• il y a 2 ans
Le Poulpe, est un média indépendant basé en Normandie. Spécialisé sur les questions écologiques, il enquêtait sur les activités du groupe Valgo, un puissant industriel spécialisé dans la dépollution et le désamiantage. Le Poulpe est malheureusement attaqué en justice par son PDG François Bouché. Une procédure bâillon, une énième après celles subies par Reflet.info et Médiapart. Une atteinte à la liberté de la presse qui rend le travail des médias indépendants, déjà rendu difficile par le manque de moyen, encore plus compliqué. Même un procès gagné coûte à ces médias assez d'argent pour les mettre en danger financièrement. Pour pouvoir lutter contre ce goliath industriel, prétendument "dépollueur", Ils ont lancé une campagne de don pour les aider dans cette épreuve judiciaire. Vous pouvez donc les soutenir en vous dirigeant vers ce lien : https://donorbox.org/lepoulpe
Pour en parler, Irving Magi reçois Manuel Sanson, journaliste pour Le Poulpe.

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00:00 [Générique]
00:05 Le Poulpe est un média indépendant basé en Normandie spécialisé sur les questions écologiques.
00:11 Il enquêtait sur les activités du groupe Valgo, un puissant industriel spécialisé dans la dépollution et le désalimentage.
00:18 Le Poulpe est malheureusement attaqué en justice par son PDG, François Boucher.
00:23 Une procédure baillon, une énième après celle déjà subie par Reflet, Pouinfo et Mediapart.
00:28 Une atteinte à la liberté de la presse qui rend le travail des médias indépendants,
00:32 déjà rendu difficile par le manque de moyens, très compliqué.
00:35 Ils ont lancé une campagne de dons pour les aider dans cette épreuve judiciaire.
00:38 Pour en parler, je reçois le journaliste Manuel Sanson. Bonjour Manuel.
00:43 – Bonjour. – Tout va bien ?
00:45 – Ça va, ça va. Et vous ? – Tu m'entends bien ?
00:47 – Ouais, ouais, ouais, très bien.
00:49 – Alors, tout d'abord, est-ce que sommairement, vous pouvez nous expliquer un petit peu les raisons
00:53 qui ont poussé François Boucher, le PDG de Valgaux, à vous poursuivre en justice ?
01:00 – Oui, tout à fait. En fait, l'histoire, si je puis dire, elle commence en fait en début 2022,
01:06 où notre média, le Poulpe, a mis en ligne une enquête en trois volets,
01:11 signée par une de nos journalistes, Laurence Deleur, qui pointait de lourds soupçons
01:17 sur la qualité et la réalité de la dépollution d'un site industriel un peu emblématique
01:24 dans l'agglomération de Rouen, en l'occurrence l'ex-raffinerie Petroplus.
01:28 Et donc, après avoir enquêté pendant des semaines, des mois,
01:32 sur la base de très nombreux témoignages, de photos, de documents,
01:36 on sort une grosse enquête en trois volets pour dire qu'il y a quand même de sérieux doutes
01:40 sur la qualité de cette dépollution qui devait avoir été menée par la société Valgaux,
01:46 qui avait été retenue pour ce chantier-là.
01:48 Et donc, le point de départ, il part de là.
01:52 Et puis, après, toutes les choses se sont enchaînées.
01:55 Je ne sais pas, peut-être, si tu veux me poser des questions,
01:57 ou je peux continuer le fil un peu de l'historique, si tu préfères.
02:00 – Peut-être que ce qui pourrait être intéressant,
02:02 vu que tu parles un petit peu du postulat de l'enquête,
02:04 est-ce que peut-être tu peux nous parler de ce que l'enquête avait révélé
02:09 sur justement les activités de Valgaux ?
02:11 – L'enquête révélait notamment que, par exemple, les sous-sols du site à dépolluer
02:18 étaient, comment dire, renfermés par exemple des hydrocarbures.
