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00:00 7h-9h, les Matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:04 La question du jour, le spectre de la liquidation plane sur fret SNCF, la filiale de transport
00:10 de marchandises de la SNCF.
00:11 Après enquête, la Commission européenne menace en effet de sanctionner la filiale
00:15 pour avoir bénéficié d'aides jugées illégales de l'État sur la période 2007-2009.
00:21 Clément Beaune, le ministre délégué au transport a annoncé un plan pour tenter de
00:25 sauver la filiale qui n'est pas sans compromis.
00:28 Le fret ferroviaire français peut-il encore être sauvé ? Bonjour Gilles Dansart.
00:32 Bonjour.
00:33 Vous êtes rédacteur en chef du site Mobilêtre qui est spécialisé dans le transport ferroviaire.
00:38 Tout d'abord, il faut nous rappeler sur quoi portait l'enquête de la Commission européenne.
00:44 Depuis 2006 en Europe, le fret est libéralisé, c'est une obligation.
00:49 Et donc dans ce contexte-là, les aides d'État sont soigneusement encadrées.
00:54 Elles doivent bénéficier à tous les protagonistes.
00:56 Et depuis 2007, la France a continué à aider la filiale de son opérateur qui était avant
01:05 monopolistique, la SNCF, donc Fred SNCF, à coût de milliards.
01:09 Donc c'est 5,3 milliards qui ont été accordés depuis 2007 jusqu'en 2019.
01:14 Et donc la Commission dit "vous avez triché, donc on vous sanctionne".
01:18 Bon alors, ça suscite évidemment beaucoup de questions dans la question du jour.
01:21 La première question, c'est pourquoi a-t-on continué alors que ce n'est pas secret que
01:25 ces aides sont illégales, Gilles Dansart ?
01:27 Il y a une double explication.
01:30 Premièrement, une forme de lâcheté.
01:32 C'est-à-dire qu'au lieu de faire une vraie stratégie, comme on est en train de la faire,
01:37 avec 15 ans de retard, on a fait les fins de mois, on a fait les fins d'année de fret SNCF.
01:42 On a comblé les trous.
01:44 Il y a beaucoup de trous quand même pour 5 milliards.
01:47 Oui, ça en fait un certain nombre chaque année.
01:49 Mais tous les gouvernements n'arrêtaient pas de protester de leur soutien aux frets,
01:54 mais en fait ils ne faisaient que les fins de mois et pas de stratégie.
01:57 La deuxième raison, c'est notre rapport à Bruxelles.
02:00 C'est-à-dire que à la fois les gouvernements français et puis la direction de la SNCF
02:04 se sont dit "ils ne vont pas oser nous sanctionner, ça va passer".
02:09 Et bien ça n'est pas passé.
02:10 Et bien ils ont osé.
02:11 L'autre question qui se pose, et ça c'est vraiment quelque chose qui m'étonne, il y
02:15 aurait toutes les raisons pour que le fret fonctionne.
02:18 Il cumule toute une série d'avantages, de bénéfices, d'intérêts.
02:23 Dans la période climatique, il permet aussi d'éviter la circulation de poids lourd sur
02:29 les routes.
02:30 Pourquoi celui-ci en France ne fonctionne-t-il pas ?
02:32 Alors, il y a plusieurs explications.
02:35 La première, c'est qu'on a mis beaucoup, beaucoup d'argent sur les lignes voyageurs
02:38 et notamment les TGV.
02:39 Donc l'investissement qui était nécessaire n'a pas été fléché sur le fret.
02:43 Deuxièmement, le camion, la route ont fait d'énormes progrès depuis les années 80.
02:49 Donc il aurait fallu vraiment armer le fret ferroviaire pour résister à cette facilité
02:54 du camion.
02:55 Pour que les choses soient claires, ça veut dire qu'il est aujourd'hui meilleur marché
02:59 de faire circuler des marchandises par camion ?
03:01 Ça commence à s'inverser grâce au soutien aux solutions dites décarbonées.
03:06 Donc ça commence à s'inverser.
03:07 Mais en tout cas, pendant longtemps...
03:09 Solutions dites décarbonées, ça veut dire quoi concrètement ?
03:11 Décarbonées, c'est le fluvial ou le ferroviaire, qui émettent beaucoup moins de carbone que
03:18 le transport routier classique.
03:20 Mais ça veut dire aussi, Gilles Densart, que ces solutions, elles sont meilleures marché
03:25 avec ou sans subvention de l'État ?
03:27 Parce que c'est ça le problème, c'est qu'aujourd'hui, en fait, l'activité frette, elle est structurellement
03:31 déficitaire parce que, comme vous l'avez expliqué, l'État est obligé de combler.
03:34 Parce que l'activité est insuffisamment modernisée et insuffisamment soutenue.
03:40 Qu'est-ce qui doit être soutenu ?
03:41 C'est pas l'activité elle-même.
03:42 Et c'est ça que la Commission a sanctionné.
03:44 C'est essentiellement les infrastructures et tout ce qui permet de faire circuler ces
03:51 trains de frette.
03:52 Les infrastructures, c'est-à-dire les rails ou les wagons et les trains de marchandise,
03:57 Gilles Densart ?
