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Ce 8e Rendez-vous de la recherche sur l’autonomie mettra en évidence les expériences variées des résidents lors du premier confinement en fonction des modalités de l'« habiter en EHPAD ».

Ceux qui vivaient repliés dans leur chambre ont vu peu de différences par rapport à leur vie d’avant tandis que ceux qui s'appropriaient les espaces collectifs l'ont davantage perçu comme une privation. Enfin, ceux qui étaient tournés vers l’extérieur de l’établissement insistent plutôt sur l’absence de liberté de circuler. Trois autres facteurs éclairent également les expériences du confinement : les modalités de confinement mises en place par l’EHPAD, les ressources occupationnelles ou relationnelles que les EHPAD ont pu mobiliser et la trajectoire antérieure des résidents.

Avec :

Frédéric Balard, maître de conférences en sociologie, laboratoire 2L2S (Université de Lorraine).
Pauline Launay, post-doctorante, Laboratoires Pacte (Université Grenoble-Alpes) et CERReV (Université Caen Normandie).
Discutant : Stéphane Corbin, directeur adjoint de la CNSA.

Enregistré le 23 janvier 2023

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Transcription
00:00:00 Bonjour à toutes et à tous, bienvenue. Donc on se retrouve en ce début d'année pour le
00:00:13 huitième rendez-vous de la recherche sur l'autonomie qui est co-organisé entre la
00:00:18 CNSA, la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie et la Plateforme Nationale
00:00:22 pour la Recherche sur la Fin de Vie. Donc je suis Perle Moret, chef de projet de recherche à la CNSA
00:00:27 et comme vous le savez maintenant, la CNSA finance et anime les politiques de l'autonomie et parmi
00:00:33 les missions de la CNSA, elle contribue à soutenir la recherche sur le champ de l'autonomie. Et donc
00:00:41 ce format des rendez-vous de la recherche sur l'autonomie vise à rendre compte des principaux
00:00:45 résultats de recherche qui sont soutenus par la Caisse et il s'agit de format court et donc on
00:00:51 est ensemble aujourd'hui pour une heure. Donc avant de rentrer dans le cœur du sujet qui va
00:00:57 nous intéresser aujourd'hui, donc à savoir la recherche que l'on va appeler COVID-EHPAD,
00:01:01 on va vous informer donc que vous pouvez trouver le tout nouveau programme pour 2023 des webinaires.
00:01:08 Donc vous pouvez le retrouver à la fois sur le site de la CNSA dans sa rubrique d'actualité,
00:01:13 mais également sur le site de la Plateforme Nationale pour la Recherche sur la Fin de Vie
00:01:16 et les replays des rendez-vous passés et de ce numéro là, vous pourrez le retrouver à la fois
00:01:24 sur la chaîne Dailymotion de la CNSA et sur la chaîne YouTube du Service Public de l'Autonomie,
00:01:30 donc la chaîne YouTube de la CNSA. Donc on va vous mettre tous les liens disponibles dans la
00:01:35 discussion et donc cette année on va se retrouver autour de trois webinaires qui vont viser à rendre
00:01:40 compte des résultats de l'enquête COVID-EHPAD que j'évoquais précédemment. Donc rapidement,
00:01:45 COVID-EHPAD c'est quoi ? C'est une grande enquête qui analyse les conséquences de la première vague
00:01:52 de l'épidémie de COVID dans les EHPAD. C'est une recherche qui est à la fois qualitative,
00:01:57 donc c'est 264 entretiens dans 52 EHPAD, qui est une enquête qui est également multicentrique,
00:02:02 donc c'est-à-dire qu'elle a eu lieu dans six régions françaises et qui a réuni 22 chercheurs
00:02:08 et chercheuses en sciences humaines et sociales, donc à la fois en sociologie, psychologie,
00:02:12 anthropologie et philosophie. Donc c'est une enquête qui est assez rare par son dispositif,
00:02:18 également précieuse de par son objet et presque inédite, on pourrait dire, de par son intention
00:02:23 de recueillir à chaud les ressentis des résidents, mais aussi des proches et des professionnels dans
00:02:28 les EHPAD dans cette période si particulière du confinement. Donc voilà, des outils scientifiques
00:02:33 qui ont été mis au service de la mémoire collective, on pourrait dire, de ce confinement
00:02:40 pendant l'épidémie de COVID, pendant la première vague de l'épidémie de COVID. Donc le rapport
00:02:46 final de cette enquête et également sa synthèse ont été remis et sont accessibles, et là encore,
00:02:52 on va vous mettre tous les liens en barre d'infos, dans le fil de discussion. Donc on va se retrouver
00:02:58 aujourd'hui pour le premier webinaire du cycle que j'évoquais, qui est consacré à l'enquête
00:03:04 COVID-EHPAD, mais d'ores et déjà, comme vous pouvez le voir sur le diaporama, vous pouvez noter
00:03:08 les prochaines dates pour les prochains webinaires. Donc la première date à venir, ce sera le 9 mars,
00:03:16 où on parlera de l'adaptation des pratiques professionnelles des équipes d'encadrement,
00:03:20 mais aussi des soignants de première ligne, toujours dans le contexte de ce premier confinement
00:03:24 dans les EHPAD, où on aura le plaisir d'entendre Françoise Leborn-Huguin et Clément Desbruyères,
00:03:29 qui sont deux sociologues, et on se retrouvera également le 11 mai pour aborder les questions
00:03:34 d'accompagnement de la fin de vie et de traitement des défunts en EHPAD, toujours dans ce même
00:03:39 contexte de la première vague de COVID-19. Et là, on accueillera Aline Chazagne et Germain Bonnet.
00:03:44 Mais aujourd'hui, pour ce tout premier webinaire consacré à l'enquête COVID-EHPAD, nous avons le
00:03:51 plaisir de recevoir Frédéric Ballard. Frédéric Ballard, vous êtes maître de conférence en
00:03:56 sociologie à l'Université de Lorraine, à Nancy plus précisément, et on accueille également
00:04:00 Pauline Lhoné. Pauline Lhoné, vous êtes postdoctorante en sociologie également à
00:04:04 l'Université de Lorraine. Aujourd'hui, vous allez nous présenter durant environ 25 minutes,
00:04:10 une présentation qui est intitulée "Habiter en EHPAD en temps ordinaire et en temps de pandémie".
00:04:16 Une partie des résultats que vous allez nous présenter aujourd'hui ont déjà été publiés,
00:04:21 donc ont été publiés dans la revue des politiques sociales et familiales, dans un article qui est
00:04:26 intitulé "Habiter en EHPAD au temps de la COVID-19, les logiques sociales, des expériences du
00:04:31 premier confinement". C'est un article que vous avez coécrit avec des chercheurs qui ont également
00:04:35 participé à cette enquête. Entre autres, par exemple, Vincent Karadèk, Michel Castras ou Aline
00:04:41 Chazagne, qu'on recevra plus tard. On va également vous mettre le lien de cet article dans le fil de
00:04:48 discussion. Pour réagir à votre intervention, on accueille aujourd'hui Stéphane Corbin. Merci
00:04:55 d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes directeur adjoint de la CNSA et vous discuterez
00:05:00 la présentation de nos deux chercheurs que l'on accueille aujourd'hui. On peut voir sur la
00:05:08 prochaine diaporama, j'invite tous les participants et les participantes au fur et à mesure des
00:05:16 interventions à laisser leurs questions dans le fil de discussion. Vous pouvez tout au long des
00:05:23 interventions inscrire vos questions, comme vous pouvez le voir également sur le diaporama. Merci
00:05:29 à Élodie Creutin, directrice de la plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie,
00:05:33 et à Delphine Gosset, chargée de communication et de la valorisation de la recherche, également
00:05:38 dans cette même plateforme, qui vont animer à la fois le field chat et qui vont faire remonter
00:05:44 toutes vos questions à la fin de ce webinaire. Merci d'ores et déjà à elles. On va privilégier
00:05:53 aujourd'hui les questions qui sont relatives à la recherche qui va vous être présentée,
00:05:57 donc à la recherche que j'y dépade, mais vous pouvez consulter, si vous le souhaitez,
00:06:01 l'ensemble des sites internet qui peuvent déjà commencer à répondre à certaines questions que
00:06:07 vous pouvez vous poser, en vous rendant sur le site de la CNSA ou encore sur le site de mon
00:06:14 parcours handicap ou sur le site seppourlespersonnesagées.com ou encore ma boussole aidant.
