Pierre -Yves Rougeyron : "Vouloir supprimer Twitter est une sanction liberticide !"
Avec Pierre Yves Rougeyron Juriste, spécialiste en IE, Directeur de la Revue Perspectives Libres, Président du Cercle Aristote, auteur de l'ouvrage Enquête sur la loi du 3 janvier 1973.
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##LE_FAIT_DU_JOUR-2023-06-01##
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NewsTranscript
00:00 Sud Radio Bercov dans tous ses états, le fait du jour.
00:03 Alors est-ce que Twitter c'est l'amour ?
00:06 Grande question aujourd'hui, plus que jamais.
00:10 A partir du moment où on a entendu, et de plus en plus, d'abord vous avez entendu Thierry Breton,
00:15 qui disait que Elon Musk a intérêt à se conformer
00:21 à ce que va décider la Commission Européenne, l'Union Européenne sur les lois sur la désinformation,
00:26 sinon, attention, attention, et bien...
00:30 et à ajouter, Thierry Breton, cette phrase magnifique d'un boxeur,
00:35 "Vous pouvez courir, vous pouvez pas vous cacher", merveilleux, Thierry Breton qui se prend pour Cassius Clay
00:40 face à George Foreman, Elon Musk, je ne sais pas si ça va se passer comme ça.
00:44 Et puis, et puis, et puis on a entendu Jean-Noël Barraud, Jean-Noël Barraud je rappelle,
00:49 qui est ministre chez nous, Jean-Noël Barraud, ministre délégué,
00:54 chargé de la transition numérique et des télécommunications.
00:57 Et bien écoutez, écoutez ce qu'a dit Jean-Noël Barraud.
01:02 Il y a une règle qui va s'appliquer à partir du 25 août prochain
01:06 et qui oblige les grandes plateformes de réseaux sociaux à lutter activement contre la désinformation.
01:12 Mais Jean-Noël Barraud, ce que dit Elon Musk, ce n'est pas que la désinformation ne sert à rien,
01:15 il dit que ce code est superfétatoire, qu'il est inutile.
01:17 Il dit "J'ai ma communauté qui est capable de faire de la lutte contre la désinformation en ligne".
01:21 - Et bien écoutez, moi je souhaite que Twitter puisse se conformer d'ici le 25 août
01:25 aux règles européennes nouvelles que nous avons adoptées,
01:27 sinon il ne sera plus le bienvenu en Europe et force restera à la loi.
01:31 - Voilà, force restera à la loi.
01:33 Attention, après le 25 août, c'est la guillotine.
01:36 Alors, qu'est-ce qui se passe ?
01:38 Bonjour Pierre-Yves Géron.
01:40 - Bonjour, bonjour Jean-Noël Bercof.
01:42 - Vous êtes juriste, vous êtes directeur de la revue Perspective Libre et des éditions Perspective.
01:46 On a reçu beaucoup de vos auteurs.
01:48 Vous êtes président du cercle Aristote.
01:51 Alors, je voudrais savoir, qu'est-ce qui se passe exactement ?
01:54 Parce qu'on a vu les passes d'armes, d'abord avec Thierry Breton,
01:56 sur les États européens, l'européen Thierry Breton,
02:00 et puis voilà Jean-Noël Barraud,
02:02 et puis on a l'impression que la fièvre monte à El Tuitos,
02:06 et en tout cas un peu partout pour les réseaux sociaux.
02:09 Qu'est-ce qui se passe vraiment ? Qu'est-ce que ça cache ?
02:11 Expliquez-nous le mécanisme de tout cela.
02:14 - Alors, il y a à la fois un peu de conjoncture à El,
02:17 et beaucoup d'éléments de structure et d'éléments de communication.
02:20 Donc, pour bien comprendre, il faut revenir sur des faits simples.
02:27 L'Union européenne identifie toujours la liberté numérique,
02:31 et l'a toujours fait, comme un problème pour son pouvoir à El,
02:37 parce que, pour des raisons très simples,
02:39 rappelez-vous en 2005, liberté numérique,
02:42 l'Union européenne perd en un an deux référendums,
02:44 la France et les Pays-Bas.
02:46 Quand j'étais en poste au Parlement européen,
02:52 le thème de la menace intérieure,
02:54 alors la menace intérieure, dans un vocabulaire eurocratique,
02:57 ce n'est pas le terrorisme, c'est le populisme.
03:00 - D'accord. Il fallait déjà restreindre la liberté numérique.
03:04 - Nous étions en 2014, donc là, il n'y a pas de Délon Musk à accuser.
