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The Good Forum #4 : Finance Durable
23 mai 2023

Débat - Fonds d’investissement : l’heure du grand nettoyage chez les « zinzins ». Comment les fonds d’investissement flèchent-ils désormais leurs investissements ?
- Guillaume-Olivier DORÉ, Président et co-fondateur, Impact Source
- Fanny PICARD, Fondatrice, Alter Equity
- Hervé GUEZ, Directeur des gestions actions, taux et solidaire, Mirova

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00:00 en effet, table ronde sur les fonds d'investissement. Je vais demander à mes intervenants de bien
00:04 vouloir me rejoindre, se lever. C'est là qu'on se rend compte qu'il en manque un,
00:11 sauf s'il sort du dernier rang. Oui, c'est ça, discrètement. Allez, Harvey, asseyez-vous.
00:18 Clara Kemmer a rappelé tout à l'heure qu'il n'y a pas que les banques qui financent les
00:23 entreprises. Donc c'est très important de se pencher sur les fonds d'investissement.
00:28 Alors il y a le capital investissement, les grands fonds, un peu pour la blague, a vu
00:34 qu'il m'y est, on a évoqué les INZIN, les investisseurs institutionnels. Et là, sur
00:40 cette table ronde, on va prendre le temps de parler des investisseurs. En général,
00:43 on verra, il y en a de très différents. Alors à mes côtés, on va commencer par
00:49 les filles. Fanny Vicar, bonjour Fanny, vous êtes fondatrice d'Alter Equity, en effet,
00:54 mais un fonds un peu différent. Comme dit Alter, vous nous expliquerez tout à l'heure.
00:59 À vos côtés, Guillaume-Olivier Doré, vous êtes président, tu es président et cofondateur
01:03 d'Impact Source, qui nous expliquera aussi ce que vous faites. Et Hervé Guèze, bonjour,
01:09 directeur des gestions Action Taux et Solidaires chez Mirova. Alors merci à tous les trois.
01:16 Et pour commencer, toujours c'est mon côté pédagogique, j'avais envie de vous demander,
01:22 et c'est beaucoup plus, une question beaucoup plus de fonds que celle d'en a l'air, ce
01:27 qu'est un investisseur responsable et de me répondre avec vos tripes, parce qu'on verra
01:31 que la réponse n'est pas forcément la même. Alors on va commencer à un bout, peut-être.
01:36 Fanny, pour vous, c'est quoi un investisseur responsable ?
01:40 Bonjour, Cécile Desjardins, merci de votre investition. Pour moi, un investisseur responsable,
01:46 c'est un investisseur qui, dans toutes ses décisions d'investissement, de gestion, intègre
01:52 les enjeux sociaux et environnementaux contemporains. Concrètement, chez Alter Equity, nous avons
01:58 parlé d'investissement à impact positif. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Nous avons
02:02 été les premiers à parler, en France et en Europe, de finance à impact. Ça va un
02:06 petit peu plus loin que la responsabilité. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Ça voulait
02:10 dire que les effets d'une entreprise, d'un point de vue social, vis-à-vis de ses salariés,
02:16 vis-à-vis de ses consommateurs, vis-à-vis de ses fournisseurs, ou environnementaux, évidemment
02:20 de la nature, mais aussi ses effets sociaux et environnementaux sur ses territoires d'implantation,
02:25 sur l'État, vis-à-vis de ses souscripteurs, voire de l'entreprise elle-même, eh bien
02:31 cette entreprise, l'idée d'un impact positif, c'est qu'elle produit plus d'effets positifs
02:37 que d'effets négatifs, d'externalités négatives. Quand on parle d'un médicament, on parle
02:42 d'effets secondaires du médicament, je n'ai pas besoin de vous expliquer, vous comprenez
02:45 immédiatement. Donc concrètement, nous investissons au capital d'entreprises qui, par leur activité,
02:50 sont utiles aux personnes ou à la nature, dont les externalités négatives sont le
02:55 plus limitées possibles, et nous leur demandons en outre de progresser dans leur pratique
02:59 de gestion vers plus de responsabilité sociale et environnementale. Donc on s'intéresse
03:03 au double niveau de responsabilité de l'activité ou de l'impact et des pratiques de gestion,
03:09 et nous leur demandons aussi de nous permettre de générer un rendement financier qui va
03:14 nous permettre à notre tour de rémunérer le risque pris par nos souscripteurs, d'une
03:20 part, et de contribuer à notre mesure de démontrer qu'il est parfaitement possible d'être
03:25 à la fois rentable et responsable, ce qui, à l'époque où nous avons créé AlterEquity,
03:30 nous avons commencé de travailler en 2007, n'était pas du tout considéré comme conciliable,
03:36 et qui aujourd'hui encore, et on va y revenir, l'est parfois peut-être dans des discours
03:43 et puis un petit peu moins dans un certain nombre de réalités.