00:06:18 Donc là aussi tous les liens vont vous être mis dans les commentaires. Donc sans plus attendre,
00:06:24 je laisse la parole à Frédéric Ballard et à Pauline Lhoné pour leur présentation qui
00:06:29 s'intitule "Habiter en étade, en temps ordinaire et en temps de pandémie".
00:06:33 Bien bonjour, merci tout d'abord pour cette invitation, pour ces rendez-vous de la recherche
00:06:41 sur l'autonomie. Donc ainsi que cela a été dit, nous avons fait le choix d'intituler notre
00:06:47 présentation "Habiter en étade au temps de la Covid-19" en reprenant le titre de l'article
00:06:51 qui a été publié. Un article qui a fait aussi l'objet d'une valorisation à travers une traduction
00:06:57 en anglais qui vient de paraître en 2002 dans la revue des politiques sociales et familiales.
00:07:14 Le plan de notre présentation de ce jour c'est le suivant. Je vais faire une très courte
00:07:19 introduction, on va rapidement revenir mais beaucoup de choses ont été dites déjà sur ce
00:07:23 qu'était la recherche Covid-EHPAD. Ensuite Pauline prendra la parole pour présenter les principaux
00:07:28 résultats relatifs à l'expérience de l'habité des résidents au cours de la première vague. Et puis
00:07:34 je reprendrai la parole pour conclure en évoquant les limites aussi de cette recherche, quelques
00:07:39 perspectives et dire un mot aussi sur les projets que nous menons actuellement au sein du laboratoire.
00:07:44 Alors comme vous le savez les premiers cas de personnes contaminées sont confirmés en France fin
00:07:53 janvier. Un rassemblement religieux qui s'est tenu à Mulhouse du 17 au 24 février est considéré comme
00:08:00 l'un des tout premiers foyers de contamination. Puis les premiers EHPAD touchés dans la région
00:08:06 Grand Est le sont à la mi-février et avec certains événements assez médiatisés comme le cas de
00:08:13 l'EHPAD de Cornimon par exemple dans les Vosges où il y a eu 20 décès tout au début mars. Donc on a
00:08:18 une première vague qui s'est en fait répandue de l'est à l'ouest du territoire en touchant les
00:08:23 régions de manière très inégale. Comment témoignent ces cartes de l'adresse ? Donc la carte de gauche
00:08:29 indique en fait la proportion d'EHPAD touché lors de la première vague, celle de droite la
00:08:34 proportion d'EHPAD ayant connu un épisode critique en première vague. Donc l'adresse définit un
00:08:40 épisode critique lorsque au moins 10% ou 10 résidents ont été contaminés par la
00:08:47 Covid-19 sont décédés. Donc on voit que l'épidémie elle a concerné 88% des EHPAD en Ile-de-France,
00:08:54 64% des EHPAD de la région Grand Est, 56% des EHPAD des Hauts-de-France pour les trois régions
00:09:00 les plus touchées. L'Ile-de-France et le Grand Est sont celles où la proportion d'épisodes
00:09:06 critiques sont les plus élevés avec respectivement 45 et 23% alors que les autres régions sont à 10%
00:09:12 ou moins. Finalement sur les 34 544 décès imputables à la Covid-19, 14 455 soit 47% ont concerné des
00:09:25 résidents d'EHPAD. Sur l'année 2020, trois EHPAD sur quatre ont eu au moins un résident infecté
00:09:30 par la Covid-19, ce qui a abouti à 34 000 décès Covid entre mars 2020 et mars 2021. La population
00:09:38 des résidents s'est ainsi avérée particulièrement vulnérable au virus en raison de son âge avancé,
00:09:43 de comorbidités fréquentes et en raison du risque de contagions élevées en milieu collectif.
00:09:49 Alors rapidement sur le projet Covid-EHPAD puisque ça a déjà été dit mais donc on a parlé d'une
00:09:58 recherche qualitative multicentrique, 22 chercheurs de diverses disciplines mais majoritairement
00:10:03 sociologues sur six régions avec comme objectif effectivement d'analyser les vécus des résidents
00:10:08 et des professionnels durant cette première vague et d'essayer d'analyser ces vécus à chaud. La
00:10:16 méthode c'est donc une méthode qualitative, on a collecté 264 entretiens semi-directifs dans 52 EHPAD,
00:10:23 donc 43 entretiens menés avec des résidents et puis les résultats de cette recherche ont
00:10:28 été déclinés en trois volets qui représentent les trois rencontres scientifiques de la CNES.
00:10:32 Donc pour ce qui est du volet dont on discute aujourd'hui, 37 entretiens avec des résidents ont
00:10:45 été analysés pour cette partie de la recherche. Ces résidents habitaient dans 15 EHPAD différents
00:10:50 avec une importante hétérogénéité des profils tant au niveau des résidents que des profils des
00:10:56 EHPAD qui ont été inclus. Sur ces 37 résidents, 28 étaient des femmes, ils étaient âgés de 64 à 99
00:11:06 ans avec un âge moyen de 85 ans et un âge médian de 88 ans. Donc je l'ai dit, des profils très
00:11:13 hétérogènes au niveau de la santé, au niveau de l'autonomie fonctionnelle et aussi au niveau de
00:11:18 leur vécu en EHPAD puisque pour certains ils n'étaient entrés en EHPAD que depuis quelques
00:11:22 semaines alors que d'autres y vivaient depuis une décennie. Sur ces 15 EHPAD, 9 étaient des EHPAD
00:11:30 publics, 4 privés, 4 étaient des EHPAD privés et non lucratifs et 2 EHPAD privés lucratifs. 8
00:11:43 EHPAD étaient en zone rurale et parmi ces 15 EHPAD, 4 étaient des EHPAD non contaminés.
00:11:48 Au niveau des décès, certains n'ont eu aucun décès au cours de cette première vague et pour
00:11:54 d'autres ce fut presque la moitié des résidents qui sont décédés au cours de cette première vague.
00:11:59 Alors bien sûr, avant la recherche Covid EHPAD, les EHPAD avaient fait l'objet de nombreuses
00:12:09 recherches et de nombreuses publications. De par notre ancrage disciplinaire, nos références
00:12:15 théoriques sont davantage tournées vers la sociologie et la géontologie sociale et finalement
00:12:21 on regarde, quand on regarde un peu la revue littérature, ça fait à peu près 30 ans qu'il
00:12:25 y avait des publications en sociologie sur les EHPAD. L'une des premières publications, c'est
00:12:31 les travaux de Timothy Diamond, c'était en 1982 avec son ouvrage "Making Grey Gold". Donc en
00:12:39 sociologie, plusieurs chercheurs ont abordé l'EHPAD comme une institution totale qui bien que pouvant
00:12:44 constituer le domicile administratif des personnes âgées, peine finalement à revêtir les attributs
00:12:49 du chez-soi, un lieu emprunt de repères pour reprendre les termes de Bernadette Pujallon.
