• l’année dernière
Rencontre avec Florent Maudoux pour 'A Short Story: la véritable histoire du Dahlia noir', une séance bande dessinée animée par Alex Masson, critique de cinéma et bédéphile éclairé.

Rencontre avec Florent Maudoux, dessinateur et coauteur de A Short Story : la véritable histoire du Dahlia noir. Cette superbe bande dessinée (Rue de Sèvres, 2022) retrace avec un souci du détail sans précédent la vie d’Elizabeth Short, plus connue comme le Dahlia noir, qui avait quitté son Massachusetts natal pour s’installer à Los Angeles, envisageant une carrière de star hollywoodienne.

Dans le cadre de la thématique Portrait de Los Angeles.

https://www.forumdesimages.fr/les-programmes/portrait-de-los-angeles

---

Le Forum des images : au centre de Paris, bat le cœur du 7e art !

Rencontres exceptionnelles, cours de cinéma et conférences, festivals… un concentré du meilleur de ce qui se passe toute l’année au Forum des images.


Toute la programmation : http://www.forumdesimages.fr/

@forumdesimages et #forumdesimages
Transcription
00:00:00 [Applaudissements]
00:00:13 Bonsoir.
00:00:17 Donc, on va forcément parler de Los Angeles, puisque c'est un cycle,
00:00:22 mais aussi du cas particulier d'Elizabeth Short, alias le Dahlia Noir.
00:00:27 Alors peut-être pour recontextualiser un peu, je suppose qu'a priori,
00:00:31 la plupart des gens ici connaissent déjà l'histoire, mais pour ceux qui ne la connaîtraient pas,
00:00:35 on parle d'une jeune femme qui a été assassinée à la fin... c'était en 49, je crois ?
00:00:41 En 46.
00:00:43 En tout cas à la fin des années 40.
00:00:46 En 47, en fait. Début 47. On estime sa mort le 13 janvier.
00:00:50 Et qui est resté un cas mythique, parce que c'est un des cas de cold case les plus connus de l'époque.
00:00:56 Et qui a réémergé quelques années plus tard et qui a été popularisé grâce au livre qui lui-même a popularisé en France James Ellroy,
00:01:04 qui s'appelait donc "Le Dahlia Noir".
00:01:07 La spécificité, autant entrer directement dans le sujet, mais de votre bande dessinée,
00:01:12 c'est que ça s'appelle "La véritable histoire du Dahlia Noir", mais sauf qu'en fait,
00:01:16 c'est pas forcément le Dahlia Noir qui vous intéresse.
00:01:19 C'est pas pour rien que ça s'appelle "Short Story".
00:01:21 Alors en fait, pour être exact, c'est bien le Dahlia Noir qui nous intéresse, mais c'est Elisabeth Short qui se cache derrière ce pseudo.
00:01:30 Parce qu'en fait, le Dahlia Noir, c'est le pseudonyme d'Elisabeth Short, de son vivant,
00:01:34 qui lui est donné par des amis autour d'elle, parce qu'il y avait le film de Dahlia Bleu, justement.
00:01:40 "Blue Dahlia", qui était un... comment dire... un blockbuster à l'époque.
00:01:46 Et comme elle avait les cheveux teints en noir, d'ailleurs on sait qu'elle se les teignait avec une double couche de hennais,
00:01:53 une rouge et une noire, pour avoir vraiment un rendu extrêmement noir.
00:01:58 Ses amis l'avaient surnommé le Dahlia Noir.
00:02:01 Et on estime aussi que c'est un des éléments qui fait que le cas devient extrêmement populaire,
00:02:06 parce que ça donne un aspect graphique, en plus du côté extrêmement graphique du meurtre et du corps qui a été retrouvé.
00:02:17 Ça donne un aspect graphique au cas, parce qu'il y avait énormément de cas de meurtres à l'époque,
00:02:26 très crapuleux, visuellement extrêmement puissants.
00:02:31 On pense que c'est à cause des G.I. qui revenaient de la guerre et qu'ils avaient des syndromes post-traumatiques.
00:02:40 — Ce qu'on n'appelait pas encore les syndromes post-traumatiques, le PTSD.
00:02:43 — Oui, parce qu'ils ne s'étaient pas reconnus.
00:02:47 Et donc ces mecs reviennent complètement défractés de la guerre. Et il y a beaucoup de cas comme ça.
00:02:56 — Parce qu'il faut aussi rappeler que, à ma connaissance, en tout cas à ce jour, on ne sait toujours pas qui l'a tué.
00:03:01 Il y a des hypothèses, mais on ne sait toujours pas.
00:03:03 — Non, on ne sait pas, parce que comme son nom l'indique, c'est un cold case.
00:03:08 Et on n'a pas officiellement de tueur. En plus, l'affaire date de 75 ans.
00:03:17 Là-dessus, nous, sur notre livre avec Run, on a voulu rester assez sobres et pas faire des effets d'annonce,
00:03:26 parce qu'il y a eu beaucoup de mythologie autour du Dalian noir, d'Elizabeth Short et de son meurtre,
00:03:36 dont certains gens se sont emparés de cette histoire.
00:03:41 Par exemple, Elroy, pour raconter l'histoire de sa mère. C'est très intéressant.
00:03:45 Voilà. C'est une métaphore du meurtre de sa mère qui a été retrouvée dans des conditions comparables.
00:03:50 Et par exemple, Steve O'Dell pour incriminer son père. Là, c'est autre chose.
00:03:56 C'est une espèce de dip, mais pas tout à fait fini. Pour incriminer son père, George O'Dell, du meurtre du Dalian noir.
00:04:04 D'ailleurs, là, aujourd'hui, quand vous tapez « Dalian noir, meurtre et suspect », le premier qui tombe, c'est l'affaire O'Dell,
00:04:13 avec tout ce qu'on peut imaginer sur cette affaire, avec les écoutes du FBI, les photos retrouvées.
00:04:20 Il y a toute une mythologie qui s'est développée autour de Dalian noir.
00:04:25 Et c'est très difficile de démêler le vrai du faux, aujourd'hui.
00:04:31 - Ah non, pardon. Juste une petite parenthèse. Vous avez du papier devant vous, donc libre à vous de dessiner quand vous voulez,
00:04:38 même pendant qu'on parle. Mais si on revient au point de départ, c'est un cas qui a quasiment devenu une obsession.
00:04:47 Une obsession pour Elroy, mais derrière, une obsession populaire suite au succès du roman d'Elroy.
00:04:53 La particularité de cette bande dessinée, c'est qu'elle est extrêmement détaillée. C'est aussi une enquête.
00:04:59 On y reviendra tout à l'heure, mais la forme alterne une partie dessinée et une partie qui est un texte revenant sur l'enquête,
00:05:06 sur les derniers mois d'Elizabeth Short. Mais est-ce que vous diriez que, quelque part, c'est aussi une BD obsessionnelle ?
00:05:13 Et si c'est le cas, pourquoi ? Parce qu'elle est assez dingue dans les détails de l'enquête, des recherches qui ont été faites,
00:05:19 mais y compris, et on va y revenir dans le côté graphique, où il y a un nombre de détails qui est très impressionnant.
00:05:25 Alors, en fait, il faut revenir à... Enfin, tu parles du côté enquête et du côté obsessionnel.
00:05:34 Il faut revenir à la motivation des auteurs, c'est-à-dire Ron et moi. Et en fait, Ron parle depuis super longtemps.
00:05:43 Quasiment depuis qu'on se connaît, mais ça a vraiment pris de l'ampleur il y a une dizaine d'années.
00:05:50 Parce qu'il avait épluché des bouquins de Stéphane Bourgoin. Alors on sait, on connaît la crédibilité du bonhomme.
00:05:57 Et pour autant, le livre était intéressant. Enfin, il était fascinant aussi, parce que le tueur d'Alianoir était devenu aussi le tueur de Cleveland.
00:06:07 Il lui a attribué énormément de victimes. Et en fait, il y a à peu près 5 ans, le FBI rend ses archives, parce que...
00:06:22 — Il les déclassifie. — Voilà. Il les déclassifie. Donc on y a accès. Et Ron y accède. Il les épluche.
00:06:28 Et ce qu'il lit dedans n'a rien à voir avec ce qu'on nous raconte d'Alianoir par rapport à l'affaire George O'Dell,
00:06:37 par rapport à ce que Bourgoin propose, parce que Bourgoin propose une théorie très sexiste.
00:06:42 — Juste pour un petit rappel pour ceux qui connaîtraient pas, Stéphane Bourgoin, ça a été longtemps le spécialiste des tueurs en série en France.
00:06:48 Et il s'est avéré qu'au final, peut-être qu'il aurait un peu bidonné certaines choses. Donc aujourd'hui, ses théories sont un peu remises en cause.
00:06:57 — Voilà. Donc sachant qu'en plus, ses théories concernant Elisabeth Short est extrêmement sexiste,
00:07:05 parce que suite au fait qu'il est avéré qu'elle a consulté un médecin pour les glandes de Bartholin,
00:07:17 ses glandes de Bartholin, il en a déduit qu'elles étaient frigides. Donc il a imaginé, il a échafaudé une théorie
00:07:25 comme quoi en fait elle rendait fou de désir des hommes pour leur opposer un nom catégorique,
00:07:33 ce qui aurait provoqué sa mort, son massacre. Parce que voilà, on la retrouve... Alors là, vous avez pas les images.
00:07:42 Dans la BD, on a essayé de les représenter. Donc on les a représentées en noir et blanc pour essayer de ne pas...
00:07:49 — D'atténuer. — Ouais, d'atténuer un petit peu le truc, un peu comme les images de chirurgie...