02:21 On avait des photos qui montraient qu'il y avait même à certaines saisons de l'année
02:24 des remontées d'hydrocarbures sur des terrains qui étaient censés avoir été dépollués.
02:28 L'enquête, elle démontrait aussi que les services de l'État
02:31 qui étaient censés surveiller tout ce travail-là,
02:33 donc en l'occurrence, ça s'appelle l'ADREAL,
02:35 avaient plusieurs fois mis en demeure,
02:37 même prononcé des amendes sur contre Valgaux
02:40 par rapport à la gestion de certains lots de terres polluées qui n'étaient pas conformes.
02:44 Il y avait aussi des questions d'amiants sur certaines cheminées
02:47 qui n'avaient pas été correctement évacuées par exemple aussi.
02:50 Il y avait tout un tas de griefs qui étaient faits,
02:53 à la fois par des témoignages, à la fois par des documents vidéo-photo
02:57 et également aussi par tout un tas de documents émanant des services de l'État
03:02 et qui démontraient bien que tout n'avait pas été spécifiquement fait dans les règles.
03:08 – Justement, c'est une enquête effectivement très documentée
03:13 avec un contradictoire aussi.
03:15 – Tout à fait, c'est pour ça, après si je reprends un petit peu le fil,
03:18 donc en fait l'enquête, alors déjà avant la sortie de l'enquête,
03:21 forcément il y a un contradictoire,
03:23 où il y a de longs entretiens justement avec M. Boucher, le PDG de Valgaux,
03:27 la situation est assez tendue, mais il y a de très longs échanges,
03:31 nous publions toutes ces propos, enfin pas tous,
03:33 mais en tout cas une bonne partie de ces propos,
03:35 de ces réponses sur les questions précises qu'on lui pose.
03:38 C'est à cette occasion-là d'ailleurs, avant la sortie,
03:40 qu'il nous menace de manière implicite, mais c'est ça que ça voulait dire,
03:43 qu'en gros il pourrait engager des actions en justice,
03:47 qui pourraient avoir des répercussions,
03:48 je crois que c'était ça la terminologie, sur les activités du pouls,
03:51 donc voilà, c'était assez clair de prime abord.
03:56 Donc l'article sort, en fait après il y a tout un travail
04:01 entre les avocats de Valgaux et notre avocat sur un droit de réponse,
04:06 donc ça c'est un truc qui est classique, prévu dans le droit de la presse,
04:09 donc la négociation se tient,
04:10 il y a un accord qui est trouvé sur un droit de réponse,
04:12 donc on finit par publier comme l'exige la loi.
04:16 Et donc on pensait nous que l'affaire était, entre guillemets,
04:18 d'un point de vue juridique et dont les relations avec Valgaux étaient terminées,
04:22 et puis en fait, ben non, pas du tout,
04:23 puisqu'on a appris il y a quelques mois maintenant,
04:26 ça devait être en mars je crois, 2023,
04:29 que finalement Valgaux avait donc attaqué le pouls pour diffamation,
04:32 et avait également attaqué Mediapart en diffamation,
04:34 puisque Mediapart avait repris notre article.
04:39 Voilà, donc c'est un petit peu ça le cheminement,
04:41 et après avec donc aussi la spécificité,
04:43 donc ça j'en ai pas parlé encore,
04:45 c'est quand même ça surtout qui est très inquiétant sur la liberté de la presse,
04:50 c'est le fait qu'en parallèle de tout ça,
04:52 Valgaux discrètement a saisi le tribunal de commerce de Rouen,
04:57 donc là on était plutôt à l'automne 2022,
05:01 pour en gros lui demander à pouvoir envoyer huissiers et policiers
05:07 dans une autre entreprise de l'agglomération rouennaise,
05:11 donc entreprise que Valgaux pense être notre source à l'origine des premières révélations,
05:15 et donc pour que ces huissiers et ces policiers,
05:19 et aussi un expert informatique,
05:20 puissent aller fouiller dans les ordinateurs de cette boîte,
05:23 afin de l'identifier en gros les sources du pouls sur les révélations initiales.