00:12:54 En effet, les processus de rationalisation du temps, de l'espace, inhérents aux impératifs
00:13:01 du prendre soin et de sécurité, imposent de lourdes contraintes aux résidents, difficilement
00:13:06 compatibles avec la préservation de l'intimité, la liberté et le droit à la prise de risque. Le
00:13:13 lexique est d'ailleurs assez explicite, puisqu'on parle d'un hébergement et que l'on parle de
00:13:18 résident. La distinction entre résider et habiter, proposée par Mathieu Giroud, nous a semblé
00:13:24 importante, car résider fait référence au fait d'avoir son logement dans un lieu donné, habiter
00:13:30 renvoie plutôt aux manières de pratiquer, d'investir, de vivre les lieux géographiques selon
00:13:35 certaines habitudes associées à ces lieux. Nous nous sommes donc interrogés sur la
00:13:40 manière dont le premier confinement a structuré le rapport que les résidents entretenaient avec
00:13:45 leur espace de vie. Cela ne pouvait être compris sans tenir compte de la trajectoire de ces personnes,
00:13:51 des raisons qui les ont conduits à entrer en EHPAD et à la manière dont elles y vivaient avant la
00:13:57 survenue de l'épidémie, ce qui inclut les liens qu'elles avaient avec leur environnement matériel
00:14:02 et social à l'intérieur et à l'extérieur de l'EHPAD. Plusieurs travaux ont montré que l'entrée
00:14:07 en EHPAD était souvent un événement contraint qui constitue un tournant, voire une rupture dans
00:14:11 le parcours de vie. L'âge moyen d'entrer en EHPAD est aujourd'hui assez stable, autour de 85 ans. La
00:14:16 durée moyenne de séjour est de trois ans et quatre mois, mais la moitié des séjours en EHPAD durent
00:14:20 moins d'un an et demi. 82% des sorties correspondent à un décès. Donc avant la COVID-19, l'EHPAD
00:14:28 était déjà un lieu où l'on entre pour finir sa vie, selon les mots de Nicolas Joujoux, voire,
00:14:34 si on en croit les propos de Véronique Leferdenouette, à propos là spécifiquement des USLD,
00:14:39 des services de soins palliatifs pour personnes âgées. Je donne la parole à Pauline pour les
00:14:44 résultats de la recherche. Merci beaucoup. Donc les entretiens réalisés avec les résidents ont
00:14:49 révélé des expériences très hétérogènes du confinement. Il convient de rappeler en premier
00:14:55 lieu que ce confinement a pris des formes très variables selon les établissements, d'un
00:14:59 confinement strict en chambre à une circulation relativement souple permettant notamment l'accès
00:15:04 ponctuel aux espaces collectifs. Ces différentes limitations ont aussi varié dans le temps,
00:15:10 notamment en fonction de l'évolution des contaminations. Et elles n'étaient pas non
00:15:15 plus les mêmes selon les catégories de résidents, notamment dans les unités de vie Alzheimer,
00:15:21 la règle était que les résidents puissent déambuler assez librement au sein de leurs
00:15:25 unités fermées. Donc cette variabilité et le recours ou non à un changement imposé de chambre
00:15:31 ont évidemment eu une incidence sur le vécu des résidents. Mais au-delà de cette variable
00:15:37 organisationnelle, nous allons nous arrêter sur deux grands facteurs qui viennent expliquer les
00:15:42 différences de vécu. Nous verrons ainsi dans un premier temps que l'expérience du confinement a
00:15:47 pris des formes différentes en fonction des manières d'habiter les PAD précédant cet épisode. Puis
00:15:53 dans un second temps, nous explorons d'autres facteurs qui doivent également être pris en compte
00:15:57 pour comprendre ces expériences, notamment les ressources qu'ils ont pu mobiliser et la trajectoire
00:16:03 antérieure des résidents. Le premier résultat donc, les différentes manières d'habiter les PAD et
00:16:10 leurs effets sur le vécu du confinement. La première est celle d'habiter sa chambre en délaissant les
00:16:17 espaces collectifs, une manière marquée par une faible sociabilité avec d'autres résidents et
00:16:22 une absence de participation, notamment aux animations. Présentée comme n'ayant pas beaucoup
00:16:27 changé leur quotidien, la période de confinement semble avoir été plutôt bien vécue par ce type
00:16:33 de résident. C'est le cas par exemple pour madame Lefèvre, une agricultrice de 92 ans. Dès le début
00:16:38 de l'entretien, elle déclare à propos du confinement "moi je l'ai très bien vécu, vraiment je n'ai pas
00:16:43 à me plaindre". Pendant cette période, elle se souvient avoir un peu lu, fait des mots mêlés,
00:16:47 beaucoup dormi. Elle insiste tout au long de l'entretien sur le fait qu'elle n'était pas
00:16:51 malheureuse. Il faut dire que madame Lefèvre sortait déjà très peu de sa chambre avant le confinement,
00:16:56 sauf pour aller manger. Et même si elle parle un peu habituellement à ses voisines de table,
00:17:01 elle explique qu'elle n'entretient pas de relation avec les autres résidents et préfère rester seule.
00:17:06 Donc si pour les résidents qui habitent comme elle, principalement leur chambre,
00:17:11 le confinement n'a pas profondément changé leur quotidien. Si au contraire des premiers,
00:17:18 ceux dont le chez-soi intégrait aussi les espaces collectifs en plus de la chambre,
00:17:23 expriment eux un véritable sentiment de rupture. Pour ces résidents, la période est en effet
00:17:28 marquée par l'ennui et le sentiment d'un temps qui s'étire. Le confinement est venu en effet marquer
00:17:34 une coupure entre un avant qui était souvent très occupé et une période, donc le confinement,
00:17:39 au cours de laquelle tout a été comme suspendu et sans activité. Le confinement ressemble alors
00:17:45 pour eux à un enfermement, très souvent évoqué à travers des métaphores carcérales. C'est ainsi
00:17:50 que M. Chevalier énumère les multiples conséquences négatives du confinement. Le manque de contact
00:17:56 avec les autres résidents, l'absence de moments collectifs comme les repas et les animations,
00:18:00 la suppression des visites, alors que lui en recevait beaucoup. Si selon ses termes, il a
00:18:06 pu supporter le confinement, il l'assimile toutefois à une prison puisqu'il devait rester
00:18:10 en permanence à l'intérieur de son studio. Pour Mme Legrand, âgée de 89 ans, le rapport aux
00:18:17 espaces collectifs est d'autant plus important car elle a un problème de vue qui l'empêche de lire
00:18:21 ou de faire des activités manuelles. Étant donné son fort engagement dans les activités collectives,
00:18:26 le confinement a été difficile pour elle. Elle nous dit "je tournais autour de mon lit,
00:18:31 mais enfin vous voyez bien ce qu'on peut faire dans une chambre et c'est bien ça qui a été le
00:18:34 plus dur". Pour ces résidents, la fréquentation des espaces collectifs est un moyen pour eux de
00:18:39 participer à la vie en EHPAD dans sa globalité, d'entretenir des relations avec les autres
00:18:44 résidents et de se tenir au courant des faits de la vie quotidienne. L'absence de vie sociale a
00:18:50 globalement eu un effet délétère sur la santé de ces résidents en réduisant leur espace social et
00:18:55 matériel qu'ils sont habituellement en capacité d'habiter. Enfin, et c'est la troisième modalité,
00:19:03 il est également possible d'habiter au-delà de l'EHPAD en fréquentant notamment des lieux
00:19:07 extérieurs pour aller se promener, faire des courses, se rendre chez des proches ou dans son
00:19:12 ancien logement. Si ces résidents ont de la même façon que ceux du type précédent vécu le
00:19:18 confinement sur le mode de la rupture, ils insistent encore davantage sur l'absence de
00:19:22 liberté et d'indépendance qui a marqué la période. Par exemple, monsieur Leroy, âgé de 68 ans,
00:19:29 dit à propos du confinement "c'était dur de ne plus pouvoir sortir, sortir, aller au bar pour
00:19:34 retrouver les copains. Il a dû rester dans sa chambre, faire des mots croisés et regarder la
00:19:38 télévision, ce qui, selon ses mots, l'a abruti, lui qui aime tant la liberté". Si les modes
00:19:44 d'habiter en EHPAD permettent d'apporter un premier éclairage sur les diverses expériences du
00:19:50 confinement, d'autres éléments viennent encore la moduler. En effet, habiter en EHPAD ne peut se
00:19:58 limiter à réduire une relation entre l'individu et le lieu qu'il occupe et cela doit bien
00:20:04 évidemment être aussi compris à la lumière des caractéristiques sociales des résidents et des
00:20:08 ressources qu'ils peuvent mobiliser. Il est possible de classer les ressources sociales en deux grands
00:20:14 types, les ressources occupationnelles et les ressources relationnelles, les unes et les autres
00:20:19 contribuant à éclairer d'une certaine manière la manière dont les résidents ont vécu la période
00:20:25 du confinement. Ainsi, avant le confinement, certains résidents décrivent une vie bien
00:20:31 remplie et bien organisée à l'intérieur de leur chambre. Pendant le confinement, ils ont simplement
00:20:35 poursuivi ces activités antérieures. Ainsi, madame Robert indique qu'entre sa toilette, ses lectures
00:20:41 spirituelles, ses temps de prière, l'écoute d'émissions de radio, la sieste, la cuisine et les
00:20:47 moments passés avec sa fille handicapée qui vit dans le même établissement qu'elle et qu'elle a
00:20:51 eu le droit de voir un quart d'heure au jardin chaque jour pendant le confinement, elle n'a même
00:20:55 pas eu le temps de faire tout ce qu'elle aurait souhaité dans ces journées. Pour d'autres, le
00:21:00 confinement a été une épreuve temporelle. Il s'agissait de trouver des activités pour lutter
00:21:05 contre un temps vécu comme désynchronisé, apprendre à rythmer les journées et éviter qu'elles ne
00:21:10 prennent la forme d'un temps continu marqué uniquement par l'alternance du jour et de la
00:21:15 nuit. Le recours à certaines activités de substitution nécessitait des capacités fonctionnelles,
00:21:21 notamment de mobilité ou cognitive, particulièrement visuelle et auditive, qui étaient suffisantes ou
00:21:27 en cas de déficience, de disposer de certains palliatifs techniques qui dépendaient bien
00:21:32 souvent de la possibilité ou non des EHPAD à leur fournir. Quand ils ont pu, les résidents ont
00:21:38 ainsi eu recours à des activités compatibles avec l'espace de leur chambre, faire quelques
00:21:42 pas, lire, faire des mots croisés, regarder la télévision, écouter la radio. Comme l'a montré
00:21:48 Vincent Karadek, ces deux dernières activités, la télévision et la radio, présentent la vertu de
00:21:54 donner lieu à des usages multiples, notamment donner le sentiment d'une présence, de l'ouverture sur
00:21:59 le monde extérieur, d'un divertissement ou de source d'informations, et en l'occurrence en
00:22:04 particulier sur l'épidémie de Covid. Certains enquêtés, comme Madame Mercier, ont cependant
00:22:10 signalé le caractère anxiogène et répétitif des informations, portant alors majoritairement
00:22:15 sur la pandémie en cours. On n'entendait parler plus que de ça. Reste alors la possibilité pour
00:22:21 ceux qui n'ont plus le goût à rien, comme ils disent, de dormir, à l'image de M. Richard,
00:22:25 qui faute de pouvoir faire vivre sa vie sociale comme habituellement à l'extérieur de l'EHPAD,
00:22:29 s'est résolu à faire la sieste, lui qui ne la faisait que très rarement. Si le maintien ou la
00:22:37 recherche de nouvelles activités a pu constituer une ressource pour traverser et vivre cette
00:22:42 période de confinement, la préservation des liens sociaux a également pu être une aide importante.
