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Un "rendez-vous de la recherche sur l'autonomie" organisé par la CNSA en collaboration avec la Plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie qui aborde certains résultats de l'étude COVIDEHPAD.

Invités :
Aline CHASSAGNE, socio-anthropologue, maître de conférences,
Centre d’investigation clinique (CIC) 1431 INSERM
CHU de Besançon & Université de Franche-Comté
Germain BONNEL, sociologue, Université de Lille

Discutant :
Régis AUBRY, professeur associé de médecine palliative, CHU de Besançon, membre du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) et investigateur principal de l'étude COVIDEHPAD.

Ce webinaire a été enregistré le jeudi 11 mai 2023 de 13 h à 14 h

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Transcription
00:00:00 Bonjour à toutes, bonjour à tous et bienvenue pour ce dixième rendez-vous de la recherche sur
00:00:15 l'autonomie qui est co-organisé entre la CNSA, la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie,
00:00:19 et la Plateforme Nationale pour la Recherche sur la Fin de Vie. Je suis Pearl Moret,
00:00:24 chef de projet recherche à la CNSA et nous sommes ensemble aujourd'hui pour une heure de
00:00:29 webinaire, pour ce troisième webinaire et dernier webinaire qui est consacré à la recherche Covid
00:00:34 et PAD. Donc vous pouvez retrouver l'ensemble du programme des webinaires pour 2023 sur le site
00:00:42 de la CNSA dans sa rubrique actualité et également sur le site de la Plateforme Nationale pour la
00:00:47 Recherche sur la Fin de Vie et les replays des rendez-vous pour la recherche sur l'autonomie.
00:00:54 Donc les dix éditions qui ont eu lieu sont d'ores et déjà disponibles sur la chaîne YouTube de
00:00:58 la CNSA et plus particulièrement du service public de l'autonomie qui est donc la chaîne
00:01:03 de la CNSA. Donc il y a Delphine Gosset qui va introduire petit à petit tous les liens dont je
00:01:10 suis en train de vous parler dans le fil de discussion. Donc Delphine Gosset qui est chargée
00:01:15 de communication et de valorisation de la recherche à la Plateforme Nationale pour la
00:01:18 Recherche sur la Fin de Vie. Et donc cette année un cycle de trois webinaires rencontre des résultats
00:01:24 de cette recherche Covid-EHPAD et Covid-EHPAD pour rappel est une recherche qui a analysé les
00:01:29 conséquences de la première vague de l'épidémie de Covid-19 dans les EHPAD. C'est une recherche
00:01:34 qui est qualitative, qui comprend donc 269 entretiens, qui est réalisée dans 52 EHPAD et
00:01:40 c'est une recherche également multicentrique donc qui a été menée dans six régions françaises.
00:01:45 Elle a aussi réuni 26 chercheurs et chercheuses en sciences humaines et sociales, principalement
00:01:50 en sociologie, mais également en psychologie, en anthropologie et en philosophie. Donc le rapport
00:01:55 final de cette recherche ainsi que sa synthèse sont toutes deux accessibles en ligne et vous
00:02:01 pouvez y avoir accès donc via le chat, le lien va vous être transmis également. Comme je vous le
00:02:07 disais, vous pouvez également retrouver les replays du premier et du deuxième webinaire de valorisation
00:02:11 de la recherche Covid-EHPAD en ligne. Et donc le premier webinaire était consacré à l'analyse des
00:02:16 manières dont les résidents ont vécu, de manière différenciée, cette période de confinement dans
00:02:23 les EHPAD liée à l'épidémie de Covid-19 et le deuxième webinaire était porté sur l'adaptation
00:02:29 des pratiques professionnelles en EHPAD pendant la première vague de l'épidémie. Donc nous
00:02:35 avons... on se retrouve aujourd'hui pour le troisième et le dernier webinaire du cycle
00:02:42 consacré à la question de l'accompagnement de la fin de vie et du traitement des défunts. Donc
00:02:46 toujours en EHPAD pendant cette première vague de Covid-19. Donc nous avons le plaisir aujourd'hui
00:02:50 d'accueillir sur cette question Aline Chassagne qui est maîtresse de conférence en sciences
00:02:56 infirmières à l'université de Franche-Comté et dont vous êtes rattachée au laboratoire de
00:03:01 recherche intégrative en neurosciences et psychologie cognitive et vous êtes également
00:03:05 membre du centre d'investigation clinique, le CIC de l'INSERM, au sein du CHU de Besançon.
