The Good Forum #4 - Finance Durable
23 mai 2023
Invitée d'honneur
- Madame Marlène SCHIAPPA, Secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'Économie sociale et solidaire et de la Vie associative.
23 mai 2023
Invitée d'honneur
- Madame Marlène SCHIAPPA, Secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'Économie sociale et solidaire et de la Vie associative.
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00:00 Madame la ministre, le micro est à vous.
00:02 Eh bien merci, bonjour à toutes et à tous d'abord,
00:12 mesdames et messieurs les dirigeantes et dirigeants d'entreprises,
00:15 mesdames et messieurs les dirigeantes et dirigeants d'institutions financières,
00:19 de fonds, d'ONG, Madame la rédactrice en chef de The Good,
00:23 chère Emilie Kovacs, Madame la rédactrice en chef adjointe de l'Opinion,
00:26 chère Cécile Desjardins, chères toutes et tous,
00:29 mesdames et messieurs en vos différents grades et qualités.
00:31 D'abord je vous félicite pour l'organisation de ce temps de débat,
00:34 d'échange sur un sujet qui nous tient au combien à cœur.
00:37 Je vous remercie aussi chaleureusement pour cette invitation à ouvrir modestement
00:41 cette conférence qui pose des questions fondamentales
00:44 autour des questions de l'avènement de la finance durable
00:47 ou de la finance dite verte.
00:49 Alors contrairement à ce que disaient certains responsables politiques,
00:52 moi je ne dis jamais que la finance est mon ennemi,
00:55 je ne dis pas que la finance est mon amie non plus,
00:57 je dis que la finance est là et qu'il nous faut donc faire avec
01:00 et travailler avec elle pour tâcher d'en tirer le meilleur.
01:03 Je sais que vous êtes nombreux et nombreuses ici à être engagés de longue date
01:06 pour faire en sorte que la finance se mette justement vraiment,
01:09 concrètement au service de la transformation écologique et sociétale de notre pays
01:14 et même de systèmes plus globales financiers.
01:17 Et je sais que si vous êtes là, c'est que vous êtes engagés sur ces questions
01:20 que vous savez que nous devons changer de manière de produire,
01:23 de consommer sans quoi la terre deviendrait inhospitalière pour l'humanité
01:27 à court ou à moyen terme.
01:29 C'est aujourd'hui une réalité que nul dans la raison ne conteste.
01:33 Vos organisations dès aujourd'hui subissent d'ailleurs les coûts lourds
01:37 du changement climatique et notamment je pense à ses impacts humains et sociétaux.
01:41 Je sais à quel point les retours des clients sont importants pour vous
01:45 sur ce qu'ils disent sur le fait de faire face à des destructions d'actifs
01:48 lors d'inondations ou de méga-feux.
01:50 Ce sont les marchés financiers également transformés par le retour
01:54 à une certaine inflation, à la conséquence de pénuries de matières premières
01:57 alimentaires par exemple, qui a un impact là aussi.
02:01 Je crois que nous avons tous et toutes en tête désormais les ravages
02:04 des canicules jamais vues en Espagne, des inondations en Italie,
02:08 de la préfiguration d'un monde à +4°C.
02:11 C'était encore un sujet d'actualité ce matin avec l'apparition d'une nouvelle étude
02:15 sur ce sujet et de territoires entiers submergés de canicules
02:18 qui durent depuis des mois partout en Europe.
02:21 Face à ça, je pense que nous devons, nous, responsables politiques
02:25 et responsables publics au sens large, trouver une réponse autre
02:29 que l'éco-anxiété une fois qu'on a posé ce constat.
02:32 La question c'est comment on peut agir ensemble pour améliorer la situation.
02:37 Le président de la République Emmanuel Macron et les gouvernements
02:40 tâchent d'agir face à cela depuis maintenant deux quinquennats.