00:22:46 La possibilité de maintenir des relations sociales a en effet joué un rôle fondamental dans
00:22:52 l'expérience du confinement. Observons tout d'abord que rares sont les résidents qui ont maintenu des
00:22:57 contacts entre eux. Cette absence de lien s'est révélée particulièrement saisissant au moment du
00:23:02 déconfinement, avec des décès non informés ou des bouleversements physiques et psychiques chez
00:23:07 des résidents autrefois fréquentés quotidiennement. Si les contacts avec les professionnels ont souvent
00:23:14 constitué les seules interactions directes pendant le confinement, ils ont été assez réduits du fait
00:23:19 de leur forte charge de travail. Certains professionnels ont de surcroît été remplacés
00:23:25 par des stagiaires ou des intérimaires venus en renfort et que les résidents ne connaissaient
00:23:29 pas. De même, toutes les relations avec les professionnels extérieurs comme les médecins
00:23:33 traitants, kinésithérapeutes ou encore les coiffeurs ont été entièrement suspendues.
00:23:38 Quant aux ressources relationnelles provenant des proches, elles ont été fortement inégales,
00:23:43 dans un contexte où environ un quart des résidents d'Ehpad n'ont pas de famille ou n'ont plus de
00:23:48 contact avec elles. Certains de ces résidents sans famille voyaient régulièrement eux des amis,
00:23:55 comme Madame Dubois qui a vécu l'absence de visite comme une véritable, selon ses mots,
00:23:59 mise à l'écart de la société. Monsieur Chevalier et Madame Thomas, qui étaient dans le même cas,
00:24:04 donc sans contact familiaux, regrettent également que la reprise des visites ait d'abord été
00:24:09 réservée uniquement aux familles et non pas aux proches, notamment aux amis. Dans la plupart des
00:24:15 situations, les résidents ont toutefois pu échanger régulièrement avec leurs proches qui
00:24:20 se sont mobilisés pour maintenir les liens, essentiels pour les aider à tenir et notamment
00:24:24 par téléphone. Bien qu'à l'instar de Madame Fournier, certains racontent avoir interrompu
00:24:30 la communication avec leurs enfants et petits-enfants, notamment lorsqu'elle a été touchée
00:24:35 par la Covid. Elle nous dit "c'est eux qui m'appelaient, mais moi je n'appelais pas car je
00:24:38 n'avais pas envie de parler, alors je leur ai dit "allez, ne m'appelez plus, laissez-moi tranquille
00:24:42 pour l'instant". L'usage de la visioconférence a lui était assez hétérogène puisque tous les
00:24:48 résidents n'avaient pas accès à une tablette ou un téléphone qui auraient pu leur permettre
00:24:52 d'y recourir. De plus, l'expérience n'a pas toujours été convaincante du fait de troubles
00:24:57 auditifs ou visuels. Autorisés par certains établissements, il restait les visites ponctuelles
00:25:03 à la fenêtre ou au balcon, qui ont également permis à certains résidents de voir leurs
00:25:07 proches et pour lesquels ils s'inquiétaient parfois davantage que pour eux-mêmes. Les visites
00:25:13 cadrées à l'intérieur de l'établissement ont enfin été progressivement mises en place au cours
00:25:18 du déconfinement. Ces interactions ont toutefois pu être mal vécues du fait du manque de temps
00:25:23 ou de l'absence de contact physique. Au-delà des ressources occupationnelles et relationnelles,
00:25:30 prendre en considération l'histoire des résidents et leur expérience passée permet en dernière
00:25:36 instance de mieux éclairer l'hétérogénéité de leur vécu. La trajectoire passée fournit en effet
00:25:42 un ensemble d'expériences, d'épreuves, de points de repères à l'aune desquels les résidents ont
00:25:47 appréhendé le confinement et de la crise sanitaire. Cela a conduit la plupart d'entre eux à relativiser
00:25:54 la gravité de la situation, soit que certains la considèrent plus préoccupante pour les personnes
00:25:59 plus jeunes qu'elles, soit par rapport à des malheurs jugés bien plus grands qu'ils ont pu
00:26:03 connaître, comme la guerre qui revenait très souvent ou des décès parmi leurs enfants ou
00:26:08 petits-enfants. Ce mécanisme de relativisation tient aussi parfois au fait que le confinement
00:26:13 est émis en regard avec la vie quotidienne qui a précédé l'entrée en EHPAD. C'est le cas de
00:26:19 Madame Dubois qui évalue sa situation actuelle de confinement en référence à l'isolement qu'elle
00:26:25 a vécu chez elle ces dernières années. Elle est en effet entrée en EHPAD cinq mois avant le début
00:26:30 du confinement avec l'objectif de rompre l'isolement qui était le sien depuis six ans. En
00:26:35 quête de sociabilité, participant aux activités collectives, son mode d'habiter s'apparente au
00:26:41 fait d'investir l'EHPAD au-delà de sa chambre. Cependant, elle n'a pas vécu le confinement
00:26:45 aussi difficilement que la plupart de ceux qui partagent ce même rapport à l'institution. Le
00:26:51 confinement lui paraît rétrospectivement moins difficile que celui qu'elle a vécu seule à
00:26:56 domicile. Ce qu'elle appelle son deuxième confinement a donc été pénible selon ses mots,
00:27:01 mais c'est aussi et peut-être surtout parce qu'il lui a rappelé le premier qu'elle a connu hors
00:27:06 pandémie à son domicile. De la même manière, l'expérience du confinement de monsieur Muller,
00:27:12 un ancien ouvrier de 82 ans, ne peut se comprendre que si on la met en regard de sa vie d'avant,
00:27:17 dans son petit appartement. A l'EHPAD, il sort pour sa promenade quotidienne ou pour aller
00:27:25 manger chez ses enfants, tout en investissant les lieux collectifs. Le confinement a donc
00:27:30 fortement bousculé ce nouveau mode de vie. Mais monsieur Muller affirme cependant avoir plutôt
00:27:36 bien vécu le confinement en référence à la vie qui était la sienne, seule en appartement. Notamment
00:27:41 parce qu'à l'EHPAD, il n'a plus à gérer tout seul ses repas ou ses lessives. Il nous dit "moi je
00:27:47 l'ai vécu impeccablement, j'étais heureux de me retrouver ici". Deux autres éléments viennent
00:27:52 expliquer aussi pour lui qu'il est relativement bien vécu cette période. D'une part, il a pu
00:27:57 garder un contact régulier, voire plus fréquent avec sa fille, qu'il pouvait alors appeler à tout
00:28:02 moment puisqu'elle était à l'aussi disponible, et avec qui il a pu parler depuis sa fenêtre quand
00:28:07 elle venait le voir à l'EHPAD. D'autre part, il a pu régulièrement sortir de sa chambre pour marcher
00:28:12 dans le couloir et échanger quelques mots avec des résidents qui eux se trouvaient dans leur
00:28:16 chambre. Je repasse à présent la parole à Frédéric pour la conclusion. Merci. Très rapidement peut-être
00:28:24 quelques mots sur les limites de la recherche. Elles sont
00:28:28 essentiellement méthodologiques et inhérentes aux conditions d'enquête, avec notamment un
00:28:34 accès au terrain complexe pour les chercheurs, puisque si les familles étaient maintenues à
00:28:38 distance des EHPAD, il en était de même pour les chercheurs. Et puis malgré tout, un effet
00:28:43 récit, puisque même si notre volonté c'était d'enquêter à chaud pendant la première vague,
00:28:50 on a pu pénétrer réellement dans les EHPAD qu'à la fin de cette première vague, donc il y a déjà
00:28:55 un petit effet récit dans ce que l'on a collecté. L'autre limite, c'est justement cette focale
00:29:00 portée sur la première vague. Il aurait été intéressant d'avoir un suivi longitudinal pour
00:29:05 finalement suivre un petit peu la manière dont on était vécu par ces EHPAD qu'on a suivi les
00:29:10 autres, les vagues suivantes, et comment finalement les EHPAD se sont "adaptés", comment ils ont
00:29:15 continué à fonctionner en période Covid, puisqu'on n'est finalement toujours pas sorti de cette période Covid.
