu trouver une solution pour arrêter d'être un problème pour ceux qui
04:00 l'entourent.
04:03 Les solutions sont nombreuses mais elles sont délicates à mettre en place parce qu'on
04:11 est démunis et parce que pour être vraie, il y a de tout dans les médecins psychiatres.
04:16 Et je raconte dans ce livre que le premier médecin m'a donné une molécule qui m'a
04:20 fait chuter et que le deuxième a été celui grâce à qui je suis guérie.
04:25 Il y a donc une multitude de possibilités et il faut savoir se faire conseiller pour
04:33 être accompagné par des personnes compétentes.
04:36 Mais le passage vers le psychiatre est indispensable.
04:41 Et c'est sûr que ça va vous faire peur parce que le psychiatre va vous donner une ordonnance
04:47 avec des médicaments.
04:48 On ne guérit pas de dépression seul, on ne guérit pas de dépression sans médicament.
04:52 Et encore une fois, on n'a pas besoin d'aller jusqu'à la dépression sévère.
04:56 Déjà quand on a 3 ou 4 signes, quand on est dans une dépression légère ou modérée,
05:03 il faut se prendre en charge.
05:04 J'aime dire que pour moi, pour m'en sortir, j'ai mis en place une constellation autour
05:14 de moi.
05:15 J'aime les images, j'étais comme une étoile et autour de moi il a fallu mettre en place
05:19 des réseaux d'étoiles pour enfin rayonner.
05:20 Ces réseaux d'étoiles, c'est le tandem psychiatre-psychologue indispensable avec un
05:27 suivi en psychothérapie qui m'a permis d'approfondir certaines choses, découvrir aussi comment
05:33 se positionner au niveau relationnel, aussi décrypter les phases dans lesquelles j'étais,
05:39 soit de très grande fatigue, soit de rémission, soit de stabilisation.
05:43 C'est très important pour s'en sortir durablement.
05:46 Ce tandem patient-psychiatre-psychologue.
05:51 Il y a aussi une caractéristique dans la dépression, c'est que le malade est acteur.
05:56 Et donc de décider de se soigner, on reprend sa vie en main et tout ce que le patient va
06:03 faire pour accepter cette maladie va le faire progresser.
06:07 On reste acteur dans la dépression.
06:09 Donc j'ai lu des livres, une fois que j'ai retrouvé mes capacités attentionnelles,
06:14 j'ai pu lire des livres, on pourrait écouter des podcasts aujourd'hui, se renseigner, découvrir
06:20 le cerveau.
06:21 Dans mon livre, il y a une multitude de bibliographies, notamment un livre de Julia Anders sur l'intestin.
06:28 L'intestin est le deuxième cerveau.
06:30 Donc j'ai découvert la nutrition, j'ai été suivie par une diététicienne, justement
06:35 pour approfondir toutes ces questions qui étaient pour moi méconnues.
06:38 Il y a aussi un paramètre important de développer les capacités artistiques.
06:43 C'est-à-dire que quand on souffre de dépression, on n'a plus d'envie.
06:47 Il faut se reconnecter notre corps avec la prise en compte de nos sens.
06:53 Donc voir des jolis tableaux, regarder des belles photos, écouter de la belle musique,
06:59 sentir des odeurs qui nous font du bien, allumer une bougie.
07:02 Tous ces événements, tous ces éléments sensoriels vont aider le malade à se reconnecter
07:10 et à reprendre conscience de son corps.
07:12 Nous sommes corps, et je viens de vous expliquer à quel point c'était important de reconnecter
07:17 le corps.
07:18 Nous sommes cœur.
07:19 Il faut savoir redonner une place à tout ce qui fait plaisir, tout ce qui va redonner
07:25 l'élan de vie, tout ce qui permet d'avoir envie de se lever le matin.
07:30 Nous sommes esprit.
07:32 Ne négligeons pas le besoin que notre esprit a d'être aéré, d'être nourri par des
07:39 lectures, par des rencontres.