02:43 Je voudrais citer ici notamment la question de la loi AGEC
02:47 qui est une première mondiale dans de nombreuses dispositions
02:50 qui a été prise lors du précédent quinquennat sur la question du plastique,
02:53 notamment, et beaucoup d'entre vous y avez participé,
02:57 mais sur la question également de l'interdiction de la destruction
03:00 des invendus non alimentaires.
03:02 Nous sommes le premier pays au monde, grâce à la loi AGEC
03:05 et grâce à l'impulsion du président de la République, à interdire,
03:08 dans la loi, la destruction des invendus non alimentaires.
03:12 C'est fondamental à la fois pour la réduction des déchets,
03:15 mais aussi au-delà des enjeux économiques, pour des questions,
03:18 dirais-je, sociales et d'équité, puisque ce sont des objets
03:21 qui ne sont pas détruits et donc qui peuvent ensuite avoir une seconde vie.
03:25 Je veux saluer à cet égard le grand nombre de start-up,
03:29 d'innovations sociales, d'entreprises, d'associations
03:32 qui se montent dans le champ de l'économie sociale et solidaire
03:35 pour y apporter des réponses, justement, et qui créent des business models
03:38 qui fonctionnent autour de cette loi pour justement réfléchir
03:42 à ce que faisons-nous de ces invendus, puisque la destruction n'est plus possible.
03:46 On voit à quel point c'est un changement de paradigme,
03:48 mais à quel point ce changement de paradigme peut créer des opportunités,
03:51 y compris économiques, pour des entrepreneurs.
03:54 Alors 2023, c'est une accélération pour nous avec la loi sur l'industrie verte,
03:58 présentée il y a à peine 15 jours par mon collègue Roland Lescure,
04:01 le ministre de l'Industrie, avec une quinzaine de mesures
04:04 qui ont pour but de faire de la France leader de l'industrie verte en Europe.
04:08 Alors c'est une volonté politique, elle est louable, elle ne suffit pas en elle-même,
04:13 puisque finalement ce sont justement les industriels eux-mêmes,
04:16 dans leur capacité à se saisir de ces grandes transformations,
04:19 qui vont permettre à la France de réaliser cette grande ambition.
04:22 Je crois que la mobilisation, elle doit être collective et totale,
04:25 main dans la main, des collectivités et des entreprises, de l'État et des citoyens,
04:29 pour mener justement cette transformation en profondeur.
04:32 Dans le champ de l'économie sociale et solidaire, c'est une économie,
04:35 comme vous le savez, qui est durable par nature,
04:38 une économie qui vise à privilégier la coopération davantage que la compétition,
04:43 et qui tâche en tout cas d'apporter des solutions à ces enjeux.
04:47 Et nous avons chaque jour des porteurs de projets sur la question de la finance plus durable,
04:52 qui sont extrêmement importants, extrêmement engagés.
04:56 Et je partage avec vous un sentiment, mais vous en débattrez dans la suite
05:00 des tables rondes et des échanges, mais j'ai le sentiment qu'aujourd'hui,
05:03 c'est une volonté de la totalité des entreprises, quelle que soit leur taille.
05:07 Je n'ai pas une entreprise qui vienne me voir et qui ne me parle pas
05:10 des enjeux de RSE, des enjeux d'impact, des enjeux de sustainability,
05:14 des enjeux environnementaux, voire de la résolution des ODD à cet égard,
05:18 y compris dans le rôle que le secteur privé peut jouer,
05:21 et qui est tellement fondamental.
05:23 Donc je pense que ce constat et cet objectif, il est partagé,
05:26 et qu'ensuite il y a des débats et parfois des désaccords sur la manière
05:29 de réaliser cet objectif pour y répondre.
05:32 Mais je pense que c'est important de se dire que dans le champ
05:35 de l'économie sociale et solidaire que je représente aujourd'hui
05:38 et de la vie associative, il y a également une réflexion
05:41 qui se met en place pour lutter contre une forme de greenwashing
05:44 et pour s'interroger sur ce qu'est véritablement cette finance durable
05:47 ou cette finance verte.