03:48 Hervé, est-ce qu'il y a des investisseurs responsables et des investisseurs qui ne sont
03:53 pas responsables, voire irresponsables ?
03:55 Oui, je ne vais pas redire ce que va dire Fanny et qui pourrait exactement s'appliquer
04:01 à ce que fait Mirova, mais ce qui me semble important quand on se pose la question de
04:05 qu'est-ce que c'est un investisseur responsable, c'est d'éviter deux pièges, le piège
04:09 de la binarité, c'est-à-dire on est responsable ou on ne l'est pas, on est responsable ou
04:13 on est irresponsable, et le piège de l'uniformité, tous les investisseurs ne se ressemblent pas,
04:17 on peut parler de ce que fait Mirova, on peut parler de ce que fait un fonds de pension,
04:21 on peut parler de ce que fait une compagnie d'assurance, on peut parler de ce que fait
04:25 une grande banque, c'est évidemment des situations de départ, des histoires très différentes
04:29 et donc définir ce qu'est un investisseur responsable, si on ne prend pas en compte
04:33 cette hérogénéité de l'histoire et des pratiques et des tailles, on passe à côté
04:37 me semble-t-il de l'essentiel. Et donc pour moi un investisseur responsable, ça doit
04:42 être deux choses, il y a deux éléments clés que tous les acteurs, quelle que soit
04:47 leur taille, quelle que soit leur histoire, doivent être en mesure de communiquer auprès
04:52 de leur parti prenant pour utiliser un peu de neuve langue. Les deux éléments clés,
04:58 c'est un peu ce que font toutes les entreprises dans l'industrie, c'est un élément de
05:02 politique de responsabilité adapté à l'entreprise, à son secteur. Donc un investisseur doit
05:07 vous dire, voilà, moi ça a été dit, par exemple, Jean Boissino sur les banques, compte
05:12 tenu de mon histoire, de là où je pars, voilà ma trajectoire, voilà mon ambition
05:17 globale en tant qu'investisseur. Et me semble-t-il, et là où peut-être j'allais prendre des
05:21 accords avec Jean Boissino qui parlait de l'EHPAD tout à l'heure, c'est que la trajectoire
05:25 globale, c'est un gros rapport, c'est évalué par des agences de notation, ce n'est pas
05:29 suffisant. Quand une entreprise automobile, elle vous parle de sa politique RSE, vous
05:34 en tant que particulier qui vous intéressez à acheter une voiture, vous avez besoin d'une
05:41 évaluation de la voiture, A, B, C, D, E. Et donc pour un investisseur, ça, ça doit
05:46 se traduire par aussi une réflexion sur ses labels produits et la variété des produits
05:51 qu'elle peut proposer avec une graduation des niveaux d'impact de ces différents produits.
05:56 Donc une politique globale et une approche produit intégrée dans une évaluation à
06:02 niveau, on est responsable ou on ne l'est pas, on peut faire des produits à impact,
06:07 il faut savoir le dire et les mettre en A, et il faut savoir dire aussi qu'on a des
06:13 produits, compte tenu de l'histoire, qui ne sont pas du tout à impact positif aujourd'hui
06:17 et ça, ça se raccroche avec la trajectoire qu'on peut dire, voilà, je sais qu'aujourd'hui
06:21 j'ai des produits, des investissements qui ne sont pas durables, qui sont bruns, etc.