00:07:56 — Chirurgie médicale, quasiment. — Ouais, le chirurgie. Oui, c'est ça. Mais de toute façon,
00:07:59 moi, je me suis retrouvé en position de chirurgien, quelqu'un qui décrit une scène chirurgicale,
00:08:06 quand j'ai dessiné le corps d'Elisabeth. Et oui, donc c'est ça pour dire qu'effectivement, pour Run, c'était obsessionnel.
00:08:19 En plus, c'est quelqu'un qui adore les détails, qui se propulse beaucoup dans ses récits, qui écoute beaucoup de musique en travaillant.
00:08:32 Là, pour le coup, en toile de fond, il y avait la musique d'Ellen War, le jeu vidéo, mais bon, qui est une reconstitution
00:08:41 assez bluffante du Los Angeles de l'époque. Donc c'est vraiment lui qui m'a donné toute cette documentation.
00:08:51 On est allé jusqu'à se documenter sur les lampadaires. C'est tout bête, mais des lampadaires qui sont d'après-guerre.
00:08:59 Les voitures, les modèles de voitures, tout ça. Enfin voilà, moi, je suis aussi quelqu'un qui travaille,
00:09:05 qui a des accointances dans la reconstitution médiévale. Donc sans être des historiens, on aime ça.
00:09:14 On a une démarche qui n'est pas tout à fait scientifique, qui n'est peut-être pas aussi rigoureuse qu'elle devrait l'être.
00:09:23 Mais en tout cas, on essaie de proposer une expérience narrative où le lecteur est aussi l'enquêteur.
00:09:31 Et là, tu as évoqué quelque chose d'intéressant, c'est quand tu évoques l'enquête pour quelqu'un, il faut être pointilleux.
00:09:40 Parce que sinon, tu sors le lecteur de son expérience d'enquêteur. Donc là-dessus, on devait faire attention à chaque détail.
00:09:50 On devait faire attention à quel verre était utilisé, comment elle séduisait les gens, sa manière de se comporter, ses regards, ses clins d'œil.
00:10:05 Et là-dessus, effectivement, il y a beaucoup du cinéma de l'époque qui ressort. Il y a beaucoup d'images d'épinales qui ressortent.
00:10:14 À tel point qu'on a fait quelque chose qui va à l'encontre de ce qu'on pense d'elle, c'est qu'on a fait d'elle une star dans la couverture.
00:10:21 On l'a starifiée, parce que nous, jusqu'au bout, on voulait que si elle était encore vivante, elle aurait aimé se voir représentée comme ça.
00:10:33 Et en fait, il s'avère qu'elle ne voulait pas vraiment devenir une star. Il y a beaucoup de... L'idée préconçue, et d'ailleurs souvent le pitch qui est donné...
00:10:46 Quand les journalistes font un pitch sur Elisabeth Short, ils disent "c'est cette jeune femme qui voulait devenir une star".
00:10:52 Et en fait, à aucun moment, on le cite. On le dit et dans l'enquête que Run a menée, et sur sa personnalité, elle ne prenait pas de cours d'acting,
00:11:02 elle ne prenait pas de cours de danse, elle ne prenait aucun cours qui aurait pu l'amener à devenir une star à Hollywood.
00:11:08 Elle a fréquenté des gens du cinéma, elle a fréquenté des gens qui travaillaient aussi dans des cinémas, en disant qu'ils travaillaient au cinéma, mais c'était pas la même chose.
00:11:15 Mais en réalité, on pense que la chose qui l'attirait le plus, finalement, c'était une vie normale.
00:11:25 - De ce que j'entends là, mais aussi de ce qu'est la bande dessinée, il y a quelque chose qui est l'idée de déconstruire l'image, ou en tout cas la légende qu'on a construite autour d'Elisabeth Short.
00:11:35 Et en même temps, cette bande dessinée, c'est un travail de reconstruction, de recréation, y compris d'elle, mais aussi de l'environnement, de la ville de Los Angeles.
00:11:44 Est-ce que c'est pas un peu paradoxal ?
00:11:49 - Le paradoxe entre le travail de reconstruction et de déconstruction ? Non, j'ai l'impression que ça va pas.
00:11:58 - C'est pas que c'est contradictoire. - Ouais, c'est ça, justement. Je pense que ça va de pair.
00:12:04 Moi, en tant que dessinateur, ma spécialité, effectivement, c'est de faire vivre les personnages.
00:12:10 Et là, la difficulté, c'était de faire vivre un personnage qui était mort, en plus, dans des conditions atroces, et dans le passé.
00:12:22 Et en fait, notre rôle, c'est aussi de comprendre et de nous mettre à la place de ce qu'elle a vécu.
00:12:31 Et là, c'est vrai que c'est pas facile. D'ailleurs, ça nous a été reproché. On a vu des trucs du genre "Malgays", des procès d'intention et de l'essentialisation.
00:12:42 Enfin, on a été essentialisés sur la question. Pas souvent, heureusement. C'est peut-être parce que la BD n'intéresse pas trop les mouvements militants.
00:12:54 Mais oui, nous, on avait besoin de la déconstruire pour justement comprendre ce qu'elle avait vécu.
00:13:01 Et déconstruire à l'époque, c'était hyper important parce que... Tu vois, c'est tout bête, mais son père fait semblant de mourir, se fait passer pour suicider,
00:13:11 parce qu'il a fait faillite en 29. Et là, tu te dis "Ah, mais c'est..." En fait, son histoire, Elisabeth, est extrêmement liée à l'histoire américaine, de manière intime.
00:13:23 Et je pense que tu peux pas... C'est même pas question de résoudre le meurtre. Là, il est question de comprendre qui elle était.
00:13:32 Et on peut pas comprendre quelqu'un si on comprend pas l'époque. Aujourd'hui, le Hollywood de l'époque, c'est pas la série...
00:13:41 D'ailleurs, j'ai... Putain, j'ai une fixe. Je sais plus comment c'était cette série qui parle d'Hollywood et qui fait presque du négationnisme en disant qu'il y avait des actrices noires...
00:13:51 — Tu sais pas, c'est un peu Hollywood tout court. — Hollywood, voilà. C'est ça. Donc moi, du coup, je trouve ça presque choquant parce que finalement, c'est une série qui dit
00:13:58 "Regardez, les actrices noires, déjà, à l'époque, elles étaient adulées. Mais non, il a fallu attendre vachement plus longtemps pour qu'une actrice noire ait un Oscar, le premier rôle".
00:14:07 C'est presque du négationnisme. Enfin c'est déformer la réalité, l'histoire. Et nous, on voulait pas faire ça. On voulait pas s'inspirer du faux Hollywood qui nous est montré aujourd'hui.
00:14:17 On voulait pas s'inspirer du Hollywood qui essaie de se montrer en tant que boîte à images séduisante de l'époque. On voulait montrer un Hollywood et un Los Angeles qui est issu d'une enquête assez rigoureuse,
00:14:33 peut-être pas historique dans le sens où l'histoire, c'est compliqué. Je le sais parce que je fais de la reconstit medievale et qu'il faut une démarche quasi-scientifique.
00:14:48 Enfin tu le dis ça. Sinon, c'est pas quasi-scientifique. C'est une démarche scientifique de reconstituer. Là, notre rôle, c'était pas de reconstituer. C'était comme tu dis d'essayer de comprendre.
00:14:58 Et donc il fallait déconstruire. Il fallait comprendre les éléments, comprendre où en était l'industrie automobile, où en étaient les transports en commun.
00:15:07 Parce qu'Elisabeth est une femme de son époque, une femme qui n'a pas de fortune, donc une femme qui n'a pas de voiture. Et en fait, il y avait énormément de transports en commun à l'époque.
00:15:17 On le voit dans les images d'archives. Les gens marchent aujourd'hui. On y allait, Los Angeles avec Ron, pour plein d'autres raisons.
00:15:27 Et en fait, on a vu ce que sont les rues de Los Angeles aujourd'hui. Ça n'a rien à voir. C'est impressionnant. Il faut y être pour le voir.
00:15:37 Il y a énormément de clochardisation, il y a énormément de SDF. Et tous ces gens se fréquentent. D'ailleurs, l'odeur est impressionnante. L'odeur de Los Angeles, c'est l'odeur de l'urine.
00:15:47 C'est terrible. On ne le voit pas dans les films. On ne se dit pas ça quand on voit des séries américaines. Mais c'est l'urine, l'urine moisie. C'est terrible.
00:15:58 Et c'est un Los Angeles différent qu'on voit dans les images d'archives.
00:16:08 Est-ce que c'est ça qui a amené, par exemple, que dans la bande dessinée, il y a très peu de plans de la ville ? Il y en a un ou deux, par un certain moment.
00:16:15 Mais il y a très peu de plans de la ville alors qu'il y a des images d'archives. Si on peut passer peut-être sur le visuel lié ici.
00:16:22 Ce n'est pas celui-ci. Mais il y a... Je ne l'ai pas, mais ce n'est pas grave. Ce que je veux dire par là, c'est que la ville est majoritairement représentée par des logos.
00:16:36 Chaque bâtiment, y compris dans la partie écrite, ce sont des logos. Est-ce que c'était une volonté de ça, justement, de ne pas idéaliser ce Los Angeles tel que nous,
00:16:46 on le connaît et qu'on l'a mythifié avec une frampe peut-être de nostalgie ou d'exotisme ? Mais de représenter la ville par des lieux qui ne sont pas forcément incarnés.
00:16:55 Parfois, c'est juste à la manière dont un hôtel, un cinéma, là, par exemple, le Camp Coupe, ça incarne quelque chose aussi rien que par ça.