05:27 Donc nous on n'est au courant de rien,
05:28 tout ça se fait dans le plus grand secret,
05:30 le président du tribunal de commerce donne son accord,
05:33 et donc effectivement il y a bien des huissiers, des policiers,
05:36 un expert informatique qui se sont déplacés en novembre 2022,
05:39 dans les locaux de cette fameuse société,
05:41 avec pour mission d'essayer de trouver des messages, des traces,
05:45 de rentrer des mots-clés,
05:46 notamment les adresses e-mail du directeur de la publication du pouls,
05:50 mon collègue Gilles Triolier,
05:51 celui de la journaliste qui était à l'origine de l'enquête, Laurence Dolleur,
05:54 celui d'Edwi Plenel aussi, directeur de publication de Mediapart.
05:59 Et donc ça nous on ne l'apprend que en février, mars dernier,
06:02 et voilà, donc on en fait état dans un nouvel article
06:06 pour raconter en gros les menaces que ça fait peser
06:09 sur le principe du secret des sources,
06:11 qui est consacré par la loi française,
06:13 par la Convention européenne des droits de l'homme,
06:15 enfin voilà, quelque chose de liberté assez important.
06:17 Parce que là, votre source a aussi été intimidée.
06:21 Alors en fait, il se trouve que ce ne sont pas nos sources,
06:23 en fait, en plus Valgo se plante complètement.
06:25 Donc voilà, mais effectivement, oui, il y a quand même eu en tous les cas
06:27 une opération, voilà, une opération…
06:29 Une tentative.
06:31 Une tentative en tous les cas, effectivement, de briser le secret des sources,
06:35 d'identifier des personnes qui auraient pu nous parler
06:37 dans le cadre de l'enquête publiée initialement.
06:41 Et donc effectivement, c'est très grave
06:43 et ça prolonge ce qui s'est déjà passé,
06:46 effectivement, il y a quelques semaines ou quelques mois,
06:48 à la fois pour Mediapart et à la fois pour Reflet,
06:51 où là, il y avait eu aussi le tribunal de commerce
06:55 qui avait prononcé une forme de censure préventive
06:57 de certains articles saisis par différentes personnes.
07:01 Mais donc voilà, c'est une utilisation de la justice commerciale
07:03 pour s'en prendre à la liberté de la presse, tout simplement.
07:07 Pour revenir à la question du contradictoire,
07:09 parce que là, vous m'avez dit que, effectivement,
07:12 François Boucher, vous avez même répondu.
07:15 Ah oui, il a dit…
07:16 C'est-à-dire qu'il y a le cas où on envoie une demande de contradictoire,
07:19 mais on n'a jamais de réponse.
07:20 Le coup classique, il y a une réponse,
07:22 vous vous êtes entretenu avec lui,
07:24 je suppose qu'il y a les preuves de cet entretien.
07:26 Ah oui, tout à fait.
07:27 Le droit de réponse, je veux dire, juridiquement,
07:30 ça m'a l'air carré en tout cas,
07:33 mais vous êtes quand même attaqué, on est là, clairement,
07:36 je veux dire, la terminologie procédure Bayon fonctionne bien.
07:40 Mais oui, effectivement, oui, là, c'est en gros un gros industriel,
07:43 enfin une entreprise puissante, solide,
07:46 qui décide de s'en prendre à un petit média comme le nôtre,
07:51 qui est une entreprise fragile,
07:53 pour essayer de lui faire le plus mal possible,
07:57 d'un point de vue financier, effectivement,
07:59 via la procédure en diffamation,
08:01 et puis aussi plus sur les principes, en fait,
08:04 et sur le secret des sources, en fait,
08:06 et aussi une manière de faire peur aussi à de futures sources éventuelles
08:10 ou d'autres sources sur d'autres affaires,
08:11 parce que c'est ça aussi que ça veut dire, en fait,
08:13 c'est que c'est une manière aussi d'envoyer un signal
08:17 avec l'aide d'un tribunal de commerce
08:19 pour laisser planer le doute sur des gens
08:23 qui éventuellement auraient des informations d'intérêt général,
08:27 de bien réfléchir et que peut-être elles ne le fassent pas,
08:31 craignant à un moment d'être démasquées ou découvertes
08:34 via ce type de procédés.