06:26 Mais j'ai une politique pour les transformer, ça ne gêne pas un constructeur automobile,
06:30 encore une fois je reprends l'analogie comme Mercedes ou Renault, d'écrire une politique
06:34 de transformation en ayant des produits A, B, C, D, des produits avec des bonus écologiques,
06:40 des produits avec des malus écologiques. Donc cet effort de transparence sur la politique
06:44 globale et sur l'évaluation de produits sont à mon avis les deux éléments de ce
06:48 qui va pouvoir permettre de qualifier le niveau de responsabilité d'un acteur financier.
06:53 Guillaume, toi aussi tu regardes les produits, tu leur mets des notes ?
06:57 Non, pardon c'est un peu brutal, non non pas du tout, Impact Source est un fonds de
07:02 fonds et un fonds d'investissement direct, donc on accompagne des équipes de gestion
07:06 qui veulent effectivement se transformer et la vision que nous portons et que je défend
07:11 depuis quelque temps c'est ce que j'appelle l'impact transformatif, c'est-à-dire d'aller
07:15 d'un point A à un point B. Ce qui nous intéresse nous lorsqu'on appelle ça un investisseur
07:20 responsable, je suis assez d'accord avec la définition de la non-binarité de ce qui
07:24 est la responsabilité, c'est en fait d'être capable de mesurer l'intentionnalité des
07:27 équipes de gestion, ce qu'ils veulent vraiment faire. Je le résume souvent en une phrase
07:31 en disant que mon objectif c'est pas de donner des cours de maths aux premiers de la classe,
07:34 ça sert pas à grand chose, par contre aller sélectionner des équipes de gestion ou des
07:38 projets qui ont une intentionnalité forte, qui veulent accélérer un mouvement qui est
07:43 de toute façon inéluctable. On est parti pour 15 ans de transformation forte de notre
07:48 économie, on ne pourra pas passer à côté, par contre l'idée en tout cas c'est ce
07:52 qu'on prône chez Impact Source, c'est d'être capable d'aller plus vite, d'accompagner
07:56 plus vite ces volontés là et donc on a très fortement axé notre analyse sur cette partie
08:02 intentionnelle pour faire en sorte d'être un des moteurs qui va permettre de la transformation
08:06 très rapide des équipes de gestion pour aller chercher un impact plus important, avec
08:11 aussi une notion qui est qu'on ne pourra pas toujours tout faire dans cet univers là,
08:16 l'impact malheureusement négatif est présent dans toute notre économie, il faudra probablement
08:22 des générations d'entrepreneurs, on va continuer à prendre l'avion, on va continuer
08:25 à produire des arbres, malheureusement il y a une gare pas très loin donc on ne peut
08:28 pas se leurrer, on ne peut pas rêver et donc je suis assez non-binaire sur ce sujet en
08:33 disant qu'il faut vraiment qu'on soit réaliste par rapport à ce qu'on fait et donc voilà
08:38 un peu la définition d'un investisseur responsable, quelqu'un qui est réaliste et à la fois
08:41 conscient des enjeux auxquels il fait face.
08:43 Je fais juste un point de côté peut-être en miroir de ce que nous disait Carole Simonot
08:47 tout à l'heure, comment est-ce que quand tu regardes une trajectoire, tu dis quand
08:51 tu vois si il y a une volonté de progression et si il y a une trajectoire, est-ce que tu
08:55 es serein dans ta capacité à analyser la réalité de la trajectoire ?