00:03:11 Nous avons également le plaisir de recevoir Germain Bonnel. Vous êtes docteur en sociologie,
00:03:16 diplômé de l'université de Lille et vous avez fait votre thèse sur la santé au travail dans
00:03:21 l'agriculture biologique et aujourd'hui vous êtes consultant comité social et économique,
00:03:27 donc consultant CSE chez Calantis. Donc merci beaucoup à tous les deux d'être présents
00:03:32 aujourd'hui pour nous présenter cette recherche dans ce beau studio de l'UCANS. Et donc il y a
00:03:38 une partie en plus du rapport final dont je vous parlais et de sa synthèse, une partie de résultats
00:03:43 des travaux qui vont vous être présentés aujourd'hui qui ont été publiés dans la
00:03:48 revue québécoise Frontières. Et donc cet article a été co-écrit par vous Aline Chassagne ainsi que
00:03:54 trois autres de vos collègues de l'université de Franche-Comté, à savoir Florence Mathieu-Nicot
00:03:58 qui est psychologue, Hélène Trimail qui est sociologue et Élodie Crotin qui est philosophe.
00:04:03 Donc on va vous mettre également le lien de cet article dans le fil de discussion. Donc votre
00:04:08 présentation à tous les deux sera suivie d'une discussion qui est initiée par Régis Aubry.
00:04:12 Régis Aubry est avec nous à distance, merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.
00:04:18 Donc vous êtes médecin, vous êtes professeur associé de médecine palliative, vous êtes
00:04:24 également chef du pôle autonomie handicap au CHU de Besançon et comme Aline vous êtes membre du
00:04:29 centre d'investigation clinique, le CIC de l'INSERM et membre du laboratoire de neurosciences
00:04:35 intégratives et cliniques de l'université de Franche-Comté. À côté de cela vous êtes membre
00:04:39 du comité consultatif national d'éthique, le CCNE, et vous faites partie du conseil scientifique de la
00:04:45 plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie. Et vous avez co-coordonné avec
00:04:49 Élodie Crotin le groupe de recherche COVID-EHPAD, donc de la recherche dont il s'agit de discuter
00:04:54 aujourd'hui. Donc merci beaucoup de votre présence à distance et nous serons ravis de vous entendre
00:05:00 très bientôt. Avant de rentrer dans le cœur du sujet, je vous invite à laisser toutes vos
00:05:09 questions dans le fil de discussion tout au long des interventions. Il vous suffit de cliquer sur
00:05:14 "poser une question", de noter un pseudo ou votre nom et les questions me seront transmises à la
00:05:22 fin. Nous aurons un temps d'échange avec vous les participants. Aujourd'hui nous allons privilégier
00:05:29 les questions qui sont relatives à la recherche COVID-EHPAD avec nos invités. Pour toutes les
00:05:36 autres questions, nous vous invitons à vous rendre sur le site internet de la CNSA, mais également
00:05:41 sur le site monparcourshandicap.com ou encore pourlespersonnesâgées.com. Enfin ma boussole
00:05:46 est là, donc là encore tous les liens vont vous être intégrés dans le fil de discussion.
