• l’année dernière
Avec Vincent Delahaye, Vice-Président du Sénat, rapporteur de la commission d'enquête sur larégulation et l'évolution des concessions autoroutières, Jean Yves le Gallou Ancien député européen /Président de Polémia/ Essayiste | Animateur d'i média sur TV Libertés /Cofondateur de l'Institut Iliade et Driss Ghali, essayiste et conférencier, auteur de « Une contre-histoire de ka colonisation Française » aux Editions Jean-Cyrille Godefroy

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##BERCOFF_DANS_TOUS_SES_ETATS-2023-05-25##

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Transcription
00:00:00 Sud Radio Bercov dans tous ses états, le fait du jour.
00:00:04 Mais l'autoroute, non seulement on sait à quoi ça sert, mais combien ça coûte.
00:00:10 Et oui, de temps en temps il faut quand même se poser la question.
00:00:13 Et là, et là, il y a eu effectivement, en tout cas un brûlot, en tout cas une bombe,
00:00:21 je ne sais pas, on l'appelle comme on veut, mais il y a quand même le lébdomadaire Marianne
00:00:26 a publié il y a juste, il y a quelques jours, c'était samedi dernier je crois,
00:00:31 a publié ceci.
00:00:33 Deux enquêteurs ont dit, voilà, ils parlent du plan de relance autoroutier de 2015.
00:00:40 Je rappelle, je rappelle rapidement, que en 2015 le gouvernement avait négocié un plan de relance autoroutier, le PRA,
00:00:47 un vaste programme de travaux d'aménagement des autoroutes pour un montant total de 3,2 milliards d'euros
00:00:55 auprès des sociétés concessionnaires de Vinci, Eiffage et Albertis.
00:00:59 Alors il y avait un coût de pouce de 9 milliards d'euros, les entreprises privées auraient vu leur concession prolongée pour une durée de 3 ans, etc.
00:01:08 Et qui participait à ces négociations ?
00:01:10 À l'époque, je rappelle 2015, Emmanuel Macron alors ministre de l'économie,
00:01:15 son directeur de cabinet Alexis Collère, qui est aujourd'hui secrétaire général du gouvernement,
00:01:20 de l'Elysée, pardon, pas du gouvernement, et ainsi que Ségolène Royal, qui était alors ministre de l'écologie,
00:01:26 et sa directrice de l'époque, qui n'était autre qu'Elisabeth Borne, l'actuelle première ministre.
00:01:32 Alors, que disent, juste quelques mots, les journalistes de Marianne ?
00:01:37 Il dit, écoutez, il y a un problème, est-ce que le gouvernement aurait, aurait, parce qu'on est au conditionnel,
00:01:44 tant qu'aurait commis un faux pour protéger Emmanuel Macron, Alexis Collère et Elisabeth Borne ?
00:01:50 Parce que, voilà, il y a eu effectivement un programme de 3 milliards de, de, de, de, de, 2 milliards de travaux,
00:01:58 et les journalistes de Marianne disent, mais aucun, aucune étude préparatoire.
00:02:03 En tout cas, pour bien, bien, éditeurs de Sud Radio, bien poser le problème,
00:02:08 Claire Landay, haute fonctionnaire de la SGG, a dit ceci, après de multiples recherches,
00:02:17 "Aucun rapport détenu par les services de l'État, entre 2013 et 2015,
00:02:22 ayant servi à l'élaboration des avenants au contrat de concession autoroutière, n'a été identifié.
00:02:27 Aucun rapport, pour des sommes s'élevant à plusieurs milliards de dollars."
00:02:32 Bonjour, monsieur le sénateur, bonjour Vincent Delahaye.
00:02:35 - Bonjour André Percoff.
00:02:37 - Vous êtes vice-président du Sénat, vous êtes rapporteur de la commission d'enquête sur la régulation et l'évolution des concessions autoroutières.
00:02:44 Alors, pour revenir au fond, est-ce qu'il y a eu des rapports ou pas ?
00:02:47 Parce que c'est vrai que cette, enfin, en tout cas cette enquête de, de, de, des journalistes de Marianne,
00:02:53 sème, c'est le moins que l'on puisse dire, au moins le trouble.
00:02:56 Mais, est-ce que, mais on parle évidemment au conditionnel, quand on concerne l'information,
00:03:01 mais, au fond, cette concession des autoroutes, parce qu'au-delà de ça,
00:03:05 beaucoup, à droite comme à gauche, l'ont contesté en disant "Pourquoi l'État a-t-il abandonné les autoroutes ?
00:03:12 Pourquoi l'a-t-il pas gardé ? Après tout, tout cet argent qui est déversé aurait pu remplir les caisses de l'État."
00:03:18 Dites-nous, Vincent Delahaye.
00:03:20 - Alors, il y a plusieurs questions dans votre question.
00:03:24 Donc, d'abord les rapports. Nous, on n'a pas eu de rapport sur le protocole de 2015,
00:03:29 qui intégrait le plan de relance autoroutier, dont vous avez parlé, de 3 milliards 2.
00:03:33 Nous n'avons pas eu de rapport, ni de note particulière, ce qui est pas normal.
00:03:39 - Ce qui est quand même étonnant, quand même, non ?
00:03:41 - C'est très étonnant, puisque le protocole lui-même, il a mis du temps, en fait, à être rendu public.
00:03:46 Il a fallu des interventions de militants écologistes et d'autres,
00:03:50 pour obtenir la publication de ce protocole, ce qui est quand même pas normal.
00:03:54 Et Ségolène Royal a déclaré en audition qu'elle ne connaissait pas le contenu avant d'avoir vu dans la presse.
00:04:03 - Ah oui, c'est intéressant. Elle était ministre à l'époque.
00:04:06 - Voilà, elle était ministre. Elisabeth Borne, sadière, actrice de cabinet.
00:04:09 Et elle a signé sans connaître le contenu.
00:04:11 Et c'est vrai qu'on a du mal, en fait, à connaître les éléments de la négociation
00:04:16 qu'il y a pu y avoir entre le gouvernement de l'époque et les sociétés d'autoroutes.
00:04:21 Et qu'après coup, quand on regarde, on s'aperçoit qu'en fait,
00:04:25 la compensation est nettement favorable aux sociétés d'autoroutes.
00:04:29 Donc les 3 ans supplémentaires, les 3 ans de contrat supplémentaires,
00:04:32 rapportent beaucoup plus que les 3 milliards d'euros de dépenses qu'ils devaient faire en investissement.
00:04:36 - Est-ce qu'on a une idée, justement, monsieur le sénateur,
00:04:39 est-ce qu'on a une idée de ce que ces 3 ans supplémentaires ont rapporté ou rapportent par rapport aux 3 milliards d'euros ?
00:04:45 Est-ce qu'on a une idée du montant ?
00:04:46 - Bah écoutez, de mémoire, c'était à peu près 4 milliards de plus que les 3 milliards d'euros.
00:04:50 Donc ça devait faire autour de 7 milliards d'euros.
00:04:52 - C'est pas mal.
00:04:53 - Donc ça fait pas mal.
00:04:54 - Et comment expliquer, alors, où on en est par rapport à ça ?
00:04:59 Comment expliquer cette opacité ?
00:05:01 Parce que c'est... Non mais je veux dire, une somme, un plan d'investissement aussi fort et sans rapport,
00:05:06 sans rapport et afférent, c'est quand même plus que troublant.
00:05:10 - Malheureusement, c'est un sujet, les autoroutes, alors on commence à en parler beaucoup,
00:05:13 et je vous remercie d'en parler, mais c'est vrai que c'est un sujet sur lequel il y a eu un peu d'omerta
00:05:18 pendant de longues années, parce que personne ne veut en parler,
00:05:21 que les sociétés d'autoroutes considèrent qu'elles ont des contrats dont il ne faut pas toucher une seule virgule,
00:05:25 et du coup, c'est un sujet où la transparence ne règne pas.
00:05:30 Et vous voyez, il y a eu une récente question du gouvernement au Conseil d'État
00:05:35 sur la possible réduction éventuellement de la durée des contrats.
00:05:38 Mais cette question, en fait, n'a pas été rendue publique.
00:05:42 Donc en fait, on ne la connaît pas, j'espère que la réponse du Conseil d'État sera rendue publique,
00:05:47 mais vous voyez, il y a un manque de transparence, et en démocratie, la transparence, c'est quand même la base.
00:05:51 - Vous avez tout à fait raison.
00:05:53 - L'information pour qu'on puisse débattre sereinement et raisonnablement de tous les sujets.
00:05:58 Et là, c'est un sujet sur lequel, effectivement, on commence à avoir un peu plus de transparence,
00:06:02 mais ça manque beaucoup, et du coup, en 2015, il n'y avait rien du tout.
00:06:05 Et c'est évident qu'il y a eu des rapports préparatoires, qu'il y a eu des notes,
00:06:09 qu'il y a eu des discussions, il y avait des négociations,
00:06:13 donc il y avait forcément des éléments liés à cette négociation.
00:06:16 - Mais aujourd'hui, comme par hasard, on ne les retrouve pas, on ne peut pas en parler,
00:06:20 bon, c'est quand même un petit peu surprenant.
00:06:23 - Non, c'est ça qui est étonnant, parce qu'évidemment, un projet pareil, vous imaginez, de cette ampleur,
00:06:28 évidemment, comme vous dites, il y a eu des papiers, mais dites-moi,
00:06:30 justement, le Sénat, qui s'est caractérisé, et bien, par un certain nombre de commissions d'enquête,
00:06:36 ces années récentes, et surtout ces mois récents,
00:06:39 est-ce qu'il y aurait une possibilité, est-ce que le Sénat va, ou ne va pas,
00:06:43 s'emparer, en tout cas, de dire "pourquoi on ne crée pas une commission d'enquête
00:06:46 pour savoir exactement ce qui s'est passé ?" 2015 n'est pas si loin, quand même.
00:06:50 - Alors, ce n'est pas possible, pour l'instant, j'ai pris connaissance de l'article de Marianne,
00:06:55 c'est vrai qu'on a fait, nous, une commission d'enquête en 2020,
00:06:58 on ne peut pas en faire tous les ans non plus sur les mêmes sujets,
00:07:01 c'est-à-dire qu'il y a des commissions d'enquête sur différents sujets,
00:07:03 mais en tout cas, ça peut valoir une mission d'information,
00:07:06 ou quelque chose qui puisse prolonger notre travail.
00:07:10 De toute façon, c'était notre volonté, en fait, de faire vivre notre rapport,
00:07:13 et je suis content qu'ils vivent aujourd'hui, et qu'ils servent de base à pas mal de travaux sur les autoroutes,
00:07:19 et c'est vrai que ça serait quelque chose, même si on est un peu plus tourné vers l'avenir,
00:07:24 vers la préparation de l'avenir, mais l'éclairage du passé est toujours intéressant aussi,
00:07:28 pour voir un peu ce qui s'est passé, et pas renouveler les erreurs si on en a fait,
00:07:31 c'est toujours intéressant.
00:07:33 - Mais vous savez, en fait, si évidemment ça provoque autant de...
00:07:38 enfin, en tout cas, quelques bruits, c'est le moins que... voilà, de remous,
00:07:41 c'est le moins que l'on puisse dire, c'est parce que ça concerne trois personnes
00:07:45 qui, à l'époque, jouaient déjà un rôle non négligeable,
00:07:49 mais qu'aujourd'hui sont à la tête de l'État.
00:07:52 Emmanuel Macron, Alexis Colère, qui est considéré comme son cerveau droit,
00:07:57 Elisabeth Borne, Première ministre, même si Ségolène Royal n'est plus effectivement,
00:08:03 en tout cas, en pleine lumière, mais ce qui est étonnant, c'est que...
00:08:07 alors on va voir, évidemment, vous allez me dire "c'est paru il y a quelques jours",
00:08:10 mais est-ce que ces personnes-là, à votre avis, je parle aussi bien aux sénateurs qu'aux citoyens,
00:08:15 qu'au vice-président du Sénat, bien sûr, est-ce que ces personnes,
00:08:19 quelles qu'elles soient, elles auraient pu être quelqu'un de gauche, de droite, du centre, etc.,
00:08:23 ne devraient-elles pas s'expliquer un peu là-dessus, pour dire,
00:08:27 soit pour démentir, soit pour dire "mais non, les rapports sont là", etc.
00:08:30 Ce qu'on ne comprend pas à chaque fois, c'est ce silence,
00:08:33 c'est ce "circuler et rien avoir", Vincent Delay.
00:08:36 - Oui, ça c'est une formule que j'ai déjà utilisée pour les autoroutes,
00:08:39 mais c'est vrai qu'elle revient assez souvent, dès qu'on pose des questions.
00:08:42 Moi, je considère que, de toute façon, tout responsable public
00:08:45 et les protagonistes de l'époque, qui sont aujourd'hui, effectivement,
00:08:48 sur des responsabilités très importantes au sommet de l'État,
00:08:51 c'est évident, pour moi, qu'il devrait y avoir des explications qui soient données.
00:08:55 On ne peut pas, comme ça, soulever un certain nombre de questions,
00:08:58 sans avoir de réponses, et j'espère qu'on n'attendra pas
00:09:02 plusieurs années avant d'avoir les réponses.