07:41 Et enfin, nous sommes âme.
07:43 Et ce dernier paramètre, je le mets volontairement en dernier, parce qu'il n'y a que quand
07:49 on a pris soin du corps qu'on peut s'adonner à des techniques de relaxation, de méditation.
07:54 Mais l'âme est très importante.
07:56 Oui, c'est la maladie de la honte, parce qu'un petit peu comme si tout le monde était
08:06 dans le même bateau dans cette société.
08:08 Quand vous tombez en dépression, vous lâchez le navire.
08:11 Vous êtes celui qui fait tomber la face sociale, qui n'a pas réussi.
08:16 Oui, c'est la honte.
08:17 Et c'est la honte parce que c'est une maladie qui ne se voit pas.
08:20 C'est une maladie où on n'a pas un plâtre, on lâche le navire, on ne vient plus travailler,
08:28 on n'est plus capable.
08:29 Tout est vu sous l'ordre des capacités.
08:32 Et donc, c'est très humiliant.
08:34 J'aimerais vous dire que les miens étaient petits quand c'est arrivé et que quand on
08:46 m'a diagnostiqué cette dépression sévère, on m'a diagnostiqué une guérison sur cinq
08:50 ans.
08:51 Donc, sur cinq ans, je trouvais ça difficile de rien dire à mes enfants.
08:54 Et donc, avec mon mari, on a décidé de parler à nos enfants.
08:58 En fait, on a parlé à nos enfants même avant de savoir le diagnostic, puisqu'il a fallu
09:03 leur annoncer que je partais en clinique psychiatrique.
09:05 On a fait un conseil de famille.
09:08 On leur a dit que j'étais anormalement fatiguée et les enfants le savaient.
09:13 Et c'est merveilleux de voir comme nous, adultes, on se fait beaucoup de nœuds au
09:19 cerveau, mais les enfants, ils ressentent tout.
09:22 Et une psychologue qui me suivait ensuite m'a dit « Vous avez toujours dit la vérité,
09:27 mais vos enfants savent tout.
09:29 Ils ont vécu cette histoire avec vous.
09:31 Alors, je crois qu'il ne faut pas avoir peur de mettre des mots avec beaucoup de douceur.
09:36 Pour des petits enfants, nous avons parlé de maladie de la fatigue.
09:39 Il n'y a qu'aujourd'hui, où maintenant, nos enfants adolescents peuvent avoir peut-être
09:44 les mots justes d'adultes.
09:45 Il y a un discours à adapter.
09:48 Mais en tout cas, une vérité à ne pas cacher, c'est leur rendre service.
09:52 Des conseils, c'est toujours très délicat de donner des conseils.
10:02 J'aurais un seul conseil, pas de conseil, pas de jugement, pas de critique.
10:06 La seule chose que je peux dire, c'est que quelqu'un qui est malade a besoin d'être
10:12 écouté, a besoin d'être rassuré et a besoin d'entendre que c'est une maladie,
10:20 que la maladie n'est pas la personne et que cette maladie est sérieuse, mais que
10:25 ce n'est pas grave, qu'on peut s'en sortir et que si la porte de sortie, c'est de
10:31 passer par la case médicaments.
10:34 Après tout, le jour où on a une arrhythmie cardiaque, on prendrait des médicaments.
10:39 Alors, pourquoi ne pas s'occuper de notre cerveau, ce cerveau qui est déréglé, qui
10:43 est usé, ces neurones qui ne fonctionnent plus.
10:46 Voilà, regardons la maladie de la dépression, des burn-out ou des dépressions postpartum
10:52 avec beaucoup plus de douceur.
10:53 Et cela permet aussi une prise de recul par rapport à notre société où tout est productivité,
11:00 efficacité, rentabilité.
11:02 La maladie de la dépression va nous faire découvrir à quel point nous sommes humains
11:07 et c'est plutôt une grande richesse au niveau de la découverte humaine.
11:11 [Musique]
11:18 [SILENCE]

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