00:05:51 Donc sans plus attendre, je laisse la parole pour environ 25 minutes à Aline et Germain pour leur
00:05:57 présentation qui pour rappel s'intitule "Accompagnement de la fin de vie et traitement
00:06:01 des défunts en EHPAD pendant la première vague de COVID-19". C'est à vous. Merci,
00:06:08 bonjour à toutes et à tous. Merci à Pearl Moray, merci à l'accueil dans ce beau studio et merci
00:06:15 également à la CNSA qui nous soutient depuis le début et qui nous permet aujourd'hui de présenter
00:06:20 une partie de l'étude COVID-EHPAD, partie qui s'est particulièrement intéressée à l'accompagnement
00:06:26 de fin de vie et à la mort en EHPAD. Un moment très particulier qu'il convient de rappeler,
00:06:31 c'était la première vague, c'était à partir de mars 2020 et dans ce contexte très singulier,
00:06:39 il faut aussi avoir en tête, mais vous vous en souvenez sans doute tous certainement,
00:06:44 que les visites dans les EHPAD ont été interdites à partir de mi-mars jusqu'à mi-mai,
00:06:49 que le plan bleu avait été lancé dès début mars, si je me souviens bien, et qu'une étude
00:06:56 de Santé publique France avait souligné l'augmentation de la mortalité pour les plus
00:07:00 de 65 ans avec une forte augmentation en centres hospitaliers, mais aussi une augmentation non
00:07:06 négligeable et variable en fonction des régions dans les EHPAD. Donc c'est un contexte particulier
00:07:11 qu'il faut avoir en tête tout au cours de la présentation. Nous vous proposons avec Germain
00:07:17 Bonnel d'aborder les difficultés qu'ont pu rencontrer les professionnels de santé notamment,
00:07:23 mais aussi les proches et les résidents, les conditions de cet accompagnement de fin de vie
00:07:29 et les conditions des décès, les pratiques ensuite qui sont intervenues après les décès,
00:07:37 et enfin nous reviendrons sur les expériences de ces formes du mourir, puis plus particulièrement
00:07:43 sur le travail du deuil. Je vous fais un petit rappel méthodologique, on a souhaité pouvoir
00:07:51 mettre en place une démarche très ancrée sur le terrain, vous l'avez rappelé, par rapport à notre
00:07:55 méthode compréhensive. On voulait observer et décrire les accompagnements de fin de vie et les
00:08:02 conditions des décès en EHPAD pendant le premier confinement en France et nous avons souhaité
00:08:09 donner la parole à différentes parties prenantes, donc les professionnels de santé au sens large,
00:08:15 toutes les catégories, les résidentes et les résidents en EHPAD et les familles, les proches,
00:08:21 leurs proches, qui étaient également bien sûr directement concernés. Nous souhaitions rencontrer
00:08:26 ces différents interlocuteurs à chaud, comme c'est inscrit sur la slide, pour pouvoir recueillir
00:08:32 leurs émotions, leurs ressentis, leurs réactions et nous avons déployé cette recherche, vous l'avez
00:08:38 dit aussi, dans six régions, la plupart très touchées et une ou deux autres un petit peu moins.
00:08:45 Et on a essayé aussi d'agrémenter notre présentation de quelques illustrations que nous avons pu réaliser
00:08:52 sur le terrain. Donc là c'est une slide qui présente plus particulièrement notre échantillon,
00:08:58 vous l'avez rappelé, je vais passer assez vite, 269 entretiens, c'est pas rien, c'est toute une
00:09:03 équipe engagée, des chercheurs en sciences médicales, sciences paramédicales, en sciences
00:09:08 humaines et sociales et de nombreux chercheurs en sciences humaines et sociales ont réalisé des
00:09:14 entretiens, à la fois par téléphone, bien souvent au début, par visio, quand c'était possible et
00:09:21 enfin aussi en face à face, ce qui nous a semblé important quand on pouvait le mettre en place.