00:09:04 Parce que c'est évident qu'au niveau des services de l'État
00:09:08 et du gouvernement de l'époque, il y a eu un travail préparatoire
00:09:12 qui a dû être formalisé, c'est pas possible autrement.
00:09:14 - Et qui a dû durer quelques mois, au moins, si l'on peut le souhaiter.
00:09:17 - Oui, et qui a duré quelques mois, même si le gouvernement de l'époque
00:09:19 était sous pression, parce que Ségolène Royal avait pris
00:09:22 une décision un peu solitaire de gêne des tarifs pour 2015.
00:09:28 En fait, ce gêne des tarifs 2015, on l'a payé jusqu'en 2023,
00:09:33 et on l'a surpayé à nouveau.
00:09:35 A chaque fois, on surpaye des choses, et c'est vrai que c'est assez pénible,
00:09:40 parce qu'au bout du compte, c'est les usagers qui payent.
00:09:43 Donc, il y a un moment donné où il faut quand même faire la clarté
00:09:47 sur ce sujet et mettre tout sur la table pour qu'on puisse débattre
00:09:51 de façon sereine, parce que certains veulent reprendre au niveau de l'État
00:09:55 la gestion des autoroutes, je pense pas que ce soit une bonne chose.
00:09:58 Je pense que la concession est plutôt une bonne chose,
00:10:00 mais à condition qu'on ait un bon contrat et un bon suivi.
00:10:03 - C'est ça, j'allais vous poser la question.
00:10:04 Vous, vous êtes plutôt pour rester dans ce cadre-là de la privatisation.
00:10:08 - Moi, je trouve que la concession à des sociétés privées,
00:10:11 en fait, les autoroutes appartiennent toujours à l'État.
00:10:14 En fait, c'est leur gestion qui est concédée à ces sociétés privées.
00:10:17 Et à partir du moment où on a un bon contrat et un bon suivi,
00:10:20 c'est une formule qui est gagnante pour tout le monde.
00:10:23 On a des gens compétents qui font le travail et qui le font bien.
00:10:26 Souvent, les services, vous savez, les services de l'État,
00:10:28 je dire pas toujours parfaitement.
00:10:30 Il y a pas mal de domaines dans lesquels on pourrait avoir
00:10:32 des grosses critiques sur la gestion de l'État.
00:10:34 Donc, se dire "ça va être la gestion de l'État, ça va être parfait,
00:10:37 on va récupérer l'argent", c'est pas vrai.
00:10:38 En fait, on va en dépenser plus, et du coup, au bout du compte,
00:10:41 on en aura moins.
00:10:42 - À une condition, monsieur le sénateur, c'est que le citoyen
00:10:47 qui prend sa voiture ne soit pas autotest,
00:10:51 ne découvre pas la surtaxation des prix de l'autoroute.
00:10:54 Parce que ça monte, ça monte.
00:10:56 - C'est évident, mais c'est monté beaucoup trop haut.
00:10:58 Et ça, c'est le contrat aussi qui est mal pistolé.
00:11:00 Là, c'est une erreur initiale.
00:11:02 C'est une erreur initiale.
00:11:03 Quand Jospin a commencé à ouvrir le capital des autoroutes
00:11:07 du sud de la France à Vinci, puis de Villepin,
00:11:09 la totalité du capital, c'est vrai qu'à ce moment-là,
00:11:12 ils auraient dû revoir les contrats.
00:11:14 C'est pas possible qu'on indexe sur 70% de l'inflation,
00:11:17 alors que les charges des sociétés d'autoroutes
00:11:19 ne sont pas du tout à cette hauteur-là.
00:11:21 - Oui, c'est ça. On a indexé d'un côté, pas de l'autre.
00:11:23 - Et aujourd'hui, avec l'augmentation de 4,75, en 2023,
00:11:27 on leur donne 300 millions de profits supplémentaires par an.
00:11:30 Donc, c'est vrai qu'il y a quelque chose qui ne va pas.
00:11:33 Et c'est pour ça que nous, on pousse énormément
00:11:36 à ce qu'on puisse se mettre autour de la table
00:11:38 et qu'on force, on oblige les sociétés d'autoroutes
00:11:40 à se mettre autour de la table, parce que
00:11:42 elles font la stratégie de l'héndronome, c'est-à-dire que
00:11:44 si effectivement, le CQB, il n'y a rien à voir,
00:11:46 on reste sur nos contrats et on n'en bouge pas.
00:11:48 Et ça, c'est une situation qui n'est pas tenable.
00:11:50 - Donc, il appartient, comme vous dites, aux parlementaires,
00:11:52 peut-être, de faire pression, au bon sens du terme.
00:11:55 - Nous, on fait pression au maximum,
00:11:58 et ce qu'on souhaite, c'est que le rapport de force s'inverse,
00:12:01 et que ce soit la puissance publique qui soit en rapport de force,
00:12:04 et pas les sociétés d'autoroutes.
00:12:06 C'est pas possible que des sociétés concessionnaires
00:12:08 soient en position de force par rapport au consédant qu'est l'État.
00:12:11 - Eh bien, moi, je suis sûr, Vincent Delahaye,
00:12:13 que si Emmanuel Macron, Alexis Colère
00:12:16 et Elisabeth Borne y mettaient du leur,
00:12:19 eh bien, les sociétés, peut-être, s'aideraient.
00:12:22 - Ah, ben, je suis sûr qu'en tout cas,
00:12:24 on aurait une situation plus confortable et plus normale,
00:12:27 et plus favorable, à la fois aux usagers,
00:12:29 et aussi à la puissance publique,
00:12:31 qui doit y retrouver ses petits.
00:12:33 Et là, aujourd'hui, ce n'est plus le cas.
00:12:35 Donc, c'est pour ça qu'on insiste beaucoup, nous,
00:12:37 depuis quelques années, là,
00:12:39 et puis, on est content que dans les médias aussi,
00:12:41 on en parle beaucoup. Je pense que ça intéresse les Français.
00:12:43 Et c'est vrai que c'est un sujet sur lequel
00:12:45 il faut qu'on ait de la clarté et de la transparence.
00:12:47 - Eh bien, écoutez, on suivra ça. En tout cas,
00:12:49 merci pour vos éclaircissements, Vincent Delahaye.
00:12:51 - Merci à vous.
00:12:53 - Contre Ibercoff.
00:12:55 Ibercoff, dans tous ses États, ça balance pas mal sur Sud-Radis.
00:12:58 - À chaque fois, on revient là-dessus,
00:13:00 on se dit, mais écoutez,
00:13:02 confrontons deux édifices républicains.
00:13:05 Liberté, égalité, fraternité.
00:13:07 Mais le premier, c'est liberté.
00:13:09 Mais en ce moment,
00:13:11 il y a quelques petits,
00:13:13 comment on peut dire,
00:13:15 dysfonctionnements,
00:13:17 arrêts,
00:13:19 liberté.
00:13:21 Alors, on dit, oui, mais liberté, c'est pas de dire n'importe quoi
00:13:23 sur n'importe qui. Certes,
00:13:25 mais quand la liberté de manifestation commence
00:13:27 à vraiment poser des problèmes,
00:13:29 et ça va plus loin,
00:13:31 car la liberté de
00:13:33 colloquer, de faire une conférence,
00:13:35 de se réunir,
00:13:37 et bien là,
00:13:39 et quand elle
00:13:41 encourt les ciseaux d'anastasie
00:13:43 et carrément l'interdiction du ministère de l'Intérieur,
00:13:46 là, on peut vraiment se poser des questions,
00:13:49 et comme on s'est posé des questions, rappelez-vous,
00:13:51 quand tel ou tel universitaire
00:13:53 a été interdit de conférence dans tel ou tel université,
00:13:56 ça vaut à tous les niveaux.
00:13:58 C'est-à-dire que si vous n'êtes pas dans
00:14:00 les chemins balisés,
00:14:02 dans les passages cloutés,
00:14:04 dans le conformisme le plus total,
00:14:06 que ce soit à droite ou à gauche,
00:14:08 ou ailleurs, et bien, attention,
00:14:10 là aussi, ce n'est pas
00:14:12 circulaire et rien à voir,
00:14:14 c'est de cause toujours,
00:14:16 parce que ça n'intéresse personne.
00:14:18 J'arrive le galou, bonjour.
00:14:20 - Bonjour André Bercoff. - Vous êtes ancien député
00:14:22 européen, président de l'Institut Polymya,
00:14:24 mais là, vous venez à titre de cofondateur
00:14:26 de l'Institut Iliade,
00:14:28 qui est un institut de droite,
00:14:30 dire, il n'y a pas de problème, et qui
00:14:32 voulait faire, racontez-nous,
00:14:34 un colloque sur l'écrivain,
00:14:36 l'écrivain Dominique Weynère,
00:14:38 qui s'est, on le rappelle, suicidé il y a
00:14:40 quelques années, en pleine Notre-Dame,
00:14:42 en pleine cathédrale Notre-Dame.
00:14:44 Alors, de quoi s'agissait-il
00:14:46 et qu'est-ce qui s'est passé ? - Alors, d'abord,
00:14:48 l'Institut Iliade, au fond, est un
00:14:50 think-tank civilisationnel.
00:14:52 Nous nous attachons à lutter contre
00:14:54 le grand effacement et à
00:14:56 remettre au premier... - Le grand remplacement aussi ?
00:14:58 - Oui, mais c'est le grand
00:15:00 effacement qui permet le grand remplacement.
00:15:02 Et nous, notre combat
00:15:04 principal, c'est de lutter contre
00:15:06 le grand effacement, de remettre
00:15:08 en avant la tradition européenne,
00:15:10 l'histoire européenne, les humanités européennes.
00:15:12 Et là-dessus, nous sommes dans la
00:15:14 ligne de Dominique Weynère,
00:15:16 effectivement, qui a écrit
00:15:18 un très beau livre qui s'appelle "Histoire et
00:15:20 Tradition des Européens",
00:15:22 et à l'occasion du dixième anniversaire
00:15:24 de sa mort, nous avions
00:15:26 prévu un colloque
00:15:28 d'hommage
00:15:30 et de réflexion...
00:15:32 - Un colloque, pas une marche, pas une manifestation ?
00:15:34 - Un colloque dans un lieu
00:15:36 privé, au pavillon
00:15:38 Wagram, avenue Wagram
00:15:40 à Paris, absolument pas
00:15:42 en extérieur, un colloque
00:15:44 pour émission des intellectuels,
00:15:46 pour évoquer
00:15:48 un certain nombre d'aspects de l'œuvre
00:15:50 écrite des essais de Dominique Weynère,
00:15:52 qui, je rappelle, a quand même
00:15:54 eu un prix de l'Académie
00:15:56 française au cours de sa carrière
00:15:58 d'écrivain et d'essayiste. - Donc,
00:16:00 Claude Demeure, vous attendiez à peu près combien de personnes ?
00:16:02 - Nous attendions
00:16:04 250 à 300 personnes, c'est un petit colloque
00:16:06 par rapport à celui que nous avions fait
00:16:08 au mois d'avril, et pour lequel
00:16:10 nous avions reçu
00:16:12 1400 personnes à la Maison de la Chimie.
00:16:14 - Alors, on annonce,
00:16:16 qu'est-ce qui s'est passé ? On vous dit
00:16:18 "ah non non, vous pouvez pas...", qu'est-ce qui s'est passé ?
00:16:20 - Alors, qu'est-ce qui se passe ? Le colloque
00:16:22 a lieu le 21 mai,
00:16:24 qui correspond à la date anniversaire de la mort
00:16:26 de Dominique Weynère. - C'était donc, ça devait se tenir
00:16:28 lieu hier. - Ça devait se tenir
00:16:30 le dernier dimanche, là.
00:16:32 - Le dernier dimanche, il y a trois jours.
00:16:34 - Et, monsieur Bousquet,
00:16:36 le directeur de la Nouvelle Librairie, qui n'est pas
00:16:38 au numéro un organisateur du colloque,
00:16:40 l'éditeur François Bousquet,
00:16:42 reçoit à 15h30
00:16:44 le samedi,
00:16:46 à 15h30 le samedi, la veille,
00:16:48 une information
00:16:50 de la préfecture de police,
00:16:52 comme quoi le colloque est interdit.
00:16:54 Notons que
00:16:56 la notification est
00:16:58 indu, puisqu'elle n'est pas faite à la
00:17:00 personne compétente au sens
00:17:02 juridique du terme. - Qui est l'institut
00:17:04 Hiliade. - Qui est l'institut Hiliade,
00:17:06 qui est l'organisateur du colloque. - D'accord.
00:17:08 - Et donc, nous avons deux heures, malgré tout,
00:17:10 pour déposer
00:17:12 très rapidement
00:17:14 un référé,
00:17:16 un référé
00:17:18 de liberté auprès du tribunal
00:17:20 administratif de Paris, ce que nous faisons,
00:17:22 mais nous n'avons pas de réponse,
00:17:24 et lors
00:17:26 de la réunion du
00:17:28 colloque, donc le dimanche,
00:17:30 à 14h30, il y a un
00:17:32 cordon de policiers
00:17:34 qui est venu
00:17:36 de Wagram, ils n'ont sans doute rien d'autre
00:17:38 à faire, il n'y a pas de problème à Paris, vous le savez,
00:17:40 donc il y a un cordon de policiers
00:17:42 qui bloquent
00:17:44 l'entrée, qui empêchent
00:17:46 de débattre. - Qui empêche les spectateurs.
