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The Good Forum #4 : Finance Durable
23 mai 2023

Keynote - À quoi ressemblera la finance de demain ? Comment anticiper l’avenir et investir autrement ?
- Clara GAYMARD, Co-fondatrice de RAISE, membre du Conseil d’Administration de Veolia, Bouygues, Danone et LVMH

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Transcription
00:00 Clara, cofondatrice de RAISE, une société d'investissement qui a été fondée en 2013,
00:06 avec justement un souci et une ambition sur l'impact des financements. Alors Clara, vous
00:12 avez pu observer la finance changer assez considérablement depuis dix ans. J'ai envie
00:19 de vous demander de vous projeter dans l'avenir à quoi ressemblera la finance de demain selon
00:25 vous.
00:26 Merci beaucoup, merci beaucoup. Bonjour à toutes et à tous. Je suis très heureuse
00:31 d'être là parmi vous sur un sujet qui est absolument majeur. Moi je suis, comme l'a
00:37 dit Patrick de Cambour et tous les autres intervenants, une optimiste de nature. Mais
00:42 je voudrais quand même juste rappeler certains chiffres. On vient de parler de l'activité
00:47 des banques, mais il faut savoir qu'une grande partie du financement des entreprises est
00:52 fait par ce qu'on appelle le private equity, c'est-à-dire des fonds d'investissement
00:58 qui viennent investir au capital des entreprises ou dans les infrastructures des entreprises
01:04 pour les aider dans leur croissance. Et pour vous donner juste quelques chiffres, c'est
01:12 un métier qui a accru d'une façon exponentielle depuis trente ans, c'est un outil formidable
01:18 pour la croissance, mais également pour le bien commun. Le montant des actifs sous gestion,
01:24 c'est le jargon pour dire les actifs des entreprises, qui sont sous gestion de fonds d'investissement
01:31 et de 100 milliards de dollars, donc c'est juste totalement massif, et moins de 1% des
01:41 investissements réalisés respectent les accords de Paris. Et sur 158 fonds d'investissement
01:46 dans le monde, et seuls 158 fonds d'investissement dans le monde sur les 16 500 analysés, soit
01:54 à peine 0,5% des actifs placés, sont en ligne avec les objectifs pour limiter la hausse
02:01 des températures au-dessous de 2%. Tout ça pour vous dire que la révolution elle est
02:05 majeure et on parle de transition énergétique, en fait il s'agit d'une transformation radicale
02:14 de la finance. La bonne nouvelle, c'est ce qu'a dit Patrick de Cambour, c'est que la
02:19 CSRD s'implique bien sûr aux entreprises, mais tout d'abord à la finance, et que si
02:25 vous voyez aujourd'hui beaucoup de fonds d'investissement parler du fait qu'ils vont vers l'impact et
02:33 vers la décarbonation, c'est bien sûr parce qu'il y a heureusement un intérêt économique,
02:40 mais c'est aussi parce que la réglementation les y force. Et c'est une très bonne chose
02:44 parce que sans la finance, on n'y arrivera pas. Ça a été évoqué tout à l'heure,
02:50 les PME françaises, ou européennes ou mondiales, elles veulent faire leur transformation,
02:57 leur transition énergétique, mais c'est assez simple, quand vous utilisez du pétrole
03:01 et du gaz, c'est de l'opex, c'est de la dépense de fonctionnement, quand vous voulez
03:06 transformer votre toit en toit solaire, mettre toutes vos voitures électriques, changer
