Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce lundi, il s'intéresse au programme d'Arte intitulé "Dopamine".
Retrouvez "Télescopages, Bruno Donnet décrypte l'actualité vue par les médias" sur : http://www.europe1.fr/emissions/telescopages
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00:00 C'est l'heure des télescopages de Bruno Donnet.
00:02 J'allais dire il est tout seul.
00:03 Bonjour Bruno.
00:04 Bonjour Philippe, c'est dur à dire je sais.
00:06 Tous les jours Bruno, vous analysez ici les mécaniques médiatiques et on se l'indique
00:10 Pentecôte, vous avez choisi de pointer votre télescope sur une série diffusée par Arte
00:15 qui vous a beaucoup rassuré.
00:16 Oui, alors je ne sais pas si vous êtes au courant Philippe, mais la Pentecôte est une
00:19 fête chrétienne qui célèbre l'effusion du Saint-Esprit sur les apôtres.
00:24 Or, il se trouve que j'ai découvert avant-hier sur Arte une série épatante qui met très
00:28 précisément l'esprit à l'honneur.
00:30 Elle s'appelle Dopamine.
00:31 A l'origine, ce sont des formats courts, 6 minutes, diffusés sur le site de la chaîne,
00:36 qui ont été réunis vendredi donc pour former un documentaire.
00:39 Alors dans ces petits épisodes, on vous explique pourquoi et surtout comment les applications
00:43 stars de nos smartphones ont réussi à prendre le contrôle de nos esprits pour nous rendre
00:48 totalement accros.
00:49 Car figurez-vous que d'après une étude extrêmement sérieuse, les utilisateurs de
00:54 smartphones que nous sommes ouvrent en moyenne, leur téléphone intelligent, savez-vous
00:58 à quelle fréquence ? 221 fois par jour !
01:02 « Ah, t'as pété les plombs ! Et tu t'es demandé comment tu as pu en arriver là ? »
01:06 221 fois par jour, c'est colossal ! Mais le postulat de la série est le suivant.
01:10 « T'inquiète pas, c'est normal. »
01:12 C'est normal, c'est pas de notre faute.
01:14 Car les développeurs des applications que nous aimons tant nous manipulent.
01:17 Ils explorent les fourbes, les biais cognitifs de nos esprits tristement humains.
01:22 « T'es complètement accro car ces applis sont conçues à la base pour sécréter dans
01:26 ton cerveau la molécule responsable du plaisir, de la motivation et de l'addiction.
01:31 La dopamine ! »
01:33 Dans la série par exemple, on nous explique comment fonctionne le jeu Candy Crush, les
01:37 réseaux sociaux Instagram et Twitter ou encore l'application de rencontre Tinder
01:42 qui propose de faire défiler, on dit swiper, des photos d'hommes ou de femmes disponibles
01:47 et susceptibles de nous plaire.
01:49 « L'objectif de l'appli c'est de te faire swiper le plus longtemps possible pour
01:52 collecter tes données de géolocalisation. »
01:55 On nous dit donc d'abord quel est l'objectif commercial du système mais on nous explique
01:59 surtout pour quelle raison nous nous y plions avec autant de plaisir.
02:02 « Pour cela, Tinder va se baser sur le fait que quand tu regardes une personne, ton cerveau
02:07 ne peut pas résister à évaluer son degré esthétique. »
02:11 Car la grande vertu de cette série, c'est qu'elle est totalement déculpabilisante.
02:16 « C'est normal, depuis des millénaires, ton cerveau est entraîné pour identifier
02:19 en un temps record le ou la reproductrice idéale. »
02:23 « Sur Tinder, c'est pareil. »
02:25 Tout y est expliqué, justifié à l'aune des manipulations neurocognitives qui sont
02:30 opérées à notre insu.
02:32 « Ton cerveau est paramétré pour reconnaître ce qui est beau et ainsi s'en rapprocher.
02:36 C'est un mécanisme social. C'est irrésistible. »
02:39 Pour ceux qui concernent Tinder par exemple et le mécanisme du swipe, Arte a décortiqué
02:45 le concept dit « de la récompense aléatoire » qui a été mis en évidence par un psychologue
02:50 américain, un certain Frédéric Skinner.
02:52 « Il a étudié le comportement des souris grâce à sa célèbre boîte de Skinner. »
02:56 M. Skinner a enfermé des souris dans une boîte et il les a contraintes à un petit
03:01 rituel avant de les nourrir.
03:02 « Dans cette boîte, la souris appuie sur un bouton qui distribue de la nourriture. »
03:06 Et il a fait une sacrée trouvaille.
03:08 « Skinner a découvert que si la nourriture n'est pas distribuée à chaque fois, la
03:13 souris actionne le bouton encore plus souvent. »
03:15 Il a compris avant tout le monde le principe hyper-addictif du swipe.
03:20 Qui veut qu'il est impossible de gagner à tous les coups, plus on joue, plus on a
03:25 de chances de gagner.
03:26 « Sur Tinder, c'est exactement pareil.
03:28 Le caractère aléatoire de la récompense esthétique agit comme un renforcement positif,
03:34 te poussant à swiper encore et encore. »
03:36 Alors voilà, cette mini-série est formidable, elle a toutefois un gros défaut, elle est
03:40 elle aussi totalement addictive.
03:42 Je soupçonne même ses concepteurs d'avoir exploité toutes les failles cognitives qu'ils
03:46 ont si méticuleusement décortiquées.
03:49 Dieu merci Philippe.
03:50 Dès mercredi prochain, c'est dans deux jours, sept nouveaux épisodes vont être mis en
03:54 ligne.
03:55 Nos petits cerveaux, shootés à la dopamine et étudiés sur des rongeurs en laboratoire,
04:00 vont donc pouvoir refaire le plein.
04:01 On en sourit.
04:02 Et c'était justement le patron d'Arte qui avait écrit ce livre « La civilisation
04:06 du poisson rouge » et lui-même, je ne peux pas m'empêcher de regarder mon téléphone.
04:10 Et oui, je fais moi-même ce que je dénonce, c'est tellement difficile de se sortir de
04:13 ça.
04:14 Merci beaucoup Bruno Donnet.