00:17:48 - Voilà l'état de la
00:17:50 liberté d'expression, voilà l'état de la
00:17:52 liberté de réunion en France.
00:17:54 - Alors attendez Jean-Hilaud Glaoui, ça parait
00:17:56 quand même hallucinant, parce que
00:17:58 une manifestation, ça se discute, et encore,
00:18:00 mais un colloque,
00:18:02 dans un endroit fermé, clos de mur,
00:18:04 etc., avec 250 personnes, alors
00:18:06 quelles raisons ils ont données là, dans la réalité ?
00:18:08 - Alors, il s'évoque deux raisons,
00:18:10 d'abord ils reviennent
00:18:12 sur le passé de Dominique Wehner, qui effectivement
00:18:14 a été condamné à de la prison
00:18:16 au moment de l'Algérie française, c'est-à-dire, il y a
00:18:18 60 ans,
00:18:20 fait pour lesquels il a été,
00:18:22 comme tout le monde, amnistié
00:18:24 en 1968. - Oui, il y a eu un non-lieu.
00:18:26 - Je rappelle au passage que M. Chirac,
00:18:28 à juste titre, avait fait
00:18:30 grand croix de la Légion d'honneur,
00:18:32 le commandant de Noix-de-Saint-Marc,
00:18:34 qui avait été condamné à l'époque, non pas
00:18:36 à 10 mois de prison,
00:18:38 mais à 10 ans de réclusion
00:18:40 criminelle. - Donc, le passé
00:18:42 de Dominique Wehner. - C'est un argument qui ne tient pas.
00:18:44 Ce dont nous allions
00:18:46 parler n'était absolument pas ce passé
00:18:48 activiste,
00:18:50 mais tout simplement de son œuvre
00:18:52 littéraire, qui
00:18:54 l'a écrit, des années
00:18:56 1970 aux années
00:18:58 2010. - D'accord. - Rien à voir.
00:19:00 - Revenons à leur seconde raison. - Deuxième argument
00:19:02 qui est essentiel. Alors là, c'est
00:19:04 hallucinant. - C'est quoi ? - Des propos
00:19:06 pourraient être tenus
00:19:08 qui inciteraient
00:19:10 à la haine, donc c'est
00:19:12 une atteinte à l'ordre public,
00:19:14 et donc comme c'est une atteinte à l'ordre public,
00:19:16 nous supprimons. Alors, précisons
00:19:18 une chose, c'est vraiment, c'est Orwellien,
00:19:20 on vous soupçonne... - Oui, c'est ça.
00:19:22 - ...de commettre un délit. - Avant que ce soit tenu ou
00:19:24 voulu, vous pourriez tenir tel ou tel
00:19:26 propos, donc on interdit. - Je précise
00:19:28 au passage qu'aucun des
00:19:30 intervenants prévus n'a jamais
00:19:32 été condamné
00:19:34 au titre de loi Pleven, puisqu'en l'occurrence
00:19:36 ça ne vous a pas plu à Pleven. - Non mais Jaïb Le Gallou, vous ne savez même pas de dire ça,
00:19:38 attendez, le problème grave, le
00:19:40 scandale, c'est que vous n'avez
00:19:42 pas tenu, c'est-à-dire avant que ça se tienne,
00:19:44 on pourrait avoir, vous avez le
00:19:46 soupçon que vous pourriez tenir des
00:19:48 propos haineux, donc on vous interdit.
00:19:50 - Absolument. On passe de la présomption
00:19:52 d'innocence à la présomption
00:19:54 de culpabilité. Donc c'est
00:19:56 un basculement juridique, si vous voulez.
00:19:58 C'est pour ça que le recours que Lilliade
00:20:00 va faire est très important,
00:20:02 les recours que Lilliade va faire sont très importants, pas seulement
00:20:04 pour Lilliade, mais pour l'ensemble
00:20:06 de notre dispositif de liberté publique.
00:20:08 Est-ce qu'on garde le principe de
00:20:10 la fin de la censure préalable
00:20:12 qui a été supprimée par la loi
00:20:14 de 1880 ? Est-ce qu'on garde
00:20:16 le principe de la liberté de réunion ?
00:20:18 Loi de 1907, arrêt Benjamin
00:20:20 du Conseil d'État ? Où est-ce qu'on abandonne ?
00:20:22 Est-ce qu'on garde le principe de la présomption
00:20:24 d'innocence ? Où est-ce qu'on adopte
00:20:26 la présomption de culpabilité ? Et est-ce qu'on
00:20:28 considère que c'est toujours au juge pénal
00:20:30 de juger des délits d'opinion ?
00:20:32 Où est-ce que c'est les tribunaux administratifs
00:20:34 qui peuvent, par avance,
00:20:36 décider que dans telle ou
00:20:38 telle réunion, on peut tenir des propos
00:20:40 qui ne seraient pas compatibles avec
00:20:42 la loi de Pleven ? - C'est assez hallucinant
00:20:44 franchement, et je dis à tous
00:20:46 les auditeurs, on aurait dit la même chose
00:20:48 s'il y avait eu une réunion dite d'extrême-gauche
00:20:50 ou autre, c'est hallucinant de faire
00:20:52 une présomption de culpabilité et de prévoir
00:20:54 ce qui va se dire. Merci Jean-Yves Le Gallou,
00:20:56 en tout cas on va suivre l'affaire
00:20:58 et vous reviendrez pour nous parler
00:21:00 des suites données à cette affaire. - Merci André Bercoff
00:21:02 parce qu'il est essentiel qu'on en parle.
00:21:04 - On en parlera, et on continue.
00:21:06 Vous êtes bien sur Sud Radio
00:21:08 dans le face-à-face d'André Bercoff
00:21:10 et nous recevons aujourd'hui Driss Gally,
00:21:12 essayiste et conférencier, auteur de
00:21:14 "Une contre-histoire de la colonisation française"
00:21:16 aux éditions Jean-Cyril Godefroy.
00:21:18 Bonjour Driss Gally. - Bonjour.
00:21:20 "Une contre-histoire de la colonisation
00:21:22 française".
00:21:24 Driss Gally, eh bien Driss Gally,
00:21:26 il a, je dirais, l'avantage,
00:21:28 à part son talent,
00:21:30 d'appartenir à trois, je vais dire
00:21:32 à trois civilisations, mais quelque part, oui.
00:21:34 Il est franco-marocain,
00:21:36 il est né au Maroc, je crois c'est bien cela,
00:21:38 Driss Gally, vous partagez
00:21:40 entre le Maroc, la France
00:21:42 et le Brésil, où vous travaillez.
00:21:44 Et,
00:21:46 je dirais vraiment,
00:21:48 je ne dis pas ça tout le temps,
00:21:50 loin de là, c'est un livre
00:21:52 capital que vous avez écrit
00:21:54 sur cette contre-histoire, parce que
00:21:56 sans prendre au parti pour l'un ou pour l'autre,
00:21:58 vous ne faites pas du manichéisme, vous ne dites pas, voilà,
00:22:00 d'un côté les bons, d'un autre côté les méchants,
00:22:02 d'un autre côté, voilà.
00:22:04 Vous ne dites pas cela, vous dites,
00:22:06 écoutez, essayons de regarder
00:22:08 l'histoire, justement,
00:22:10 sans être, sans œillère,
00:22:12 sans avoir
00:22:14 une réalité préconçue, sans avoir
00:22:16 votre perception de la réalité, et non pas
00:22:18 le sens de la réalité, et vous le dites vous-même,
00:22:20 vous voyez, je ne suis pas un expert autroproclamé,
00:22:22 je ne suis pas un militant ou un
00:22:24 idéologue, je suis ce qu'on appelle
00:22:26 un honnête homme, au sens renaissance
00:22:28 du terme, et c'est pas mal,
00:22:30 on en a besoin en ce moment,
00:22:32 et vous revisitez,
00:22:34 vous inventoriez, vous faites l'histoire,
00:22:36 la vraie histoire de cette colonisation,
00:22:38 alors, vous concentrez, évidemment, vous parlez
00:22:40 au début de la colonisation
00:22:42 française qui a atteint l'Amérique,
00:22:44 qui a atteint les
00:22:46 tropiques et partout, mais vous concentrez sur
00:22:48 l'Afrique, l'Afrique subsaharienne, l'Afrique
00:22:50 du Nord et l'Afrique subsaharienne, et qui est effectivement
00:22:52 au cœur de l'histoire,
00:22:54 en tout cas depuis un peu plus d'un siècle,
00:22:56 et vous le racontez
00:22:58 très bien, vous racontez les traités
00:23:00 gris, vous racontez la colonisation, et surtout,
00:23:02 Dries Galis, ce qui est vraiment intéressant,
00:23:04 c'est que de part et d'autre, vous dites
00:23:06 "Attendez, on va arrêter
00:23:08 le masochisme
00:23:10 et la repentance permanente,
00:23:12 et
00:23:14 beaucoup de gens qui mettent l'huile sur le feu, et d'un
00:23:16 autre côté la victimisation permanente,
00:23:18 parce qu'on est autre chose que ça,
00:23:20 que ce soit justement les
00:23:22 Africains, etc., et j'ai
00:23:24 interviewé un certain nombre de gens, qu'on aime ou qu'on
00:23:26 n'aime pas, mais qui sont effectivement
00:23:28 pour la revendication de l'indépendance
00:23:30 et pas se
00:23:32 rejeter sur la faute aux autres,
00:23:34 depuis 60 ans il s'est passé des choses,
00:23:36 donc en fait,
00:23:38 cette contre-histoire, c'est pour dire
00:23:40 qu'il y a eu une histoire qui a été biaisée
00:23:42 de la colonisation française ?
00:23:44 - Biaisée,
00:23:46 et surtout,
00:23:48 extrêmement
00:23:50 simpliste, simplificatrice,
00:23:52 la colonisation française a eu
00:23:54 des aspects très drôles, même hilarants,
00:23:56 parce que le
00:23:58 colonisé, l'indigène, s'est vengé.
00:24:00 - C'est-à-dire ?
00:24:02 Expliquez, parce que c'est marrant, drôle, hilarant,
00:24:04 hilarant, le colonisé qui se venge,
00:24:06 on n'a pas l'habitude d'entendre ça.
00:24:08 - Vous avez eu des mariages mixtes,
00:24:10 en Indochine, ou même en Afrique,
00:24:12 vous avez eu la vengeance
00:24:14 de la femme, parce que, qu'est-ce que
00:24:16 c'est que coloniser, c'est dominer, repeupler.
00:24:18 Et dans la domination, il y a "je te prends tes femmes".
00:24:20 C'est vieux comme le monde,
00:24:22 ce ne sont pas les français qui ont inventé ça.
00:24:24 - Absolument, et bien avant l'Occident,
00:24:26 en France, en Allemagne.
00:24:28 - Les femmes étant un butin de guerre dans l'imaginaire
00:24:30 de nos pauvres mortels que nous sommes.
00:24:32 Et les femmes vietnamiennes,
00:24:34 se sont souvent vengées de leur
00:24:36 mari français,
00:24:38 naïf, cartésien,
00:24:40 les enfants, souvent de ces mariages
00:24:42 mixtes, étaient kidnappés par les familles
00:24:44 indochinoises pour être élevées
00:24:46 à la vietnamienne.
00:24:48 D'où des drames extraordinaires.
00:24:50 Vous avez eu des maladies vénériennes,
00:24:52 la moitié des internes,
00:24:54 des... ils ont des blessures,
00:24:56 si vous voulez, des soldats français en Indochine,
00:24:58 entre 1860 et 1880,
00:25:00 c'est-à-dire au moment de la conquête, la moitié
00:25:02 c'était la syphilis.
00:25:04 Vous avez des
00:25:06 histoires d'homosexualité, la vengeance
00:25:08 du boy vietnamien,
00:25:10 c'était l'amour
00:25:12 sexuel avec
00:25:14 l'officier français.
00:25:16 Vous voyez ce que je veux dire ?
00:25:18 - Il y a eu ça en Afrique aussi ?
00:25:20 - Il y a eu la mousseau,
00:25:22 comme disait la femme africaine,
00:25:24 il y a eu André Gide,
00:25:26 pardon, Albert Londres en parlait,
00:25:28 du drame des enfants métis.
00:25:30 Rejetés entre deux mondes,
00:25:32 et tout ça. - D'accord. Mais alors au-delà de ça,
00:25:34 en fait, ces narratifs
00:25:36 qu'on a entendus, qu'on entend depuis très
00:25:38 longtemps, d'un côté
00:25:40 on disait "oui mais les lumières, on pensait
00:25:42 apporter la civilisation et les lumières,
00:25:44 j'en fais rire", etc.
00:25:46 Et d'un autre côté on dit "voilà,
00:25:48 l'Afrique, ça a été un paradis
00:25:50 absolument terrestre
00:25:52 avant que n'arrive ces horribles
00:25:54 prédateurs colonisateurs
00:25:56 occidentaux, blancs, etc.