03:11 votre système de chauffage, c'est de l'investissement, c'est du capex. C'est d'ailleurs pour ça
03:16 que nous, nous sommes en train de créer un fonds d'infrastructure dédié spécifiquement
03:22 à la décarbonation et au maintien de la biodiversité des entreprises, un fonds européen
03:27 de 750 millions d'euros qu'on est en train de lever, parce que si on veut atteindre le
03:33 1,5%, ça passera par les infrastructures. La clé, ce sont les infrastructures générales
03:39 bien sûr, les trains, les routes, mais surtout les infrastructures des entreprises. Alors
03:45 nous avec Gonzague, on a eu une intuition il y a 10 ans, en se disant que la finance
03:51 était la clé de l'économie, mais que la finance elle ne s'était pas transformée
03:54 depuis toujours et que finalement elle n'évaluait son succès que à ce qu'elle gagnait. On
04:01 peut trouver ça logique puisque sa mode de référence c'est l'argent, mais pas du tout
04:07 par son action sur le bien commun. Et donc en créant RAISE, on a voulu vraiment faire
04:12 la finance autrement et il y a 10 ans, je peux vous assurer que tout le monde nous prenait
04:16 pour des bisounours, puisque nous sommes une entreprise à mission, nous avons Jean-Dominique
04:22 Sénard comme président de notre comité de mission, on a aussi Delphine Ernotte qui
04:27 nous accompagne et puis des entrepreneurs et des experts, mais nous avons axé notre
04:34 stratégie sur 4 piliers. Le premier pilier, dont on n'a pas du tout parlé ce matin mais
04:44 qui nous semble absolument clé, c'est la générosité. Nous sommes convaincus que
04:50 la générosité est un moteur économique et qu'il faut arrêter le côté où on va
04:55 d'un côté, on travaille beaucoup la semaine et puis on donne le dimanche ou d'autres
04:59 jours à des causes. Et donc nous, nous avons mis en place un système où 50% du carré
05:05 d'intérêts qui est l'intéressement des équipes est donné à une fondation pour
05:11 l'entrepreneuriat. Nous avons ainsi depuis 10 ans collecté 60 millions et ces 60 millions,
05:19 cette fondation accompagne à peu près toutes les belles start-up françaises, soit en leur
05:25 procurant du financement, des prêts d'honneur à 100 000 euros, des prêts à 500 000 euros
05:32 grâce au partenariat avec le crédit agricole et surtout beaucoup, beaucoup d'accompagnement.
05:37 On accepte avec grand plaisir et on travaille beaucoup avec Arkea aussi, des cadres de grands
05:45 groupes qui veulent accompagner des start-up, des experts, on a aujourd'hui 1000 experts
05:51 jour qui accompagnent ces start-up pour les aider dans leur croissance. Donc ce pilier
05:56 de la générosité, il nous semble essentiel. Le deuxième pilier c'est le fait que nous
06:02 sommes à parité totale. Donc Gonzague et moi on a créé Raise, mais dans la finance
06:07 c'est assez rare d'avoir la parité, je pense qu'on est à peu près la seule société
06:12 d'investissement qui a la parité totale. Ça ne nous a pas empêché de démarrer à
06:16 deux et d'être une centaine aujourd'hui, d'avoir deux milliards sous gestion, on espère
06:21 bientôt trois d'ici 2024, même si notre objectif c'est pas la course à la croissance.
06:27 Et ça nous a amené à une gouvernance en binôme. Donc Gonzague et moi nous sommes
06:33 tellement heureux de travailler ensemble que toutes nos équipes d'investissement sont
06:36 en binôme. Et ça apporte une chose essentielle, c'est que le dialogue est indispensable.