08:35 Donc oui, on est dans ce cadre-là, en fait, tout à fait.
08:39 Alors, ce n'est pas, évidemment, la première procédure Bayon
08:42 à laquelle les médias indépendants font face,
08:44 je le disais en introduction,
08:46 reflet.info, Mediapart, nous-mêmes, on a déjà dû y faire face.
08:48 La liberté de la presse n'a jamais été incroyablement respectée en France.
08:52 On ne va pas se leurrer là-dessus,
08:54 mais on est quand même sur une pente inquiétante, non ?
08:57 Oui, tout à fait.
08:58 Enfin, c'est ce que je disais à l'instant.
08:59 Effectivement, oui, c'est inquiétant.
09:00 Et surtout, à la limite, d'une certaine manière,
09:04 dans ces affaires-là et notamment,
09:05 que ce soit Mediapart, Reflet ou le Poultre maintenant,
09:09 moi, ce que je trouve encore plus inquiétant,
09:11 c'est qu'à la limite, que des personnalités politiques,
09:14 des entreprises, des industriels
09:15 tentent ce type d'action via des tribunaux de commerce,
09:19 à la limite, pourquoi pas ?
09:20 Là, ce qui est encore plus inquiétant, d'une certaine manière,
09:22 c'est que les tribunaux de commerce valident tout ça, en fait,
09:25 et se pinent en bas de la feuille, en gros, et c'est parti.
09:28 Et ça, par contre, c'est quand même...
09:30 Oui, effectivement, ça, c'est très inquiétant.
09:32 Oui, c'est grave, c'est très grave, en fait, tout à fait.
09:37 Alors, pour finir, la question que j'aimerais vous poser,
09:39 c'est comment faire, premièrement,
09:42 pour vous soutenir dans cette épreuve judiciaire,
09:44 et secondement, comment vous soutenir au quotidien,
09:48 pour que Le Poulpe puisse faire son travail de journaliste au quotidien ?
09:54 Oui, il y a deux méthodes assez simples.
09:57 Donc, la première méthode, qui est une méthode, si je puis dire, temporaire,
10:01 c'est ce qu'on vient donc de lancer hier,
10:03 qui est une campagne de financement participatif.
10:06 Je pense que les références, les liens seront mis en œuvre,
10:09 qui est une campagne qui dure sur un mois,
10:10 où on a besoin de réunir 30 000 euros.
10:12 Donc, ça, c'est quelque chose qui a commencé hier,
10:14 qui se terminera donc le 23 juin.
10:17 Donc, ça, c'est sur le côté temporaire.
10:20 Et après, au quotidien, si je puis dire,
10:23 c'est en s'abonnant tout simplement au Poulpe.
10:24 Nous, on est un média qui vit sans publicité, sans sponsor.
10:28 Et donc, les principales ressources financières du média Le Poulpe
10:33 proviennent des gens, des personnes qui s'abonnent.
10:36 Et donc, c'est aussi comme ça qu'on peut nous aider et nous soutenir
10:40 pour continuer notre travail d'enquête et d'investigation en région Normandie.
10:44 OK. Merci beaucoup, Manuel.
10:47 Merci à vous, en tous les cas. Merci à toute l'équipe.
10:49 Et puis, voilà, soutenez Le Poulpe un maximum.
10:53 Ça marche. Et puis, bon courage pour votre procédure Bayon.
10:57 On espère que ça se terminera bien.
11:00 On espère aussi. On va tout faire pour.
11:03 Ça marche. Merci encore, Manuel.
11:05 Merci à vous, au revoir.

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