00:09:28 Donc nous sommes allés, nous avons été en contact avec 52 établissements et puis vous voyez aussi
00:09:35 une photo du terrain avec ma collègue Hélène Trimail, donc nous sommes allés dans plusieurs
00:09:40 établissements, nous avons fait des observations et nous avons pu aussi suivre une dizaine de
00:09:47 situations de proches endeuillés, c'est à dire ce sont des enfants, des conjoints qui avaient perdu
00:09:53 leur proche qui était résidente ou résident d'un EHPAD. Vous voyez aussi qu'il y a beaucoup
00:09:59 d'aides-soignantes, d'aides-soignants, d'infirmières et d'infirmiers qui ont été rencontrés, interviewés
00:10:06 dans le cadre de cette recherche et nous tenterons avec Germain de leur donner la parole au fil de
00:10:11 la présentation. Le premier grand axe pour les résultats concerne l'accès aux soins. Là encore,
00:10:20 nos collègues lors du dernier webinaire ont bien rappelé qu'il y avait de nombreuses difficultés
00:10:24 dans l'accès aux soins. Il y avait un contexte, les hôpitaux plus ou moins saturés en fonction
00:10:31 des régions, des réanimations aussi très très remplies et nous avons pu recueillir auprès des
00:10:39 professionnels de santé des discours évoquant un certain nombre de difficultés et qui soulignent
00:10:45 des inégalités dans l'accès aux soins. Il y a donc des établissements pour lesquels le travail
00:10:50 avec les EHPAD a été possible parfois. Il a été encore un peu plus difficile lorsque il y a eu une
00:10:58 demande de tri à réaliser par ces établissements pour envoyer uniquement que quelques résidentes
00:11:04 et résidents, ce qui a aussi posé de nombreuses tensions éthiques, des dilemmes éthiques. Il y a
00:11:10 eu aussi des situations où les établissements n'ont pas pu du tout envoyer ou en tout cas confier
00:11:17 des résidents gravement malades au centre hospitalier le plus proche. Vous avez là le
00:11:24 témoignage d'une directrice qui dit que dans tous les résidents malades, 14 avaient des signes
00:11:30 cliniques qui auraient nécessité une hospitalisation s'ils avaient été à domicile. Dans ce contexte
00:11:36 particulièrement difficile, on a eu plein de professionnels qui nous ont dit qu'ils se sont
00:11:41 battus, qu'ils ont dû vraiment redemander, que certains résidents auraient dû être hospitalisés
00:11:50 au regard de la clinique. Et dans ce contexte, certains ont nommé qu'ils s'étaient sentis
00:11:57 abandonnés, mais aussi qu'ils imaginaient que les résidentes et les résidents avaient aussi perdu
00:12:05 des chances, perdu des chances par rapport à la qualité des soins, mais aussi perdu des chances
00:12:08 par rapport à leur espérance de vie. On a dans ce contexte aussi des anticipations par rapport
00:12:16 aux soins de fin de vie qui sont difficiles, puisque les professionnels nous relatent des
00:12:22 temporalités accélérées. Il y avait à ce moment-là, en mars je le rappelle, fin février pour certains
00:12:30 établissements, des équipements qui n'étaient pas très nombreux, en masque, en gants, en tenue
00:12:36 pour se protéger. Il y avait aussi ce contexte très difficile d'urgence, d'accélération, ce qui fait
00:12:44 que pour de nombreux professionnels, il y a eu un effet de sidération lorsqu'un décès est survenu,
00:12:50 puis ensuite plusieurs décès. Ce qui a pu être un petit peu en décalage par rapport aux situations,
00:12:58 aux temporalités qu'ils vivent habituellement, puisqu'on sait qu'en Ehpad, il y a des personnes
00:13:04 qui y vivent, mais il y a aussi des personnes qui y décèdent. Et le déclin se fait habituellement
00:13:10 de manière plus progressive, plus lente. Et là, de nombreux professionnels du soin nous ont fait
00:13:15 remarquer ce sentiment de surprise, voire de sidération par rapport à la temporalité. Et
00:13:22 vous le voyez aussi sur la dernière citation de cette diapo, il y avait aussi de grosses difficultés
00:13:27 par rapport à l'accès à des protocoles qui avaient été réalisés en lien avec l'ASFAP, ou en lien avec
00:13:33 les unités de soins palliatifs, ou les équipes mobiles de soins palliatifs. Et il y avait aussi
00:13:38 de grosses difficultés pour avoir un équipement, notamment par rapport à l'oxygène, comme vous
00:13:45 pouvez le lire les extracteurs. Et il y a une situation aussi assez marquante qu'on a pu analyser
00:13:50 en équipe, et c'est une situation d'une infirmière qui raconte qu'elle a deux patients qui sont en
00:13:57 souffrance et en détresse respiratoire. Elle n'a qu'une seule bouteille d'oxygène et elle appelle
00:14:03 à ce moment-là le médecin-coordonnateur, qui ne pouvait pas venir, puisqu'il y a aussi eu une
00:14:08 restriction de certains professionnels pour limiter les passages dans l'établissement. Et là, elle est
00:14:14 dans une situation catastrophique, dramatique, où elle est amenée à faire un choix. Donc elle se fait
00:14:19 guider dans ce choix par le professionnel. Et le cadre de l'établissement part parallèlement,
00:14:25 en voiture, personnel, essayer de chercher une bouteille d'oxygène dans une entreprise pas très
00:14:31 loin. Donc vous voyez quand même que ce sont des situations complètement insolites et dramatiques,
00:14:37 et qui nous montrent de manière très visible les problèmes d'égalité dans l'accès aux soins à ce
00:14:45 moment-là, et puis les différentes contraintes qui se sont imposées aux professionnels pour qu'ils
00:14:52 puissent mettre en place des soins, pour qu'ils puissent mettre en place un accompagnement
00:14:56 palliatif. Et cet accompagnement palliatif, juste quelques petits mots pour le recadrer,
00:15:04 puisqu'il y a des chercheurs qui proposent une définition de cet accompagnement palliatif,
00:15:12 avec quatre dimensions. Donc c'est Gagnon, Moulin et Herman. Ces quatre dimensions,
00:15:20 c'est le souci de l'autre, être présent, l'individualisation de l'aide, être attentif
00:15:26 aux besoins de la personne, une approche globale, il s'agit de combiner différents éléments pour
00:15:33 le bien-être de la personne et le travail sur soi pour apprendre aussi à prendre du recul.