00:25:58 Ce n'est vrai
00:26:00 ni d'un côté ni d'un autre, Drizali.
00:26:02 - Au fait, tout à fait.
00:26:04 Notre génération aujourd'hui
00:26:06 est désespérée pour s'indigner.
00:26:08 On veut s'indigner.
00:26:10 - C'est une vocation.
00:26:12 - Vocation parce que nous sommes impuissants. Le climat
00:26:14 change malgré nous, l'Europe se fait malgré nous,
00:26:16 Davos décide malgré nous,
00:26:18 on vote, on n'est pas représentés, on vote au référendum,
00:26:20 on nous dit "le contraire sera fait".
00:26:22 Donc on a besoin de s'indigner
00:26:24 parce que ça permet d'agir.
00:26:26 C'est l'arme du faible, l'indignation.
00:26:28 Donc on veut détester. Alors on déteste
00:26:30 Lyothée, Colbert... - C'est presque
00:26:32 un fonds de commerce, c'est devenu un fonds de commerce.
00:26:34 - Bien sûr, c'est un fonds de commerce, mais c'est
00:26:36 populaire parce que les gens se sentent
00:26:38 impuissants donc ils préfèrent...
00:26:40 Et en réalité,
00:26:42 on s'intoxique nous-mêmes.
00:26:44 Et on est aidés par certains grands intoxicateurs.
00:26:46 L'Afrique, l'Indochine,
00:26:48 le Maghreb, avant l'arrivée
00:26:50 des Français, c'était l'enfer.
00:26:52 - Carrément.
00:26:54 - Le Maghreb était un coup de gorge, c'est-à-dire qu'on ne pouvait pas faire
00:26:56 de 100 kilomètres sans
00:26:58 se faire agresser par des pirates,
00:27:00 les Bédouins, les...
00:27:02 Au Maroc, il fallait payer
00:27:04 la route. - Oui, carrément.
00:27:06 - Même le Sultan,
00:27:08 dans un certain moment, il pouvait pas faire
00:27:10 la route Marrakech-Fez.
00:27:12 Il fallait payer ou passer par un grand
00:27:14 détour par Kenitra-Rabat.
00:27:16 D'ailleurs, vous avez toute une industrie du péage
00:27:18 qui était soit gérée par des
00:27:20 seigneurs locaux, soit par
00:27:22 les shérifs de West-Zen notamment.
00:27:24 - Aujourd'hui, c'est les grandes sociétés.
00:27:26 - Aujourd'hui, c'est Détat au Maroc.
00:27:28 - Détat. - Voilà, bon.
00:27:30 Mais voilà, c'est le péage. - Je comprends.
00:27:32 - Et le sort de la femme, etc.
00:27:34 - La femme n'existe pas, c'était une marchandise.
00:27:36 Les femmes mouraient en couche.
00:27:40 Qui a amené la gynécologie ? C'est la France.
00:27:42 En Afrique, vous aviez l'esclavage
00:27:44 domestique. Des Noirs par les Noirs.
00:27:46 Au Maroc, vous aviez des esclaves Noirs.
00:27:48 Il y avait des marchés aux esclaves que les Français ont interdits
00:27:50 en rentrant à Fez et à Marrakech.
00:27:52 À Alger, à Tunis, c'est pareil.
00:27:54 En Indochine, vous aviez l'extermination,
00:27:56 plutôt le grand
00:27:58 remplacement du peuple Khmer par les Vietnamiens.
00:28:00 Le Cambodge a applaudi les Français.
00:28:02 Qu'est-ce que je veux dire par là ? Je veux dire,
00:28:04 c'était une situation terrible.
00:28:06 Je ne justifie pas la colonisation,
00:28:08 mais elle n'a pas interrompu un processus
00:28:10 civilisation qui était extraordinaire.
00:28:12 - Oui, et ça n'a pas été
00:28:14 la régression
00:28:16 que l'on dit.
00:28:18 - Non, au fait, il y a eu... - Franchement.
00:28:20 - Pourquoi on a du mal à appréhender ça ?
00:28:22 Parce qu'il y a eu un coup de poing
00:28:24 et un coup de main.
00:28:26 Bien sûr, pour conquérir un pays, il faut tuer des gens.
00:28:28 Malheureusement, enfin, je le regrette.
00:28:30 D'ailleurs, pour faire la Révolution française,
00:28:32 on a fait couler beaucoup de sang.
00:28:34 Et personne ne va reprocher maintenant à la Révolution française
00:28:36 ses crimes. Le génocide
00:28:38 des Vendéens, tout ça,
00:28:40 la décapitation des innocents.
00:28:42 Donc il y a eu un coup de poing, la guillotine
00:28:44 et tout ça. Il y a eu un coup de poing et un coup de main.
00:28:46 C'est ce que disait
00:28:48 Lyoté. Après, c'est un...
00:28:50 Il faisait aussi sa propagande, mais il disait
00:28:52 "La conquête coloniale
00:28:54 est une guerre économique, économique en vie
00:28:56 et une guerre qui construit".
00:28:58 Il disait "Contrairement aux guerres d'Europe qui détruisent
00:29:00 - pensez à la Première Guerre mondiale -
00:29:02 la conquête coloniale construit. Parce que
00:29:04 je te soumets et tout de suite
00:29:06 on va construire ensemble un nouveau pays.
00:29:08 Le Maroc est le cas extrême
00:29:10 d'une co-construction. La colonisation
00:29:12 du Maroc, la conquête, est un
00:29:14 partenariat franco-marocain. Les gens
00:29:16 qui ont conquis le Maroc, ils l'ont fait au nom du
00:29:18 sultan et au nom de la France.
00:29:20 D'ailleurs, il y avait des soldats du sultan dans les troupes
00:29:22 de conquête. En Algérie, c'est différent.
00:29:24 D'ailleurs, l'Afrique
00:29:26 a été conquise par les Africains.
00:29:28 On nous dit
00:29:30 Feder, Bougalini, tout ça, mais
00:29:32 l'élément blanc était minoritaire.
00:29:34 L'essentiel des soldats, c'était des gens
00:29:36 des Noirs. Et qui se
00:29:38 vengaient de leurs anciens chefs.
00:29:40 - Il y avait des comptes à régler
00:29:42 entre tribus, entre...
00:29:44 - Entre peuples. - Entre peuples, absolument.
00:29:46 - Les Dogons, les Mambaras,
00:29:48 même au Vietnam.
00:29:50 Vous avez des peuples,
00:29:52 des montagnes qui ont...
00:29:54 - En fait, il y a eu un narratif, d'ailleurs,
00:29:56 entretenu par pas mal d'Occidentaux
00:29:58 à la mémoire courte
00:30:00 ou à la conscience plus ou moins
00:30:02 fléchissante, qui ont dit
00:30:04 "Mais oui, mais c'est ça, nous on a été..."
00:30:06 Et on va reparler du crime contre l'humanité.
00:30:08 Mais, ce qui est
00:30:12 très intéressant dans votre livre, c'est que
00:30:14 vous remettez toutes ces pendules à l'heure en montrant.
00:30:16 Vous ne prenez pas
00:30:18 partie. Vous montrez ce qui s'est passé, Idriss Ghali.
00:30:20 On va continuer à en parler,
00:30:22 cette contre-histoire de la colonisation française,
00:30:24 après cette petite pause.
00:30:26 - Et restez bien avec nous, on se retrouve tout de suite.
00:30:28 Restez bien avec nous pour se face à face avec Idriss Ghali,
00:30:30 essayiste et conférencier, auteur d'une contre-histoire
00:30:32 de la colonisation française.
00:30:34 Vous nous appelez au 0826 300 300
00:30:36 pour participer à l'émission.
00:30:38 A tout de suite sur Sud Radio.
00:30:40 - Les Français parlent au français.
00:30:44 Je n'aime pas
00:30:46 la blanquette de veau.
00:30:48 Je n'aime pas la blanquette de veau.
00:30:50 Sud Radio Bercov,
00:30:52 dans tous ses états.
00:30:54 - Je ne suis pas le seul, effectivement.
00:30:56 Vous l'êtes aussi, au ligne d'ordre Sud Radio.
00:30:58 Idriss Ghali, qui écrit la contre-histoire
00:31:00 de la colonisation française,
00:31:02 pour remettre les pendules à l'heure.
00:31:04 Et c'est un livre passionnant.
00:31:06 Je vous le redis.
00:31:08 Idriss Ghali, on l'a parlé, effectivement. Vous dites, oui,
00:31:10 l'Afrique, par exemple, et autres,
00:31:12 n'étaient pas le paradis terrestre
00:31:14 où tout le monde, hommes, femmes,
00:31:16 bénéficiaient. Vous parlez de la misère,
00:31:18 vous parlez de la violence,
00:31:20 qui était aussi, évidemment, en France et ailleurs.
00:31:22 Enfin, je veux dire, il n'y avait pas, encore une fois,
00:31:24 ce mythe du paradis terrestre
00:31:26 détruit par les méchants, etc.
00:31:28 Mais alors, comment pourrait-on,
00:31:30 justement, et parlons-en
00:31:32 un peu, de cette colonisation,
00:31:34 et concentrons-nous peut-être sur l'Afrique du Nord
00:31:36 et sur l'Afrique subsaharienne, bien sûr,
00:31:38 où la France a eu,
00:31:40 il l'a eu ailleurs aussi,
00:31:42 l'Empire français, mais là, il a eu quand même
00:31:44 une présence très, très, très forte.
00:31:46 Et vous diriez que, d'un côté, vous avez parlé
00:31:48 le poing et la main, vous diriez que
00:31:50 d'un côté, effectivement,
00:31:52 il y a eu,
00:31:54 oui, des crimes,
00:31:56 des atrocités, enfin,
00:31:58 des exactions, et Dieu sait.
00:32:00 Mais il y a eu aussi une construction.
00:32:02 Et comment ça se fait
00:32:04 que 60 ans après les indépendances,
00:32:06 plus de 60 ans aujourd'hui,
00:32:08 on soit encore à polémiquer,
00:32:10 mais à longueur de journée,
00:32:12 que sur le mal des uns,
00:32:14 le mal des autres, la société, etc.
00:32:16 Il faut rattraper,
00:32:18 il faut arrêter,
00:32:20 il faut se venger, et puis,
00:32:22 vous entendez, aujourd'hui, les gens disent "oui, vous nous avez colonisés,
00:32:24 ben, on va vous coloniser".
00:32:26 C'est quoi cette espèce
00:32:28 d'extraordinaire
00:32:30 et hystérique et délirant chape de plomb
00:32:32 qui est toujours là ?
00:32:34 - Plusieurs facteurs, il y en a
00:32:36 deux ou trois qui sont très importants.
00:32:38 Le premier, c'est que
00:32:40 les indépendances ont été gâchées
00:32:42 par les anciennes colonies, par les pays du Sud.
00:32:44 Si l'Algérie était un pays riche, et elle est riche,
00:32:46 avec le pétrole qu'elle a, si l'Algérie
00:32:48 était devenue un Dubaï, vous n'auriez pas eu de problèmes
00:32:50 de repentance en France ou de discours.
00:32:52 Pareil pour l'Afrique subsaharienne,
00:32:54 le Vietnam qui travaille,
00:32:56 il ne demande rien.
00:32:58 On n'entendait pas les Vietnamiens défiler à Paris pour dire...
00:33:00 - Et Dieu sait s'ils ont été bombardés
00:33:02 et nabalmisés par les Français d'abord,
00:33:04 les Américains ensuite. - Tout à fait.
00:33:06 Donc, il y a cet aspect-là.
00:33:08 Et le deuxième aspect, c'est que
00:33:10 la France n'a pas été
00:33:12 sérieuse aux colonies. Je l'ai toujours dit dans ce livre,
00:33:14 la colonisation est une idée
00:33:16 impulsive qui est née
00:33:18 dans des circonstances très
00:33:20 spéciales, la perte de l'Azaz Lorraine,
00:33:22 la France est partie aux colonies sur une
00:33:24 impulsion, pour se consoler. C'était une thérapeutique.
00:33:26 - C'est très important, parce que vous le dites, ce n'est pas
00:33:28 pour s'enrichir, ce n'est pas pour des raisons d'abord
00:33:30 économiques. - Non, la France était riche, déjà,
00:33:32 et surtout, elle était sous-peuplée.
00:33:34 Les Anglais ont colonisé le Botswana,
00:33:36 l'Afrique du Sud et les États-Unis,
00:33:38 parce qu'ils avaient un excellent démographique énorme.
00:33:40 Plus de 20 millions ont été envoyés,
00:33:42 de personnes, à France. Et surtout,
00:33:44 les paysans français, ils avaient des terres,
00:33:46 contrairement aux paysans anglais.
00:33:48 Donc, la colonisation a été une affaire
00:33:50 d'élites, de certaines élites.
00:33:52 Ces élites-là
00:33:54 se sont, entre guillemets, "amusées" aux colonies.
00:33:56 Elles ont fait un mythe colonial,
00:33:58 d'ailleurs, Clémenceau parlait du rêve colonial.
