Dans La Nuée (2020), premier film remarqué, des hordes d’insectes obscurcissaient le ciel. Dans Acide, son deuxième long métrage présenté en Séance de Minuit à Cannes et qui sort le 20 septembre prochain, Just Philippot en fait tomber des pluies corrosives. Le réalisateur filme à nouveau un monde qui sombre dans la catastrophe climatique.
Il y place cette fois Guillaume Canet. L’acteur a construit son rôle de Michal, père de famille séparé empli de violence, tel « un animal blessé », en pensant notamment à la colère des Gilets jaunes. De quoi le faire réfléchir à la notion d’héroïsme, avec lequel il entretien un rapport plus collectif qu’individuel, de film catastrophe à la française et de son engagement pour le monde paysan.
Il y place cette fois Guillaume Canet. L’acteur a construit son rôle de Michal, père de famille séparé empli de violence, tel « un animal blessé », en pensant notamment à la colère des Gilets jaunes. De quoi le faire réfléchir à la notion d’héroïsme, avec lequel il entretien un rapport plus collectif qu’individuel, de film catastrophe à la française et de son engagement pour le monde paysan.
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00:00 J'ai l'impression qu'aujourd'hui d'être vraiment héroïque,
00:02 c'est de se placer justement pas comme un héros en fait,
00:06 et de se placer à la place de tout le monde.
00:28 Alors, être Akran,
00:30 ça m'inspire l'état dans lequel est Michel, ce personnage au début du film,
00:36 où il a cette colère qu'il ressent, cette injustice qu'il ressent face à ses patrons,
00:44 face à cette situation dans laquelle ses ouvriers se retrouvent,
00:47 et il est Akran.
00:49 Quand j'ai commencé à travailler sur le personnage,
00:51 je posais la question à Just, Philippot, le réalisateur,
00:56 d'où vient cette violence aussi énorme pour en arriver à frapper un CRS.
01:04 Juste me parler de ce boxeur du Pont des Arts dont c'était inspiré pour cette scène.
01:11 Et c'est vrai que ça m'a dirigé dans une direction par rapport au personnage,
01:17 de le voir comme un animal blessé en fait.
01:19 Un animal blessé qui mort.
01:22 Un film catastrophe à la française.
01:25 Je pense que c'est ça qui le caractérise,
01:27 à la différence de certains films américains qui sont très efficaces.
01:35 Dans le film Catastrophe, quand on voit les films de Michael Bay,
01:38 et tous ces films-là, c'est très efficace, c'est très rythmé,
01:41 c'est très visuellement impressionnant.
01:43 Mais c'est un petit film dans un grand film.
01:45 C'est-à-dire qu'il y a une histoire très intime, très forte,
01:49 de ces personnages, de cet homme, de son ex-femme, de sa fille,
01:52 et qui vont se retrouver dans une catastrophe.
01:56 Ce début du film, où on a la possibilité, le temps,
01:59 de faire connaissance avec ces personnages,
02:02 ça nous permet, nous, spectateurs, de s'identifier à ces personnages,
02:06 et qui permettent aussi de vraiment montrer l'état émotionnel
02:12 dans lequel on peut être dans ce genre de situation.
02:14 Parce qu'on ne sait pas vraiment comment on réagirait dans une situation de fin du monde,
02:18 ou de situation aussi catastrophique que celle-ci.
02:21 Est-ce qu'on serait réellement héroïques et généreux, comme on aimerait ?
02:27 Ou est-ce qu'on serait plutôt égoïstes et trouillards,
02:30 et qu'on ne penserait qu'à sauver sa vie ?
02:33 Et je trouve que le film, je ne sais pas si c'est parce que c'est à la française,
02:36 mais en tout cas, avec cette envie de fond, rajoute beaucoup à la forme.
02:42 Juste Philippot.
02:44 J'avais découvert son premier film, La nuée.
02:48 Est-ce qu'il y a un problème ?
02:50 Moi, je ne peux pas travailler avec des quantités comme ça.
02:54 Tu écris à ce business ?
02:56 Bientôt, il n'y aura plus à bouffer. Vous êtes trop cons pour vous en apercevoir.