03:58 Je prends un exemple concret.
03:59 Le vrai problème, c'est l'accès aux métropoles, qui est très encombré le matin par les trains
04:03 voyageurs.
04:04 Eh bien, il faut faire des contournements.
04:05 Eh bien, ça fait 30 ans qu'on envisage le contournement frette de l'agglomération
04:09 lyonnaise, d'ICF-AL.
04:10 Et ça fait 30 ans qu'on n'avance pas.
04:12 Et donc, ça bloque le nombre de trains qui doivent circuler dans cette zone.
04:18 Et on peut reproduire ce schéma dans de nombreuses agglomérations.
04:22 Mais pourtant, le système traditionnel utilisé par exemple aux États-Unis, c'est le fait
04:28 d'emprunter les lignes la nuit où généralement, il y a moins de trains de voyageurs.
04:33 Aux États-Unis, il y a très peu de trains voyageurs.
04:35 Il n'y a que du frette quasiment.
04:36 Et c'est une activité florissante.
04:37 En France, c'est exactement le contraire.
04:39 On allait dire à un président de conseil régional qu'on ne va pas faire circuler
04:42 un train de voyageurs le matin parce qu'on veut faire circuler un train de frette.
04:45 Et donc, pour concilier les deux, il faut travailler à résoudre ces fameux nœuds
04:49 ferroviaires.
04:50 - Alors justement, aux États-Unis, vous venez de le dire, c'est une activité florissante.
04:54 Il n'y a pas un jour qui se passe sans un mouvement capitalistique là-bas sur ce secteur-là.
04:59 Puisqu'il y a une libéralisation du secteur ferroviaire en France, est-ce que ça veut
05:03 dire que des entreprises privées vont pouvoir faire rouler des trains de marchandises ?
05:07 - C'est déjà le cas depuis 2006.
05:09 Et leur part de marché n'a cessé de croître.
05:11 On est aujourd'hui à 50%.
05:12 La frette SNCF ne fait plus que la moitié du fret ferroviaire en France.
05:16 Donc elles se sont structurées, elles ont pris de nombreux marchés et elles sont prêtes
05:21 à continuer, mais à condition qu'il y ait ce fameux soutien de l'État, de SNCF Réseau,
05:27 la partie infrastructure de SNCF.
05:29 Et là, tout ça est en train d'être enfin constitué.
05:33 Mais il manque encore beaucoup de financement pour sortir le fret de l'ornière.
05:37 - Et alors est-ce que là, la prise de conscience est là ?
05:41 Qu'est-ce qu'on peut avoir dans un futur proche à cet égard, Gilles Dansey ?
05:44 - Concrètement, vous allez avoir 20% de l'activité de frette SNCF qui va passer à ses concurrents.
05:51 Donc il va y avoir un certain nombre de dispositions pour que la Commission ne liquide pas frette
05:55 SNCF.
05:56 Donc du coup, ça va...
05:57 - Oui, parce que c'est quand même un risque...
05:59 - C'était un risque établi, mais là, les négociations sont en bonne voie, sous l'étroit
06:03 de surveillance, évidemment, des syndicats, de l'État, etc.
06:06 Mais normalement, ça va créer un peu de dynamique.
06:10 Mais il reste à faire en sorte que ce ne soit pas juste pour éviter que la part de
06:16 frette chute.
06:17 On n'est qu'à 10% par modal.
06:19 Qu'est-ce que ça veut dire ? 90% des camions, des marchandises sont transportées sur camions,
06:24 10% sur le fer.
06:25 On pourrait aussi avoir 2% sur le fluvial, pour affiner les chiffres.
06:29 Et donc, pour que l'on passe à 20%, ce qui est l'objectif annoncé par les pouvoirs
06:34 publics, eh bien il va falloir vraiment investir pour une fois.
06:37 - 20%, justement, si on compare ça à d'autres pays, qu'est-ce que ça donne, Gilles Dansart ?
06:42 Alors, j'imagine que c'est très hétérogène en fonction des pays, mais 20%, c'est un
06:46 objectif qui vous paraît ambitieux.
06:49 Alors, en l'état actuel des choses, ça veut dire un doublement.
06:51 Donc, c'est pas mal, mais sinon, dans l'absolu ?
06:53 - C'est tout à fait atteignable, tout simplement parce qu'il y a cette mobilisation en faveur
06:58 du climat, et que donc, les trains, c'est quand même incroyablement plus fécond du
07:02 point de vue environnemental.
07:03 Mais aussi parce qu'il y a des saturations routières extraordinaires, et donc notamment
07:09 sur les trains de longue distance, ce qu'on appelle le transport combiné, des containers
07:12 sur les trains, des camions sur les trains, il y a un potentiel terrible sur la longue
07:15 distance et à l'échelle européenne.
07:17 Donc là, il y a vraiment de quoi faire très bien pendant les années qui viennent, mais
07:21 il faut cette prise de conscience politique.
07:23 - Merci beaucoup, Gilles Dansart.
07:25 Je renvoie à votre site mobilettre, 7h23 sur France Culture.

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