00:17:05 — Alors je vois ce que tu veux dire. Notre sujet, c'était pas Los Angeles. C'est vrai que là, on est dans un cycle Los Angeles ce soir. On est là pour ça.
00:17:16 Notre sujet, c'était quand même Elisabeth. Mais Elisabeth qui rêve de quelque chose. Et son rêve, c'était de sortir de Medford, de partir loin de son...
00:17:26 — Massachusetts. — ...de sa Massachusetts natale. Aussi parce qu'en fait, elle avait des problèmes de santé. Et il y a un autre truc qu'il faut savoir.
00:17:36 C'est que Los Angeles, à l'époque, il y avait un fog qui était extrêmement... Enfin qui était très pollué. Enfin Los Angeles, c'est très pollué.
00:17:42 Et je pense qu'aujourd'hui, il faut voir Shanghai pour comprendre ce que ça peut faire. Une pollution intense. Oui, c'est une espèce de nuage de particules.
00:17:54 — Une brouille industrielle. — Une brouille industrielle que j'ai essayé de représenter dans la lumière. Mais on voulait aussi représenter le ciel bleu attractif tel qu'on l'a vu, nous.
00:18:04 Parce que les cartes postales que tu vois... Par exemple, la carte postale de Kim Cook, ça fait partie des cartes postales de Run. En fait, ils collectionnent des cartes postales américaines de l'époque.
00:18:15 Et tu vois, c'est très coloré. Si on a fait cet album en couleur en priorité... Parce qu'il y a une version noire et blanche qui existe, mais elle met juste en lumière le travail que je fais, moi, sur la lumière, justement.
00:18:30 S'il y a une version couleur, c'est parce qu'on voulait montrer la couleur. Et on voulait casser un peu cette idée de grisaille, de...
00:18:40 Même si le côté suranné de la version noire et blanche est super charmant, la version couleur, pour nous, c'est ce qu'on voulait montrer de Los Angeles.
00:18:49 Et même si on aurait pu effectivement idéaliser Los Angeles, montrer ses plages, montrer les bikinis, tout ça, en fait, on a surtout voulu tout simplement rester dans le point de vue d'Elisabeth,
00:19:03 qui ne vit pas ses meilleures années, en fait. Au moment où elle arrive à Los Angeles, en réalité, c'est sa descente aux enfers.
00:19:11 Alors on montre aussi un Los Angeles jeune avec des jeunes qui veulent sortir et qui veulent s'amuser. Mais en fait, c'est tout simplement l'emploi du temps d'Elisabeth,
00:19:20 tel qu'il est décrit dans les archives déclassifiées du FBI, qui ont guidé notre caméra. Et en fait, Elisabeth, voilà, elle passe du Biltmore Hotel pour certains de ses rendez-vous,
00:19:31 qui est prestigieux, mais après ça, elle va au Figueroa. Le Figueroa est super intéressant, le Figueroa, parce que c'est un hôtel qui a été fondé par des femmes pour des femmes,
00:19:39 pour qu'elles puissent réserver des chambres sans la tutelle d'un homme. Tu vois où ils en sont, à l'époque. C'est un truc hyper intéressant.
00:19:46 Quand Ron m'a dit ça, je me dis « ouais, il y a quand même un truc hyper social à raconter dans cette histoire ». Et donc le Figueroa, c'est ça.
00:19:53 Et puis ensuite, elle va à cet autre hôtel. Je sais plus le nom. Je sais pas. Je l'oublie. Qui est un hôtel sordide tenu par des... Enfin c'est vraiment, comment dire, des marchands de sommeil.
00:20:05 Et là, elle fréquente aussi des communautés lesbiennes, dont on sait qu'elle avait du mépris pour celles-ci, et qui devaient se voir, parce qu'en fait,
00:20:18 Elisabeth, c'était quelqu'un qui avait du mal à se faire des amis, qui avait une bonne capacité à séduire certaines personnes, et puis d'autres, elle avait du mal à s'intégrer.
00:20:28 Et donc, elle s'est fait jeter par la communauté, quoi. Et c'est super intéressant, parce qu'il y a un côté extrêmement social dans son parcours,
00:20:37 et cette descente qui l'amène petit à petit vers... Nous, on n'a pas voulu souscrire à l'idée de la prostitution. On savait qu'elle avait des souteneurs,
00:20:49 mais c'était quelque chose d'autre. On imagine qu'en filigrane de ce qui est relaté dans les archives du FBI, on imagine qu'en fait, elle essayait de se marier, tout simplement.
00:21:05 Et donc, dans sa tête, en tant que future princesse, il fallait qu'elle trouve déjà un prince, un militaire, parce qu'il fallait qu'elle se différencie de cet homme,
00:21:15 ce père qui les avait abandonnés quand elle était jeune, qui a essayé de revenir vers elle, mais qui a pas su s'en occuper non plus.
00:21:22 Donc elle voulait absolument trouver le prince charmant. Et pour ça, il fallait une certaine pureté. Et c'était quelqu'un qui était jusqu'au boutiste.
00:21:31 On pense que c'était quelqu'un qui avait beaucoup de caractère et qui avait beaucoup d'imagination aussi.
00:21:37 Oui, parce qu'apparemment, elle jouait aussi avec sa réalité. Quand on lit la bande dessinée, il y a un côté, par moments, où on se demande si elle n'est pas elle-même victime de ses propres fantasmes.
00:21:50 Je ne dis pas qu'elle est mythomane, mais par contre, il y a un côté où on sent qu'elle joue avec la vérité, mais que pour elle, ce n'est pas forcément un mensonge.
00:21:58 Non, mais parfois, c'est même des petits mensonges plutôt amusants. Elle va décrire sa carrière à un des témoins et va dire qu'elle fréquente des gens qui travaillent dans le monde du cinéma.
00:22:15 Mais bon, en fait, c'est des gens qui travaillent dans le cinéma, mais littéralement. C'est-à-dire que c'est des guichetiers.
00:22:24 Et en fait, elles jouent sur des petits points de réalité qui lui permettent de se montrer plus grande qu'elle ne l'est. Mais ça, c'est hyper moderne.
00:22:33 Quand tu vois ce qui se passe avec Instagram, avec ces gens qui se prennent en photo, en selfie, et qui te balancent un filtre ultra agressif, et qui te lissent la peau, tu te transformes en star de cinéma.
00:22:47 C'est là où on touche du doigt la personne. Alors que notre objectif, au début, c'était de parler du meurtre. Et au final, on se retrouve à parler d'elle.
00:23:04 Si on revient sur cette idée d'imaginaire, sur cette page-là, par exemple, dans quelle mesure l'imaginaire que vous, vous aviez des années 40-50 à jouer, dans la mesure où là, on voit,
00:23:14 donc, on dirait quasiment une photo de pin-up de l'époque. Il y en a d'autres comme ça. Il y a d'autres moments où il y a des photos, en tout cas sur les parties d'illustration,
00:23:24 où elle a des poses qui sont très des poses de pin-up. Donc dans quelle mesure votre propre imaginaire, ou peut-être votre propre fantasme, sur cette époque-là, a joué sur la manière de la représenter graphiquement, physiquement ?
00:23:37 On va revenir sur cette couverture, je pense. C'est-à-dire qu'il y a quand même une Madeleine de Proust derrière. Il y a un visuel.
00:23:48 Cette couverture, par exemple, typiquement, on a fait des recherches. Moi, j'étais parti sur une couverture plutôt pin-up, parce que c'est un truc sur lequel je suis à l'aise.
00:23:58 Et Ron voulait vraiment un truc, non ? Il faut la montrer en majesté, quelque chose de presque religieux. Et donc, on a fait des recherches, photos, tout ça.
00:24:07 Des fois, on a fait des recherches de photos de l'époque pour voir comment ils traitaient le grain de la peau, la lumière, comment elle tombe sur le visage.
00:24:13 Et on est tombé sur une série de photos, une actrice, alors je ne sais plus le nom de l'actrice. Et au final, on obtient cette couverture qui, effectivement, est un mélange de notre imaginaire de Los Angeles des années 50.
00:24:29 Et pourtant, on n'est pas dans les années 50. Et c'est assez marrant, parce que Ron, justement, ne m'a pas forcément poussé, en tant que directeur artistique,
00:24:44 il ne m'a pas forcément poussé à aller me renseigner sur l'imaginaire américain des années 50. Et pour tout dire, ce n'est pas une époque que je connais très bien.
00:24:54 Je la connais à travers quelques films, comme "Allez, confidential", peut-être qu'on va y revenir, et tout l'imaginaire un peu glamour qu'il y a autour.
00:25:05 Mais en fait, je n'y connais pas grand-chose. Pour tout dire, je mélangeais même des éléments des années 60 avec ceux des années 50.
00:25:12 Donc il a fallu être vraiment rigoureux sur les modèles des voitures, par exemple. Et... Tout ça pour dire que, oui, en fait, on a été influencé par cette ambiance qu'on connaissait.
00:25:28 Mais je crois qu'on a essayé, justement, de ne pas tomber dans les poncifs, tout en essayant de comprendre qui elle était.
00:25:37 Et en fait, pourquoi on l'a mise en pin-up à un moment donné ? C'est parce qu'elle avait gagné un concours de pin-up.
00:25:44 Grosso modo, elle était devenue Miss Kemp Cook chez les militaires. Et c'est peut-être quelque chose qu'il a beaucoup construit dans sa psyché, dans son besoin de plaire.
00:25:53 Et dans son besoin de plaire à des militaires en particulier. Parce que... Voilà, c'est une jeune fille qui s'était créée un personnage.
00:26:02 Et quelque part, le nom de Dahlia Noir, c'est elle qui l'a créée en s'appropriant la couleur de cheveux, cette couleur du noir.
