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Agnès Jaoui, actrice, réalisatrice, chanteuse est l'invitée de 7h50 ce mardi 3 septembre

Retrouvez les entretiens de 7h50 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50

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Transcription
00:00Sonia Devillers, 7h49, votre invitée ce matin est actrice, réalisatrice, scénariste qui a reçu un César d'honneur cette année.
00:08Et ajouter à cela, Nicolas, qu'elle chante ! Un nouvel album intitulé « Attendre que le soleil revienne »,
00:14à croire qu'il y a toujours de l'espoir. Comme dans ce nouveau film, elle interprète une femme qui sombre moralement,
00:20mais que sa fantaisie pourrait bien sauver. J'adore le titre ! Ma vie, ma gueule ! Au moins, c'est clair !
00:27Il est l'oeuvre d'une cinéaste qui est morte juste avant d'achever son long métrage. Vous allez nous raconter.
00:32Bonjour Agnès Jaoui. Bonjour.
00:34Mais d'abord, cette nouvelle glaçante, à la une de la presse dans le monde entier.
00:39Six otages israéliens détenus par le Hamas à Gaza ont été exécutés.
00:43Leurs corps viennent d'être retrouvés inhumés lors des attaques du 7 octobre.
00:47Deux membres de votre famille, Agnès Jaoui, ont été assassinés, trois autres kidnappés par le Hamas.
00:53L'un d'eux, Ofer Calderon, est toujours entre leurs mains. Est-ce que vous avez eu de ces nouvelles ? Est-ce que vous savez quelque chose ?
01:00Non. Ce qu'on sait, c'est qu'il est probablement dans les tunnels, comme les autres otages. C'est tout ce qu'on sait.
01:07Et comment va la famille ? Deux de ses enfants étaient kidnappés avec lui et ont été relâchés.
01:11Je ne pense pas qu'ils vont très bien. Je ne pense pas qu'il y ait un seul Israélien qui va très bien en ce moment, ni quiconque dans cette région.
01:18Un seul Israélien. Il y a eu 500 000 personnes dans la rue des manifestations. Monstres des appels à la grève générale.
01:27Vous pensez que quelque chose est en train de rebasculer dans la société israélienne après la sidération du 7 octobre ?
01:34Peut-être. De toute façon, il faut toujours du temps pour tout le monde, pour comprendre, pour digérer, pour arriver à faire que sa colère ou son désespoir se transforment en action.
01:45En tout cas, oui, ça m'a fait plaisir. Je pense que c'est une bonne chose, évidemment, que les gens soient manifestés.
01:55Je pense que c'est une bonne chose qu'ils redisent à quel point ce gouvernement est dangereux.
02:00Non seulement criminel vis-à-vis des Palestiniens, mais vis-à-vis aussi des Israéliens.
02:07Il y a une partie des familles d'otages qui accusent Benyamin Netanyahou de ralentir le processus, de ne rien faire.
02:15Oui, c'est ralenti par le ramasse aussi. Je ne suis pas spécialiste, je vais m'arrêter là.
02:27Mais en tout cas, on n'a pas de nouvelles, il reste encore beaucoup d'otages offerts et c'est un cauchemar.
02:57Agnès Jaoui, on vous entend chanter en duo avec Francis Cabrel. On ne s'y attendait pas.
03:03Pourquoi ?
03:05On vous entend chanter en duo avec Francis Cabrel.
03:09Pourquoi ? J'aime beaucoup Francis Cabrel. Il se trouve que c'est Aurélie Cabrel, sa fille, qui est à la tête de Babou, la maison de production et distribution de l'album qui va sortir.
03:22Et qui est entièrement en français. Mais Francis a proposé une chanson en espagnol, un boléro.
03:28Cet album sort le 20 septembre. Il y a aussi un livre, La taille de nos seins, qui paraît chez Grasset.
03:34Et puis, il y a ce film très intriguant, Ma vie, ma gueule, quel titre absolument génial, qui sort le 18 septembre au cinéma.
03:41Vous y incarnez une femme qui plonge dans la dépression, qui se coupe du réel, mais qui en fait a toujours tordu le réel.
03:48En tout cas, c'est comme ça qu'elle s'arrange avec le réel.
03:51Comme la cinéaste, d'ailleurs, qui a réalisé ce film, qui s'appelle Sophie Filière, qui est connue pour ses dialogues absurdes, pour ses comédies qui mêlent la tristesse au loufoque.
04:01Et qui est morte l'année dernière.
04:03Donc, en réalité, elle n'a pas pu terminer ce film, Sophie Filière.
04:07Non, mais elle avait demandé à ses enfants, Adam et Agathe Bonitzer, de faire le montage avec François Quiquery.
04:15Et ils ont fait un travail parfait, je ne sais pas comment dire.
04:20En tout cas, comme d'habitude, comme souvent, je suis allée voir un montage avant que ce soit complètement fini.
04:26Et comme à chaque fois, j'y suis allée avec un bout de papier, un stylo, pour noter les choses qui pourraient aller mieux ou être modifiées.
04:35Et à la fin de la projection, je leur ai montré, j'avais marqué deux mots.
04:39Parce qu'en fait, le film était déjà là, il avait déjà trouvé sa forme, sa force.
04:44Et travail forcément très troublant, forcément émouvant.
