François Hommeril : "Que l'Assemblée nationale ne se prononce pas, c'est un grave problème démocratique"

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Le président de la CFE-CGC est l'invité de 6h20, pour évoquer la journée d'action contre la réforme des retraites prévue ce mardi, la quatorzième depuis le début du mouvement. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-lundi-05-juin-2023-1076397

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00:00 6h20, bonjour François Ombril. Vous êtes le président de la CFE CGC, c'est le syndicat
00:04 des cadres. Une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites est prévue
00:08 demain. C'est la quatorzième journée, est-ce que vous y croyez encore ?
00:11 Alors, ça dépend à quoi on veut croire. Moi je vais vous rappeler une chose, quand
00:17 on a programmé cette journée, c'était au début du mois de mai. Et en fait, on ne
00:23 pensait pas qu'il y aurait toutes ces manipulations pour que la proposition de loi qui avait été
00:29 déposée par le groupe Lyotte, finalement, peut-être, ne soit pas débattue à l'Assemblée.
00:34 Proposition de loi pour abroger la réforme ?
00:36 Pour abroger la réforme. En fait, cette journée du 6 juin, elle est écalée deux jours avant
00:42 la discussion qu'il va y avoir à l'Assemblée le 8, pour justement abroger la réforme.
00:46 Nous, notre intention c'était d'être solidaires avec cette intention que enfin l'Assemblée
00:53 nationale se prononce pour ou contre la réforme. Ce qu'elle n'a jamais fait à ce stade
00:58 et on considère effectivement que ce qui s'est passé ces derniers jours...
01:02 Pourquoi vous parlez de manipulation ?
01:04 En fait, pourquoi est-ce que le gouvernement, le président de la République, les députés
01:08 de la majorité ne veulent pas que l'Assemblée nationale se prononce pour ou contre la loi ?
01:13 C'est ça le problème. Nous, on veut qu'il y ait ce moment à l'Assemblée où enfin
01:19 les élus, c'est finalement la version la plus large et la plus représentative du peuple
01:26 français, on veut qu'elle se prononce pour ou contre la loi. Et on observe que par le
01:30 49.3 au mois de mars et par les manipulations qu'il y a eu en commission, c'est-à-dire
01:36 ce vote pour retirer l'article 1, en fait tout est fait pour que l'Assemblée nationale...
01:40 L'article 1 qui justement prévoit de revenir sur le nouvel âge légal, qui est le principal.
01:43 Oui, ce qui est le cœur de cette proposition de loi, qui ne fait que quelques lignes. Tout
01:48 est fait pour que l'Assemblée nationale ne se prononce pas et effectivement ça nous
01:51 paraît être un grave problème démocratique.
01:53 Et si cette proposition de loi finalement est rejetée, quelle autre solution s'offre
01:57 à vous ? Est-ce que ce sera fini cette fois-ci ou pas ?
01:59 Non, ce ne sera jamais fini. Nous, on l'a dit depuis le début, l'intersyndicale va
02:03 demeurer encore de nombreux mois puisque de toute façon notre opposition à cette loi
02:08 qui n'est pas justifiée et qui est très injuste, elle va continuer.
02:11 Mais les premiers décrets ont été publiés, ça a encore du sens de manifester ?
02:15 Le problème c'est que les premiers décrets, par exemple, qui ont été publiés, pour
02:19 certains en tout cas, qui ont été présentés au conseil d'administration de la Caisse
02:23 nationale d'assurance vieillesse, eh bien, il nous apparaît pour certains pas très
02:26 cohérent, mal écrit. On voit bien qu'on a des problèmes.
02:29 Moi, je vais rappeler une chose.
02:31 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous prévoyez d'essayer d'attaquer, de trouver
02:34 des failles dans ces décrets pour continuer à batailler ?
02:36 Bien entendu. Bien entendu. Bien entendu, notre opposition et donc par tous les moyens,
02:40 on restera dans l'opposition à cette loi et on fera tout ce qu'il faut pour qu'elle
02:46 ne s'applique pas.
02:47 Juste un mot, toutes les réformes de retraite depuis 30 ans, elles ont été faites dans
02:51 une discussion générale à l'Assemblée nationale.
02:54 Il y a eu des votes, il y a eu certes des oppositions, des manifestations, mais en tout
02:58 cas, elles étaient programmées pour se mettre en place plusieurs mois, voire plusieurs années
03:03 après le moment où elles ont été votées.
03:05 Pour une raison très, très simple en fait.
03:07 Parce que c'est très complexe à mettre en place.
03:09 Il y a tout un tas de processus informatique, de formation des personnels.
03:13 Les dossiers, c'est long, c'est lourd.
03:15 Et donc, il y a toujours un décalage important entre le moment où on vote et le moment où
03:19 on applique.
03:20 Là, pour la raison que le gouvernement a voulu utiliser un véhicule législatif particulier
03:24 pour pouvoir justement contraindre le débat, il a été obligé de prétendre qu'il appliquerait