00:26:13 Et en... On sait pas. Ça se trouve, c'est même elle qui a créé ce pseudo. Et en tout cas, elle avait un briquet sur elle.
00:26:22 Quelqu'un lui avait offert un briquet où il était marqué « Dahlia » avec une faute d'orthographe, d'ailleurs.
00:26:25 Et d'ailleurs, on a dû reproduire la faute d'orthographe, c'est terrible. Mais bon, il faut donner sa personne. Et... Et voilà, elle construisait son personnage.
00:26:36 — Si on reste sur l'idée de comment on l'a créée graphiquement, j'aimerais bien qu'on revienne là-dessus par exemple.
00:26:41 Dans la mesure où si on parle d'influence, moi quand je vois cette case-là, ce que je vois c'est une influence presque plus du manga.
00:26:47 — Ah oui ? Ouais. — Plutôt qu'une influence américaine.
00:26:50 C'est-à-dire qu'elle a un visage qui pour moi me rappelle là des traits de... Et même parfois dans d'autres scènes de la gestuelle.
00:26:56 Les scènes où elle danse par exemple. Je dis les scènes, enfin les plans et les cadres, les plans où elle danse.
00:27:01 Mais je trouve qu'il y a quelque chose d'une influence qui est plus contemporaine via le manga, effectivement, que par rapport à l'image dans les box.
00:27:07 C'est moi ou effectivement il y a quelque chose de ça ?
00:27:09 Non, non, non. Pas du tout. Moi quand je parle de faire vivre les personnages, c'est parce que... C'est pas pour dire que j'ai une influence manga.
00:27:19 Mais en fait, si carrément. Le reste de mon travail c'est très associé à l'imagerie moderne, comics et japonisante à travers le manga.
00:27:31 Là je pense qu'on peut peut-être parler des influences du manga, mais peut-être plutôt des mangas des années 60.
00:27:40 Le dernier représentant de cette influence-là c'est peut-être Tsukasa Hojo, qui avait vraiment ce côté à la fois réaliste et à la fois interprété dans les anatomies.
00:27:50 Et moi je suis un dessinateur de l'interprétation. Je ne prends pas des images pour les recopier.
00:27:58 Je n'aime pas faire ça. Par contre du coup, il a fallu la réinterpréter.
00:28:03 Effectivement, il a fallu regarder les images, me dire "bon ben voilà son visage, comment il est, comment il peut évoluer dedans et comment la faire vivre".
00:28:12 Je pense que ce qu'il y a peut-être de plus manga dedans, c'est une forme de précision dans la gestuelle et d'hyper-sexualisation aussi.
00:28:32 Il y a des cases sur la fin où elle va danser par exemple, où il y a un côté du mouvement, où il y a un côté, pas forcément de sexualisation, mais un côté sexy.
00:28:43 Sur le côté du mouvement, sur le côté des vêtements aussi, sur le côté de la gestuelle, qui pleinement l'incarne.
00:28:50 Au-delà du côté de la présentation physique, ça incarne une espèce de... peut-être que le recherché a une forme de liberté de vivre.
00:28:56 Oui, tout à fait. Là, je pense qu'à un moment donné, le run porte son choix sur moi pour interpréter le personnage et pour le donner vie, parce qu'il connaît mon travail.
00:29:09 Là-dessus, ça illustre ce que je fais sur Freak's Quill, sur Funeral, qui est très différent.
00:29:19 Là, sur Short Story, je suis à des années-lumière de ce que je fais d'habitude. Même au niveau du rendu, au niveau de l'ancrage ou de la couleur, c'est extrêmement différent.
00:29:31 Et pourtant, il faut que ce soit aussi quelque chose qui me corresponde.
00:29:39 Et là, quand je la fais danser, il y a cette recherche du mouvement, cette recherche de l'instant qui est en mouvement.
00:29:51 Tu vois, par exemple, il y avait un tic chez les dessinateurs qui était apparu à la suite de la sortie d'Akira, c'était de montrer la rémanence de la lumière dans les phares des voitures et des motos.
00:30:05 Et en fait, le manga, c'est aussi inspiré de la photo et du cinéma.
00:30:10 C'est-à-dire l'instantanéité du cliché, mais en même temps, comment représenter le mouvement à travers l'instantanéité et donc la vitesse, le trait de crayon qui va dans le sens du mouvement pour lui donner vie.
00:30:26 Si on reste sur des décarnations, on s'attarde un peu sur la case centrale qui est là.
00:30:32 Parce que quand on parlait tout à l'heure de l'idée de comment incarner un personnage, mais aussi d'incarner une forme d'idéal, dans cette case-là qui est au milieu, pour moi en tout cas, il y a tout.
00:30:41 Cette case-là résume précisément, y compris ce que peut être ce personnage, mais aussi presque le genre même de ce récit.
00:30:49 Parce que là, je vois du mélo là-dedans, par exemple. Je vois dans le côté de la pose qu'elle a, dans le regard, y compris dans une forme peut-être pas de disproportion, mais on voit bien qu'en termes d'échelle, il y a une idée de contre-plongée.
00:31:01 Oui, il y a une idée de plongée.
00:31:03 Là, dans ce que je vois là, pour moi, c'est une forme de romanesque.
00:31:06 Or, de ma lecture, quand j'ai la bande dessinée, pour moi c'est essentiellement ça. C'est un personnage qui est excessivement romanesque.
00:31:13 Ah oui, c'est ça.
00:31:14 Et dans son rapport avec les hommes, et dans son rapport au monde, et dans son rapport à ce qu'il veut imaginer de sa vie.
00:31:18 Oui, oui. Mais elle décrit tout ça. En fait, elle fait un roman de sa vie à travers ses lettres, les différentes lettres qu'elle écrit à des hommes.
00:31:28 Parfois, on sait, et ça se voit parce que ce n'est pas conforme au témoignage, mais on sait qu'elle enjolive les choses pour les présenter de manière plus avantageuse.
00:31:38 Sa manière d'écrire est très romanesque. Elle se met en scène. Et dans cette case-là, on s'est dit avec Run, voilà, on veut représenter cette jeune femme qui s'imagine une scène,
00:31:57 qui veut faire monter une tension, qui à la fois essaie de créer une espèce de pureté, mais en même temps, voilà, la couleur du rouge n'est pas innocente.
00:32:08 Oui, il y a une forme de lassivité aussi.
00:32:10 Oui, oui, voilà, tout à fait. C'est tout à fait ça. Tu as bien capté le truc. En fait, à travers ce récit qui était extrêmement froid du rapport du FBI,
00:32:25 on essayait aussi de comprendre le personnage et de lui donner le contrôle aussi de ce qu'elle faisait et pas être juste dans une série d'événements qui vont l'amener à l'inultable fin.
00:32:40 C'est essayer de comprendre ce qu'elle essayait de faire et quelles sont ses actions. Et là, c'est vraiment une action.
00:32:47 Pour nous, là, il n'y avait rien d'innocent dans sa manière d'ouvrir la porte, de faire entrepercevoir ce tatouage dont on sait qu'il existait,
00:32:58 mais on n'a pas trouvé de traces parce qu'en fait, le tueur a découpé. Voilà, tout simplement, il a découpé et le morceau de peau n'a pas été retrouvé.
00:33:08 Donc on a le témoignage de cette rose. On ne sait pas exactement à quoi elle ressemblait. Voilà.
00:33:18 — Sur l'idée d'incarnation, je vous remets aussi sur la case du haut. Il s'avère que dans l'imaginaire collectif, la première image que le grand public a eue de Betty Short,
00:33:30 ça a été par la couverture du dahlia noir, qui est quasiment cette image, en tout cas qui reprend l'image de la fleur dans le cheveu et tout ça.
00:33:36 Est-ce que ça a été une influence ? Il y a un moment où il existe a priori assez peu de documents d'elle. Il y a des photos.
00:33:43 — Oui, il y a des photos, oui. — Mais il y a assez peu de documents d'elle. Donc est-ce que ça veut dire qu'il ne fallait pas aussi passer par l'espèce de mythologie ou d'incarnation
00:33:50 que le bouquin d'Elroy avait amené sur elle pour l'incarner ? — Alors des photos qu'on retrouvera d'elle où elle a des dahlias dans les cheveux...
00:33:58 En fait, il y en a plein, parce qu'elle mettait beaucoup de fleurs dans ses cheveux. Apparemment, c'était une grosse mode.
00:34:04 Et elles étaient blanches, effectivement, par contraste avec sa chevelure noire. Je pense que l'imaginaire d'Elroy est important dans cette histoire.
00:34:16 Il est évident que nous, on la reçoit grâce à ça. Moi, en tout cas, j'avais lu le bouquin il y a 20 ans de ça. Quand Ron m'en parle, du coup, en lumière,
00:34:25 j'ai ce roman que j'avais lu il y avait déjà plus de 10 ans, quoi. Mais assez curieusement, le roman d'Elroy parle pas tant que ça d'Elizabeth Short.
00:34:41 D'ailleurs, son nom est à peine évoqué. — Là, pour le coup, c'est plus un livre, effectivement, sur Los Angeles et le Los Angeles de l'époque.
00:34:48 — Oui, c'est ça. Il parle de la police. Enfin c'est dans son cycle. — Le patroir du LAPD. — Voilà, voilà. Tout à fait.
00:34:59 Et du coup, en fait, on sait très très... Oui, l'imaginaire d'Epinard, d'Elizabeth Short, fait partie de notre dossier de travail.
00:35:10 Parce que de toute manière... Enfin je sais pas si tu te rends compte du phénomène, mais aux États-Unis, les filles se déguisent en cadavres d'Elizabeth Short pour Halloween.