00:34:00 C'est Clémenceau, hein.
00:34:02 - Il parlait du bon temps des colonies.
00:34:04 - Et ce rêve colonial,
00:34:06 on l'a changé,
00:34:08 on l'a abandonné
00:34:10 pour le rêve européen. Et personne n'a fait
00:34:12 l'inventaire. C'est-à-dire, en 1960-1962,
00:34:14 la gauche, qui a voulu le rêve colonial,
00:34:16 - Oui, c'est la gauche qui a voulu le rêve colonial.
00:34:18 - La droite a suivi, par suivisme,
00:34:20 la droite ne voulait pas des colonies.
00:34:22 Pourquoi la droite ne voulait pas des colonies ? Parce que la droite
00:34:24 voulait le retour de la monarchie, ou du
00:34:26 bonapartisme en France. Elle a dit "J'ai pas
00:34:28 de temps à perdre à envoyer les meilleurs soldats,
00:34:30 qui sont des monarchistes, aller se
00:34:32 faire casser la gueule à Tannanarive,
00:34:34 qu'ils restent à Paris pour la revanche
00:34:36 contre la gauche." Et la gauche a dit "Non, on va envoyer."
00:34:38 Et la gauche a eu raison, parce qu'elle s'est
00:34:40 débarrassée des éléments révolutionnaires.
00:34:42 Des Lyottais, des Galiénis,
00:34:44 des grands soldats qui auraient pu...
00:34:46 - Ah oui, fomenter quelques choses.
00:34:48 - En 1940, Vichy a eu lieu.
00:34:50 La gauche avait raison, attention, la France
00:34:52 est un pays de guerre civile. Donc,
00:34:54 la gauche a abandonné
00:34:56 les tropiques pour faire l'Europe,
00:34:58 c'est Guimaulet, Mitterrand,
00:35:00 l'amitié franco-allemande,
00:35:02 et on a délaissé
00:35:04 nos cahiers, on a oublié, on n'a pas fait.
00:35:06 Donc, on est le troisième
00:35:08 point. Aujourd'hui, vous avez
00:35:10 une immigration qui est une politique
00:35:12 publique française,
00:35:14 et les gens qui... - Qui voulu
00:35:16 organiser, applaudit,
00:35:18 célébrait, fomentait,
00:35:20 et ces gens-là qui organisent cette immigration,
00:35:22 ils ont besoin d'arguments. Et ils vont voir les colonies
00:35:24 pour dire "Attendez les mecs,
00:35:26 si les gens viennent nous envahir,
00:35:28 c'est parce que nous avons envahi leur pays, nous l'avons détruit."
00:35:30 Et moi, mon livre vient dire "Attention,
00:35:32 ces pays-là allaient mal, très mal
00:35:34 avant la colonisation, la colonisation
00:35:36 a fait du mal, mais elle a fait
00:35:38 aussi du bien, et de toute façon,
00:35:40 elle est finie en 60, 60-62 pour l'Algérie,
00:35:42 et le malheur du
00:35:44 Maroc, de l'Algérie, du Sénégal,
00:35:46 du je-sais-pas-quoi, de la Côte d'Ivoire,
00:35:48 est un malheur local. Ce n'est pas Paris
00:35:50 qui est responsable, c'est nous
00:35:52 qui avons des problèmes et qui nous dégoûtons
00:35:54 notre jeunesse, au point où elle vient chez vous
00:35:56 par bateau, par radeau.
00:35:58 - Oui, c'est ça, et en disant
00:36:00 "Allez, vous nous avez
00:36:02 colonisés, vous nous avez opprimés,
00:36:04 maintenant c'est à notre tour
00:36:06 de nous ranger des opérations."
00:36:08 - Bien sûr, et c'est aussi la nature
00:36:10 humaine qui est déprimante.
00:36:12 C'est très facile de faire le mal.
00:36:14 Moi, il me fait rire quand je vois
00:36:16 mes amis de gauche ou progressistes qui disent
00:36:18 la diversité,
00:36:20 tout ça, mais l'altérité
00:36:22 incite à la domination.
00:36:24 Quand je vois quelqu'un qui est différent de moi,
00:36:26 malheureusement en tant que mortel, en tant qu'être humain,
00:36:28 ma première réflexion,
00:36:30 mon premier réflexe, c'est de dire "Est-ce qu'il va me dominer
00:36:32 ou je vais le dominer ?"
00:36:34 - Ah oui, vous mettez un point de force, vous êtes pessimiste,
00:36:36 cher Brice. - Je suis hauptien,
00:36:38 même si j'aime beaucoup Rousseau, mais je ne crois plus
00:36:40 au mythe du bon sauvage.
00:36:42 - La lutte de tous contre tous. - Oui, nous sommes comme ça,
00:36:44 nous avons nos... Le moment de la coopération,
00:36:46 d'ailleurs, nous les musulmans, qu'est-ce qu'on dit ?
00:36:48 "Salam alaykoum". Ça veut dire quoi ?
00:36:50 - Que la paix soit sur toi. - Et je montre ma main.
00:36:52 D'abord je te dis, c'est pas
00:36:54 la rasoie, je ne vais pas t'attaquer, ensuite,
00:36:56 je te montre la main. C'est ça. Parce que
00:36:58 le premier réflexe, c'est
00:37:00 la méfiance. C'est normal.
00:37:02 Nous venons de montes d'Angers.
00:37:04 Le problème en France, pays pacifié
00:37:06 depuis l'ancien régime,
00:37:08 on a oublié que l'homme est
00:37:10 un loup pour l'homme. Mais nous, les Africains
00:37:12 et les Maghrébins, nous vivons d'un mont tribal
00:37:14 où l'homme est un loup pour l'homme.
00:37:16 Moi, vous savez, mon village,
00:37:18 jusqu'aux années 40, était fortifié.
00:37:20 - Ah oui, carrément. - Le soir, en rentrée.
00:37:22 Parce qu'on se faisait
00:37:24 rasier par nos voisins berbères.
00:37:26 Donc c'est normal qu'on...
00:37:28 Pourquoi je fais tout ce développement-là ?
00:37:30 Malheureusement, il y a plusieurs
00:37:32 diasporas qui sont traversés par cette
00:37:34 espèce de pulsion, d'être
00:37:36 patientrice, de dire "maintenant, c'est notre tour
00:37:38 de commettre le crime colonial".
00:37:40 Je dis "les gars, attendez, on ne peut pas reprocher
00:37:42 aux Français d'avoir colonisé et nous-mêmes
00:37:44 commettre le même crime colonial".
00:37:46 Parce que là, c'est
00:37:48 maturule. - C'est sans fin, en plus. - Et puis,
00:37:50 franchement, moi, je préfère servir mes intérêts,
00:37:52 ceux de ma famille, que
00:37:54 coloniser la France au nom du Maroc
00:37:56 ou de l'Algérie. Ça, c'est rien !
00:37:58 En plus, même les fruits
00:38:00 de la colonisation, s'il y en a, ils ne vont pas dans ma poche,
00:38:02 ils vont dans les poches de nos gouvernants. Ça ne m'intéresse pas.
00:38:04 - Oui, bien sûr. Et puis, comme vous dites,
00:38:06 et vous le dites dans votre livre, d'ailleurs, ça sert
00:38:08 à masquer les vrais gouvernants
00:38:10 qui sont aujourd'hui mondiaux, etc.
00:38:12 - Bien sûr, ben oui. Nous sommes aujourd'hui
00:38:14 tous égaux devant la colonisation,
00:38:16 que l'on s'appelle Mokhtar, Mahmoud,
00:38:18 Jean-Pierre, Sandrine, nous sommes
00:38:20 tous sujets d'une colonisation qui est
00:38:22 Médine-Bruxelles, c'est-à-dire Berlin,
00:38:24 parce que les Allemands,
00:38:26 ils ont mis à jour leur logiciel,
00:38:28 ils n'ont plus de Panzer Division, ils passent par
00:38:30 les juristes de Bruxelles, la commission de Bruxelles.
00:38:32 Médine-Côte-Est-Américaine, l'État profond
00:38:34 américain. Médine-Davos,
00:38:36 Médine-China. - Oui, tout à fait.
00:38:38 - Médine-China. Médine...
00:38:40 J'aime beaucoup les Turcs, c'est un grand peuple, mais Médine-Lougrie
00:38:42 de Turquie, vous avez aujourd'hui
00:38:44 une souveraineté turque en France,
00:38:46 vous avez
00:38:48 les frères musulmans,
00:38:50 je veux dire, nous sommes tous
00:38:52 victimes d'une colonisation. Donc moi,
00:38:54 je veux être libre, prendre des licences moi-même.
00:38:56 - Et qui est existante et en pleine activité.
00:38:58 - Et qui n'admet aucune contradiction.
00:39:00 - Et donc, c'est vrai
00:39:02 que de ce point de vue, votre livre, vous faites
00:39:04 oeuvre, je dirais, oeuvre encore
00:39:06 une fois de réinformation, au vrai sens
00:39:08 du terme, quoi. C'est-à-dire que c'est...
00:39:10 Vous dites, attendez, voilà ce qui s'est passé, par exemple,
00:39:12 juste un mot, sur les traites négrières.
00:39:14 On ne parle que d'une seule traite négrière,
00:39:16 on l'églige les deux autres. Moi, je veux bien,
00:39:18 évidemment, que les occidentaux
00:39:20 et les blancs ont été victimes
00:39:22 d'agressions et d'atrocités, mais
00:39:24 pourquoi deux poids, deux mesures ? Pourquoi ne pas parler du reste ?
00:39:26 - Parce que vous avez, pourquoi deux poids, deux mesures ?
00:39:28 Parce que vous avez un projet aussi, aujourd'hui,
00:39:30 immigrationniste, qui est un projet politique.
00:39:32 On n'amène pas les immigrés en Europe pour leurs
00:39:34 beaux yeux, on amène ça pour affaiblir les peuples européens,
00:39:36 pour leur faire admettre la fin
00:39:38 de la classe moyenne et la fin d'État-providence.
00:39:40 Parce que les peuples que vous amenez en France,
00:39:42 j'en reviens, nous n'avons jamais eu
00:39:44 d'État-providence. Nous, au Maroc, jusqu'à la colonisation,
00:39:46 l'État, on s'en est toujours méfié,
00:39:48 parce qu'il nous a toujours enlevé ce qu'on avait.
00:39:50 On a toujours eu peur de payer l'impôt
00:39:52 dans les pays d'Afrique et du Maghreb. C'est la France
00:39:54 qui nous a appris à ce que l'État ouvre des dispensaires.
00:39:56 Il n'y avait pas d'hôpitaux au Maroc avant la France.
00:39:58 - Oui, et pas seulement au Maroc.
00:40:00 - Pas au Maroc, Algérie, Tunisie,
00:40:02 l'Afrique... L'Indochine, c'était un peu différent.
00:40:04 - C'était différent, oui.
00:40:06 - Vous avez aujourd'hui
00:40:08 un... Pourquoi on ne parle pas des traites négrières
00:40:10 musulmanes ? Musulmanes, ça veut dire
00:40:12 arabes, berbères, maghrébines,
00:40:14 turcs. Parce qu'on ne veut pas...
00:40:16 On veut faire la chasse
00:40:18 à l'ombre blanc. Parce que c'est lui
00:40:20 qu'il faut remplacer aujourd'hui, c'est lui qu'il faut déclasser.
00:40:22 Et ces traites
00:40:24 négrières musulmanes,
00:40:26 turcs et maghrébines
00:40:28 ont continué jusqu'aux années 1900-1920.
00:40:30 - Oui, bien sûr.
00:40:32 - Et très rapidement,
00:40:34 l'ombre blanc,
00:40:36 il n'a pu se saisir...
00:40:38 L'ombre blanc est parti en retard
00:40:40 par rapport aux maghrébins pour la
00:40:42 traite négrière. Parce que nous, les maghrébins,
00:40:44 nous passions par l'intérieur.
00:40:46 Tombouctou, Gao, tout ça, la Mauritanie,
00:40:48 beaucoup du Niger, le Fezan,
00:40:50 Libyen... Les blancs n'avaient pas le droit d'accéder
00:40:52 à l'Afrique parce qu'ils étaient nazara,
00:40:54 nazariens, catholiques. Vous n'avez pas le droit d'être...
00:40:56 Vous vous êtes passé par la côte africaine
00:40:58 de l'Ouest, qui est infestée.
00:41:00 À ce jour, c'était le
00:41:02 pays des moustiques, le Libéria, tout ça.
00:41:04 Et donc, vous avez
00:41:06 commencé plus tard, et
00:41:08 ce sont les noirs qui vous ont livré, leurs frères,
00:41:10 des peuples de la côte et tout ça.
00:41:12 - C'est une
00:41:14 traite africano-africaine.
00:41:16 Troisième traite négrière,
00:41:18 enfin. - Africaine-africaine. - Bien sûr.
00:41:20 - C'est pour ça que je vous dis, j'ai essayé
00:41:22 de réinformer parce que
00:41:24 malheureusement,
00:41:26 il y a des lobbys, il y a des intérêts
00:41:28 qui partent, qui se servent
00:41:30 des bons principes. Enfin, tout le monde est contre l'esclavage.