09:00 On ne l'est jamais complètement et si on fait un choix de conviction, le capital d'investissement,
09:04 investir dans des entreprises ou investir dans des fonds sur des équipes qui elles-mêmes
09:07 investissent dans les entreprises, dans les territoires, parce que je vise plutôt les
09:09 entreprises et les territoires parce que je pense que là il y a un vrai besoin, on ne
09:12 l'est jamais complètement serein donc la confiance n'exclut pas le contrôle, donc
09:15 on est présent auprès des équipes pour les accompagner et pour effectivement s'assurer
09:18 que l'argent est investi là où il doit être investi mais en l'occurrence on fait
09:22 en sorte de cadrer le risque, c'est ça notre métier, c'est finalement mettre un cadre
09:26 autour de ça, mettre une feuille de route assez précise, ce que disait Fanny tout à
09:30 l'heure sur les entreprises, on part d'un point A vers un point B et puis une fois
09:34 qu'on a cadré, qu'on a mis cette feuille de route, faire preuve de pragmatisme parce
09:38 qu'on sait tous que d'aller d'un point A à un point B, ça ne sera jamais linéaire,
09:42 ce sera même plutôt très compliqué, comme tout projet entrepreneurial et de facto,
09:47 on s'adapte, donc il faut faire preuve d'adaptation et de compréhension mais aussi de réalisme
09:51 et donc être extrêmement rigoureux sur ce genre de normes, c'est ce qu'on essaie
09:55 de faire.
09:56 On regarde les trajectoires, on regarde vers l'avenir, j'ai envie de vous demander,
10:00 est-ce que vous êtes optimiste sur ces trajectoires, est-ce qu'on peut y croire aujourd'hui ?
10:07 Il y a deux questions dans la question, c'est quelles sont les trajectoires des investisseurs
10:12 institutionnels et est-ce qu'on peut être optimiste ? Quelles sont les trajectoires
10:17 des investisseurs institutionnels ? On peut toujours regarder vers la moitié vide, la
10:20 moitié plein, il est évident que quand on regarde la transformation qui s'opérait
10:24 en 10 ans, ça a été dit même plus récemment sur les banques, les niveaux d'ambition,
10:30 de politique, d'acculturation à ces sujets a évidemment extrêmement progressé, donc
10:36 si l'optimisme c'est de se dire, est-ce que ça progresse et est-ce que ça va continuer
10:41 à progresser, oui on peut être optimiste.
10:44 Après si on veut dire bon, mais est-ce que ça progresse suffisamment vite ? Ou pour
10:50 résoudre les enjeux, j'ai envie de dire attention, est-ce que ça progresse assez
10:56 vite ? A la limite peu importe, ça ne progresse jamais assez vite, vu la complexité des
11:01 enjeux, il y a évidemment beaucoup à faire, beaucoup de champs de travaux entre la recherche,
11:09 les politiques produites, etc. Le travail est immense et donc à la limite c'est à
11:14 chacun de mettre énormément de moyens pour progresser le plus vite possible, je n'ai
11:17 pas de jugement clé sur si ça va assez vite. Par contre il y a la question, est-ce que
11:21 ça va assez vite pour résoudre les enjeux climatiques ? Là je dis attention, c'est
11:28 Mirova quelque part qui vous le dit, la finance jouera un rôle dans la transformation de
11:33 l'économie, la finance au global, dans sa globalité, ne sera pas l'élément de transformation
11:41 seule et unique qui permettra d'atteindre, d'avoir une planète à 1,5° plutôt qu'à
11:48 4°. Est-ce que Mirova deviendra Black Rock ? Ce serait très heureux pour nous, ce serait
11:54 également très utile pour la transformation de l'économie en jouant. Demain, quelle
11:59 sera la politique de la Chine sur sa politique charbon ? Ce n'est pas Mirova, même en
12:03 devenant Black Rock, qui fera la politique chinoise des investissements des centrales.