00:35:19 — Ce qui ne doit pas être simple, vu qu'elle était quand même sectionnée en deux. — Ouais, c'est ça. Non, mais ça se trouve, tu vois, t'en as une qui fait le haut et l'autre qui fait le bas.
00:35:26 — Quel horreur. Mais si, si, on a des archives avec des cheveux... Mais là, par contre, c'est intéressant, ce que tu montres, parce que là, on a épluché un film...
00:35:42 Alors attends, c'est lequel, déjà, celui-là ? « Patrick Johnson Story », si, peut-être ? — Si, si, c'est celui-là. C'est le présent d'Al Jolson Story.
00:35:49 — Voilà, c'est ça. Et on a remplacé l'actrice par Elizabeth dans l'image. Et ce qu'il y a derrière, c'est une représentation du plan qu'on a sélectionné.
00:36:00 Et j'ai représenté... Enfin j'ai recopié la situation. Et c'est une espèce de plan métaphorique où elle-même se voit, un star de cinéma.
00:36:13 Parce que c'est un moment où elle sombre. Et là, de toute façon, elle touche quasiment le fond. C'est-à-dire que ce cinéma, il est très intéressant, parce que c'est un cinéma qui est...
00:36:24 Contrairement à ici, c'est pas des gradins. C'est un cinéma qui est à plat. Et d'ailleurs, au début, j'étais parti sur des gradins.
00:36:29 Et en fait, c'est en faisant des recherches pour savoir ce qu'il y avait autour de ce cinéma, parce que je voulais représenter le cinéma, mais aussi dans son jus architectural, avec les trucs,
00:36:38 le bâtiment qu'il y avait autour. À côté de ça, il y avait un vendeur de bijoux juif. Et à côté de ça, je savais pas. Il y avait marqué un truc.
00:36:46 Et c'était une image que j'avais, mais qui datait des années 50. Donc je me suis dit que ça a changé. Entre-temps, j'ai tapé. J'ai fait des recherches.
00:36:53 Et je suis tombé sur des gars qui disaient que c'était un quartier plutôt malfamé, qu'il y avait un casino théâtre à côté. Donc je l'appelais le casino théâtre, tout simplement.
00:37:02 Mais qui disait que l'Aztec Hotel, qui est pas le même que l'Aztec Hotel à San Diego, qui est ailleurs et qui a un plus gros truc avec des représentations aztèques,
00:37:13 cet Aztec Hotel, en fait, il était à plat. Donc il fallait que j'aie rechangé tout le storyboard, la mise en scène. Et tout ça pour dire que c'était un endroit qui était plutôt fréquenté par des adultes.
00:37:25 Et on imagine que les gens, en fait, payaient des séances, trois séances, en fait. C'était pas très cher, le cinéma, et pour y dormir.
00:37:33 — C'est ce qui lui arrive. — C'est ce qui est fait, d'ailleurs. Et c'est ce qui est fait.
00:37:37 — Si on parle justement du côté de... Ah, je vais revenir derrière. Non, c'est l'après. Du côté de l'architecture. J'aimerais qu'on parle de l'architecture même des pages.
00:37:51 Dans la mesure où, en termes de nombre de cases, en termes de jeu sur des lignes verticales, horizontales, il est très présent dans ses devants dessinés et il évolue.
00:38:00 Il y a un moment même où, d'un seul coup, il y a une seule page que j'ai pas là, mais qui n'a pas de case. C'est juste elle qui marche et qui est sans dialogue.
00:38:08 Mais il y a quand même un côté de construction architecturale des planches. Comment ça s'est conçu, ça ?
00:38:15 Est-ce que c'était justement en écho par rapport à l'architecture de la structure même du livre – on va y revenir sur le côté d'alternance de planches et de textes –
00:38:23 ou même par rapport à la ville même de Los Angeles, qui est quand même quelque chose de très architecturale aussi,
00:38:28 qui en plus est une architecture très singulière, dans la mesure où c'est une architecture qui n'est pas américaine ?
00:38:33 Los Angeles, c'est une ville qui est presque quelque part un fantasme européen, peut-être parce qu'il y a eu une immigration européenne là-bas,
00:38:38 mais que c'est une ville, c'est une architecture en soi à part. Est-ce que ça a eu une influence ou pas sur la manière dont était conçu ce jeu sur les lignes verticales et horizontales des planches ?
00:38:48 Je vais être tout à fait honnête avec toi, c'est complètement fortuit.
00:38:53 En fait, moi, dans ma construction narrative, je suis guidé par les regards et les bulles aussi.
00:39:01 Les bulles, c'est hyper important. Le fait qu'un texte rebondisse bien, qu'on ne s'ennuie pas dans le récit et que les personnages portent l'action
00:39:13 et qu'on ne se retrouve pas devant des pavés qui disent des choses dont on n'a pas envie de découvrir.
00:39:22 Parce que l'idée, c'est qu'un dialogue à l'écrit, des fois, il peut être un peu descriptif et justement, là, on montre, on essaie de donner vie aux personnages.
00:39:34 Et oui, tout à fait. Tu vois, par exemple, le choix de faire une case en hauteur pour représenter Vetcher, alors qu'il regarde ailleurs,
00:39:45 pour finalement qu'il se mette à regarder dans la direction d'Elisabeth, dans la dernière case, sur un plan très très large façon construction un petit peu Sergio Leone.
00:39:55 C'est des choix de narratifs pour essayer de raconter quelque chose.
00:40:04 Après ça, est-ce que ça a un rapport avec la manière dont Los Angeles est construite ?
00:40:09 Peut-être pas directement. Peut-être qu'indirectement, ça fait partie des influences qu'on a eues avec Run.
00:40:17 Mais parce que, effectivement, moi, dans ma construction narrative, j'emprunte un petit peu à gauche, à droite, aux comics comme aux mangas.
00:40:26 Mais là-dessus, je ne pense pas qu'il y ait de vraies influences.
00:40:33 Si on revient sur l'idée de construction, alors là, elle n'est pas droite, désolé, mais il y a quelque chose d'assez étonnant, justement, dans l'alternance de partie dessinée et narrative,
00:40:43 et de ces choses-là, qui rappellent quelque part un scénario. On a vraiment l'idée d'un récit de l'enquête d'un côté, et de quelque chose qui tient presque du didascalie à côté.
00:40:53 Comment ça s'est construit ? Comment a été fait le choix, par exemple, de dire "cette partie-là, elle sera dessinée, et cette partie-là, on va la mettre sous forme d'enquête, et sous forme quasiment de scénario" ?
00:41:03 Est-ce qu'il y a des moments où vous avez eu envie, peut-être, d'inverser certaines choses, ou des choses qui étaient dans une partie rédigée comme ça, vous auriez voulu dessiner, ou à l'inverse ?
00:41:14 En fait, pour être franc avec toi, si on avait eu le choix, on aurait fait complètement différemment. Parce qu'on est des scénaristes, parce qu'on aime bien raconter des histoires qui ont du sens.
00:41:27 Et moi, quand j'étais en face du scénario de Run, je ne comprenais absolument rien. Je me disais "mais qu'est-ce que c'est que cette scène ? Je ne comprends pas où ça nous amène".
00:41:35 Parce qu'en fait, on a mis en image exclusivement les témoignages et la reconstruction de sa vie dans les dernières semaines par le FBI.
00:41:51 On s'est dit "voilà, c'est rigoureux". Il y a eu un travail d'enquête, il y a eu un travail de contre-enquête. On a interviewé des gens, on a interviewé d'autres gens pour être sûrs que ces gens ne disaient pas de bêtises.
00:42:03 Et donc, on est partis du principe que ce travail de reconstitution était fiable. Donc on a montré les minutes de ces derniers jours. Tout ce qui était attesté.
00:42:19 Mais là-dessus, ce n'est pas suffisant pour comprendre son histoire. Donc là, il y a des gros cahiers d'enquête qui permettent d'avoir tous les éléments.
00:42:32 Là, on parle du Chancellor Hotel. On explique ce qu'il était. Et en fait, ces éléments, qui sont intradiagétiques, mais qui sortent du récit, ça nous permet de mieux comprendre certaines scènes.
00:42:50 Et finalement, je pense que Run a fait exprès de ne pas me donner certains éléments, en tout cas certains éléments qui concernaient des personnages, pour ne pas que je commence à dire "ce personnage-là, je sens que c'est le tueur".
00:43:05 Et c'était terrible, parce que des fois, je me disais "alors, je ne comprends pas, lui, il est..." Et en fait, je me faisais des histoires aussi dans ma tête.
00:43:12 Il y en a un, et je lui ai donné un regard un petit peu de requin mort, parce que je me suis dit "celui-là, il a vraiment une tête de tueur".
00:43:19 Il était vraiment inquiétant, et en plus, bêtement, enfin peut-être pas bêtement, mais en tout cas, elle a eu de mailles à faire avec un certain Sergent Chuck.
00:43:28 Et lui, il s'appelle Carl Bastinger. Chuck et Carl, on sait que c'est le même prénom, en fait.
00:43:38 Et ça, ça me met en issue de l'histoire. Je peux retrouver des prénoms super bizarroïdes, parce qu'en fait, ils évoluent en fonction des cultures.
00:43:45 Et Carl, c'est Charles, et Charles, c'est Chuck. Donc, ce fameux Sergent Chuck, ça pourrait être lui.
00:43:51 Donc là, j'ai sous-entendu des trucs dans mon dessin. Et je pense que pour éviter que ça n'éclabousse d'autres personnages masculins qui interviennent,
00:44:03 je pense que Ren ne m'a pas trop mis tous les suspects sous les yeux pour pas que je fasse des sous-entendus ou des regards coulés vers certains personnages qui pourraient très bien avoir fait le coup.