00:41:32 - Bien sûr.
00:41:34 - Mais ils manipulent l'opinion publique pour faire
00:41:36 détester... - Au nom des vertus,
00:41:38 il vit-ci.
00:41:40 - Il y a un point, je suis désolé de dire ça
00:41:42 à un horaire de grande écoute,
00:41:44 la traite négrière musulmane
00:41:46 a souvent castré les noirs.
00:41:48 Parce que nous devrions être, nous au Maghreb
00:41:50 et en Turquie et en Iran, des pays
00:41:52 noirs, vu l'afflux.
00:41:54 - Pour empêcher de se reproduire,
00:41:56 il y a eu des millions de castrations.
00:41:58 - Des castrations, notamment, oui, il y avait des
00:42:00 pôles de castration dans le fameux désert du Sahel,
00:42:02 tout ça, aujourd'hui, avec Daesh et tout ça.
00:42:04 Et nous avons gardé les femmes pour la reproduction
00:42:06 et les hommes ont été souvent castrés.
00:42:08 C'est l'histoire.
00:42:10 Et vous ne verrez, grâce à Dieu, aucun
00:42:12 Marocain ou Algérien ou Libien faire la
00:42:14 repentance pour ça.
00:42:16 Ça a eu lieu, ok, mais il faut le reconnaître.
00:42:18 - Il a eu lieu, et puis c'est... Voilà.
00:42:20 On va continuer à parler de tout cela,
00:42:22 avec les auditeurs de Sud Radio, après cette
00:42:24 petite pause. A tout de suite. - Restez bien
00:42:26 avec nous, on se retrouve tout de suite. Vous avez la parole
00:42:28 pour interpeller Driss Ghali sur son livre
00:42:30 "Une contre-histoire de la colonisation
00:42:32 française". C'est au 0826
00:42:34 300 300, on attend vos appels. 0826
00:42:36 300 300. A tout de suite sur Sud Radio.
00:42:38 - Ici Sud Radio.
00:42:42 Les Français parlent
00:42:46 au français.
00:42:48 Les carottes sont cuites.
00:42:50 Les carottes sont cuites.
00:42:52 Sud Radio Bercov, dans
00:42:54 tous ses états. - Vous écrivez
00:42:56 Driss Ghali dans votre livre
00:42:58 "La contre-histoire de la colonisation française".
00:43:00 Vous dites
00:43:02 ceci. "L'histoire n'a pas
00:43:04 commencé avec la colonisation,
00:43:06 et ne s'est pas terminée avec la
00:43:08 décolonisation. Le mythe
00:43:10 de la virginité rompue est une foutaise,
00:43:12 tout comme la thèse de la persistance
00:43:14 d'un traumatisme colonial
00:43:16 après les indépendances."
00:43:18 Et vous ajoutez, il dit
00:43:20 "Écrire cela", vous parlez de ce qui s'est
00:43:22 passé avec le FIS, le GIA, les massacres
00:43:24 des années 90, 100 000 morts
00:43:26 de guerre civile en Algérie. Vous dites
00:43:28 "Écrire cela revient-il à relativiser
00:43:30 les crimes de la France ?" Oui, peut-être,
00:43:32 mais relativiser ne veut pas dire excuser.
00:43:34 Vous n'êtes pas en train
00:43:36 d'excuser la France et de la blanchir.
00:43:38 La France n'avait aucune excuse
00:43:40 pour coloniser. Relativiser
00:43:42 veut dire resituer les faits
00:43:44 dans une séquence historique, comme le ferait
00:43:46 un enquêteur, ni plus ni moins.
00:43:48 C'est très important de rappeler ça, parce qu'il n'y a pas
00:43:50 assez d'enquêteurs et pas assez de gens
00:43:52 qui le font. Et puis, ce que vous dites
00:43:54 aussi, relativiser,
00:43:56 c'est enfin exiger de celui qui fait
00:43:58 le procès de la France de faire la même chose
00:44:00 devant un Erdogan pour les crimes
00:44:02 odieux de l'Empire Ottoman, puissance
00:44:04 coloniale d'Algérie en Tunisie et dans
00:44:06 tant d'autres pays arabes. Et c'est vrai qu'on ne voit pas
00:44:08 quelqu'un, y compris un, que ce soit
00:44:10 de l'Atlantico à la Méditerranée
00:44:12 demander des comptes à Erdogan de ce
00:44:14 point de vue-là. Et puis,
00:44:16 vous dites "ça suffit,
00:44:18 c'est pas ma faute, c'est la faute à Gallieni,
00:44:20 à Bugeaud, etc." Et juste, je voudrais citer,
00:44:22 avant d'aller plus loin, mais c'est très important.
00:44:24 Ce que vous dites, c'est ceci.
00:44:26 Je vais être
00:44:28 un peu long, mais je crois que c'est très important,
00:44:30 c'est vers la fin de votre livre. Vous dites
00:44:32 "Si quelqu'un vous dit que la colonisation a été
00:44:34 un crime contre l'humanité, répondez-lui
00:44:36 en citant les noms de quelques médecins
00:44:38 coloniaux, qui avec deux fois rien
00:44:40 ont sauvé l'Afrique. Parlez-leur
00:44:42 d'Alexandre Yersin, médecin colonial
00:44:44 qui a isolé le bacille de la peste,
00:44:46 de Paul-Louis Simon, qui a découvert
00:44:48 le rôle vecteur de la puce du rat,
00:44:50 les médecins militaires Girard et Robic
00:44:52 qui mirent au point et
00:44:54 testerent sur eux-mêmes
00:44:56 le vaccin de la peste
00:44:58 en 1932 à Madagascar.
00:45:00 Parlez-leur du médecin colonial
00:45:02 Légret, qui a inventé un vaccin
00:45:04 contre la fièvre jaune à Dakar en 1927,
00:45:06 ou encore de Victor Lemoyal,
00:45:08 dit capitaine moustique, médecin colonial
00:45:10 qui a mené une lutte sans relâche
00:45:12 contre les vecteurs du paludisme en Guinée.
00:45:14 Racontez-leur l'épopée
00:45:16 des médecins Jammot et Dumas
00:45:18 à travers l'Afrique noire pour éradiquer la maladie
00:45:20 du sommeil. Il y aurait tant à dire
00:45:22 aussi au sujet du docteur
00:45:24 Marchoux, qui a réellement révolutionné
00:45:26 la prise en charge des malades de la lèpre en Afrique.
00:45:28 Et sans parler évidemment d'Albert Schweitzer,
00:45:30 évidemment au Gabon,
00:45:32 sur la dysenterie, la lèpre, etc.
00:45:34 Donc vous dites, attendez, justement,
00:45:36 tenez compte, en fait vous dites, on a deux bras
00:45:38 et deux jambes, tenez les deux bouts de la réalité.
00:45:40 - Tout à fait. - C'est ça, Adries Ghali ?
00:45:42 - Tout à fait, et pourquoi je dis ça ?
00:45:44 D'abord pour éviter les manipulations de droite
00:45:46 et de gauche, et le climat
00:45:48 d'aujourd'hui qui est très pesant, on est toujours dans la recherche
00:45:50 d'un... - Le bouc émissaire !
00:45:52 - Surtout si c'est pas moi ! Personne
00:45:54 ne veut te remettre en cause, c'est la faute des autres.
00:45:56 - Moi je n'y suis pour rien, c'est lui.
00:45:58 - Mais je veux dire ça aussi parce que
00:46:00 il faut qu'on trouve un moyen
00:46:02 de se remonter
00:46:04 un peu le moral quand même, parce que tout nous
00:46:06 rabaisse quoi. Vous avez des
00:46:08 grands français,
00:46:10 hommes et femmes, parce qu'on aurait pu parler des sœurs catholiques
00:46:12 et autres, ou des institutrices,
00:46:14 qui ont
00:46:16 embrassé l'autre,
00:46:18 qui n'avaient rien à y gagner, parce que ces médecins
00:46:20 souvent ils ont ruiné leur carrière parce qu'ils ont
00:46:22 appliqué des techniques
00:46:24 d'hygiène ou de médical
00:46:26 tout à fait
00:46:28 hétérodoxe, mais qui l'ont fait quand même.
00:46:30 Donc moi je dis
00:46:32 aux jeunes français d'aujourd'hui,
00:46:34 vous descendez de ces gens-là aussi.
00:46:36 Votre devoir est d'être comme ça.
00:46:38 De vous lever, parce que
00:46:40 c'est très facile de dire
00:46:42 il y a une injustice, la colonisation, qu'est-ce que je fais ?
00:46:44 Je fais mes valises, je rentre à Paris. Eux ils ne sont pas rentrés à Paris.
00:46:46 Ils ont affronté
00:46:48 les éléments, et ils ont sauvé, ils ont fait ce qu'ils ont pu.
00:46:50 - Les maladies, les moustiques,
00:46:52 la lèpre, tout. - On va là-bas parce que
00:46:54 voir ce que c'était la maladie du sommeil
00:46:56 au Cameroun, le nombre de morts qu'elle a faites,
00:46:58 la peste, la lèpre,
00:47:00 - Les moustiques. - Les moustiques.
00:47:02 Et puis le manque de moyens.
00:47:04 Ils n'étaient pas dans le CHU de Paris ou de Marseille.
00:47:06 Ils n'avaient pas de moyens, et on est dans les années
00:47:08 1920, 1930, 1940.
00:47:10 Et surtout,
00:47:12 dans le racisme ambiant,
00:47:14 leur
00:47:16 abnégation est décuplée.
00:47:18 - Bien sûr. - Parce que personne n'attendait qu'ils fassent ça.
00:47:20 - Parce qu'on leur dit "pourquoi vous vous occupez de ces gens-là ?"
00:47:22 - Voilà, tout à fait. - Bien sûr.
00:47:24 Et, oui, allez-y. - Non, non, allez-y.
00:47:26 - Driss Galli,
00:47:28 de ce point de vue-là, comment, à votre avis,
00:47:30 faut-il apaiser les choses, ou au moins,
00:47:32 bon, la lucidité, c'est très important,
00:47:34 dire les choses,
00:47:36 c'est très important, comment, un tout petit peu,
00:47:38 apaiser les choses,
00:47:40 et sortir de ce climat totalement délétère,
00:47:42 et encore plus malsain,
00:47:44 du masochisme d'un côté,
00:47:46 ou de la repentance, et de l'autre côté,
00:47:48 de la rancœur et des
00:47:50 intégrismes.
00:47:52 Est-ce qu'il y a une solution ?
00:47:54 - Il faut qu'il y ait une solution, parce que sinon,
00:47:56 on va s'affaiblir tous. On va devenir comme le Maroc,
00:47:58 en 1912, avant l'arrivée de la France,
00:48:00 ou l'Algérie, en 1830,
00:48:02 ou le Vietnam, en 1860, je sais plus,
00:48:04 enfin, 60, 62, c'est-à-dire des pays
00:48:06 divisés, où chacun regarde son nombril.
00:48:08 Les Berbères regardent le nombril, de Kabylie.
00:48:10 Pourquoi le Maroc a été conquis aussi facilement ?
00:48:12 Parce que chacun regardait son nombril.
00:48:14 Les Fassies regardaient son nombril, ils détestaient les Berbères,
00:48:16 je connais très bien l'affaire, je suis de la région,
00:48:18 vous aviez les Kabyles qui détestaient le reste,
00:48:20 vous aviez les confréries
00:48:22 religieuses qui se détestaient les unes et les autres,
00:48:24 parmi les musulmans, en Afrique, c'était pareil,
00:48:26 les Peuls considéraient que les Bambaras étaient des sous-hommes,
00:48:28 et ainsi de suite. On arrive là-dedans.
00:48:30 Parce qu'aujourd'hui, on a des communautés en France qui se détestent,
00:48:32 et qui disent "voilà, toi tu es
00:48:34 fils de pétainistes, de génocidaires,
00:48:36 voilà". Et une fixation
00:48:38 aujourd'hui chez mes amis français sur l'islam, dès que vous dites
00:48:40 l'islam, on a l'impression qu'on a
00:48:42 dit un gros mot de nazisme. - Comme s'il n'y avait
00:48:44 pas des islams et des communautés.
00:48:46 - Et des musulmans ! - Et des musulmans, bien sûr.
00:48:48 - Je me fais battre sur Twitter par
00:48:50 des amis de droite, j'ai envie de dire "mais les gars,
00:48:52 on se calme, je n'ai pas
00:48:54 l'épée à la main".
00:48:56 Pourquoi ? Pour comment ?
00:48:58 Il faut absolument
00:49:00 conjurer ça. Dans l'histoire de la
00:49:02 colonisation, il y a au moins deux choses
00:49:04 qu'on puisse puiser. La première,
00:49:06 c'est que, on a parlé des grands médecins,
00:49:08 mais on aurait pu parler des grands algériens,
00:49:10 des grands musulmans, des grands vietnamiens,
00:49:12 qui ont tendu la main à la France.
00:49:14 - Bien sûr. - Parce que eux, ils ont vu, mon grand-père,
00:49:16 il a vu les médecins français sauver les marocains. Qu'est-ce qu'il a fait ?