12:08 Donc attention dans ces traits qu'on tire, il faut quand même avoir l'humilité, à
12:13 la fois l'ambition de se dire oui, on peut faire beaucoup plus, on peut faire beaucoup
12:17 mieux, on peut aller plus vite et il faut avoir aussi l'humilité de, les résultats
12:21 qu'on peut atteindre sont toujours une brique, une part d'un ensemble plus large et donc
12:27 ne pas céder un peu à la facilité de se dire on n'a qu'à faire des investissements
12:32 positifs et demain on vivra sur une planète à 1,5° avec les droits de l'homme respectés
12:37 partout, etc. La responsabilité du monde financier, encore une fois, pas d'incompréhension
12:44 dans ce que je dis, est importante, elle est un aiguillon clé, il ne faut pas non plus
12:49 attendre tout deux et donc l'optimisme de ce point de vue là, ne nous trompons pas,
12:54 ce n'est pas parce que tous les investisseurs institutionnels auront une politique climatique
12:57 parfaite que le problème du climat sera résolu demain.
13:01 Fanny, vous êtes plutôt de l'équipe du verre à moitié vide, non ? Moins optimiste ?
13:07 Moi je suis par nature optimiste, c'est pour ça que je suis entrepreneur, que j'ai créé
13:13 ce fonds Alter Equity depuis 2007 sur un trajet qui était non emprunté à l'époque,
13:20 mais ce n'est pas une question d'optimisme ou de pessimisme, c'est que je suis lucide.
13:24 Je veux dire, aujourd'hui, en 2022, les émissions de gaz à effet de serre en France
13:30 ont baissé de 2,5%, on sait qu'il faut qu'ils baissent de 5% par an jusqu'en 2030 pour
13:36 atteindre l'objectif d'une baisse de 55% des émissions à horizon 2030 par comparaison
13:45 avec 1990, qui est notre engagement européen, et ce dans un contexte dans lequel l'hiver
13:53 a été assez peu froid, et où donc l'essentiel de la baisse d'émissions est due à une moindre
14:01 consommation d'énergie pour le chauffage. Donc on est en fort décalage au regard de
14:09 la trajectoire nécessaire pour rester dans une épure de conditions de vie sur terre
14:15 vivables. A l'échelle de la France, vous avez probablement vu deux chiffres, le premier
14:20 c'est qu'aujourd'hui on est déjà à 1,7 degré de réchauffement par rapport à l'air
14:25 pré-industriel, c'est au-dessus des 1,5 de l'objectif des accords de Paris. Par ailleurs
14:32 une étude récente d'octobre dernier du CNRS et de Météo France évalue dans un scénario
14:39 médian, si les situations en termes d'émissions ne changent pas radicalement, la température
14:46 en France à horizon 2100 a 3,8 degrés au-dessus de la température pré-industriel. Je rappelle
14:53 qu'Henri de Castres, lorsqu'il dirigeait AXA, avait dit qu'un monde à +4 degrés n'était
14:58 pas assurable. Donc nous sommes en France dans une trajectoire dont un grand dirigeant
15:03 considérait qu'il n'était pas assurable. C'est juste pour dire qu'il y a d'autres
15:07 éléments, des limites planétaires qui ont été franchies en 2022 etc. De toute façon
15:10 vous le voyez bien avec les incendies, les sécheresses, les dérèglements de température,
15:16 les inondations, on est dans une configuration qui est extrêmement préoccupante. Et Hervé
15:24 le rappelait, les grandes institutions sont en train de changer. Mais sont-elles en train
15:29 de changer à la mesure des risques ? La réponse est non, puisque l'objectif c'était -5%
15:34 et on est à la moitié. Et qu'elles ont quand même une influence considérable dans
15:44 le financement de l'économie qui est lui-même, selon le plan du gouvernement qui a été
15:52 dévoilé hier et qui était dans vos journaux du soir hier ou du matin ce matin, qui devrait
15:59 permettre à peu près la moitié des réductions en termes d'émissions de gaz à effet de serre.
16:04 Donc voilà, ce n'est pas une question de pessimisme ou optimisme, on est factuellement
16:08 dans une situation qui est extrêmement préoccupante. Et face à ça, nous sommes tous appelés
16:14 dans notre responsabilité à agir pour essayer de faire en sorte que ce dérèglement soit
16:23 le moins grave possible, le moins important possible. Et en tout cas, nous c'est ce que
16:28 nous faisons avec beaucoup d'optimisme. Et on est sûr que si vous êtes là, c'est
16:32 que vous le faites aussi. Et puis les déclarations du gouvernement sont extrêmement encourageantes.
