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Agnès Hurstel, humoriste, actrice et scénariste, est l'invitée de 7h50 pour la sortie de la saison 2 de "Jeune et Golri" (OCS), qu'elle a écrite et dans laquelle elle joue. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-07-juin-2023-3816905

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Transcription
00:00 - Léa Salamé, votre invitée ce matin est actrice et humoriste.
00:03 - L'humoriste et la scénariste qui monte.
00:05 Bonjour Agnès Hurstel.
00:06 - Bonjour, merci de me recevoir.
00:08 - Merci d'être avec nous ce matin.
00:09 Les auditeurs vous connaissent sans doute pour vos chroniques dans la bande originale
00:12 de Nagui, mais vous êtes là ce matin parce que vous êtes aussi une « showrunneuse »
00:16 comme on dit en bon français.
00:17 Vous avez écrit, réalisé et joué aussi dans la série « Jeune égolerie », sacrée
00:22 meilleure série française de 2021 au Festival Série Mania.
00:25 Gros succès générationnel autour de votre personnage, Prune, jeune stand-upeuse, un
00:30 peu larguée, un peu immature, amoureuse d'un homme plus âgé et père d'une petite fille.
00:34 Ça c'était pour la saison 1.
00:36 Vous revenez avec la saison 2, sortie hier sur OCS, on peut le voir, sortie demain,
00:41 elle me regarde en disant « demain tu te plantes », sortie demain sur OCS, on ne peut
00:45 pas encore le voir aujourd'hui, mais enfin demain il faut aller le voir.
00:47 La saison 2, on est 8 ans après, Prune, votre personnage est désormais trentenaire,
00:53 elle s'est faite plaquer par cet homme plus âgé qui a préféré une femme de son âge
00:58 moins immature que vous, mais elle ne veut pas renoncer à sa relation avec sa belle
01:02 fille.
01:03 Ça c'est pour le pitch.
01:04 D'abord, à froid, vous avez compris les raisons du succès de la saison 1 de « Jeune
01:07 égolerie », le petit phénomène que ça a créé chez les jeunes ?
01:09 Je l'ai compris quand on m'a dit que j'avais le droit de faire une saison 2, en faisant
01:14 la promo.
01:15 Non, enfin, je sais pas, moi j'étais comme une enfant qui recevait tout à coup, ça
01:19 allait très très vite parce que c'est des projets où on a peu de temps, peu de moyens
01:21 et donc on tourne vite, on post-produit vite, on se retrouve à un festival, ça sort le
01:26 lendemain du festival, on sait qu'on a gagné, enfin y'avait quelque chose de très…
01:30 Comme ça, je me suis laissée porter, j'étais trop contente.
01:32 Je pense qu'en fait, a posteriori, je pense que ça a plu aux gens parce que c'était
01:38 assez simple, enfin…
01:39 Ça leur parlait.
01:40 Tu peux te retrouver, que tu sois enfant, que t'aies eu des beaux-parents, des parents
01:46 divorcés ou pas, ou que tu sois adulte et que tu sois beau-parent ou pas, en fait tu
01:49 te retrouves dans l'enfant ou dans le parent que t'as été ou que tu vas devenir ou que
01:52 tu es, enfin je ne sais pas.
01:53 Et ça touche effectivement beaucoup de gens, on va y revenir à la relation à la place
01:56 de la belle-mère que vous jouez, mais c'est aussi ce personnage féminin de Prune qui
02:01 est un peu une anti-héroïne, c'est-à-dire qu'elle est imparfaite, elle est égocentrique,
02:08 elle ressemble aux jeunes d'aujourd'hui, elle est un peu paumée, elle est immature,
02:12 elle est attachante, elle est imparfaite.
02:13 Je voulais un personnage féminin honnête, pas lisse, Prune est sale, en retard, elle
02:18 est con parfois.
02:19 C'est aussi ça sans doute ce qui explique le succès, c'est qu'elle est vraie en fait,
02:22 Prune c'est l'anti-Emiline Paris.
02:24 Ah oui, c'est vrai, ça part d'un constat d'échec, j'adorerais être propre et à
02:30 l'avance, le personnage.
02:32 Mais oui, je trouve ça plus intéressant dans l'écriture, dans la fiction, de développer
02:38 des personnages au bord de l'échec, remplis de dilemmes, remplis de problèmes, et des
02:44 femmes surtout, d'avoir des modèles féminins de n'importe quel âge.
02:47 Parce que là dans la saison 2, je m'intéresse autant à l'adolescente qu'à Prune trentenaire,
02:51 qu'à Bambi qui a plutôt 45.
02:52 Je trouve ça intéressant de raconter des personnages féminins, pas forcément monolithiques,
02:57 pas forcément positifs, plein d'aspérités, très libres en fait.
03:01 Qu'elles soient trop sexuées ou complètement éteintes, qu'elles soient un peu cons, un
03:05 peu médiocres parfois, je le revendique.