03:07 - D'accord.
03:09 - Donc, c'est cette envie de pénal, pour parler comme Philippe Muray,
03:14 cette envie de censure, qui était vraiment palpable
03:18 dans les institutions européennes déjà à l'époque,
03:21 n'a fait que croître et embellir.
03:23 Surtout que des lanceurs d'alerte,
03:26 y compris internes aux institutions,
03:30 extrêmement peu nombreux, je pense au cas de Michel Rivasi quasi exclusivement,
03:33 se sont mis à dire à l'extérieur ce que l'UE est,
03:40 ou du moins ce qu'elle fait.
03:42 - Le cas typique, les fameux SMS.
03:44 - Les SMS notamment, célèbres, toujours aussi inconnus que célèbres,
03:51 échangent Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne,
03:55 et Albert Bourla, le PDG de Pfizer.
03:58 Mais on dit toujours que ça n'a jamais existé, bien sûr.
04:00 - Tout à fait. Et imaginez, on coupe Twitter.
04:04 - Oui.
04:05 - Imaginez par exemple que l'affaire de ces SMS
04:08 sera infiniment plus facile à enterrer.
04:11 Tout simplement.
04:13 Donc l'Union européenne part de ce...
04:15 Il ne faut jamais l'oublier de la phrase de Jean-Claude Juncker,
04:20 qui n'est pas l'anti-européiste d'élite,
04:22 qui est l'ancien président de la Commission européenne,
04:25 "Il n'y a pas de démocratie contre les traités européens."
04:28 - Oui, c'est vrai qu'il a dit ça, exactement.
04:29 - Il faut se mettre dans ce cadre-là,
04:32 si on veut comprendre ce qui se passe avec Twitter.
04:34 Là, nous arrivons dans une année électorale européenne,
04:37 et sous le fond de la guerre d'Ukraine.
04:41 Qui dit guerre, dit propagande de guerre,
04:44 et disons...
04:46 - Et guerre de l'information.
04:47 - Et guerre de l'information.
04:49 Donc l'accusation d'anti-russe devient la loi des suspects,
04:52 nous sortons de l'épisode Covid qui a encore aiguisé cette envie de censure,
04:59 et donc l'Union européenne a eu son bâton de maréchal,
05:02 elle a fait fermer, et là pour le coup, hors traité,
05:05 donc en toute illégalité,
05:06 elle a fait fermer deux médias,
05:08 pour le cas français, RT et Spoutnik.
05:11 Maintenant que, vous savez, c'est toujours la première qui fait mal,
05:15 c'est comme les gifles,
05:16 et maintenant que ça c'est fait,
05:18 on va pouvoir, l'Union européenne s'estime,
05:23 pense qu'elle va pouvoir, disons,
05:26 réjanter sur d'autres fondements juridiques,
05:30 la liberté d'expression et d'opinion,
05:32 et réaliser son ambition, voire même son obsession.
05:35 Dans le cas Musk, que nous dit M. Breton ?
05:39 M. Breton qui a déjà un aspect personnel dans cette affaire,
05:43 parce qu'il veut Elon Musk sur son tableau de chasse,
05:45 tableau de chasse par ailleurs fort vide,
05:47 quand on fait le bilan de Thierry Breton comme commissaire.
05:51 - Commissaire aux affaires européennes, oui.
05:53 - Comme commissaire aux affaires européennes.
05:55 Donc, LIEU, c'est très simple,
05:58 LIEU tire son pouvoir des, ce qu'elle appelle,
06:01 les quatre libertés européennes,
06:03 donc les quatre libertés du marché.
06:05 Et à partir du marché, vous réjantez les populations.
06:08 Ces libertés sont simples,
06:11 libre circulation des personnes, donc immigration,
06:13 libre circulation des capitaux,
06:15 libre circulation des services,
06:17 et libre circulation des marchandises.
06:19 A partir de là, tout ce qui est à LIEU est à LIEU,
06:24 et tout ce qui est aux états, et donc aux populations qui sont dessous,
06:28 est négociable.
06:29 Vous comprenez que si il y a un marché numérique,
06:32 et bien on doit faire les règles du numérique,
06:35 et dans ce marché numérique, il y a
06:37 la liberté des données, la liberté d'expression.
06:39 - Alors justement, justement, je vous arrête là, c'est très intéressant
06:42 ce que vous dites, et ce qu'on dit,
06:44 c'est que, on dit par exemple,
06:46 Twitter, comme d'autres réseaux, ne respecte pas les règles européennes
06:50 sur le RGPD, en hébergeant des données personnelles d'utilisateurs O, B, I,
06:55 sur des serveurs américains.