16:36 Et puis le rapport de Jean-Pierre Zaniferri d'hier est extrêmement clair aussi. Donc
16:43 voilà, il y a un certain nombre de raisons de se réjouir, mais il va falloir, et comme
16:48 il le dit d'ailleurs Jean-Pierre Zaniferri, il va falloir lever les manches et accepter
16:55 des changements considérables si, encore une fois, on veut maintenir des conditions
16:59 de vie convenables sur Terre.
17:02 On a entendu tout à l'heure des grands groupes, on a entendu des PME. Guillaume
17:08 Olivier, toi tu es pas mal dans les territoires. Alors concrètement, comment c'est appréhendé
17:14 sur le terrain ? Je ne veux pas avoir l'air trop parisienne dans cette dichotomie, mais
17:20 est-ce qu'il y a une différence ?
17:22 Oui, il y a une notion universaliste autour de la prise en compte des critères d'impact.
17:28 De toute façon, que ce soit à Paris, que ce soit dans les régions, dans les territoires,
17:31 dans les entreprises, de toute façon c'est devenu incontournable. Et pour une raison
17:35 extrêmement simple, c'est que lorsqu'on discute avec des patrons de PME, encore une
17:39 fois dans les territoires, ils vous disent que la matière première dont ils ont besoin,
17:43 eux, c'est les gens. Nous, c'est les humains pour travailler. Donc ça veut dire qu'il
17:46 faut que le quotidien de ces gens-là s'améliore, parce que sinon ils ne pourront pas continuer
17:49 à les faire venir travailler, ils ne pourront pas payer leur essence pour aller travailler.
17:52 Donc on a un vrai sujet de fidélisation, de structuration des territoires autour de
17:56 ces PME et de l'autonomisation. Donc moi je suis assez optimiste sur ce sujet-là,
18:00 parce que la prise en compte, elle est assez universelle aujourd'hui. Alors ce n'était
18:04 pas le cas pré-Covid, mais en tout cas ce qui restera, en tout cas ce que je retiens
18:08 de cette phase-là un peu compliquée de la Covid il y a un an et demi, c'est ça.
18:11 Ce qui restera de cette phase-là, c'est probablement cette prise de conscience assez
18:14 violente, que les choses vont changer pour les gens au quotidien. Les collaborateurs
18:18 ont besoin d'autres choses, on le voit, ils travaillent différemment, ils fonctionnent
18:21 différemment. Et j'allais dire, ça imprime un peu en remontée du terrain, l'intégralité
18:27 de l'économie. Et dans le monde du capital investissement auquel j'appartiens depuis
18:32 assez longtemps maintenant, il y a un vrai changement de paradigme autour de ça. Alors
18:36 tu as été pionnière depuis très longtemps sur le sujet, il y en a eu d'autres qui ont
18:39 effectivement lancé ce mouvement-là. Et aujourd'hui il n'y a pas un fonds d'investissement
18:43 qui ne marque pas impact sur sa plaquette commerciale, qui ne le fait pas. Et c'est
18:47 plutôt une bonne nouvelle. Alors ils le font plus ou moins bien, ils sont plus ou moins
18:51 bien notés, on peut parfois les accuser.
18:53 Le bilan que faisait Clara, ce n'était pas tout à fait...
18:55 Voilà, c'est plus ou moins bien fait. Mais pour 5% de gens qui jouent un peu avec la
19:01 ligne blanche, il y en a 95% qui essaient de faire le travail correctement. Donc je
19:05 suis plutôt de cet avis-là, qui est de dire, on est dans une phase où on est en train
19:09 de vivre un changement systémique autour de ça. On est là pour en parler, il y a des
19:13 conférences tout le temps sur le sujet. Il faudra du temps pour que ça se mette en place.