03:07 Si je vais plus loin, je trouve ça intéressant dans les fictions de continuer à écrire
03:12 la vérité sur le monde qui est monstrueux et du coup il faut continuer à écrire des
03:16 monstres.
03:17 Là dans un 26 minutes comédie, ce n'est pas des monstres.
03:19 Elles sont moyennement monstrueuses, mais elles sont imparfaites vos femmes et c'est
03:23 ça sans doute qui touche.
03:24 Et puis il y a effectivement cette relation de la belle-mère, ce sujet de société qui
03:28 avait été abordé dans le film de Rebecca Zlotowski, on l'a reçu ici avec Virginie
03:31 Effira, les enfants des autres, que personnellement j'avais adoré.
03:35 Et effectivement, où est le rôle de la belle-mère et du beau-père ? Que devient cette relation
03:41 quand la relation avec l'amoureux n'existe plus ? Cette relation avec cet enfant qui
03:45 n'est pas le sien mais qu'on a élevé pendant des années ?
03:48 Je trouve ça hyper intéressant.
03:49 Je ne l'avais pas pensé, je ne l'ai pas vécu, mais il se trouve que dans ma vie je
03:54 vois un enfant avec un beau-père et aussi une belle-mère un peu plus loin qui développent
03:58 une filiation inattendue pour l'un comme pour l'autre et qui les construit et l'enfant
04:02 et l'adulte.
04:03 Et je trouve ça sublime.
04:04 Dans les fictions, on a plutôt été biberonné à des marâthres et j'en connais aussi,
04:07 il y en a un.
04:08 C'est ça, c'est ce que disait Rebecca Zlotowski.
04:10 Elle disait que tous les référents de la belle-mère c'est la vieille acariâtre.
04:14 Mais ça existe aussi et il y a des enfants qui sont traumatisés par leurs beaux-parents.
04:18 Mais moi, mon tout petit endroit d'écriture c'est plutôt de raconter quelque chose d'assez
04:22 réparateur, positif, spécial, subtil, qui n'enlève rien à la filiation du père ou
04:27 de la mère mais qui est autre chose.
04:29 Alors Rebecca Zlotowski, elle l'avait vécu, elle racontait son histoire de belle-mère.
04:33 Alors vous, pas du tout.
04:34 Ou alors si vous l'avez vécu, vous étiez amoureuse.
04:36 C'est ça qui vous a donné l'idée de la série, vous étiez amoureuse d'un garçon
04:38 qui avait un chat en gardien.
04:40 C'est pas un enfant.
04:41 Et mon père me disait "ne t'inquiète pas, le chat va mourir alors que si c'était une
04:45 fille de 8 ans, elle ne mourrait pas".
04:46 Oui parce que vous étiez attachée au chat quand ça s'est terminé.
04:49 Et j'avais du mal avec les animaux.
04:50 La première saison de Jeanne et Golerie était très centrée sur l'univers du stand-up
04:53 parce que vous êtes stand-upeuse.
04:55 Vous y racontiez la difficulté de s'y faire une place, notamment quand on est une femme.
04:59 Vous disiez sur France Culture en 2021 que dans le stand-up il y a beaucoup moins de
05:03 femmes que d'hommes, que c'est une place à prendre, un combat.
05:05 Vous avez toujours l'impression, deux ans après, que c'est le cas ?
05:08 J'en fais plus.
05:09 C'était très vrai quand j'ai démarré en 2015 le stand-up.
05:12 Très vite, moi j'ai pas trop aimé.
05:15 C'était pas ma personnalité d'être autant seule pour les bides comme pour les moments
05:18 up.
05:19 Mais ça m'a fascinée.
05:21 La gymnastique intellectuelle que ça demande, ce milieu nocturne où tu descends dans des
05:25 caves et tu fais rire des gens dans l'instant présent, j'ai trouvé ça fascinant.
05:28 A l'époque, il y avait peu de femmes.
05:30 On était toutes...
05:32 Ouais c'était un combat et du coup c'était assez trash.
05:34 Aujourd'hui ça a changé je pense mais j'en fais plus et j'y vais peu.
05:39 Ah ouais ? Ça vous intéresse ?
05:41 Non c'est pas ça, c'est que là j'étais très occupée, il y a beaucoup de choses à faire.
05:44 Mais quand même, vous dites, on a plaqué sur moi un truc de empowerment, de sex-powerment,
05:49 fille de Blanche Gardin, tout de suite quand vous avez commencé un petit peu à marquer.
05:52 D'ailleurs c'est soit fille de Blanche Gardin, soit fille de Florence Forestier.
05:55 En gros il y a deux choix.
05:57 Et on met, c'est vrai, assez souvent les humoristes femmes dans des cases et souvent elles sont
06:03 reléguées à la fille qui ose faire des blagues de cul trash.