03:29 la réforme en 2023.
03:31 C'est un peu technique tout ça, mais c'est pour montrer à quel point...
03:33 C'est pas faisable, c'est trop rapide.
03:34 Mais non, nous on dit depuis le début que ça n'est pas faisable.
03:37 Il est même fort probable qu'il y ait aujourd'hui des éléments de preuve qui nous indiquent
03:40 que même la haute administration des différentes caisses de retraite savait que ça n'était
03:45 pas applicable en 2023.
03:46 Pour finir ce dossier des retraites, et on passera aux autres parce qu'il y a plein
03:48 de sujets, François Ombril, que j'aimerais aborder avec vous.
03:51 La mobilisation, est-ce que vous comptez organiser avec les autres syndicats d'autres journées
03:55 pendant l'été ou on laisse passer l'été et on se donne rendez-vous à la rentrée ?
03:58 Moi, je ne sais pas vous le dire.
04:00 Parce qu'on va en discuter ensemble tout simplement.
04:03 Vous avez bien une préférence.
04:04 Il est fort probable.
04:05 On a su faire des trêves à plusieurs occasions.
04:07 Donc, il est fort probable qu'on en fera aussi une s'agissant de cet été.
04:11 Moi, ce que je veux dire, c'est que la question des mobilisations est une question effectivement
04:16 assez délicate.
04:17 Il faut bien comprendre que dans une seule section syndicale, par exemple, qui peut être
04:21 constituée de 5, de 10, de 20 ou de 50 personnes dans une entreprise, les avis sont partagés
04:26 en fait.
04:27 Vous allez trouver des gens qui disent qu'il faut continuer à manifester toutes les semaines,
04:31 toutes les deux semaines et d'autres qui vont dire "ah ben non, c'est plus la peine".
04:34 Et donc, nous, nous avons le devoir de représenter l'ensemble de ces personnes-là.
04:38 Il faut trouver un moyen terme par lequel tous ceux qui souhaitent manifester leur opposition
04:44 à cette loi désormais, eh bien, ils pourront le faire.
04:48 C'est tout l'enjeu des discussions que nous avons après les manifestations pour
04:53 programmer d'autres séquences à venir.
04:55 François Omrile, les syndicats ont rendez-vous cet après-midi avec le patronat pour discuter
04:59 de l'agenda social des prochains mois.
05:01 Question simple pour vous, quelle doit être la priorité ?
05:03 Les priorités, il y en a beaucoup.
05:06 Nous, on a donné au gouvernement pour le coup, puisqu'on a deux interlocuteurs dans
05:10 ce moment.
05:11 On a le gouvernement qui veut renouer les fils du dialogue social.
05:13 Et on a le patronat qui, lui, ne veut pas trop lâcher la main, qui a peur que le contexte
05:18 social qui a été créé par cette opposition à la réforme des retraites ne vienne à
05:22 pousser le gouvernement à rééquilibrer un peu le rapport de force.
05:25 Et donc, aujourd'hui, le patronat vient vers nous.
05:28 Il a peut-être des sujets à nous proposer.
05:30 Il est clair qu'il y a plusieurs priorités.
05:32 Il y a la question des salaires, mais il y a la question aussi des ordonnances de 2017
05:36 qui ont créé un fort dysfonctionnement dans le fonctionnement des instances représentatives
05:41 du personnel.
05:42 Pour nous, il y a la question, évidemment, de la conditionnalité des aides qu'on donne
05:46 aux entreprises.
05:47 Il y a tout un tas de sujets.
05:48 - C'est déjà des sujets sur lesquels, les trois que vous avez cités, le patronat ne
05:52 veut pas rediscuter.
05:53 Les encadrants de travail, il a dit non.
05:54 La conditionnalité des aides, c'est non aussi.
05:56 Ça part mal, le dialogue.
05:58 - Vous savez, le patronat, il est marrant.
06:00 Parce que si on considère, bien entendu, que Geoffroy Roux-de-Bézieux parle au nom
06:03 de l'ensemble de ses collègues, il a dit "la conditionnalité des aides publiques,
06:08 ça n'est pas négociable".
06:09 Mais qu'est-ce que ça veut dire, ça ?
06:10 Il y a plus de 200 milliards d'aides publiques qui sont données aux entreprises l'année
06:14 dernière.
06:15 Soutenu par un tas de formes, des aides directes, des aides fiscales, socio-fiscales, etc.
06:21 Et tout ça n'est pas conditionné.
06:23 Alors, on considère comme normal que quelqu'un qui touche le RSA à 560 euros par mois, on
06:28 lui donne des conditions extrêmement sévères pour montrer qu'il les mérite.
06:32 Mais par contre, les entreprises qui consomment plus de 200 milliards d'euros par an, par
06:38 contre, là, il ne faut pas de conditions.
06:39 Je suis désolé, c'est très choquant.
06:41 Et il va bien falloir que le patronat s'y fasse un petit peu.
06:44 Tout cet argent qu'il consomme, il va falloir qu'il justifie ce qu'il en fait.
06:48 Et c'est ce que vous allez leur dire à ces représentations patronales en fin d'après-midi
06:52 à 17h30.
06:53 Le rendez-vous.
06:54 Merci François Omeril, président de la CFE CGC.
06:56 Vous étiez l'invité du 5/7.

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