00:44:19 Après ça, on imagine que Vetcher, c'est pas lui qui l'a fait, parce que c'est un GI qui est plutôt tranquille.
00:44:27 Après ça, il y a des sources qui nous disent maintenant que c'était un menteur compulsif. C'est pas difficile à dire.
00:44:34 Robert Manley, qui apparaîtra plus tard, pourrait avoir fait le coup sous un coup de folie.
00:44:41 Mais en fait, comme on était parti... À un moment donné, comme on a justement bifurqué vers qui était Elizabeth Short,
00:44:51 au final, c'était plus si important que ça de savoir qui avait fait le coup. Et pour éviter ça, je me suis dit que je vais dessiner comme si j'étais le mec perdu, le GI qui rentre.
00:45:07 Le GI perdu, parce qu'on sait par exemple que Robert Manley avait des problèmes psychologiques. Ou l'espèce de tenancier...
00:45:21 Comment il s'appelle déjà le mec qui... - Là, je ne sais pas. - Ouais, non, je ne sais plus. Il y avait une foulitude de personnages qui tournaient autour d'elle. Des hommes.
00:45:30 Justement, si on enlève le côté du fait divers, quelque part, et ça a été évoqué tout à l'heure, ça peut être aussi, si on l'apprend, on extrait un peu de sa personnalité.
00:45:40 L'histoire, effectivement, d'une femme qui essaie de s'imaginer une vie idéale et, effectivement, de trouver un mari ou un prince.
00:45:47 Mais ça pose la question de comment est-ce qu'on représente les hommes. Parce qu'il y a quand même régulièrement 3 ou 4, on va dire peut-être 5 hommes principaux qui arrivent,
00:45:55 avec qui il y a des histoires, avec qui il y a des relations. Mais du coup, ça en fait pas forcément des suspects, mais ça en fait une espèce de portrait de la masculinité
00:46:03 vis-à-vis d'un personnage féminin. Comment est-ce que, graphiquement, chaque personnage masculin devait représenter quelque chose de la masculinité ?
00:46:11 Alors, c'est un peu comme l'histoire de son père. Son père qui, je vais le redire, qui fait faillite en 1929 et qui fait semblant de mourir,
00:46:24 qui laisse sa voiture vide à côté d'un pont et qui disparaît. Donc tout le monde est persuadé qu'il a sauté du pont.
00:46:30 Puis il revient 10 ans plus tard et il dit "Salut les filles", parce qu'en fait il a laissé 6 filles et une femme.
00:46:35 Lui quand même, tu vois le portrait du gars. Et qui dit "Salut, je reviens", qui veut venir vivre avec moi.
00:46:42 Et entre temps, il a fait sa vie aussi. Donc son ex-femme dit "Bah non, pas moyen". Et puis Elisabeth, elle tente l'aventure.
00:46:51 Et il s'avère, c'est assez amusant, il s'avère que les hommes qui gravitent autour d'elle finissent par effectivement dépeindre un homme de cette époque,
00:47:02 de l'après-guerre, qui est à la fois un GI, un GI qui a parfois eu des problèmes psychologiques, ou bien un homme d'affaires qui a autour de lui plein de femmes
00:47:17 et qui les fait danser pour... un peu mafieux. Hansen, voilà, c'est ça. Hansen, cet homme qui les raccompagne, en même temps qui lui fait un peu la morale.
00:47:28 Et en fait, physiquement, à part Vetcher, les autres, on a des photos d'eux. On a des sources. Et ce qui est très amusant, c'est qu'au final,
00:47:41 ils représentent entre Hansen, Robert Manley et un gars, un Hispanique assez trapu dont on n'a pas le portrait, mais on a une description très précise,
00:47:57 finissent par peindre un portrait robot de l'homme de l'époque. Et ça, on n'a même pas eu besoin de forcer le trait, finalement.
00:48:06 Je pense que c'est plus intéressant que de se dire "Oui, on a voulu, à travers eux, montrer le spectre des hommes qui auraient pu la tuer".
00:48:19 Et au final, à un moment donné, on était même parti sur cette piste de dire qu'Elizabeth Short avait été tuée par les hommes, par Los Angeles, en fait,
00:48:28 par une espèce de monstre qui était construit sur le glamour et en même temps l'après-guerre et le besoin de s'amuser, le besoin de consommer.
00:48:41 Robert Manley a une voiture de commercial, mais c'est une très belle voiture pour l'époque. C'est-à-dire que c'est un bon modèle.
00:48:51 Je pense que le portrait qu'on fait est objectif, c'est ça qui est plus intéressant que de dire qu'on aurait essayé de représenter quelque chose.
00:49:05 Finalement, c'est peut-être ça qui est le plus important dans ce récit, c'est qu'il n'y a pas vraiment de... La caméra, on l'a posée, mais on l'a posée contraint et forcé.
00:49:15 Ça, je te l'ai dit tout à l'heure. Il n'y a pas vraiment de choix. Et ça, c'est très dur pour des scénaristes et des dessinateurs comme René Moi parce qu'on passe notre temps à faire des choix.
00:49:25 Et là, c'est une histoire qui ne nous a pas laissé le choix. Robert Manley, il a un sourire foireux. Il est comme ça, en fait.
00:49:32 On a des images où même quand il a peur, il est plus beau que quand il sourit. Quand il sourit, il devient inquiétant au possible.
00:49:42 Et c'est quelque chose qu'on n'avait pas besoin d'inventer.
00:49:46 Si on parle d'un côté de choix imposé, il y a forcément, parce qu'on parle de Los Angeles et en plus d'une personne qu'on a supposé avoir une fascination pour le cinéma et Hollywood,
00:49:59 il y a forcément une influence quelque part du cinéma. Or, dans cet album, il n'y a pas tant de références que ça à des films. Il y en a quelques-unes.
00:50:07 Mais par contre, ce qui est très étonnant, c'est le côté de l'éclairage. Il y a un vrai travail d'éclairage.
00:50:13 On voit sur ces cases-là, il y a un côté, là pour le coup, de travail d'éclairage qui est très cinématographique.
00:50:19 Un défaut d'influence concrète de certains films, il y a vraiment ce travail-là sur les jeux d'ombre, sur les visages, sur les jeux des projecteurs,
00:50:27 parce qu'ils sont très souvent là, les projecteurs. Alors, ça peut être aussi une idée du côté du coup de projecteur sur cette femme, métaphoriquement.
00:50:33 Mais ça vient de quelque part, ça aussi, forcément.
00:50:37 Moi, j'ai étudié dans le cinéma. Je fais du cinéma d'animation au Gobelins. Et le concept de poser ses lumières quand tu fais ta narration, c'est un truc qui est totalement naturel.
00:50:52 En plus, je travaille en noir et blanc. Ce qu'on disait tout à l'heure par rapport à la version couleur, c'est une version qu'on voulait dès le début.
00:51:01 Mais je travaille en noir et blanc avant de le mettre en couleur avec des jus.
00:51:05 Et du coup, quand tu travailles en noir et blanc, tu bosses ta narration en fonction de ce que tu mets en lumière.
00:51:15 Et à partir de là, effectivement, je me suis toujours beaucoup inspiré de la manière dont les photographes mettaient en lumière leurs sujets dans les films,
00:51:26 parce que je suis un gros consommateur de cinéma. Et voilà, je pense que ça explique ton ressenti en termes de lumière.
00:51:38 Là, pour le coup, c'est de la lumière imposée. Il y a des images qui sont quasiment tirées d'archives telles quelles.
00:51:46 La celle du haut a un côté quasiment photographie.
00:51:48 Sauf que l'image qui est complètement réinterprétée, c'est les deux flics là en bas.
00:51:55 Il y avait une image comme ça où ils étaient accroupis. Et j'ai imaginé le plan différent,
00:52:03 parce que je voulais les contreplonger comme si c'était elles qui les voyaient du sol et qu'ils l'observent comme une chose.
00:52:13 D'ailleurs, c'était le cas. C'était devenu une chose. Elle était démembrée, coupée en deux.
00:52:19 Et ils étaient là à deviser sur ce qu'elle était. Mais là, on a inventé le dialogue.
00:52:24 Parce qu'il s'avère qu'un des flics est beaucoup plus dur avec elle en disant que c'était une fille de mauvaise vie,
00:52:29 qu'elle avait des cuisses de paysanne et que tout le monde s'est intéressé à son cas à cause du nom d'Alia Noir.
00:52:38 Et que des filles comme elle, il en mourrait à l'appel à Los Angeles. Il en mourrait plein apparemment.
00:52:43 – C'est ce qu'on voit d'ailleurs après dans la dernière partie du livre,
00:52:46 où il y a vraiment beaucoup d'archives et des clips de journaux,
00:52:49 où on s'aperçoit qu'effectivement, au-delà de la spécificité d'Elizabeth Short,
00:52:53 finalement ce n'est pas un cas unique. – Non, c'est vraiment de la...
00:52:56 – Est-ce que ça veut dire que c'était aussi une manière, au-delà de son cas perso,
00:53:00 de raconter une espèce de vision de la féminité à Los Angeles à l'époque de manière plus globale ?
00:53:08 – Encore une fois, si on l'a fait, on ne l'a pas fait exprès.
00:53:13 Mais je crois qu'effectivement... Tu vois cette image de cette infirmière
00:53:20 qui se fait embrasser par un marin qui revient de la guerre.
00:53:24 Elle a fait le tour du monde, on vend des posters de ça.