06:06 Ouais c'est vrai.
06:07 C'était aussi je pense la carte postale du paysage à ce moment-là parce que les hommes
06:11 parlaient assez...
06:12 Ouais c'est nous qui avons pris ce sujet-là.
06:14 Moi personnellement quand dans la presse on a mis ces mots-là sur moi, je ne savais
06:17 même pas ce que ça voulait dire donc ça m'a obligée à éditorialiser ma pensée,
06:21 à avoir un discours sur qu'est-ce que c'est que l'empowerment.
06:23 Je ne comprenais même pas la notion.
06:24 C'est pas très grave, j'en suis vite sortie et je fais autre chose.
06:27 Mais en effet, je pense que pour une femme sur scène, c'est un milieu d'hommes, c'est
06:32 la nuit, c'est quand même spécial.
06:34 T'as un petit corps, parler tout à coup de sujets qui choquent et qui font taire les
06:39 gens en face, c'était une façon d'exister, de s'imposer.
06:42 Je comprends le process.
06:43 Vous disiez au monde, le stand-up c'est des gens qui montent sur scène tous les soirs
06:46 pour raconter des blagues sur des sujets qui leur nouent le ventre.
06:49 Les humoristes sont souvent des gens tristes qui font des blagues au fond pour se protéger.
06:53 Oui, je trouve ça très touchant, c'est pour ça que j'ai voulu en faire une série je
06:55 crois.
06:56 C'est quand même un terrain de fiction magnifique, des gens qui pour ne pas pleurer font rire
07:00 les autres.
07:01 C'est d'une telle pudeur.
07:02 L'écriture de la comédie c'est un peu ça aussi.
07:05 Vous vous demandez d'ailleurs, Prune découvre que sa grand-mère était juive, vous une
07:10 partie de votre famille et vos grands-parents paternels étaient juifs, ils ont été déportés
07:15 pendant la guerre.
07:16 Vous vous posez d'ailleurs la question, est-ce qu'on peut faire une comédie de ça ?
07:19 Je ne pose même pas la question, je le pose d'emblée.
07:22 Je ne sais pas si demain ça va me faire un backlash horrible ou pas.
07:24 Mais en fait, moi j'ai été élevée avec des comédies populaires sur des sujets, sur
07:30 tout, sur toutes les minorités, sur le racisme, sur tout, Rabi Jacob, Comme t'y es belle,
07:35 La cage aux folles, c'était des comédies populaires.
07:38 Je ne sais pas si on les ferait encore de la même façon aujourd'hui.
07:40 Il faut réfléchir à comment les faire aujourd'hui.
07:42 Et j'aime autant les films d'auteurs et je regarde de tout en tant que spectatrice.
07:47 Mais moi dans l'écriture, je trouve ça intéressant de questionner.
07:49 Chez moi, c'est vrai que le devoir de mémoire était un peu lourd parce que l'histoire
07:54 familiale est lourde.
07:55 Et je trouve ça intéressant.
07:57 - Vous racontez ça tous les week-ends en pleurant.
08:00 - C'est traumatisant.
08:01 - D'ailleurs, vous l'avez porté ce traumatisme.
08:03 Il y a même des trucs que vous racontez.
08:05 - Oui.
08:06 - C'est comme quoi ?
08:07 - Ah oui, je m'installe en boudrant au cinéma, j'ai peur des uniformes et de la police.
08:11 Ça commence à aller mieux.
08:13 Je me souviens pendant longtemps, quand j'arrivais dans une cave de stand-up, je réfléchissais
08:15 à où me cacher dans les clims des trucs.
08:17 Bref, maintenant ça va beaucoup mieux.
08:19 J'ai fait une longue thérapie et ça m'aide d'en faire des comédies.
08:22 Je ne sais pas si je ferais ça toute ma vie.
08:24 - Mon objectif dans la saison 2, c'était de raconter comment une quête d'identité
08:28 sur un sujet qui est très lourd peut devenir, et donc ça vaut pour l'identité juive laïque,
08:33 mais l'héritage familial, comme pour d'autres sujets.
08:36 Est-ce qu'on peut réussir à en parler sans être alourdie dans un devoir de mémoire
08:42 hyper sérieux ? Est-ce qu'on peut réussir à faire des blagues ? Est-ce qu'on peut réussir
08:45 à en parler de façon plus… avec plus de fantaisie, de l'esthétisme aussi dans
08:49 l'ADA ? Est-ce que c'est possible ?
08:50 - On verra.
08:51 Ça, ce sera votre prochain travail à mon avis.
08:54 - Merci beaucoup Agnès Hurstel.
08:55 La saison 2 de Jeune Égolerie, diffusée à partir de demain sur OCS Max, c'est 8 épisodes
09:01 de 26 minutes.
09:02 Et c'est toujours aussi audacieux et pétillant.

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