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Publié dans le cadre d'un partenariat avec INDEX Investigation.

Samedi 26 janvier 2019, lors de l’acte XI des « gilets jaunes », Jérôme Rodrigues était éborgné par l’explosion d’une grenade de désencerclement. INDEX a obtenu accès à des centaines de vidéos et documents exclusifs, que nous avons analysés pour produire une reconstitution détaillée des circonstances de l’incident. Images des caméras-piétons des policiers à l'appui, l'enquête d'INDEX offre une plongée inédite dans les rouages et les dysfonctionnements du maintien de l’ordre à la française.

Article complet disponible sur le site d'INDEX : https://www.index.ngo/enquetes/eborgnement-de-jerome-rodrigues-ce-que-revelent-les-cameras-pietons-des-policiers

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--- Crédits Enquête : Francesco Sebregondi, Filippo Ortona, Nadav Joffe, Lorène Albin, Basile Trouillet Modélisation 3D : Lorène Albin, Nadav Joffe, Thibault Casteigts, Laïss EL Khaledi Montage / Motion Design / Voix : Basile Trouillet © INDEX Investigation, 2023

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Transcription
00:00 Samedi 26 janvier 2019 à Paris, lors de l'acte 11 du mouvement des gilets jaunes.
00:06 Depuis son smartphone, Jérôme Rodruguez, 39 ans, diffuse un direct vidéo sur sa page
00:13 Facebook, l'une des plus suivies du mouvement.
00:15 À 16h38, il se trouve au milieu de la place de la Bastille, où plusieurs cortèges de
00:26 manifestants se sont rejoints.
00:27 30 secondes plus tard, toujours en direct, ils s'effondrent au pied de la colonne de
00:33 Juillet.
00:34 Le mouvement des gilets jaunes est un mouvement de la rédaction de la rédaction de la rédaction.
01:03 Grievement blessé au visage, Jérôme Rodruguez perd définitivement l'usage de son œil
01:21 droit.
01:22 Trois semaines plus tard, il dépose plainte pour « violence volontaire ayant entraîné
01:28 une mutilation ». Quatre ans se sont écoulés depuis.
01:31 Malgré l'existence de nombreuses vidéos de la scène, l'affaire est toujours en
01:35 cours d'instruction auprès de la justice.
01:37 Index a mené sa propre enquête indépendante.
01:41 Nous avons analysé, synchronisé et modélisé des dizaines d'heures d'images exclusives.
01:46 Aujourd'hui, nous révélons une reconstitution détaillée des circonstances de l'éborgnement
01:52 de Jérôme Rodruguez, ainsi qu'une plongée inédite dans les rouages et les dysfonctionnements
01:57 d'une opération de maintien de l'ordre à la française.
01:59 Ce 26 janvier 2019, en milieu d'après-midi, les forces de l'ordre sont disposées sur
02:13 tout le périmètre de la place de la Bastille.
02:15 Elles contrôlent l'accès et la sortie des manifestants.
02:18 La situation est tendue à l'intérieur de la place.
02:24 Les policiers font usage de gaz lacrymogène et procèdent à des charges pour effectuer
02:29 des interpellations.
02:30 À 16h31, alors qu'il s'avance sur la place en diffusant son live, Jérôme Rodruguez
02:49 passe dans le champ de la caméra mobile d'un policier situé au bout de la rue Saint-Antoine.
02:54 Quelques instants plus tard, ce même policier participe à une charge vers le centre de
03:01 la place.
03:02 Le policier est en train de se faire toucher.
03:29 La charge n'aboutit à aucune interpellation.
03:41 Les policiers se replient vers leur position de départ.
03:44 Témoin de cette charge, Jérôme Rodruguez multiplie les appels à quitter les lieux,
03:51 aussi bien dans son live qu'en s'adressant directement aux manifestants sur la place.
03:55 Jérôme Rodruguez s'avance ensuite vers le centre de la place.
04:11 Lorsqu'il arrive au pied de la colonne de Juillet, la situation semble revenue au calme.
04:16 Pendant ce temps, des policiers situés à l'angle du boulevard Bourdon s'apprêtent
04:32 à effectuer un bon offensif.
04:33 Ils ont pour objectif d'interpeller un individu identifié comme ayant jeté des projectiles.
04:40 À 16h38 et 21 secondes, le bon est lancé.
04:48 Une escouade de la BAC part la première en courant, suivie par deux unités des compagnies
04:53 de sécurisation et intervention, ou CSI.
04:56 Au total, une cinquantaine de policiers sont envoyés à la charge sur la place de la Bastille,
05:02 avec pour ordre apparent d'interpeller un seul individu.
05:13 Dans leurs auditions successives, plusieurs policiers ayant participé à cette charge
05:26 soulignent la mauvaise coordination de celle-ci.
05:28 Au bout d'une trentaine de mètres, les policiers des unités CSI s'arrêtent donc
05:52 brusquement au milieu de la place, sans objectif opérationnel.