00:29:22 Ainsi que l'a montré Pauline, finalement, ce qu'on a collecté auprès des résidents, ce sont
00:29:32 davantage, bien sûr on a eu des récits sur la maladie, bien sûr on a eu des récits sur la
00:29:36 mort et la fin de vie, mais ce sont avant tout des récits finalement sur le confinement, sur la
00:29:40 manière dont était vécu ce confinement. Il apparaît que les modes d'habiter antérieurs et les
00:29:46 ressources dont bénéficiaient ou pas les résidents ont très fortement structuré leur expérience du
00:29:52 confinement. L'autre élément structurant est évidemment la manière dont chaque établissement
00:29:57 a géré cette crise et sur ce point on observe une forte hétérogénéité entre les régions, en
00:30:02 particulier quand on contraste le Grand Est avec la Bretagne, mais aussi entre les établissements.
00:30:07 Et en cela, la présentation de Françoise Leborgnugin et de Clément Debruyere, la prochaine
00:30:11 présentation, permettra aussi de voir comment les équipes de direction ont fait face à l'incertitude
00:30:16 de la survenue de l'épidémie. Plus généralement, les liens que nous avons avec certains EHPAD
00:30:24 encore aujourd'hui montrent que cette crise a fortement marqué les professionnels et peut-être
00:30:29 même davantage que les résidents. Pour nous, les résultats de cette recherche, ils ont fait
00:30:34 qu'exacerber une question ancienne concernant la vocation de ces établissements et la tension
00:30:38 avec d'un côté les enjeux santé-sécurité et de l'autre la volonté d'en faire des lieux de vie,
00:30:44 des lieux de préservation de l'autonomie. Clairement, cette première vague a montré la
00:30:48 manière dont la préservation de la vie biologique a pris le pas sur la vie bonne, sur la vie sociale,
00:30:54 et ce, alors même que la préservation de la santé et de la vie n'ont pu être complètement assurées.
00:31:00 Quelques éléments de perspective, la recherche Covid-EHPAD n'est évidemment pas la seule à
00:31:09 s'être intéressée à ce sujet-là. Dans le numéro "Covid et personnes âgées de géontologie et
00:31:15 société", on a plusieurs articles qui portent notamment sur les relations de care durant la
00:31:20 Covid-19. Ces articles pointent entre autres les risques de maltraitance organisationnelle liées
00:31:28 à la pénurie de main-d'œuvre, les restrictions de l'aide informelle apportées par les proches
00:31:33 durant cette crise, et les pertes en termes de soutien moral. Un article aussi de Clément
00:31:39 Desbruyères évoque la question de l'accès aux soins et notamment de l'accès en réanimation des
00:31:44 personnes vivant en EHPAD. Dans la poursuite de ces travaux-là, au laboratoire, nous travaillons
00:31:51 actuellement sur un projet sur lequel travaille Pauline, qui s'appelle "Mal-être au grand âge",
00:31:55 qui est la suite d'un précédent projet qui s'appelait "Suicidage", qui portait sur le
00:32:00 suicide des personnes âgées. Aujourd'hui, on s'intéresse au mal-être que peuvent vivre des
00:32:04 personnes âgées vivant en EHPAD et pas seulement en EHPAD, et pas simplement liées à la question
00:32:08 de la Covid-19 et au confinement. En parallèle de la recherche Covid-EHPAD, on a fait une recherche
00:32:14 aussi beaucoup plus réduite qui s'appelait "Covid domicile", où là nous avons enquêté auprès de 40
00:32:21 personnes âgées de 65 à 99 ans, dont 17 vivaient en résidence autonomie, et 7 professionnels du
00:32:28 champ sanitaire et social. Et il apparaît finalement qu'alors que les résidences autonomies sont
00:32:34 parfois présentées comme une alternative à la dimension disciplinaire que peut revêtir l'EHPAD,
00:32:40 la recherche tend à montrer que les résidences autonomies sont elles aussi fermées aux visiteurs,
00:32:44 elles se sont aussi fermées aux visiteurs extérieurs, et que les activités de sociabilité
00:32:48 interne ont été très fortement réduites. Pour les personnes vivant à domicile hors
00:32:53 résidence autonomie, on voit qu'un peu comme on l'a montré dans le projet Covid-EHPAD,
00:32:58 que le confinement s'avère là encore, les manières de vivre ce confinement s'avèrent là
00:33:02 encore très hétérogènes, fortement marquées par les modes de vie antérieurs à la crise.
00:33:05 Assez logiquement finalement, les personnes que l'on pourrait qualifier de "seigneurs actifs"
00:33:10 semblent avoir plus mal vécu le confinement et le risque de contamination. Cela a pu générer des
00:33:15 formes de déprises majeures auprès de ces personnes. La recherche a également montré que
00:33:20 certaines personnes âgées, il pouvait s'agir d'aidants ou de personnes très isolées, vivaient
00:33:24 dans des formes de confinement subies bien avant la survenue de la Covid. La disparité des ressources
00:33:30 occupationnelles fait également un enjeu central de la manière dont les personnes ont pu faire
00:33:35 face à cette crise. Et enfin, pour ce qui est des EHPAD, on travaille actuellement aussi sur le
00:33:42 projet de l'EHPAD à l'EHPAD, une étude de cas finalement qui vise à analyser le déménagement,
00:33:46 l'appropriation d'un EHPAD suite à un déménagement, et ce projet a été soutenu par la CNES.