00:49:18 Il s'est engagé, en 40, contre le nazisme.
00:49:20 Ils étaient 500 000,
00:49:22 entre Goumiers, d'Agrébin, - Oui, dans l'armée française.
00:49:24 - et tirailleurs sénégalais,
00:49:26 enfin, noirs, parce qu'on disait sénégalais, mais c'était
00:49:28 des noirs, du Sahel,
00:49:30 et les indo-chinois aussi.
00:49:32 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que nous avons pu,
00:49:34 si nous avons pu, nous, les noirs, les arabes,
00:49:36 les jaunes, comme on disait à l'époque, collaborer
00:49:38 avec les français pendant la colonisation,
00:49:40 alors que nous étions en bas
00:49:42 de l'échelle sociale. Pourquoi aujourd'hui,
00:49:44 alors que nous sommes égaux, nous sommes tous français,
00:49:46 pourquoi on ne peut pas collaborer ?
00:49:48 Quel mérite avons-nous de plus
00:49:50 que les algériens
00:49:52 qui ont pris les armes pour aller casser la gueule
00:49:54 à Hitler, qui n'étaient pas leur ennemi ?
00:49:56 Franchement ! - Oui, tout à fait.
00:49:58 - Ils auraient dû, entre guillemets, - Rester d'autres.
00:50:00 - ou se retourner contre la France, c'était le meilleur moyen.
00:50:02 - Oui, contre les colonisateurs.
00:50:04 - Bien sûr, mais attendez, l'ennemi de mon ennemi.
00:50:06 Et vous avez aussi autre chose,
00:50:08 dans les grands résistants
00:50:10 à la conquête française,
00:50:12 il y a des figures extraordinaires. Il y a l'émir Abdelkader,
00:50:14 un homme d'État,
00:50:16 mais
00:50:18 c'est du Lord, c'est du Nasser.
00:50:20 Là aussi, avec deux fois rien.
00:50:22 Il a fait un État algérien,
00:50:24 il a fait une monnaie, il a fait une capitale,
00:50:26 il a inventé une manière de faire la guerre,
00:50:28 il a unifié l'Algérie, pour la première fois.
00:50:30 - Grand Algérien, grand homme.
00:50:32 - Un grand musulman, grand sunnite,
00:50:34 - Absolument. - grand religieux,
00:50:36 et il a, très dur,
00:50:38 parce que la guerre est brutale, c'est pas un militant,
00:50:40 - Pas un dîner de gala,
00:50:42 comme disait Mao. - Pas un dîner de gala,
00:50:44 il n'a pas perdu la guerre.
00:50:46 Voilà la noblesse, c'est ça qu'il faut comprendre.
00:50:48 - Oui, il a dit, il a dit une phrase, dites-le, Charles,
00:50:50 en parlant de Louis Napoléon.
00:50:52 - Il a dit deux phrases, il a dit
00:50:54 - Louis Napoléon ne...
00:50:56 - Oui, la France m'a vaincu,
00:50:58 en fait, je n'ai pas perdu la guerre
00:51:00 contre la France, j'ai perdu la guerre
00:51:02 contre Louis Napoléon. - C'est ça.
00:51:04 - Et les Allemands,
00:51:06 nos amis allemands dans l'Europe, bien sûr,
00:51:08 les Allemands
00:51:10 ont envoyé une missive à Abdelkader
00:51:12 qui était exilé en Syrie. Ils lui ont dit
00:51:14 "écoute, nous on va attaquer la France en 70-71,
00:51:16 toi tu dois avoir
00:51:18 des problèmes avec la France puisqu'ils t'ont chassé d'Algérie,
00:51:20 travaille avec nous."
00:51:22 Il leur a dit "je préfère que mes chevaux
00:51:24 perdent leur crinière
00:51:26 que de
00:51:28 trahir la France."
00:51:30 Alors que le mec, il a perdu son pays,
00:51:32 tout ça. Quand il y a eu
00:51:34 des guerres, il y a eu des problèmes de...
00:51:36 déjà à l'époque à Damas,
00:51:38 des émeutes entre musulmans
00:51:40 et chrétiens à Damas,
00:51:42 Abdelkader a ouvert
00:51:44 sa maison aux chrétiens de Damas.
00:51:46 Lui qui était aujourd'hui, on dirait qu'il est un islamiste
00:51:48 parce qu'il était effectivement
00:51:50 - Un homme de guerre, un grand guerrier.
00:51:52 - Et puis à l'époque il n'y avait pas de communisme, il n'y avait pas de socialisme.
00:51:54 La seule idéologie disponible
00:51:56 pour lutter contre les chrétiens c'était l'islam.
00:51:58 Eh bien il a...
00:52:00 Je dis moi aux jeunes des banlieues, tout ça,
00:52:02 regardez vers Abdelkader au lieu de regarder
00:52:04 vers un joueur de foot ou un rappeur.
00:52:06 Abdelkader, c'est...
00:52:08 Parce que c'est l'appel de notre sang.
00:52:10 Nous avons une noblesse d'âme qui n'est pas la même
00:52:12 que le féodal de Dalbi ou de Montauban.
00:52:14 J'admets. Mais c'est ça qu'il faut retrouver.
00:52:16 - Il y a eu des noblesses d'âme
00:52:18 des deux côtés, il faut que les nobles d'âme
00:52:20 des deux côtés se retrouvent. - Tout à fait.
00:52:22 Le roi Mohamed V, on ne peut pas
00:52:24 le traiter de traître.
00:52:26 Mohamed V a fait une lettre à Liotté, il lui a dit "je suis reconnaissant".
00:52:28 Et il a
00:52:30 chassé les français plus tard.
00:52:32 Mais ce qui me tue aujourd'hui dans notre époque,
00:52:34 c'est que nous avons fabriqué
00:52:36 des hommes tellement faibles qu'ils sont blancs ou noirs.
00:52:38 Mohamed V, il a su chasser
00:52:40 les français et les remercier de notre part.
00:52:42 - Et tout ce que vous dites, ce que vous décrivez, ce sont les béquilles
00:52:44 des hommes faibles. Voilà.
00:52:46 Et c'est ça qui fait que...
00:52:48 Lucien, nous avons des auditeurs. Je crois que nous avons Pierre Alain.
00:52:50 - Nous avons beaucoup d'auditeurs qui nous appellent au 0826
00:52:52 300 300. On a Pierre Alain dans Guinlé-Bain.
00:52:54 Bonjour Pierre Alain.
00:52:56 - Bonjour Pierre Alain.
00:52:58 - Bonjour André, bonjour Dritt.
00:53:00 Merci de donner vos paroles.
00:53:02 Adrith, c'est formidable.
00:53:04 Je voulais simplement...
00:53:06 - Dites-nous.
00:53:08 - On vous entend mal,
00:53:10 c'est qui s'est haché. Pierre Alain, mettez-vous dans un endroit
00:53:12 où on vous entend bien. Oui, allez-y, allez-y.
00:53:14 - On va mieux là ?
00:53:16 - Oui, allez-y. - Je voulais dire que pour une fois,
00:53:18 on peut vraiment dire que
00:53:20 Anne Migré est une vraie chance pour la France
00:53:22 quand on entend Dritt.
00:53:24 Et ça fait plaisir de voir que cette Maxime
00:53:26 qui est souvent galvaudée, est totalement
00:53:28 justifiée en l'occurrence
00:53:30 et que vous avez le courage de lui
00:53:32 donner la parole.
00:53:34 Bravo, merci à vous.
00:53:36 Et continuez. Ma question était
00:53:38 simplement, Adrith,
00:53:40 comment sait-il que ce langage
00:53:42 qu'il arrive à tenir avec vous,
00:53:44 devant vous et devant les auditeurs sur radio,
00:53:46 est-ce qu'il va pouvoir
00:53:48 s'exprimer aussi
00:53:50 dans d'autres radios, vers
00:53:52 d'autres publics, et sinon
00:53:54 est-ce qu'il en pense ? Et pourquoi
00:53:56 ce ne serait pas possible que cette
00:53:58 parole, à la fois de justice
00:54:00 et d'intelligence,
00:54:02 puisque le monde n'est pas blanc ou noir, et c'est ce qu'il nous explique,
00:54:04 on a marre d'être pris pour
00:54:06 des gens qui sont des interrupteurs
00:54:08 on-off, blancs-noirs,
00:54:10 méchants, gentils. Et je pense que
00:54:12 son message, il est d'abord celui-là
00:54:14 et je voudrais savoir s'il espère
00:54:16 pouvoir le porter sur d'autres
00:54:18 zones et
00:54:20 qu'on puisse avoir le plaisir de l'entendre.
00:54:22 - Driss Ghali. - Merci. - Je vous remercie
00:54:24 Pierre Alain.
00:54:26 Moi je suis à disposition,
00:54:28 même pour aller me faire battre,
00:54:30 la pelle est lancée au service
00:54:32 public, payé par nos
00:54:34 impôts, vos impôts.
00:54:36 - Vous êtes déjà passé d'ailleurs ?
00:54:38 Ou en général, vous êtes déjà passé ?
00:54:40 - Non, les médias
00:54:42 font un black-out
00:54:44 mais je
00:54:46 crierai "Nique la France", je serai invité partout,
00:54:48 je serai peut-être même subventionné
00:54:50 ou même reçu à l'Elysée. - Et vous dites
00:54:52 "Et si vous chantez "Pendez les Blancs" alors là,
00:54:54 open bar ! - Ah oui, je serai
00:54:56 au Festival de Cannes,
00:54:58 mais j'irai au Festival de Cannes, peut-être au Burger King,
00:55:00 parce que j'ai pas les moyens, mais j'irai au Festival de Cannes.
00:55:02 Non mais qu'est-ce que je veux dire par là ?
00:55:04 C'est...
00:55:06 Ça a toujours été difficile
00:55:08 de dire une vérité.
00:55:10 Et c'est tellement facile
00:55:12 de servir
00:55:14 un système qui co-opte.
00:55:16 Voilà, donc je ne le renveux pas,
00:55:18 moi je veux juste dire qu'il faut qu'on soit
00:55:20 tous utiles à notre pays,
00:55:22 utiles à ce pays, c'est dire
00:55:24 la vérité sans être à quatre pattes.
00:55:26 Souvent, certains amis immigrés me disent "Ouais,
00:55:28 tu veux plaire aux Français", mais si je voulais plaire aux Français,
00:55:30 je crierais "Nique la France" ! - Bien sûr.
00:55:32 Ça serait beaucoup plus facile. - Je serai
00:55:34 beaucoup plus facile, je serai partout.
00:55:36 Je serai partout, mais on fait pas ça
00:55:38 pour plaire, on fait ça pour garder le bon Dieu
00:55:40 le jour du jugement dernier, et surtout pour
00:55:42 pas loyauter envers nos amis.
00:55:44 - Et oui, et la vraie loyauté c'est celle-là,
00:55:46 c'est pas celle de s'accroupir et de ramper.
00:55:48 - Et vous n'avez pas besoin de baisements,
00:55:50 de béni-oui-oui comme on dit chez moi.
00:55:52 - C'est pas ça.
00:55:54 - Restez bien avec nous, on se retrouve tout de suite avec
00:55:56 Dries Gally pour son livre "Une contre-histoire
00:55:58 de la colonisation française", vous nous appelez
00:56:00 au 0826 300 300,
00:56:02 à tout de suite sur Sud Radio.
00:56:04 Dans le face-à-face d'André Bercoff avec
00:56:06 Dries Gally pour son livre "Une contre-histoire
00:56:08 de la colonisation française" aux éditions
00:56:10 Jean-Cyril Godefroy, et vous avez la parole
00:56:12 au 0826 300 300, on accueille
00:56:14 Sylvie de Bordeaux, bonjour Sylvie.
00:56:16 - Bonjour, André Bercoff,
00:56:18 merci pour votre émission,
00:56:20 pour vos émissions,
00:56:22 et merci à Dries Gally pour son livre
00:56:24 que je vais m'empresser d'acheter.
00:56:26 Donc moi je suis une pied-noire,
00:56:28 j'ai vécu 20 ans à Casablanca,
00:56:30 je suis issue de parents pied-noirs
00:56:32 d'Algérie, et j'ai trouvé,
00:56:34 bien sûr Casablanca était
00:56:36 une ville merveilleuse avec plein
00:56:38 d'infrastructures, comme le Maroc
00:56:40 en général, et j'ai toujours regretté
00:56:42 qu'on fasse ce mea culpa,
00:56:44 parce que je ne voyais pas en quoi nous,
00:56:46 les français, nous étions responsables.
00:56:48 Je trouvais que nous vivions en harmonie,
00:56:50 et dans un beau pays,
00:56:52 que les français ont contribué
00:56:54 à construire,
00:56:56 et donc je suis ravie de ces propos,
00:56:58 de ces vérités que j'étais impatiente
00:57:00 d'entendre. Merci en tout cas
00:57:02 de les avoir tenus.
00:57:04 - Merci à vous,
00:57:06 vous avez une question à poser à Dries Gally ?
00:57:08 - Pas vraiment, je suis
00:57:10 vraiment d'accord avec tout ce que j'ai entendu,
00:57:12 et je vais l'être
00:57:14 davantage après avoir lu
00:57:16 l'ouvrage, j'en suis sûre.