06:57 Et vous le savez, c'est le deuxième chapitre, on en parle, bien arrive,
07:00 Rougéron, c'est que la maison,
07:03 META, la maison mère de Facebook,
07:05 a été condamnée par l'agence de protection des données irlandaise, DBC,
07:10 à payer 1,2 milliard d'euros pour avoir continué le transfert de données
07:15 d'utilisateurs européens, vers des serveurs localisés aux Etats-Unis.
07:18 Est-ce que ça c'est légal ou illégal, Pierre-Yves Rougéron ?
07:21 - Alors,
07:22 comme c'est assez souvent avec les européens, avec le...
07:27 l'eurocratie, ça dépend pour qui ?
07:30 Je vais vous donner l'exemple de l'accord SWIFT que le Parlement européen
07:34 avait demandé une deuxième monture.
07:36 L'accord SWIFT, c'est l'accord sur les données bancaires stratégiques quand même,
07:40 c'est pas rien.
07:41 Et c'est dans le cadre de l'antiterrorisme, les américains les voulaient chez eux.
07:46 L'Union européenne a dit "bien sûr",
07:48 le Parlement européen a dit "non, non, non, non,
07:51 il est évident que ce sera aux Etats-Unis",
07:53 mais le Parlement européen veut aussi signer le document,
07:55 c'est pour ça qu'il y a eu l'accord SWIFT 2.
07:57 - Que le Parlement européen prend pour un problème de liberté publique, mais pas du tout.
08:01 - D'accord, ils ont signé aussi, oui.
08:03 - Voilà. Or, le problème c'est que la Commission, elle est toujours dans cette optique-là,
08:06 c'est-à-dire ce qu'on appelle, pardonnez-moi l'anglicisme,
08:09 "free law of information",
08:11 c'est-à-dire circulation transatlantique des données.
08:15 Sachant que, pour des peuples qui vivent en Europe,
08:20 et pour le peuple américain,
08:24 la notion de données, ça c'est très important.
08:27 Ce n'est pas abstrait, ce n'est pas difficile à comprendre.
08:29 - Alors c'est quoi ?
08:30 - Mais il faut l'avoir en tête.
08:32 Pour quelqu'un qui vient du droit romain,
08:34 ce qui est le cas des Italiens, des Français,
08:36 en partie des Allemands, des Espagnols,
08:39 la donnée vous appartient à vous parce qu'elle sort de votre personne.
08:42 Donc elle est en partie votre propriété.
08:44 Pour quelqu'un qui est dans le droit anglo-saxon,
08:47 la donnée est un matériel sans maître, si vous voulez.
08:53 C'est une chose.
08:54 - Qui n'appartient à personne ou à tout le monde.
08:57 - Exact.
08:58 Et donc on peut en faire commerce.
08:59 Vous comprenez que ce petit écart de vue
09:02 donne un avantage commercial gigantesque
09:05 au monde anglo-saxon.
09:07 Et d'ailleurs, c'est pour ça que les anglo-saxons
09:10 veulent une partie de ces données.
09:13 Et c'est là où nous arrivons à Elon Musk.
09:15 Parce que la Commission européenne,
09:18 elle est un peu gênée par ces agences
09:21 comme le gouvernement irlandais
09:23 qui demandent des respects de protection des données
09:27 au nom de droits européens.
09:30 Nous sommes d'accord, des droits des différents pays européens.
09:33 Et la Commission européenne,
09:36 elle a toujours plié face aux Etats-Unis,
09:38 pas plié par menace, plié par volonté.
09:41 Et donc elle se dit,
09:42 "Bon, comment je vais habiller le fait de..."
09:47 Surtout dans un cadre de guerre d'Ukraine
09:49 où les Américains me disent,
09:51 "Comme c'est nous qui payons en partie la guerre,
09:53 vous avez intérêt à être plus lax avec vos données."
09:56 "Comment je vais pouvoir à la fois me coucher devant les Américains
10:01 et rassurer certains gouvernements
10:03 qui ne demandent qu'à croire par naïveté."
10:05 "Eh bien, je vais prendre le patron de Twitter
10:08 qui est le profil idéal,
10:10 il a une réputation dillibérale,
10:13 il est détesté de Joe Biden
10:15 et il faut cajoler l'administration démocrate,
10:19 il est populiste ou réputé tel,
10:24 et en plus, on sait que si on s'attaque à lui,
10:27 les autres boîtes américaines
10:29 ne prendront jamais de contre-mesures contre nous
10:33 parce qu'il est le vilain petit canard.