00:33:52 Nous vous remercions de votre attention. Merci beaucoup, merci beaucoup Frédéric et Pauline pour
00:34:00 votre présentation. Donc avant de passer la parole à Stéphane Corbin, je vous rappelle que vous
00:34:05 pouvez poser toutes vos questions dans la boîte à questions qui se situe en bas à droite de votre
00:34:14 écran, donc n'hésitez pas. Donc sans plus attendre, je laisse la parole à Stéphane Corbin,
00:34:19 directeur adjoint de la CNESA, qui va réagir à votre présentation. Merci, bonjour à tous. Tout
00:34:28 d'abord, je voulais tout simplement vous remercier pour ce travail très utile, pour cette présentation
00:34:36 aussi très éclairante que vous avez pu faire, je dis très utile, puisqu'elle a été faite à chaud,
00:34:45 en quelque sorte, dans une période où, vous l'avez indiqué, premier confinement et première vague,
00:34:53 et avec aussi la certitude, ou en tous les cas l'intuition, que cette vague était loin d'être
00:35:00 la seule et allait bouleverser assez considérablement finalement la vie en institution. C'est très utile
00:35:09 pour nous parce qu'il est finalement assez rare aussi de pouvoir analyser rapidement une crise de
00:35:21 cette ampleur, en quelque sorte, qui, et vous l'avez dit, cette recherche c'est finalement
00:35:27 celle de la manière dont une institution, en l'occurrence l'EHPAD, en tant qu'institution,
00:35:34 fait face à un confinement, à une épreuve durable, pas seulement ponctuelle, et qui est douloureuse,
00:35:43 puisqu'on l'abordera peut-être plus directement lors des prochains webinaires, mais qui engendre
00:35:50 la fin de vie, la mort et la gestion du deuil, et surtout une épreuve dont la plupart des
00:35:58 protagonistes n'avaient pas ni imaginé ni anticipé les conséquences. Donc on est dans une étude qui
00:36:07 permet, je crois, de prendre des leçons pour la gestion peut-être de futures crises, mais elle
00:36:18 en dit aussi beaucoup plus finalement sur à la fois la manière d'habiter, mais la manière de
00:36:25 vivre tout simplement en EHPAD, et vous le mettez très clairement en évidence, et je pense que
00:36:31 en ce sens cette recherche est très utile, et j'y reviendrai pour la CNSA au sens de la manière
00:36:41 dont on peut faire évoluer ces institutions, dont on peut faire évoluer les accompagnements. Sur
00:36:47 l'expérience du confinement, c'est évidemment pour nous une intuition qui s'est vérifiée,
00:36:55 enfin plus qu'une intuition, mais qui s'est vérifiée par vos travaux, c'est d'abord une très
00:37:01 grande disparité territoriale, et de la manière dont l'établissement a été touché, si on utilise
00:37:14 ce terme, et puis aussi une très grande diversité de pratiques ensuite dans la gestion de la crise,
00:37:21 ce qui évidemment nous amène à sûrement considérer, non pas sur la disparité territoriale,
00:37:28 puisque nous avons vu aussi que la Covid avait touché plus globalement en population générale,
00:37:35 selon les territoires, de manière évidemment très différenciée, mais pour ce qui est des EHPAD,
00:37:43 sûrement d'interroger finalement le fonctionnement de l'établissement avant cette crise Covid,
00:37:51 est-ce que finalement la manière dont cet établissement, les établissements fonctionnaient
00:37:56 et vivaient, a été une ressource finalement sur la manière de gérer la crise ? En d'autres termes,
00:38:06 est-ce que des EHPAD étaient mieux préparés finalement à ces situations-là, dans la manière
00:38:13 dont ils interagissaient avec les résidents, mais aussi avec leur environnement, puisque l'étude le
00:38:21 montre également, la séparation finalement de l'établissement avec son environnement du fait
00:38:27 du confinement n'a pas eu les répercussions selon les établissements. L'autre élément important de
00:38:37 ces travaux, c'est évidemment de voir comment l'ensemble de la population de l'EHPAD est mise
00:38:45 à l'épreuve. Vous l'avez décrit par des histoires de vie, de manière dont les personnes percevaient,
00:38:53 mais ça bouscule aussi beaucoup les rapports sociaux au sein de l'établissement, et là aussi
00:39:01 ça fera l'objet d'un éclairage plus spécifique lors d'un prochain webinaire, mais on ne peut pas
00:39:10 passer là sous silence dans les travaux, enfin dans les réflexions que j'ai suite à votre
00:39:16 intervention, les preuves que ça a été aussi pour les professionnels des EHPAD, de la manière dont
00:39:24 ils ont dû réapprendre aussi, réinventer leur métier, leur manière d'accompagner les personnes
00:39:33 à l'épreuve de cette crise, encore une fois sans précédent. Et puis un élément qui est peu
00:39:43 abordé et qui est l'objet principal presque de votre étude, c'est le rapport à la vie, le rapport
00:39:50 à la mort dans les établissements qui, dans une crise comme celle-ci, évidemment interroge très
00:39:58 fortement ce que dit le fonctionnement en institution, en institution accueillant des
00:40:09 personnes fragiles, la manière de concevoir la mort, de concevoir et d'organiser le deuil dans
00:40:19 une situation qui a été particulièrement compliquée. Le centre de votre exposé, et j'en
00:40:26 suis très heureux, porte sur l'interrogation générale "qu'est-ce qu'habiter en EHPAD ?"
00:40:36 Évidemment vous l'avez analysé dans une période de tensions extrêmes sur cette manière d'habiter,
00:40:45 mais c'est une question plus générale que la CNSA se pose. Faut-il finalement peu interroger
00:40:54 cette question d'habiter en EHPAD, comme vous l'avez dit, sous prétexte que finalement il
00:40:59 s'agit d'un établissement d'hébergement et les personnes sont désignées non pas comme des
00:41:05 habitants mais des résidents ? Je pense que ce n'est pas le cas, que effectivement il y a,
00:41:11 et vos travaux le montrent bien, plusieurs manières d'habiter en EHPAD, comme finalement
00:41:18 il y a aussi plusieurs manières d'habiter lorsque l'on est dans son domicile ordinaire,
00:41:26 que l'on est la plupart du temps de la journée tout seul, sans relation sociale. On a aussi à
00:41:32 réinterroger plus globalement la manière d'habiter des personnes les plus fragiles.
00:41:40 Et ça évidemment résonne assez fortement avec des travaux qu'a mené ces dernières années la CNSA,
00:41:49 autour notamment des travaux de prospective du conseil de la CNSA sur ce que l'on a appelé
00:41:56 l'approche domiciliaire, qui est la manière finalement de concevoir l'accompagnement des
00:42:04 personnes les plus fragiles, non plus dans une approche de projet de service établi par un
00:42:12 établissement, mais de prendre en compte le désir de chez soi et d'un accompagnement qui correspond
00:42:19 plus à la manière justement d'habiter, à la manière de concevoir la vie, qu'elle soit dans
00:42:26 un domicile ordinaire, dans des configurations aussi de logements et d'habitats tout à fait
00:42:33 variés. Et que l'on peut développer une approche plus domiciliaire, s'appuyant sur les aspirations
00:42:42 des personnes, quelle que soit l'institution ou le lieu d'habitation des personnes. La question qui
00:42:52 se pose évidemment, et vous l'avez mis en évidence, mais là aussi ça a été le cas pour la population
00:43:02 générale, c'est finalement la restriction des activités, des relations des personnes en
00:43:12 établissement du fait du confinement, avec un élément qui a été très fortement réinterrogé,
00:43:21 ou interrogé plutôt que réinterrogé, le confinement en chambre. Effectivement,
00:43:27 pour les personnes qui avaient déjà dans leur fonctionnement au quotidien ce repli-là autour
00:43:34 de la chambre, comme lieu de vie principal voire exclusif, l'impact du confinement est
00:43:41 sûrement moins important. Dans d'autres cas, et notamment pour les personnes qui avaient des
00:43:49 relations à l'extérieur, évidemment ça a été beaucoup plus douloureux. Je le disais tout à
00:43:56 l'heure, je trouve qu'un intérêt secondaire, que je considère en partie comme principal, c'est de
00:44:05 montrer effectivement que les personnes ont des modes de vie très différents, même dans un même
00:44:13 établissement, du fait vraisemblablement à la fois de leur pathologie, peut-être de l'ancienneté,
00:44:22 peut-être, et vous nous le direz le cas échéant aussi, de là où ils viennent, c'est-à-dire de ce
00:44:28 qu'ils ont pu vivre précédemment, de leurs caractéristiques sociales, et que évidemment