03:03 J'avais été extrêmement impressionné par le rythme, l'ambiance, l'atmosphère du film,
03:10 et la manière dont il arrivait à nous garder dans cette ambiance tenue, tendue, tout au long du film.
03:16 Et j'avais trouvé ça vraiment brillant.
03:18 Et du coup, quand il m'a proposé son film, j'étais comme un dingue.
03:21 Et j'ai lu le scénario forcément nourri de son premier film,
03:27 et en imaginant tout ce qu'il allait pouvoir faire avec ça.
03:30 Et j'ai adoré cette rencontre, j'ai adoré cet homme.
03:32 D'abord parce qu'il est extrêmement généreux et à l'écoute.
03:36 Par exemple, j'ai eu quelques réactions sur la violence du personnage,
03:39 que je trouvais importante d'approfondir, de ne pas essayer de le sauver, ce personnage.
03:46 Donc il a été à la fois extrêmement généreux et à l'écoute,
03:49 et à la fois, et c'est ça qui est la marque des grands,
03:51 c'est qu'il y a des moments sur lesquels il gardait ses convictions, en fait.
03:54 Sur des choses qu'il ne voulait pas changer parce que ça racontait un truc important.
03:57 Et ça, pour un acteur, c'est extrêmement rassurant de voir un réalisateur qui aussi dit non.
04:02 C'est quoi le véritable héroïsme aujourd'hui ?
04:04 Je ne sais pas, moi, le terme de héros me fait quand même penser à quelque chose d'assez égotripe.
04:11 On magnifie quelqu'un.
04:14 J'ai l'impression qu'aujourd'hui, d'être vraiment héroïque,
04:17 c'est de se placer justement pas comme un héros, en fait,
04:21 c'est de se placer à la place de tout le monde.
04:23 Et du coup, pouvoir voir ce qui se passe autour de soi,
04:26 et essayer d'aider et de faire avancer les choses.
04:30 Je ne sais pas comment exprimer ça, mais en tout cas,
04:32 je pense que ça dépend vraiment de la place que l'on prend et dans laquelle on se met.
04:36 Je pense qu'aujourd'hui, être héroïque, c'est ça, c'est se mettre à la place des autres.
04:40 La pluie au cinéma, on s'y embrasse ou on la fuit, c'est ça ?
04:45 Là, en l'occurrence, c'est vrai que ce n'est pas une pluie qu'on est heureux de voir, en fait, dans le film.
04:50 On sait que les pluies acides, l'acidité vient du dioxyde de soufre et de l'acide nitrique
04:54 dû à la pollution dans l'air.
04:56 Et on sait que ces pluies acides existent,
04:58 mais on n'en vient pas, évidemment, à la taille que l'on voit dans le film.
05:03 Mais c'est quand même flippant, en fait. C'est quand même très, très flippant.
05:06 Et je pense que, moi, depuis que j'ai fait le film et depuis que je l'ai vu,
05:09 quand il pleut, j'ai toujours ce petit truc de me dire...
05:13 Parce que c'est tellement agréable d'aller sous la pluie.
05:16 Et parce que c'est vrai que par rapport à ce que vous disiez, de s'embrasser sous la pluie,
05:20 même d'être sous la pluie, de marcher sous la pluie,
05:23 en été, d'être torse nu sous la pluie,
05:26 il y a un truc extrêmement joyeux et organique qui est formidable.
05:33 Quel nuage à l'horizon vous inquiète le plus ?
05:36 Moi, je mène un combat assez important pour les agriculteurs, en fait,
05:42 et pour le monde paysan, avec leurs produits qu'on se nourrit.
05:46 Et ça serait bien que ça continue comme ça,
05:48 et que ça ne soit pas avec des produits qu'on importe de l'étranger,
05:51 qui sont bourrés de merde.
05:53 Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on soit obligé de continuer à se battre
05:56 contre le fait qu'il y ait aujourd'hui 200 fermes par semaine qui disparaissent,
06:00 qu'il y ait un agriculteur qui se suicide tous les jours.
06:04 Ce sont des chiffres, pour moi, c'est de la non-assistance à personne en danger.
06:09 Pour moi, dans les nuages qui se profilent,
06:12 c'en est un avec évidemment les problèmes environnementaux.
06:15 [Musique]