Le philosophe Roger-Pol Droit était invité dans Les Visiteurs du Soir, ce samedi 10 juin, sur CNEWS. Il s’est exprimé sur l’attaque d’Annecy : «Ce qui est contemporain, c’est la diffusion et l’ampleur de cette émotion».
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00:00 -Il y a une question qu'il faut poser,
00:02 c'est de savoir aussi pourquoi nous sommes aujourd'hui
00:05 plus submergés par l'émotion, plus sensibles.
00:09 Parce qu'il est tout à fait possible
00:12 que le même type d'événement à une autre époque,
00:15 et a fortiori, même simplement, à quelques décennies près,
00:19 ne déclenche pas la même vague d'émotions, de commentaires.
00:25 Alors, évidemment, il y a la diffusion médiatique,
00:28 il y a les caisses de résonance des chaînes d'info,
00:32 mais je crois qu'il y a aussi le fait
00:34 que nous vivons une époque qui veut de plus en plus tout contrôler.
00:38 -Non, dans le massacre des innocents, dans la Bible,
00:41 le fait de s'en prendre aux enfants est déjà le crime absolu.
00:46 Le crime qui fait sortir le criminel du statut d'être humain.
00:49 C'est-à-dire qu'à partir du moment où vous en prenez un enfant,
00:52 vous déshumanisez l'enfant, vous déshumanisez la mère,
00:55 mais vous vous déshumanisez par votre acte barbare.
00:58 Le massacre des innocents, ça date pas des années 60 ?
01:00 -Non, mais ce qui est contemporain,
01:03 c'est la diffusion et l'ampleur démographique,
01:07 sociale, médiatique de cette émotion.
01:11 Il faut distinguer, si vous voulez, le jugement
01:14 de l'ampleur de l'émotion qui est diffusée.
01:18 Et là, il me semble...
01:20 Il me semble que ce fait divers,
01:23 qui en lui-même est consternant, atroce, effroyable,
01:28 a lieu en un temps et un moment, simplement,
01:33 et devient une affaire nationale,
01:38 voire mondiale, puisque c'est repris aussi partout,
01:42 en raison non seulement des moyens de diffusion,
01:45 mais en raison de changements dans la sensibilité.
01:49 Je crois que c'est l'irruption de quelque chose
01:52 d'absolument imprévisible, incontrôlable,
01:56 parce que quelle que soit la nécessité, évidemment,
01:59 de filtrer, de sécuriser,
02:01 par définition, il n'y a aucune possibilité
02:05 de contrôler un individu.
02:07 Sous-titrage ST' 501
02:09 [Musique]