19:17 Il faut aller le plus vite possible. Et effectivement l'industrie financière, Bernard le disait
19:22 très justement, ne sera qu'une brique d'accompagnement. Mais moi je vois dans les territoires, pour
19:28 répondre précisément à ta question, beaucoup de gens qui sont comme M. Jourdin, ils font
19:31 de l'impact sans en avoir conscience réellement. Il y a des patrons de PME qui finalisent,
19:35 organisent des choses pour leurs salariés, qui sont impactantes au sens large, mais qui
19:40 du coup sont dans cette notion de "j'en fais déjà sans même m'en rendre compte".
19:45 Très concrètement, qu'est-ce qu'on peut proposer, qu'est-ce que vous proposez pour
19:48 accélérer ? Quels sont les conseils que vous donnez pour que la finance progresse
19:53 d'un cran ?
19:55 Il y a deux thématiques que j'ai revenues, c'est-à-dire se fixer des objectifs. Qu'est-ce
20:03 que ça veut dire qu'une politique de transformation pour aligner ses investissements, ses financements
20:08 à l'accord de Paris ? Est-ce que c'est réalisable ? Quelle est la trajectoire ? Quelles sont
20:12 les étapes intermédiaires que l'on peut se fixer ? Après ça peut être décliné
20:16 sur d'autres sujets que le climat, mais quelle est la stratégie politique ? Et ensuite,
20:20 quelle est la location de capital ? Le danger c'est de croire que parce qu'on va afficher
20:28 sur la plaquette RSE, on a investi X millions voire un milliard dans tel ou tel type d'activité,
20:36 ça montre qu'on est très vertueux. Et donc ça on le montre pour faire joli dans le rapport
20:41 et puis on occulte la stratégie globale. Et inversement, l'autre piège c'est d'écrire
20:47 des grands rapports sur les objectifs de transformation, de transition, etc. en se disant "bon de toute
20:52 façon la finance finance l'économie, donc l'économie se transformant, on a une bonne
20:56 chance que de toute façon si l'économie atteint ses objectifs, la finance les atteindra
21:00 aussi, donc attendons patiemment que la transformation du monde économique se fasse pour que la finance
21:05 fasse des choses". Il faut bien sûr combiner les deux et c'est ça qui fait encore une
21:09 fois la crédibilité d'une politique responsable, c'est une trajectoire globale avec des points
21:14 clés et des exemples clés d'allocations, de transformations qui sont à la mesure de
21:20 ce qui peut être fait. Encore une fois on ne peut pas tout transformer, mais il y a
21:23 des choses qui peuvent être faites et clairement je suis d'accord avec Fanny, il y en a qui
21:27 pourraient être faites davantage dans beaucoup d'institutions en termes de financement, ça
21:31 peut être le cas bien sûr sur les nouvelles technologies, ça peut être le cas sur les
21:37 pays émergents, donc il y a beaucoup d'endroits qui sont les frontières qui ne cochent pas
21:41 les cases des allocataires, c'est-à-dire quand vous allez voir un grand investisseur
21:46 institutionnel, il a ses politiques d'allocation et donc il fait de l'obligataire de l'action,
21:51 de l'obligataire Investment Grade, d'Aïd, donc quand c'est dans ces cases et que c'est
21:59 ces zones de confort, il fait. Quand vous proposez quelque chose, c'est un peu de blended
22:04 finance avec un peu de partenariat public-privé sur une zone émergente.
22:08 On ne s'est plus jugé.
22:09 Oh là là, mais mon Dieu, je ne sais pas dans quels cas ça va. Et c'est ça où il y a
22:12 vraiment beaucoup à faire, c'est-à-dire les sujets sont nouveaux, l'innovation est
22:16 importante et donc il faut que les stratégies des investisseurs intègrent cette capacité
22:22 à sortir des cases, à inventer de nouvelles cases pour rentrer de l'innovation et de
22:27 l'allocation de capital qui est différenciante et qui n'est pas le business as usual qu'elle
22:32 faisait et qui va se transformer petit à petit.