00:53:29 Et en fait, on ne le sait pas, mais le marin qui s'appelle Mendoza,
00:53:33 je ne sais plus le prénom, et l'infirmière qui a un nom allemand,
00:53:37 je ne sais plus le prénom non plus, en fait, quand ils l'embrassent,
00:53:42 ce n'est pas du tout qu'elle l'attendait sur le port et que c'était sa promise,
00:53:46 en fait c'est une passante.
00:53:48 Et donc ça renvoie une image qui est complètement différente d'un coup,
00:53:52 de l'imaginaire collectif, de ce qui est le romantisme.
00:53:55 Parce que d'un coup, l'étreinte, ça ne devient plus une étreinte passionnée d'amants,
00:54:00 mais ça devient une étreinte d'agresseurs.
00:54:04 Et l'histoire d'Elisabeth, je pense qu'elle appartient qu'à elle,
00:54:10 parce qu'il n'y en avait pas deux comme elle à Los Angeles à l'époque, je pense.
00:54:14 Mais par contre, effectivement, comme je te disais tout à l'heure,
00:54:19 je pense que c'est une histoire qui est très moderne,
00:54:22 mais qui est immortelle.
00:54:26 Tu rejoueras toujours ce même genre de scène à Rome, la Rome antique,
00:54:31 quelque part en Asie.
00:54:34 Il y aura toujours des...
00:54:38 Tu vois, quand tu as une société qui est construite de la même façon,
00:54:41 avec des impératifs qui sont à peu près les mêmes,
00:54:43 c'est-à-dire devoir se marier, devoir fonder une famille,
00:54:47 devoir procréer et prospérer,
00:54:51 tu auras toujours des Elisabeth Short.
00:54:54 Et pour autant, Elisabeth Short, c'est Elisabeth Short.
00:54:57 C'était son portrait à elle, mais effectivement,
00:55:00 il y aura des femmes qui pourront s'y retrouver.
00:55:03 Je vais te dire un truc tout con.
00:55:05 Tu vois, dans les photos d'Elisabeth Short, dans les photos d'archives,
00:55:08 il y en avait certaines où elle était un peu starifiée,
00:55:11 où c'était un peu travaillé, on sentait qu'il y avait du travail,
00:55:14 mais d'autres où c'était travaillé, mais à l'ancienne.
00:55:17 Et c'est des photos que tu peux voir sur les guéridons des grands-mères.
00:55:21 C'était elle jeune.
00:55:23 Et en fait, je pensais beaucoup à certaines grands-mères que j'ai connues,
00:55:28 où je vois cette photo un peu travaillée, avec le regard au loin,
00:55:31 avec plein d'espoir, tu vois.
00:55:33 Et il y a une photo d'Elisabeth Short qui est comme ça,
00:55:36 qui d'ailleurs, justement, avec Run, on a dit on ne veut pas ça en couverture,
00:55:39 parce que ça fait... ça la... ça renvoie une image old school
00:55:43 qu'on ne veut pas renvoyer d'elle, aujourd'hui.
00:55:47 Et j'aime à penser que si elle avait survécu,
00:55:52 elle serait aujourd'hui une grand-mère, tu vois,
00:55:55 qui aurait son image sur un guéridon de la même manière, quoi.
00:56:00 Tu vois, c'est...
00:56:02 - Si on parle d'image old school,
00:56:04 il y a cette case-là qui est quand même très particulière.
00:56:06 - Ah oui, non mais là, on est carrément dans les envahisseurs, quoi.
00:56:09 - Alors, il y a ça d'une part, mais il y a aussi l'idée de...
00:56:12 pour revenir à cette idée d'une éventuelle influence de cinéma,
00:56:15 il y a très très peu d'influence directe citée dans le film.
00:56:19 Alors évidemment, il y a un passage où on parle du Dahlia Bleu,
00:56:22 le film avec Véronique Halleck, parce que c'est celui qui a donné son surnom.
00:56:25 Il y a un moment dans une salle de cinéma,
00:56:27 elle va voir Azial Johnson's Story, il y a une reproduction de l'affiche.
00:56:30 Celle-là, c'est presque une affiche de cinéma d'époque.
00:56:34 Mais peut-être plus années 50, films noirs.
00:56:38 Mais est-ce qu'au-delà du cinéma, est-ce qu'il y a des affiches
00:56:43 ou des influences picturales, genre de peintes et autres,
00:56:46 parce que j'aurais pu mettre aussi pas mal de...
00:56:49 il y a un motif, pas d'un Deiner, mais quasiment, qui revient à peu régulièrement.
00:56:53 Est-ce qu'il y a des peintres ou des affiches de cinéma,
00:56:56 pas forcément des films, mais qui ont été quelque part une influence directe ou indirecte ?
00:57:00 - Alors curieusement, je suis pas allé voir du côté de Hopper, et j'aurais pu.
00:57:06 Mais tu sais quoi ? C'est très bizarre, parce que c'est...
00:57:09 Moi, je l'ai fait de volontaire, ce truc-là.
00:57:12 Après ça, c'est pas moi qui suis derrière la typo.
00:57:15 On a un graphiste qui bosse avec nous au label 719, Gaël Sechin,
00:57:20 et c'est lui qui fait nos titres et nos typos,
00:57:23 et il travaille sous la houlette de Run en tant que directeur artistique.
00:57:27 Et oui, il y a des grosses influences...
00:57:33 Mais tu vois, même dans tous les petits détails,
00:57:36 tous ces logos dont tu parlais tout à l'heure, c'est lui qui les fait,
00:57:40 et il les fait en connaissance de cause, en travaillant sur les influences graphiques de l'époque,
00:57:45 et en épluchant soigneusement les cahiers d'influence qui tournaient déjà à l'époque.
00:57:52 Donc si, oui, il y a un gros travail dessus.
00:57:57 Moi, tu vois, en tant qu'illustrateur, je fais ce truc-là, c'est quasi instinctif.
00:58:02 Il n'y a pas vraiment de but.
00:58:06 Dans ce "Contre-jour", la fumée, tout ça, c'est...
00:58:10 Là, on touche au subliminal.
00:58:14 C'est l'image épinal du roman noir qui ressort.
00:58:21 Et là, c'est presque ce que j'ai envie de dire.
00:58:24 Il n'y a pas vraiment de...
00:58:26 Comment dire ?
00:58:29 Je ne revendique pas l'apparténité d'un visuel comme ça.
00:58:34 Là, ça appartient à tout le monde.
00:58:36 - C'est un imaginaire collectif. - Oui, c'est un imaginaire collectif.
00:58:39 Ça peut rappeler plein de choses.
00:58:41 Ça peut rappeler une affiche d'un truc dans l'occlinaison,
00:58:44 des films comme "Les Tueurs" ou des choses comme ça.
00:58:47 Mais c'est peut-être une des seules cases dans la BD
00:58:51 où il y a une espèce d'influence claire du film noir.
00:58:55 Alors que dans l'autre, on est plus dans le registre du mélo, du romanesque.
00:58:59 Là, c'est presque Art Deco, dans le côté très graphique des ombres.
00:59:04 C'est architectural.
00:59:06 Là, pour le coup, on est dans l'architecture.
00:59:08 Après ça, j'ai bouffé beaucoup d'affiches de films pour ce projet.
00:59:14 Je m'étais fait un gros cahier.
00:59:18 Mais ça, j'ai envie de dire...
00:59:22 C'est même pas difficile aujourd'hui avec l'Internet.
00:59:26 Tu tapes des mots-clés.
00:59:29 De mot-clés en mot-clés, tu vas de plus en plus loin
00:59:32 et t'arrives à des trucs de plus en plus précis.
00:59:34 T'as même pas besoin d'être très fort en recherche documentaire
00:59:40 pour tomber sur des trucs qui sont pointus.
00:59:43 D'ailleurs, l'affiche des "Twists and Turns"...
00:59:47 Je l'avais vue. Je sais plus exactement à quoi il ressemble.
00:59:50 Mais je l'ai vue, je l'ai décortiquée.
00:59:53 Je crois que je l'ai représentée dans le...
00:59:55 Quand on va dans le Aztec Theater,
00:59:57 il y a les trois affiches des trois films dont on cite.
01:00:00 Et "Tri-Strangers"...
01:00:03 Ah oui, j'avais fait un bout parce qu'en fait, elle est coupée.
01:00:06 Mais oui, oui...
01:00:09 À un moment donné, quand tu veux évoquer aussi une époque,
01:00:13 tu utilises aussi des petits leviers un peu simples.
01:00:16 Et ça, ça fait partie des leviers émotionnels simples
01:00:20 à susciter chez le lecteur.
01:00:22 Les trucs plus compliqués, c'est...
01:00:25 Franchement, les trucs les plus durs, c'est comment...
01:00:30 la rendre vivante en fonction des témoignages.
01:00:33 Par exemple, tu vois, les mecs, ils disaient...
01:00:35 Ils arrêtaient pas de dire "Ouais, elle était magnétique".
01:00:38 Et moi, je vois les photos et des fois, je me dis "Oh là là".
01:00:41 Il y a des photos où elle est très belle, ouais.
01:00:43 Et d'autres, quand elle sourit, on dirait un peu...
01:00:47 Elle est un peu bovine, quoi. C'est triste à dire.
01:00:49 Mais il y a des photos qui ne lui rendent pas du tout justice.
01:00:52 Et du coup, je me dis "Bon, ok".
01:00:54 Je connais des gens qui sont pas photogéniques.
01:00:58 Je vais partir du principe qu'elle est pas photogénique.
01:01:02 Donc, je vais lui donner vie.
01:01:06 Et je vais lui... Je vais trouver des trucs qui font qu'elle est magnétique.
01:01:10 Et je vais lui donner des petites mimiques.
01:01:13 Des petits trucs avec les mains.
01:01:15 Enfin, on parle pas des mains, mais...