06:42 Personne ne peut dire "je", tout le monde dit "nous", et qu'avant toute décision,
06:47 le dialogue est total, et donc ça empêche les incompréhensions, les retours en arrière,
06:54 puisque il faut être deux pour décider, finalement comme dans la vie, comme dans un
06:59 couple, comme avec des amis, on met l'entreprise au diapason de la vraie vie si je puis dire,
07:06 et ça donne une performance beaucoup plus efficace, puisque les non-dits sont interdits,
07:13 et on est obligé de se confronter. Le troisième pilier, et c'est celui que vous avez beaucoup
07:18 évoqué ce matin, c'est que depuis le début nous mesurons tout ce que nous faisons, pas
07:23 simplement chez Reiz, mais dans toutes nos participations, et sur les 75 participations
07:29 que nous avons eues aujourd'hui, on en a 50 puisque certaines on les a cédées pour
07:35 le grand bonheur de nos actionnaires, puisqu'on apporte une rentabilité entre 10 à 15% à
07:40 nos actionnaires, donc on a une performance qui est au moins équivalente à celle des
07:44 autres fonds. Dès le départ, nous avons mis en place des mesures d'impact, et la
07:50 mesure d'impact elle est assez simple, elle s'appuie sur les ODD de l'ONU, et pour
07:55 chacune d'entreprises dans laquelle on investit, on va regarder quel est le KPI, ce qui est
08:01 le meilleur dans les ODD de l'ONU, et on va pouvoir mesurer en valeur et en volume la
08:07 croissance, la montée en puissance de cet ODD, et aussi l'impact de notre investissement
08:15 dans l'entreprise pour la croissance de cet ODD. Je vous donne un exemple pour être un
08:20 peu plus parlant, on a investi dans une entreprise qui s'appelle M2i, qui fait, moi ça m'amuse
08:25 beaucoup parce que ça fait des phéromones, et les phéromones c'est la confusion sexuelle
08:30 des insectes. Alors c'est génial parce que ça permet, quand vous voulez éviter la pyrale
08:34 du buis sur vos buis, vous projetez ça, les mâles vont se reproduire ailleurs, ils vont
08:39 arrêter d'embêter les buis, ils vont arrêter d'être en surpopulation, mais vous ne touchez
08:43 pas les abeilles, vous ne touchez pas tous les autres insectes qui sont indispensables
08:49 à la nourriture des abeilles que vous pouvez avoir à côté. Et bien depuis que nous avons
08:54 investi dans cette entreprise, cette entreprise a enlevé, si je puis dire, les pesticides
09:01 de l'Espagne et de la Pologne réunies, si on mesure en quantité de pesticides évités.
09:08 Donc c'est une manière de pouvoir mesurer l'impact que l'entreprise a sur l'environnement,
09:15 mais aussi l'impact que votre propre contribution, votre investissement a sur l'environnement.
09:23 Et nous y ajoutons des critères sociaux, parce que nous avons la conviction qu'on
09:28 arrivera à atteindre peut-être le 1,5%, mais en tout cas l'enjeu climatique, que si on
09:35 prend en compte le critère social. Et le troisième pilier, c'est l'innovation. Et l'innovation,
09:44 elle prend plusieurs formes, on a créé un lieu qui s'appelle RazeLab, qui est un lieu
09:49 d'innovation partagée entre les grands groupes et les start-ups, qui permet de regarder tous
09:53 les pain points que peuvent avoir les grands groupes. Et je veux juste donner un exemple
09:58 avant de conclure, le rouge à lèvres qui est quelque chose de très commun, en fait
10:05 c'est très très difficile à retraiter. Aujourd'hui vous savez qu'on ne peut plus jeter les invendus.
10:10 On a découvert une start-up en Pologne qui utilise le rouge à lèvres pour faire de
10:17 la peinture et donc ça rend rentable le recyclage du rouge à lèvres. Et par ailleurs on a fédéré
10:24 un certain nombre d'investisseurs et de sociétés de gestion, les investisseurs acceptant de
10:35 donner 50% de leurs revenus pour deux fondations qui sont Imagine et la fondation Dupont. Donc
10:45 on essaye de faire fructifier cette idée que la générosité est un moteur économique.
10:52 Et le but pour moi c'est pas de vous vendre Raise, mais simplement vous dire que, en fait,
10:59 chacun d'entre nous, on peut être un acteur radical de la transformation écologique.
11:04 Il faut juste se dire que c'est pas une transformation qu'on doit faire, c'est ce que je vous disais
11:09 au début, c'est pas une évolution qu'on doit faire. Au fond, ceux qui vont gagner,
11:14 c'est pas ceux qui s'adaptent, c'est ceux qui changent radicalement. Et c'est évidemment
11:19 plus facile si on fait comme nous et qu'on démarre de zéro. Mais si il y a un message
11:24 que je veux faire passer, c'est vraiment celui-là, c'est que la finance, qui est le moteur de
11:30 la croissance économique, doit être aujourd'hui au stade où elle doit radicalement se transformer
11:37 en ayant deux piliers, ce qu'explique très bien Patrick Ducambourg, le pilier financier,
11:42 mais le pilier extra-financier qui est à la fois environnemental et social. Je vous
11:47 remercie.
11:47 Merci beaucoup, Clara Guevara.
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12:03 Merci à tous !
12:05 Merci à tous !