22:35 Fanny, une piste de progrès ?
22:36 Merci beaucoup. La première c'est que je pense qu'il faut aller vite, alors évidemment
22:48 ça dépend des types d'institutions, les assurances, j'entendais le patron de Covea
22:55 qui indiquait que l'environnement, le climat, les dérèglements avaient causé aux assureurs
23:02 français l'année dernière, en 2022, 10 milliards de dommages. Lui il a 15-16% de
23:06 part de marché, paf, ça lui avait coûté 1,6 milliards l'année dernière. Donc un
23:11 intérêt immédiat qui est de contribuer à éviter ces dommages, à sa mesure bien sûr.
23:17 Et puis pour les autres financiers, je pense qu'il y a un intérêt qui est peut-être
23:21 un tout petit peu plus indirect quoi que, qui est une question de license to operate
23:25 dans un contexte dans lequel, et franchement je le déplore mais je suis obligée de le
23:29 constater, il y a une critique de l'univers financier par l'opinion publique qui est de
23:35 plus en plus pressante. Et donc avoir quelque chose à dire sur la contribution à l'intérêt
23:40 général, ça me semble aujourd'hui absolument nécessaire pour toutes les institutions
23:43 financières. Donc je pense qu'il y a un vrai enjeu de rapidité qui en plus fait écho
23:47 à ce que j'évoquais tout à l'heure, c'est-à-dire la gravité de la situation. Et je crois
23:53 aussi, et en parallèle, qu'il faut être cohérent, qu'il faut faire extrêmement
23:57 attention à ne pas raconter tout et n'importe quoi, et faire quelque chose de complètement
24:01 différent. Enfin pardon pour mes propos un petit peu radicaux, mais je crois qu'aujourd'hui
24:05 le greenwashing est très dangereux avec des effets boomerang qui sont catastrophiques.
24:09 Donc je pense que la question de la communication doit être maniée avec beaucoup de subtilité
24:14 pour ne pas prendre des risques trop importants. Mais enfin voilà, dans la continuité de
24:19 mon propre engagement, j'espère et je conseille à tous d'aller vite dans ces directions.
24:24 On fout droit du regard, donc en mots de conclusion, une piste ?
24:31 Repasser à repartir du terrain. Je sais que j'ai un angle très territoire et très
24:35 PME, c'est ce que visent in fine les investissements directs et indirects d'impact source. Aujourd'hui
24:41 il y a beaucoup de demandes d'accompagnement. Lorsqu'on est une grosse entreprise, une
24:44 ETI, on a des ressources pour se transformer. Lorsqu'on a un patron de PME, qu'on a la
24:49 conscience de ça, forcément on ne mesure pas forcément ce que ça veut dire de changer
24:54 ses modèles économiques, etc. Et donc les patrons de PME ont besoin de beaucoup d'accompagnement
24:58 pour le faire, beaucoup de guides. Ils s'en valent d'un point A à un point B, mais ils
25:01 sont quand même un peu comme une poule avec une fourchette, ils ne savent pas comment
25:03 exactement gérer cette transition. Ils vont devoir y aller, leurs propres enfants vont
25:08 leur mettre la pression de manière un peu structurelle. Les enfants aujourd'hui sont
25:11 très cash sur le sujet, ils n'iront pas dans une entreprise s'il n'y a pas un certain
25:15 nombre de critères travaillés, donc on est vraiment de côté binaire là. Donc oui, je
25:18 pense qu'il y a un vrai travail à mener sur le terrain et dans les territoires pour
25:22 accompagner les patrons de PME, qui reste un peu le parent pauvre de l'impact en réalité
25:26 aujourd'hui. Ce sera probablement la dernière tranche qui viendra, alors qu'il y a de la
25:30 volonté.
25:31 Merci beaucoup à tous les trois.
25:34 Merci beaucoup.
25:35 [Applaudissements]
25:40 [Musique]