05:55 Leur zone d'arrêt se trouve alors devant le groupe où se situe Jérôme Rodrigues.
06:05 L'un des policiers de l'unité CSI 92, Brice C, a sorti préventivement une grenade
06:14 à main de désencerclement.
06:26 À 16h38 et 47 secondes, il lance la grenade en direction du groupe situé au pied de la
06:34 colonne de Juillet.
06:35 Une seconde plus tard, elle explose au sol devant Jérôme Rodrigues.
06:46 Une vidéo tournée au téléphone portable par un manifestant permet d'observer le lancer
06:51 de grenade en détail.
06:53 Nous avons étudié la position de la grenade image par image sur la vidéo.
07:17 En triangulant ces données avec celles issues de deux autres vidéos où le lancer est observable,
07:30 nous avons pu reconstituer la trajectoire précise de la grenade dans le modèle 3D.
07:34 Nous constatons que le lancer ne semble pas régulier.
07:53 En effet, les instructions d'usage de la grenade à main de désencerclement indiquent
07:59 que celle-ci doit être lancée au ras du sol, du fait de sa dangerosité lorsqu'elle
08:03 explose.
08:04 Les grenades de désencerclement sont des armes officiellement classées comme matériel
08:12 de guerre.
08:13 Elles contiennent 18 projectiles en caoutchouc qui, lors de leur explosion, sont projetés
08:17 dans toutes les directions à une vitesse initiale comprise entre 400 et 500 km/h.
08:22 Toute personne située dans un rayon de 15 mètres du point d'explosion de la grenade
08:31 peut être violemment impactée par un ou plusieurs projectiles.
08:34 La grenade lancée par Brice C explose au pied de Jérôme Rodrigues, qui se trouve
08:45 à moins de 2 mètres du point d'explosion.
08:46 L'un des 18 projectiles de la grenade atteint son œil droit.
08:50 Parmi toutes les vidéos disponibles, l'enregistrement de la caméra mobile de l'un des policiers
08:58 de la CSI est celle qui offre la vue la plus claire sur la composition du groupe situé
09:02 au pied de la colonne de Juillet.
09:03 On y distingue Jérôme Rodrigues tenant son smartphone parmi un groupe d'individus
09:09 qui ne semblent pas constitués de menaces pour les policiers.
09:12 Plusieurs individus semblent filmer la scène.
09:15 Clairement identifiables par leur tenue, quatre infirmiers volontaires, ou street medics,
09:22 sont également présents parmi les manifestants.
09:24 C'est pourtant ce groupe qui est ciblé par une grenade à main de désencerclement.
09:29 Entendu par les GPN et par le juge d'instruction, le policier Brice C a justifié son geste
09:39 en invoquant la légitime défense.
09:40 Il aurait lancé sa grenade en riposte à une pluie de projectiles qui s'abattait
09:44 alors sur son groupe.
09:45 Au moins six caméras étaient alors dirigées vers le groupe des policiers.
09:51 Nous reproduisons ici l'enregistrement de la caméra ayant la plus haute résolution.
09:55 Ni ces images, ni celles issues des autres vidéos, ne permettent de distinguer un seul
10:13 projectile qui aurait atteint le groupe des policiers durant les sept secondes qui précèdent
10:18 le lancer de la grenade.
10:19 En comparaison, une autre vidéo montre un groupe de policiers pris à partie par de
10:26 nombreux jets de projectiles, plus tôt dans l'après-midi, toujours au pied de la colonne
10:30 de Juillet.
10:31 Les projectiles qui les atteignent sont distinctement visibles sur les images.
10:34 Les vidéos établissent clairement que les policiers arrêtés au milieu de la place
10:41 ne se trouvaient pas sous une pluie de projectiles au moment où l'un d'eux lance une grenade
10:45 de désencerclement en direction d'un groupe de manifestants qui ne présente aucun danger.
10:49 Le témoignage de Brice C, auteur du lancer de grenade, n'est pas le seul à être formellement
10:58 démenti par l'analyse détaillée des vidéos de l'incident.
11:02 Interrogé dans le cadre de l'enquête confiée à l'IGPN, au moins onze de ses collègues
11:07 appuient sa version en dépit des images qui l'invalident.
11:10 L'incident ayant causé la mutilation de Jérôme Rodrigues ne constitue pas un cas
11:21 isolé.
11:22 Depuis 2016, au moins dix personnes ont été éborgnées par une grenade de désencerclement.
11:28 Plus de 400 autres ont été blessées, dont 17% à la tête.
11:36 En dépit de leurs dangerosités, les grenades de désencerclement continuent d'être largement
11:48 utilisées par la police et la gendarmerie nationale.
11:51 La France est le seul pays en Europe à utiliser des grenades explosives pour le maintien de
12:00 l'ordre.
12:01 Les gens sont toujours en danger.
12:06 Les gens sont toujours en danger.
12:13 Les gens sont toujours en danger.

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