05:49 Je pense par exemple à la start-up Lita, créée par Eva Sadoun,
05:52 qui se présente comme étant le yuka de la finance, et qui vise
05:55 à scanner notamment notre épargne pour voir si notre épargne durable
05:58 finance vraiment la repousse d'arbres dans les forêts amazoniennes,
06:02 ou si en fait on est sur 14% de financement green ou vert,
06:06 et que le reste reste de l'épargne classique.
06:09 Je pense que c'est extrêmement important de travailler aussi
06:12 sur cette transparence, et qu'il y a là aussi des idées d'entreprises
06:16 et des business models créés autour des questions de la finance durable
06:19 et de la finance verte, et qui allient à la fois une quête de sens
06:22 et une volonté de transformation extrêmement concrète
06:25 vers des modèles plus écologiques et plus soutenables,
06:28 et de véritables esprits d'entreprises qui sont soutenues,
06:32 financées, et qui à terme fonctionnent et trouvent véritablement
06:36 un marché et des consommateurs, et je trouve ça extrêmement important.
06:39 Il y a quelques mois, je vais organiser un colloque sur la finance durable.
06:43 En novembre dernier, dans le champ de l'économie sociale et solidaire,
06:47 j'avais promis à ce moment-là d'aller chercher des financements
06:50 partout où je pouvais en trouver pour soutenir ces projets,
06:53 notamment liés aux questions de finances durables.
06:55 C'est ce que nous faisons avec Bruno Bonnel, que vous connaissez,
06:58 secrétaire général au plan d'investissement France 2030.
07:01 Nous avons agi pour inclure le champ de l'économie sociale et solidaire,
07:04 mais aussi de l'innovation sociale, puisque nous sommes dedans,
07:07 pour qu'il puisse bénéficier des fonds destinés à financer
07:10 la transformation de l'économie. Nous avons aussi accéléré,
07:13 nous en parlions à l'instant, la signature des contrats impact,
07:16 ce dispositif de financement par l'État et par des organismes financiers
07:19 de projets innovants sur le plan écologique ou sociétal.
07:23 Et je veux citer également, parce que je donne des exemples
07:26 de l'économie sociale et solidaire, Envie d'autonomie, ou Toupie.
07:29 Ce sont plus de 15 millions d'euros qui sont engagés à cet égard.
07:33 Je pense aussi au PTCE, que vous connaissez peut-être,
07:36 les pôles territoriaux de coopération économique,
07:38 sur lesquels nous engageons 1,5 million d'euros,
07:40 pour faire en sorte de les relancer et de démontrer l'efficacité
07:43 de ce que Timothée Duverger appelle une responsabilité territoriale
07:47 d'une entreprise, car cette forme d'économie non délocalisable,
07:50 je crois qu'elle est extrêmement fondamentale, y compris
07:53 pour des questions de souveraineté économique de notre pays.
07:56 Très prochainement, et je m'en réjouis, je signerai une convention
07:59 à hauteur de 100 millions d'euros avec la Banque des Territoires
08:02 pour le financement de tels projets et de projets de l'économie sociale
08:05 et solidaire. Je remercie bien sûr la Banque des Territoires
08:08 pour son engagement et pour ses projets novateurs
08:12 que nous dirigeons et que nous finançons ensemble.
08:15 Vous toutes et tous ici, dirigeants de Fonds Impact,
08:18 vous êtes les partenaires au quotidien de ces entrepreneurs,
08:21 vous êtes partie prenante bien sûr de cette économie qui vise
08:24 l'intérêt général également et qui n'oppose plus la recherche
08:27 du bénéfice ou de l'équilibre budgétaire avec la recherche
08:30 de l'amélioration de la société dans son ensemble.