00:44:37 cela entraîne des comportements en période de crise tout à fait différents. Un point qui,
00:44:49 évidemment, est au cœur des réflexions qui sont les nôtres dans cette approche domiciliaire,
00:45:00 c'est la place laissée à la personne dans les choix de vie qu'il est parfois contraint d'avoir
00:45:10 du fait de sa vie dans une collectivité. C'est là, évidemment, dans les réflexions qui peuvent
00:45:23 être les nôtres en s'inspirant de vos travaux, c'est le lien évidemment entre, dans un établissement,
00:45:33 entre liberté et sécurité, et la manière dont cette tension-là, qui existe évidemment dans
00:45:40 toutes les institutions, est engagée, réfléchie. Et je finirai là-dessus, la question, vous l'avez
00:45:51 aussi posée dans votre conclusion, c'est de peut-être s'intéresser, de savoir ce que cette
00:46:01 étude, pardon, ce confinement, cette gestion de crise, a permis de faire évoluer dans les
00:46:10 établissements, dans la manière dont les établissements aujourd'hui, dans un contexte
00:46:14 dont on le sait très difficile du fait parfois de pénurie de personnel, est capable de tenir
00:46:22 compte de cette période de confinement particulièrement singulière. Je vous remercie
00:46:28 pour votre discussion. Si vous souhaitez répondre à certains éléments, je vous laisse la parole,
00:46:36 Frédéric, Pauline. Peut-être sur votre première interrogation, y a-t-il eu des établissements
00:46:45 mieux préparés que d'autres ? Je ne sais pas s'ils étaient mieux préparés à la crise sanitaire que
00:46:50 d'autres, par contre c'est sûr qu'on a vu une différence selon l'établissement, comment il
00:46:57 était inscrit aussi dans un réseau, notamment les réseaux de soins palliatifs, les liens qu'ils
00:47:01 avaient avec les médecins traitants, les liens avec l'hôpital, donc c'est sûr que ça a été une
00:47:04 ressource qui était inégalement répartie et que ça peut être "anticipé". Et puis en interne,
00:47:12 ça sera peut-être développé lors du deuxième webinaire, mais les cohésions d'équipe ou les
00:47:16 taux d'encadrement, le nombre de personnel, la capacité à trouver aussi des remplaçants,
00:47:20 ça a quand même beaucoup changé dans la manière de gérer la crise, y compris dans l'urgence. Et
00:47:27 puis peut-être aussi une dimension plus architecturale, c'est-à-dire que quand il y a eu
00:47:32 l'installation de zones Covid, etc., c'est-à-dire la capacité des établissements, même les zones de
00:47:38 circulation ou pas, à pouvoir faire des unités plus ou moins modulables, à être fermées ou pas
00:47:42 fermées, a quand même, je crois, été un des facteurs qui a permis ou pas d'enfermer les résidents dans
00:47:47 leur chambre ou de leur laisser un couloir, ou l'accès aux balcons ou aux jardins, par exemple,
00:47:52 on a vu toute l'importance du bâtiment de ces établissements-là, qui permettent aussi ou pas
00:48:00 de gérer ce type d'épidémie. Pour poursuivre dans ce que tu viens de dire, effectivement, ce qui est
00:48:08 compliqué dans cette question-là, c'est finalement la bonne manière de gérer la crise.
00:48:13 Qu'est-ce que veut dire cette question-là ? Nous, ce qu'on a vu, c'est qu'il n'y a pas
00:48:21 en fait des bons et des mauvais élèves, c'est que chacun a fait un peu avec les ressources propres
00:48:25 à son territoire. Certains sont inscrits très fortement dans leur territoire et ont mis en
00:48:31 oeuvre des stratégies liées avec les entreprises locales pour se fournir en masque quand il manquait
00:48:36 des masques. Certains ont travaillé avec, effectivement, les hôpitaux, les services
00:48:41 autour. Donc chacun a réagi un petit peu avec les outils qu'il avait sous la main, et ça,
00:48:45 il faut s'en rappeler, on l'a perdu de vue peut-être aujourd'hui, mais dans un contexte d'incertitude
00:48:48 forte. Et ensuite, qu'est-ce que ça veut dire bien réagir ? Effectivement, certains avaient peut-être
00:48:53 des ressources que d'autres n'avaient pas. Je pense à un EHPAD en particulier où le médecin
00:48:56 coordonnateur était ancien infectiologue, donc il a eu tout de suite des réflexes assez hygiénistes,
00:49:01 d'une certaine manière, ce qui a pu un peu préserver les résidents de la contamination.
00:49:04 Mais il faut faire attention quand on dit bien gérer la crise, parce que peut-être qu'on a bien
00:49:09 géré l'épidémie, mais qu'on n'a pas forcément bien géré la manière dont les gens ont vécu le
00:49:14 confinement à l'intérieur, parce qu'après, toutes les animations se sont arrêtées, on ne pouvait
00:49:17 pas faire… Donc on a protégé les gens d'un côté, mais en fait, on a dégradé peut-être une
00:49:22 certaine qualité de vie. Donc ça a été vraiment très difficile. Et encore une fois, nous chercheurs,
00:49:26 on n'a pas, à la fin de la recherche, on n'a pas la solution de comment il aurait fallu faire. Et je
00:49:32 crois que personne ne l'a eu, et chacun a d'une certaine manière bricolé pour faire avec les
00:49:37 moyens qui étaient les leurs. Et on a vu quand même aussi l'effet de cette vague qui s'est déplacée,
00:49:42 comme je l'ai dit tout à l'heure, de l'est vers l'ouest. Et finalement, elle a mis quasiment trois
00:49:48 semaines à se déplacer. Et on a vu que du coup, à l'ouest, finalement, ils avaient un peu déjà
00:49:54 tiré expérience de ce qu'avaient vécu leurs collègues, puisqu'il y a des échanges entre les
00:49:58 différents directeurs d'EHPAD, dans le Grand Est par exemple, qui ont été frappés de plein fouet,
00:50:02 et qui ont été un petit peu, je dirais, pris de court finalement. Merci beaucoup pour votre
00:50:14 réponse. Je vous propose donc de prendre un certain nombre de questions que vous avez pu poser
00:50:20 dans le chat, dans le fil de discussion. Elles sont remontées par Élodie Creutin et par les
00:50:31 personnes de la Platenat. Et donc, on a plusieurs questions. La première, c'est parmi les trois
00:50:37 manières finalement que vous nous avez décrites de vivre en EHPAD pendant cette période du
00:50:43 confinement. Donc plutôt résider en EHPAD plutôt dans sa chambre, habiter l'EHPAD en participant
00:50:51 pleinement à la vie dans l'établissement, et puis ensuite des personnes qui investissent beaucoup
00:50:57 l'extérieur de l'établissement. Est-ce qu'il y a finalement un mode qui est plus courant que
00:51:04 d'autres parmi l'ensemble des résidents ? On pense intuitivement savoir qu'il y en a peut-être qui
00:51:12 sont plus courants, mais est-ce que vous pouvez nous en dire plus ? Ça fait peut-être aussi partie...
00:51:18 Alors nous, dans l'enquête, en tout cas, peut-être des biais. C'est-à-dire que les résidents, on y
00:51:23 a bien souvent eu accès par le biais des directions, ou en tout cas des équipes d'encadrement. Et donc,
00:51:29 c'est vrai qu'on a une représentation, je pense, plus forte que ce qu'elle n'est de l'habiter
00:51:34 hors EHPAD, au-delà de l'EHPAD, et peut-être du coup, ça y en a un peu moins.
00:51:41 Après, je ne sais pas si on peut aller au-delà en termes... Non, effectivement, par rapport aux
00:51:51 travaux, quand on compare avec les travaux antérieurs, on s'aperçoit effectivement que
00:51:53 des gens qui ont vraiment une vie sociale forte en dehors de l'EHPAD, ça reste quand même assez
00:51:57 assez minoritaire. Donc finalement, nous, on a choisi quand même d'en parler parce que ces gens-là,
00:52:02 ils existent et ils ont un profil particulier résident. Mais effectivement, la majorité des
00:52:08 résidents avant le confinement déjà étaient davantage tournés vers la chambre ou vers les
00:52:12 activités à l'intérieur de l'établissement. Et là, après, finalement, sur ces trois profils,
00:52:17 c'est difficile de dire qui a mieux vécu les choses parce que pour certains, comme tu l'as
00:52:23 dit Pauline, être déjà replié sur sa chambre, finalement, ils n'ont pas tellement ressenti le
00:52:28 confinement de manière très forte. Mais est-ce que c'est bien vivre en EHPAD que de vivre replié
00:52:32 dans sa chambre ? C'est une autre question en fait. D'accord, merci. Alors, on a une seconde
00:52:38 question. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage sur votre projet sur le confinement,
00:52:44 l'isolement au long cours, donc en dehors de la crise Covid et sur le mal-être des personnes
00:52:50 âgées dans ces situations de privation de ressources occupationnelles et relationnelles ?