00:57:18 - Lisez-le, ça c'est clair, il faut le lire.
00:57:20 - Merci bien, merci à tous les deux.
00:57:22 - Dries Gally, merci à vous, merci à vous
00:57:24 Sylvie, de nous suivre.
00:57:26 Dries Gally, est-ce que
00:57:28 par ailleurs, est-ce qu'on peut dire aujourd'hui
00:57:30 justement, vous en parlez, il y a
00:57:32 plusieurs passages dans ton livre,
00:57:34 vous voudrez passer quelques
00:57:36 heures à le citer, mais encore une fois, lisez-le.
00:57:38 Vous dites
00:57:40 quelque part, il y a eu
00:57:42 surtout les deux, je parle la partie 5
00:57:44 et 6, on a
00:57:46 parlé du que faire,
00:57:48 mais il y a deux choses, je voudrais vous dire,
00:57:50 en fait, est-ce que la décolonisation,
00:57:52 la manière
00:57:54 dont ça s'est fait,
00:57:56 a ouvert la voie à ce qui se passe aujourd'hui ?
00:57:58 Est-ce que, en fait,
00:58:00 on pourrait pas avoir une suggestion,
00:58:02 les choses se passent
00:58:04 comme elles se passent, et surtout,
00:58:06 est-ce que c'est ça qui a fait que l'Empire
00:58:08 contre-attaque, comme on dit, voilà,
00:58:10 Maghreb et en Afrique ? Est-ce que la décolonisation,
00:58:12 est-ce qu'aujourd'hui, puisqu'on en parle encore,
00:58:14 est-ce que, enfin, c'est facile
00:58:16 à dire, ça aurait pu être géré autrement, mais quand même.
00:58:18 - Je peux revenir sur le message de Sylvie ?
00:58:20 - Oui, bien sûr, bien sûr. - Casablanca était
00:58:22 la ville du Maroc la plus
00:58:24 occidentalisée avec Tangier.
00:58:26 Tangier, c'est un cas à part, c'est une ville internationale où il y avait
00:58:28 plusieurs puissances coloniales,
00:58:30 et à Casablanca, il y avait, je m'excuse
00:58:32 Sylvie, mais je le prendrai très bien,
00:58:34 il y avait une zone de la
00:58:36 prostitution, ça s'appelait le Bousbire,
00:58:38 ça venait de M. Prosper,
00:58:40 qui était le maître des lieux,
00:58:42 qui a été exproprié. - Prosper you plaboom,
00:58:44 c'est les chansons, oui. - Le Bousbire
00:58:46 était un quartier de la prostitution
00:58:48 à la française, avec le cartésien,
00:58:50 le dispensaire, la gendarmerie,
00:58:52 la banque, enfermés pour pas
00:58:54 choquer les musulmans. - Ah d'accord.
00:58:56 - On voyait pas les filles, fallait rentrer dedans. - Clos de mur, quoi.
00:58:58 - Clos de mur, un ghetto.
00:59:00 La mairie de Saigon,
00:59:02 c'est ma mémoire, est bonne, dans les années 30,
00:59:04 a envoyé une équipe,
00:59:06 une délégation, pour observer
00:59:08 la gestion à Casablanca.
00:59:10 Parce qu'ils ont dit "vous êtes le modèle,
00:59:12 parce que nous, à Saigon, nous n'arrivons pas à contrôler
00:59:14 les filles et le scandale
00:59:16 public". Bon, ça n'a pas
00:59:18 pu être appliqué, parce que le milieu
00:59:20 vietnamien n'a pas
00:59:22 permis. - N'a pas permis. - Voilà, c'est ça,
00:59:24 la contre-histoire, c'est aussi ça, c'est plein
00:59:26 d'histoires comme ça. Au fait,
00:59:28 ce qui s'est passé dans les décolonisations,
00:59:30 il y a eu en germe,
00:59:32 enfin, il y a eu deux choses,
00:59:34 il y a des choses qui sont du fait de la France,
00:59:36 des erreurs de la France, on va dire,
00:59:38 et des erreurs des pays du Sud. La France
00:59:40 a souvent abandonné l'économie,
00:59:42 et a abandonné
00:59:44 ses amis. En Algérie,
00:59:46 évidemment, les Harkis, les Harkis du Vietnam,
00:59:48 mais souvent, elle a abandonné aussi
00:59:50 ses amis au Maroc, en Tunisie, les gens qui ont
00:59:52 collaboré à Wauquiez. - Et les
00:59:54 abandonnants, dans des circonstances pas toujours
00:59:56 glorieuses, c'est le moins qu'on puisse dire. - Glorieuses.
00:59:58 Elle a même abandonné les
01:00:00 Pinoirs, parce qu'il y a eu des massacres au Maroc,
01:00:02 après l'indépendance, à Meknes,
01:00:04 en 56. Est-ce que
01:00:06 c'est les changements de régime ?
01:00:08 La police n'est plus la française,
01:00:10 mais bon, mais il y a...
01:00:12 Alors que dans Meknes, qui est une ville
01:00:14 où il y avait la plus grande base de France,
01:00:16 hors de France,
01:00:18 ils n'ont pas bougé, ou ils ont bougé en retard.
01:00:20 Voilà, donc, on a appris
01:00:22 la lâcheté administrative
01:00:24 à la décolonisation. - Hum hum.
01:00:26 - Parce que c'est le pas de vague.
01:00:28 - Oui, c'est ça. - On a aussi...
01:00:30 On a aussi fait preuve
01:00:32 de naïveté, notamment avec
01:00:34 les Algériens. J'aime beaucoup l'Algérie, ils ont inventé
01:00:36 le rail, ma mère est de l'Est du Maroc,
01:00:38 moi j'ai aucun problème. Mais avec l'Algérie,
01:00:40 la France, de De Gaulle, c'est pas
01:00:42 Macron, hein.
01:00:44 On a fait... On a été
01:00:46 des bisounours. On a accepté tout de suite
01:00:48 une grande immigration algérienne, la France
01:00:50 a avancé à l'argent du...
01:00:52 - Qui tient encore la loi de 68, hein.
01:00:54 - Bien sûr, bien sûr.
01:00:56 On n'a pas
01:00:58 demandé aux Algériens de retrouver les Français enlevés
01:01:00 après l'indépendance algérienne.
01:01:02 Enlevés, on sait pas où ils sont.
01:01:04 C'est une ignominie. Et c'est De Gaulle, hein, c'est pas...
01:01:06 Je dis, c'est pas les gens qui nous gouvernent. Maintenant, ça nous attendrait
01:01:08 pas, ça venait de Macron. Là, ça vient de De Gaulle.
01:01:10 Donc ça, c'est les... Donc,
01:01:12 dedans, il y a les germes
01:01:14 d'une médiocrité française qui n'est pas
01:01:16 à la hauteur de la France.
01:01:18 Du côté du Sud, le pouvoir a été
01:01:20 donné aux élites qui étaient là.
01:01:22 Et qui... Voilà. Ces élites qui étaient...
01:01:24 Ces élites-là, elles ont essayé de faire ce qu'elles ont pu.
01:01:26 Même en Algérie. Même le FLN qu'on peut critiquer.
01:01:28 Mais ils ont pas pu.
01:01:30 Et les Noirs, les Africains, ils ont fait le Parti
01:01:32 unique, qui était une très bonne idée, pour éviter
01:01:34 les guerres ethniques. Où faut être bonni !
01:01:36 - Oui, parce qu'il y avait des guerres tribales,
01:01:38 il fallait... Et ils ont trouvé l'État, quand même.
01:01:40 - Ils ont trouvé l'État. Voilà.
01:01:42 Dès qu'on a fait la boule
01:01:44 et tout ça, dès qu'on a démocratisé l'Afrique,
01:01:46 on a un retour des horreurs ethniques
01:01:48 et des problèmes ethniques. Vous avez aujourd'hui, comme le dit Lugand,
01:01:50 la politique est ethnique en Afrique.
01:01:52 Au Maghreb, tout ça, Hassane II,
01:01:54 tout ça, ils ont essayé de faire ce qu'ils ont pu. Bourguiba,
01:01:56 Parti unique, ils ont essayé de faire ce qu'ils ont pu.
01:01:58 Le problème, et c'est la thèse de mon livre,
01:02:00 la civilisation a retrouvé son dernier mot.
01:02:02 Parce que
01:02:04 la France partie,
01:02:06 la modernité partie, est revenue à la civilisation
01:02:08 tribale, africaine et arabe,
01:02:10 avec sa beauté.
01:02:12 Vous êtes reçu au Maroc et des Méchouis,
01:02:14 - C'est sûr. Sa beauté,
01:02:16 mais ses gouffres. - Ses gouffres.
01:02:18 La corruption, le goût de l'injustice.
01:02:20 Nous n'aimons pas l'égalité en Afrique.
01:02:22 Nous n'aimons pas l'égalité.
01:02:24 Donc, nous n'avons pas
01:02:26 beaucoup d'empathie hors du milieu tribal.
01:02:28 Ce qui a donné
01:02:30 la catastrophe algérienne,
01:02:32 dans une certaine façon, le sous-développement du Maroc
01:02:34 aujourd'hui, de la Tunisie. C'est-à-dire que le Maroc, mon
01:02:36 pays, comme ça, mes amis algériens vont
01:02:38 être contents. On n'arrête pas de mettre de l'argent.
01:02:40 Le TGV,
01:02:42 les barrages,
01:02:44 c'est très bien, je ne suis pas contre.
01:02:46 Les trottoirs de la ville de Rabat sont
01:02:48 10 000 fois plus propres que les trottoirs de Madame Hidalgo.
01:02:50 Mais le pays ne bouge pas,
01:02:52 parce que la civilisation marocaine ne veut pas bouger.
01:02:54 Nous ne voulons pas changer.
01:02:56 - Vous voulez dire qu'elle est restée, quelque part,
01:02:58 tribale, quand même ? Elle est monarchiste,
01:03:00 bon, il y a le droit, etc. - Heureusement,
01:03:02 la monarchie correspond à notre inconscient collectif,
01:03:04 ce n'est pas le problème. - Mais comment vous expliquez, pardon,
01:03:06 on va parler un peu d'Algérie. - Bien sûr. - André Zélicon,
01:03:08 vous expliquez quand même
01:03:10 l'accaparement du pouvoir des généraux, et puis
01:03:12 cette corruption quand même hallucinante de l'Algérie,
01:03:14 le pays le plus riche d'Afrique.
01:03:16 Enfin, en tout cas, d'Afrique du Nord, etc.
01:03:18 Alors, bon, comment vous expliquez ?
01:03:20 Oui, on n'explique pas la nature humaine,
01:03:22 mais enfin, comment ça se fait
01:03:24 que c'est resté comme ça depuis
01:03:26 maintenant des décennies, et que ça continue ?
01:03:28 - C'est une histoire
01:03:30 formidable.
01:03:32 Il y a deux niveaux d'explication.
01:03:34 Il y a le niveau d'explication qui est de dire
01:03:36 que l'EFLN est un parti de gauche
01:03:38 magnifique. Ce sont des jacobins,
01:03:40 des sans-culottes, des tueurs.
01:03:42 Vous voyez ce qu'ils ont fait aux pieds noirs,
01:03:44 et aux soldats français pendant la seconde guerre,
01:03:46 pendant la guerre de libération. Aux pieds noirs surtout,
01:03:48 c'était des civils innocents. Donc, ce parti
01:03:50 de tueurs, avec des exceptions magnifiques
01:03:52 comme Boudiaf, pour lequel je vois un culte,
01:03:54 c'est pas le problème, il se comporte
01:03:56 comme une mafia. Donc, il a mis l'Algérie
01:03:58 en coubre réglée. Et puis, il a besoin
01:04:00 de la France comme l'ennemi pour pouvoir
01:04:02 dire "c'est pas moi, même si moi je vole,
01:04:04 j'ai la confiture qui me tombe
01:04:06 de la bouche, c'est pas ma faute, c'est celle des français".
01:04:08 Mais, surtout, au fin fond
01:04:10 du problème algérien, et là, la France
01:04:12 est un peu responsable, il y a eu la destruction
01:04:14 des élites traditionnelles algériennes.
01:04:16 - D'accord.
01:04:18 - La France, quand elle a conquis l'Algérie,
01:04:20 elle a tué ou neutralisé les vieux
01:04:22 caïds, les vieux sheikhs,
01:04:24 la noblesse algérienne. Au Maroc et en Tunisie,
01:04:26 grâce à Lyotai notamment, elle a gardé.
01:04:28 - Elle a gardé. - Donc, nous avons pu garder
01:04:30 des courroies de transmission.
01:04:32 - Merci Idriss Ghali,
01:04:34 on pourrait en parler pendant des heures.
01:04:36 Et encore une fois, je vous recommande ce livre,
01:04:38 vraiment, si vous voulez comprendre
01:04:40 encore mieux, vous informer sur ce qui
01:04:42 s'est passé depuis
01:04:44 ces deux siècles,
01:04:46 la contre-histoire de la colonisation française
01:04:48 a vraiment à ne pas rater.

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