08:33 Je pense que vos activités, dont j'ai eu une présentation
08:36 extrêmement intéressante, et vos savoir-faire en matière
08:39 de financement de l'impact, ils sont désormais aussi des modèles
08:42 pour tous les établissements financiers qui veulent assurer
08:45 leur pérennité face aux défis du monde. Je suis convaincue
08:48 que sur ces grands enjeux sociétaux, l'État ne peut pas tout seul
08:51 et forcer d'avouer que très souvent la société civile
08:54 et la société économique notamment est en avance par rapport
08:57 aux actions de l'État qui ensuite modélise ses politiques publiques
09:00 en fonction de cela. Et je crois que c'est en nous mobilisant
09:03 toutes et tous, institutions financières, entreprises,
09:06 secteurs de l'ESS, que nous réussirons à vraiment faire bouger
09:09 les lignes de la finance. Je veux conclure avec un petit message
09:12 peut-être un peu plus personnel. Peut-être certains d'entre vous
09:15 me connaissent et savent à quel point je suis attachée aux enjeux
09:18 de communication, parce que je suis intimement persuadée
09:21 que communiquer, ce n'est pas seulement vendre un produit
09:24 ou promouvoir sa marque, mais c'est aussi créer un imaginaire
09:27 dans la société et parfois faire bouger les lignes.
09:30 Et donc je souhaite humblement de la place qui est la mienne
09:33 au gouvernement, vous inciter à communiquer sur vos engagements.
09:36 Je le dis parce que j'ai très souvent reçu des entrepreneurs,
09:39 des investisseurs qui hésitaient à communiquer sur le caractère
09:42 durable ou vert, ou écologique ou environnemental
09:45 de leurs actions, en me disant qu'ils avaient peur d'être taxés
09:48 de faire du greenwashing, ou qu'ils avaient peur ensuite
09:51 qu'on examine très exactement quels sont leurs engagements
09:54 et qu'on les mette à défaut entre la communication et la réalité
09:57 de ce qui est fait. Mais moi je suis convaincue que communiquer,
10:00 c'est aussi engager sa filière, engager son secteur,
10:03 réaliser aussi parfois la concurrence quand elle existe,
10:06 mais également communiquer sur ses nouveaux objectifs
10:09 et créer justement ce nouveau consensus commun
10:12 et ce nouvel imaginaire en nous donnant des objectifs communs.
10:15 Je pense que nous sommes dans une période où nous vivons
10:18 hélas tellement de divisions, tellement de violences
10:21 dans le débat public, qu'elles soient symboliques, verbales
10:24 ou même encore récemment physiques, à l'endroit de personnes
10:27 qui s'engagent pour le bien commun, et je dis ça en pensant
10:30 aux trois policiers et à l'infirmière qui en l'espace de 24 heures
10:33 ont été hélas tuées de manière extrêmement violente.
10:36 Et je fais le lien avec nos sujets parce que je pense
10:39 que notre société a terriblement besoin de commun, d'espoir,
10:42 de positivité. J'en terminerai avec un autre sujet d'actualité,
10:45 la question de la relance de la natalité,
10:48 qui peut sembler n'avoir aucun rapport avec la finance durable,
10:51 mais je suis personnellement convaincue qu'il y a un lien très fort
10:54 parce que quand on écoute les jeunes générations, les 15-25 ans,
10:57 qui nous parlent d'éco-anxiété et qui nous disent à quel point
11:00 ils peuvent avoir peur de l'avenir et être démunis face
11:03 au manque de solutions vis-à-vis de la transition écologique,
11:06 je suis absolument persuadée que démontrer que l'économie
11:09 peut s'adapter, peut changer, peut être moteur et force
11:12 de progrès et d'engagement vis-à-vis de l'écologie
11:15 est aussi de nature à donner confiance à ces jeunes générations
11:18 dans l'avenir et à redonner un peu d'espoir,
11:21 puisque je pense que c'est ce dont nous avons besoin
11:24 dans notre vie courte. Je vous remercie très sincèrement
11:27 pour votre engagement. Je vous souhaite de très bons débats
11:30 et une excellente journée. Merci à vous.
11:33 [SILENCE]