04:48Parce qu'il faut bien l'admettre, vous incarnez, Agnès Jaoui, une sorte de double à l'écran de leur mère, de Sophie Filière.
04:55Oui, complètement. Il n'y a pas d'ambiguïté là-dessus.
04:59J'avais ses chaussures, ses vêtements, je tournais chez elle, j'avais ses bagues le matin et que je rendais le soir.
05:06C'est son psy que nous voyons à l'écran aussi.
05:09Pour de vrai ?
05:10Oui, oui.
05:11Les séquences chez le psychanalyste, c'est chez le vrai psychanalyste.
05:15C'est chez le vrai, avec le vrai psychanalyste.
05:17Parce qu'il y a des psychanalystes qui acceptent de jouer leur rôle au cinéma ?
05:21Celui-ci, visiblement.
05:23Vous êtes fille de psy. Votre mère aurait accepté ce genre de deal entre la réalité et la fiction ?
05:33Pas forcément ?
05:34Pas forcément.
05:35Lorsque Sophie Filière est morte à 58 ans, Le Monde a écrit ceci.
05:40Ses personnages trébuchent dans les pièges ouverts du langage, les fausses évidences de l'oralité.
05:46La cinéaste est la reine du dialogue qui bégaye, de l'expression détournée,
05:50du syntagme incongru, du mot qui coince.
05:53Je me suis demandé, parce que c'est très juste quand on voit Ma Vie, Ma Gueule,
05:56quand on est une actrice, comment on joue un mot qui coince ?
06:01En ne changeant pas une virgule à ce qu'elle avait écrit.
06:05Je lui ai demandé, souvent comme ça, on arrange un peu les textes ou quoi.
06:09Il n'y avait rien à arranger, mais on peut peut-être changer quelque chose.
06:12Et elle m'a dit non, non.
06:13Par exemple, il y avait le mot connasse que je n'aime pas du tout.
06:16J'ai dit, mais est-ce que je peux ne pas le dire ?
06:18Elle m'a dit non, non, je tiens à connasse.
06:20Et en fait, évidemment, j'ai respecté sa volonté.
06:23En disant les mots précis, parce que j'ai lu ce scénario comme un roman,
06:28comme un très bon roman.
06:30C'était magnifiquement écrit.
06:33Elle a une langue tellement particulière, tellement singulière et drôle.
06:37Alors parlons de la langue, parlons des mots.
06:39M-A-U-X et des mots.
06:41M-O-T-S, les vôtres cette fois.
06:43J'aimerais qu'on écoute un extrait de cet album en français que vous avez écrit.
06:48Et cette affaire de prince qui ne viendra pas.
06:54Alors, comment ça va aujourd'hui ?
06:58Il paraît que vous n'aimez pas quand j'appelle Barbie.
07:00C'est pas grave, ça c'est un extrait du film de Sophie Filière.
07:03Je voulais qu'on écoute le prince.
07:05Je me suis dit, je ne reconnais pas du tout ma voix.
07:08C'est pas grave.
07:10Alors, vous avez toujours chanté plutôt les mots des autres.
07:13Ou alors vous avez toujours chanté, parce que ça fait 20 ans, ça fait 40 ans en fait.
07:17Que vous faites du cinéma, que vous tournez, que vous écrivez pour le théâtre,
07:20que vous êtes sur scène, que vous mettez en scène.
07:22Ça fait 20 ans que vous faites de la musique.
07:24Et puis ça fait 20 ans que vous chantez soit les mots des autres,
07:27soit des mots en langue étrangère.
07:30Alors, en fait, ça fait 40 ans que je fais de la musique.
07:32Mais ça fait 20 ans que vous le savez.
07:33Et encore, pas tout le monde, mais bref, peu importe, on s'en fout.
07:36On va améliorer les choses.
07:39Pourquoi être venue au français ? Pourquoi être passée à l'écriture ?
07:45En fait, ma formation musicale, elle est du chant classique.
07:48Et dans le chant classique, on n'apprend pas vraiment à chanter en français.
07:52On apprend plutôt avec l'allemand ou l'italien.
07:54Parce que la place de la voix en français, elle est difficile.
07:57Et jusque-là, je n'avais pas de plaisir et je ne savais pas très bien comment chanter le français.
08:03Et il m'a fallu du temps à chaque fois chanter une, deux, trois chansons
08:09pour apprivoiser et pour y trouver du plaisir et supporter de m'y goûter.
08:16Et on se cache quand on chante en langue étrangère ?
08:18Complètement.
08:19On cache quelque chose de soi ?
08:20Bien sûr, c'était l'autre chose.
08:21C'est que je jouais à l'espagnol, à l'aphadiste,
08:23et puis que les mots d'Ebolero, etc., qui sont assez lyriques jusqu'au grotesque,
08:29parfois, en espagnol, ce n'est pas grave.
08:32Oui, elle parle d'elle-même dans ses chansons.
08:35Quand elle parle, elle dit « le prince charmant ne viendra pas ».
08:39Et toi, jeune fille, ne l'attends pas.
08:43Parce que c'est du temps perdu.
08:45En tout cas, investir sur autre chose, c'est génial si tu rencontres l'amour.
08:48Mais attendre que son prince arrive sur un cheval blanc, même si on croit qu'on ne l'attend pas.
08:54Moi, je l'attendais en fait, tout en pensant que non.
08:57Donc oui, je conseille de faire autre chose.
09:00Il est venu ou il n'est jamais venu ?
09:01Il est venu, en plus.
09:03Merci Agnès Djaoui.
09:04Merci à vous.
09:05Et merci Sonia Devillers.

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