00:52:55 Oui, l'enquête mal âge, en tout cas, peut-être liée au... On avait une partie sur la question de
00:53:07 Covid, donc deux ans après la crise. Donc peut-être ce qui était intéressant, c'est que
00:53:12 pour le coup, c'est une expérience où très majoritairement, elle était déjà passée. C'est-à-dire
00:53:17 y compris des gens dont les équipes de soins pouvaient dire que c'était des personnes...
00:53:21 Donc elles se rappelaient que ces résidents-là avaient très mal vécu le confinement. Moi,
00:53:27 au moment de l'enquête, en fait, c'est des gens qui disaient "oui, oui, c'était pas une période...
00:53:31 Voilà, ça a pu être une période difficile, mais ça y est, elle est derrière, en tout cas avec une
00:53:34 vraie capacité à reprendre ses marques et une vie quotidienne". Et après, plus largement,
00:53:42 oui, sur les expressions du mal-être, en fait, elle ne recoupe pas forcément le fait de vivre
00:53:49 dans sa chambre. Et elles sont, encore une fois, là aussi, beaucoup plus liées aux trajectoires de
00:53:56 vie et notamment sur le fait d'avoir choisi ou pas d'entrer à l'EHPAD. Ça, c'est quand même
00:54:01 une des grosses dimensions qui a un effet sur le fait de bien ou mal vivre dans un EHPAD,
00:54:07 en général, hors crise Covid. Et sur la capacité à s'approprier cet espace-là, en fait, plutôt que
00:54:15 vivre dans sa chambre ou au-delà de sa chambre. C'est plutôt ça la variable. Et ça, on le voit,
00:54:20 moi, je me souviens, dans un EHPAD breton, je crois, il y avait eu une enquête de l'EHPAD au
00:54:29 moment du déconfinement pour interroger les résidents sur ce qu'ils préféraient, en fait,
00:54:34 dans leur quotidienneté. Une majorité avait dit que finalement, ils préféraient prendre leur repas
00:54:37 en chambre le soir. Et ça, c'est quelque chose, par exemple, qui n'était jamais interrogé au
00:54:41 préalable avec un peu un a priori de "c'est bien pour les gens de sortir de leur chambre". Et là,
00:54:46 il y a eu plutôt une pérennisation de ce type de choses. Et en tout cas, ça recoupe un peu
00:54:52 d'emballage. C'est-à-dire que la demande, c'est effectivement ce que vous évoquiez tout à l'heure
00:54:57 sur les choix de vie. C'est-à-dire, qu'est-ce qui, dans une institution qui contraint quand même
00:55:01 très fortement les rythmes de vie, ce qui est possible ou pas de faire, etc., qui est évidemment
00:55:05 aussi contraint par ses propres capacités motrices, etc., mais aussi par une vie institutionnelle.
00:55:12 Voilà, qu'est-ce qu'on fait de ces choix de vie-là ?
00:55:15 Merci. Une toute dernière question, peut-être avec une réponse rapide. Je ne sais pas si ça
00:55:24 sera possible. On demande alors que la crise Covid a particulièrement souligné les contours et
00:55:30 contenus de ce que représente une bonne vie en EHPAD. Quelle est votre analyse et perception de
00:55:36 l'impact des confinements successifs sur le fonctionnement des EHPAD dans la durée ? J'ai
00:55:41 l'impression que vous y avez peut-être déjà un petit peu répondu. Mais la suite de la question
00:55:46 de la personne, c'est pensez-vous qu'ils ont eu pour conséquence un renforcement des contraintes
00:55:53 et des règles en matière de sécurité sanitaire ? Ou est-ce qu'on a eu au contraire cherché à
00:55:59 renforcer les espaces de sociabilité ? Alors, comme on l'a dit, nous on n'a pas
00:56:05 vraiment le regard longitudinal, mais sur les EHPAD qu'on a un petit peu pu suivre par la suite,
00:56:11 j'ai envie de dire les deux en fait. On le voit, quand on va dans un EHPAD, il y a toujours les
00:56:16 masques, il y a toujours le gel hydroalcoolique, il y a toujours ce devoir, je dirais à la fois
00:56:21 pour les visiteurs, mais surtout pour les professionnels qui travaillent, de devoir
00:56:24 faire attention à éviter la contamination. Donc je dirais qu'il y a eu ce renforcement des règles
00:56:30 d'hygiène et en même temps, il y a quand même cette préoccupation pour ne pas revivre ce qu'on
00:56:36 a vécu, c'est-à-dire d'enfermer des gens dans leur chambre, que toutes les activités s'arrêtent.
00:56:41 Donc il y a cette préoccupation d'essayer quand même de trouver les moyens de maintenir du lien
00:56:47 social, de maintenir des animations. Et donc pour moi, ça reste toujours ça, la difficulté,
00:56:52 c'est faire tenir ensemble ces deux choses. Et finalement, la grande difficulté à mon avis,
00:56:57 pour les EHPAD aujourd'hui, c'est effectivement d'arriver à laisser de la place au droit au
00:57:02 risque. Aujourd'hui, le droit au risque, c'est peut-être le plus difficile pour les professionnels
00:57:07 qui travaillent en EHPAD d'accepter qu'effectivement, il y ait une place au risque. Et si c'est difficile
00:57:13 à accepter pour eux, c'est parce qu'en partie, il y a aussi la pression des familles et des
00:57:18 proches de ces résidents qui, quelque part, quand on met ou qu'on accompagne son parent pour entrer
00:57:24 en EHPAD, on a envie que tout se passe bien. Et du coup, on met un peu, sans le vouloir,
00:57:29 une certaine pression sur les professionnels pour qu'il n'y ait pas d'accident, qu'il n'y ait pas
00:57:32 de problème, que tout aille bien. Mais avec cette pression-là, elle limite très fortement les marges
00:57:37 de liberté et puis le droit au risque des résidents. – Merci beaucoup pour cette réponse.
00:57:42 Donc, je vous propose de clore ce rendez-vous, ce huitième rendez-vous de la recherche sur
00:57:49 l'autonomie. Donc, je vous rappelle que le rapport complet, vous pouvez le retrouver en ligne. On va
00:57:55 vous remettre les liens sur lesquels vous pourrez trouver le rapport. Et donc, je termine en
00:58:03 remerciant évidemment Frédéric Ballard et Pauline Leney pour leur présentation et on aura plaisir
00:58:08 à suivre le reste de vos recherches respectives, en particulier l'enquête de l'EHPAD à l'EHPAD,
00:58:16 qui a été financée par la CNSA via l'IRESP. Et on remercie également Stéphane Corbin,
00:58:23 merci pour votre discussion des travaux. Merci également à toutes les personnes que vous n'avez
00:58:29 pas vues sur le plateau, mais qui ont rendu possible ce webinaire dans de bonnes conditions.
00:58:36 Donc, merci à Élodie Crotin et Delphine Gosset pour la remontée des questions et pour la
00:58:42 communication qui a été également réalisée côté plateforme nationale pour la recherche sur la fin de
00:58:47 vie. Merci aussi au service de communication de la CNSA. Et enfin, merci à Antoine Wolf pour
00:58:53 l'aide technique et pour l'accueil dans ses locaux, dans ce beau studio de Lucance. Et donc,
00:58:59 comme je vous le disais au début, nous nous retrouvons le jeudi 9 mars à la même heure,
00:59:04 donc de 13h à 14h, pour un prochain webinaire qui portera cette fois sur les pratiques
00:59:11 professionnelles pendant le premier confinement en EHPAD. Et pour rappel, tous les replays sont
00:59:18 en ligne, donc vous pourrez retrouver très prochainement le replay de ce webinaire en
00:59:23 ligne à la fois sur Dailymotion et sur YouTube. D'ici là, vous pouvez rester connecté sur les
00:59:28 réseaux sociaux de la CNSA et de la plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie.
00:59:32 Et comme ça, vous serez tenu informé de toutes les dates à venir pour les webinaires et pour
00:59:39 aussi plein d'autres informations. Et donc, je vous remercie pour votre écoute et pour votre
00:59:45 participation et je vous souhaite un très bon après-midi et je vous dis à très bientôt. Merci, au revoir.
00:59:51 [Musique]

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