10:35 C'est le bouc émissaire parfait.
10:37 C'est le bouc émissaire parfait.
10:39 Et c'est pour ça qu'on l'attaque maintenant André Bercoff.
10:42 Vous voyez, c'est aussi simple que ça.
10:44 - Mais est-ce que ça ne va pas au-delà,
10:46 juste Pierre-Yves Rougeron,
10:48 la liberté d'expression ?
10:50 C'est-à-dire que quand j'entends que ce soit
10:52 Thierry Breton ou Jean-Noël Barraud ou d'autres
10:54 dire "écoutez, il faut qu'il se plie aux règles",
10:56 mais qui met le curseur sur la liberté d'expression ?
10:59 Qui décide des critères de la liberté d'expression ?
11:02 C'est M.Musk ?
11:04 Enfin, moi, je les mets dos à dos.
11:06 Qui décide ?
11:08 En quelle légitimité
11:10 la Commission européenne
11:12 va décider pour nous autres européens ?
11:14 En quelle légitimité ?
11:16 - C'est la question cardinale, la question de la légitimité, André Bercoff.
11:18 Mais par contre, je vais vous dire une chose.
11:20 Je pense qu'Alan Musk a au moins...
11:22 Vous savez, il y a ce que les gens disent, il y a ce que les gens font.
11:24 On peut penser ce qu'on veut d'Alan Musk,
11:26 mais il y a une chose qu'il a fait
11:28 et qui a mis le feu aux poudres, rappelez-vous,
11:30 c'est qu'il a viré de ses propres bureaux
11:32 les services de renseignement américains.
11:35 - Oui, FBI et compagnie, absolument.
11:37 - Or, d'un côté, je suis désolé,
11:39 qu'est-ce que des gens qui appartiennent
11:41 à l'appareil répressif
11:43 font sur des plateformes de réseaux sociaux
11:46 et d'échanges entre citoyens ?
11:50 À titre personnel, mon côté libéral, liberté publique,
11:53 devient un peu hurtiquant sur ces questions-là.
11:55 - C'est clair.
11:57 - Or, on peut dire ce qu'on veut de Musk,
11:59 mais c'est un acte profondément libertaire
12:01 d'arriver dans un réseau de libre expression,
12:04 de voir qu'il y a des flics et de virer les flics.
12:06 C'est un acte libertaire qu'on l'accepte ou pas.
12:09 - C'est clair.
12:10 - Et c'est là où, effectivement, on va voir ce qui va se passer.
12:12 Alors justement, par rapport à ça, Pierre-Yves Rougeron,
12:15 est-ce que si, par exemple, le 25 août,
12:18 puisqu'ils donnent toute la date du 25 août,
12:20 ils décident d'abord, ce seront des amendes, etc.
12:23 et puis, disons, la suppression.
12:25 Qu'est-ce que ça change pour les internautes ?
12:28 Est-ce que, par exemple, si demain, la Commission européenne,
12:30 puisque ce ne sera pas que la France,
12:32 décide de couper le robinet
12:35 ou de fermer le robinet Twitter,
12:37 il se passe quoi ? C'est fini ? On n'aura plus Twitter ?
12:40 Ou il va y avoir des chemins de traverse ?
12:42 - C'est très simple.
12:43 Ça veut dire que le symbole de la liberté d'expression en Europe,
12:46 comme en Corée du Nord, ça s'appellera le VPN.
12:49 - Le VPN. Expliquez le VPN.
12:52 - Alors, c'est très simple.
12:54 C'est-à-dire que vous allez utiliser un dispositif technique
12:58 qui va vous permettre de vous identifier comme un pays hors UE
13:01 pour avoir accès à tous les médias censurés dans l'UE.
13:03 - D'accord.
13:05 - Ce qui veut dire que vous faites entrer
13:08 le citoyen, l'andat, père de famille,
13:11 qui n'a rien fait à personne, qui veut s'exprimer ou s'informer,
13:14 vous le faites entrer dans la case dissidents politiques.
13:17 Il faut mettre les mots derrière les choses, André.
13:20 - C'est intéressant, effectivement.
13:23 On en fait un citoyen transgressif alors qu'il n'a rien demandé.
13:26 Tout ça au nom de la liberté d'expression.
13:28 - Bien sûr.
13:29 - Et en fait, au nom de l'Union européenne.
13:31 C'est très intéressant. On va suivre ça.
13:33 Merci beaucoup Pierre-Yves Rougeron, c'est vraiment très éclairant.