01:01:18 Représenter le mouvement des mains et le geste,
01:01:21 c'est un truc qui, pour moi, a beaucoup d'importance.
01:01:24 Et...
01:01:27 Et oui, tout ça pour dire que c'était...
01:01:29 Ce travail de reconstitution-là était plus compliqué
01:01:32 que de piocher dans l'imaginaire de l'époque,
01:01:34 parce qu'il est extrêmement fort, en fait.
01:01:36 Même architecturellement, comme tu parlais de l'architecture de Los Angeles tout à l'heure,
01:01:39 il y a des choses qui, encore aujourd'hui,
01:01:42 qui sont influencées par l'art de l'époque
01:01:45 et par la manière de cadrer des cinéastes
01:01:48 qui posaient les bases de notre cinéma d'aujourd'hui.
01:01:51 C'est à cette époque-là où t'es...
01:01:54 T'es Citizen Kane et puis hop, ça sera plus jamais comme avant.
01:01:58 Voilà.
01:02:02 - Mais est-ce que c'était important...
01:02:04 Ce sera peut-être la dernière question avant de passer à celle de la salle.
01:02:07 Est-ce que c'était important, quand on parlait là du côté, quelque part,
01:02:10 d'une femme un peu ordinaire, de pas l'iconiser ?
01:02:13 J'entends par là qu'il y a quand même des cases aussi, par moments,
01:02:16 où il y a sa classe sociale qui apparaît.
01:02:18 Je veux dire, qu'il y ait une planche, à un moment,
01:02:20 où elle utilise de la cire de bougie pour se lustrer les dents
01:02:23 ou pour cacher une carie.
01:02:25 - Non, c'est pour cacher une dent qui manque, en fait.
01:02:27 Effectivement, elle avait pas de quoi se faire remplacer les dents,
01:02:30 des dents retirées ou cassées.
01:02:33 D'ailleurs, peut-être possiblement cassées suite à une agression.
01:02:36 Et du coup, elle remplissait les vides avec de la cire fondue.
01:02:40 - Mais est-ce que ça veut dire que c'était important, justement,
01:02:42 de pas l'iconiser, de pas en faire ce qu'elle est devenue, quelque part ?
01:02:45 Parce que, quelque part, c'est une forme d'icône culturelle,
01:02:47 à partir du bouquin d'Alan Riemer.
01:02:49 Est-ce que c'est important de bien ramener en disant,
01:02:51 quelque part, c'est une histoire assez ordinaire ?
01:02:54 C'est l'histoire d'une femme, finalement, assez ordinaire dans ses rêves ?
01:02:56 - Oui, qui a pas eu de chance, en fait.
01:02:58 Mais oui, c'était important, parce qu'on voulait montrer
01:03:00 que c'était quelqu'un qui méritait pas ce qui lui était arrivé.
01:03:04 Et tu sais, quand on dit, de manière innocente,
01:03:09 quand on dit "oui, une starlet qui s'est faite horriblement tuer à Hollywood",
01:03:14 bah, il y a un petit...
01:03:17 Derrière ce mot "starlet", il y a un jugement de valeur.
01:03:20 Et ce jugement de valeur, c'est...
01:03:23 Enfin, Run appelle ça le syndrome d'Icare.
01:03:27 Je pense que c'est ça.
01:03:29 En tout cas, l'idée, c'est...
01:03:32 Elle a voulu s'approcher du soleil, elle s'est brûlée les ailes.
01:03:35 Bon, elle l'a un peu cherchée, quoi.
01:03:37 Et nous, on voulait pas ça.
01:03:40 On voulait justement...
01:03:42 On voulait parler de la personne qu'on croyait...
01:03:46 Parce que peut-être qu'on se trompe complètement,
01:03:48 mais qu'on croyait découvrir derrière tous ces témoignages,
01:03:51 et derrière l'icône, justement.
01:03:54 C'est pour ça que ça s'appelle "Short Story".
01:03:57 Et que ça s'appelle pas "Dalia Noir", tu vois.
01:03:59 Parce que "Dalia Noir", ça aurait peut-être été plus simple comme titre.
01:04:03 Ou le sous-titre, tu vois.
01:04:05 On aurait pu mettre le sous-titre comme titre.
01:04:07 C'est la vraie histoire du "Dalia Noir".
01:04:11 Mais en fait, l'histoire, c'était l'histoire d'Elizabeth Short, quoi.
01:04:17 Et c'était l'histoire de...
01:04:20 De cette femme qui s'est construite une image...
01:04:24 Qu'au final, on retiendra.
01:04:27 Mais qui elle était derrière, on espère que...
01:04:31 Tous les gens qu'on croise, tous les gens...
01:04:35 Toutes ces personnes-là auront cette chance d'être...
01:04:38 D'être considérées pour autre chose que l'image qu'ils ont donnée d'eux.
01:04:41 - À l'arrivée, ce qui a fait sa popularité, c'est le mystère.
01:04:44 C'est le mystère autour de son meurtre.
01:04:46 - Oui.
01:04:47 - Le principe de... - Aussi le nom.
01:04:50 - Oui. - On l'en prendra.
01:04:51 Parce qu'en fait, par exemple, il y a eu d'autres meurtres mystérieux à l'époque.
01:04:54 Le "Lipstick Killer", le "Boucher de Cleveland", des trucs comme ça.
01:04:56 - Et il y en a encore. - Il y en a encore.
01:04:58 Et...
01:05:00 Mais apparemment, le nom "Dalia Noir"...
01:05:04 On va dire qu'il est clé dans le fait que c'est une histoire qui va devenir culte.
01:05:09 - Ce que je veux en dire, c'est que...
01:05:12 Le motif de la bande dessinée, c'est surtout pas d'expliquer ce qui s'est passé.
01:05:16 Parce qu'on ne sait pas, de toute façon.
01:05:17 - Alors, je ne dirais pas "surtout pas", parce qu'en fait...
01:05:19 - Oui, pardon.
01:05:21 - Il y a quand même écarné des suspects à la fin.
01:05:25 Et si tu les pluges bien et que tu regardes bien ce qu'on en dit dessus,
01:05:29 il y a moyen de se faire une idée.
01:05:31 Nous, ça a été une espèce de cerise sur le gâteau,
01:05:34 parce qu'on ne pensait pas avanger, entre guillemets, la mémoire d'Elisabeth Short.
01:05:38 Ce n'était pas devenu notre objectif, parce que...
01:05:41 personne n'avait trouvé qui avait fait le coup.
01:05:43 Et Ron est quand même tombé sur la théorie de l'arrière-niche,
01:05:48 qui décrit un personnage qu'on n'avait pas du tout vu venir.
01:05:52 Et c'est une théorie intéressante.
01:05:55 - Ce que je veux dire par là, c'est qu'il n'y a pas de théorie établie.
01:05:58 C'est pas le but du livre de dire...
01:05:59 - Non, c'est pas le but.
01:06:00 - A partir de là, est-ce que finalement, c'est si important que ça, qu'on ne sache pas ?
01:06:05 Imaginons que ce meurtre ait eu lieu et qu'on ait su qu'il l'a tué.
01:06:09 Il y aurait peut-être quand même eu, le livre de Leroy,
01:06:11 il y aurait peut-être quand même eu une réputation.
01:06:13 Mais à partir de là, est-ce que ça aurait empêché cette bande dessinée-là
01:06:16 de faire un portrait d'une époque et d'une femme ?
01:06:18 - Ah non, non, non, pas du tout.
01:06:20 Nous, c'est une cerise sur le gâteau.
01:06:23 Cette révélation dont on est tous les deux assez convaincus, on va dire à 95 %,
01:06:29 mais c'est vraiment juste une cerise sur le gâteau.
01:06:32 L'objectif, c'était pas de parler de... c'était pas de trouver le tueur.
01:06:38 Parce qu'on n'est pas à la place du FBI,
01:06:41 on n'est pas à la place des gens qui ont inquiété dessus,
01:06:43 parce que c'est un truc culte aux États-Unis.
01:06:45 Et l'enquête fait encore l'objet d'une certaine fascination.
01:06:48 Il y a des gens qui se documentent dessus,
01:06:52 souvent parce qu'ils tombent sur le livre de Steve O'Dell
01:06:55 qui incrimine son père et qui est extrêmement convaincant dans ce rôle-là.
01:06:58 Du coup, oui, ça fascine.
01:07:03 Il y a toute une mythologie qui se crée autour,
01:07:07 et forcément, on a envie de savoir.
01:07:09 Au début, effectivement, on était partis un petit peu en mode,
01:07:13 bon, on ne sait pas très bien ce qu'on fait,
01:07:15 mais on pense que c'est important.
01:07:17 Et au final, oui, ça nous importait finalement peu.
01:07:21 Et quand arrive la théorie de l'irréal niche,
01:07:25 c'est un petit cadeau en plus.
01:07:28 Comme si on avait eu le droit d'avoir le fin mot
01:07:32 parce qu'on avait bien travaillé.
01:07:34 Pour répondre à ta question,
01:07:41 on avait plus...
01:07:43 Enfin, ça a très vite disparu derrière les autres enjeux.
01:07:46 Si vous voulez donc creuser plus de détails,
01:07:49 je vous recommande d'acheter l'album juste à côté.
01:07:52 On vous fait un dédicacé par Fabien
01:07:54 pendant encore une petite demi-heure.
01:07:56 Et après, si vous voulez encore plus creuser,
01:07:58 de revenir dans la salle pour voir le Dalien noir,
01:08:00 la version Brian de Palma.
01:08:02 Merci !
01:08:04 Merci à vous !
01:08:06 (Applaudissements)
01:08:08 (...)
01:08:10 [SILENCE]

Recommandations