00:15:39 Les soins palliatifs, on a souvent entendu qu'ils sont nés d'un certain nombre de problèmes et
00:15:45 notamment de souffrances très extrêmes avec des agonies, ce qui nous a aussi été relaté par les
00:15:51 professionnels de santé, des agonies du fait de la détresse et des atteintes respiratoires. Donc
00:15:56 les soins palliatifs se sont construits avec cette volonté d'avoir une prise en charge globale,
00:16:00 biologique, psychologique, sociale et spirituelle auprès des malades bien sûr, en respectant leur
00:16:07 valeur, leur dignité, leur intimité, mais aussi auprès de leurs proches. Et on voit que tous ces
00:16:15 points, toutes ces dimensions des soins palliatifs ont été vraiment très difficiles à mettre en
00:16:19 place et ont plus ou moins explosé en vol, puisque le déploiement a été très compliqué. Vous le
00:16:26 voyez là, il y a certains exemples qui montrent que les interactions qui sont au cœur de la
00:16:30 démarche palliative ont été rendues très difficiles, le toucher, le fait d'avoir un contact
00:16:37 direct, pour la première citation, d'embrasser une patiente qui essayait juste avant d'enlever
00:16:44 le masque de ce médecin et qui souhaitait avoir ce contact physique. Il y a aussi plusieurs soignants
00:16:52 qui ont demandé à enlever leurs gants, qui ont voulu aussi là avec leurs mains pouvoir toucher le
00:16:58 corps de la personne qui était en train de mourir. Il y a eu aussi tout un ensemble de discussions et
00:17:04 de tensions autour des thérapeutiques et de la sédation, une confusion aussi d'après les
00:17:09 professionnels, entre la sédation, le soulagement et une mort qui arrive assez rapidement. On a une
00:17:17 aide-soignante qui nous dit "le médecin les a apaisés avec de la morphine, pour moi c'était
00:17:22 de l'euthanasie". On savait que quand on disait "on passe au protocole respi", en deux heures,
00:17:28 la personne n'était plus là. Donc il y a eu cette confusion qu'on retrouve et qui est liée aussi au
00:17:35 contexte d'incertitude que nos collègues ont déjà développé précédemment, et un problème de
00:17:41 matériel et un problème d'un manque de personnel également qui a contribué à cette situation
00:17:48 difficile. Du côté des proches, Germain reviendra sans doute juste après, Jacques s'allère un peu,
00:17:54 il y avait des difficultés par rapport à la possibilité de dire adieu. Les personnes que
00:17:59 nous avons pu rencontrer, qui avaient été confrontées au décès d'une résidente ou d'un
00:18:03 résident, n'ont pas pu tous les revoir. Sur les 11 situations qu'on a pu analyser, 6 d'entre eux
00:18:12 ont pu les revoir, mais c'était vraiment quelques jours, quelques heures avant le décès, et 4 d'entre
00:18:17 eux seulement ont pu ensuite voir la dépouille. Il y a eu bien sûr des négociations qui se sont
00:18:23 introduites entre les professionnels, la direction des établissements et ses familles, ses proches,
00:18:29 qui voulaient absolument pour certains pouvoir rendre visite, et ils ont pu trouver des solutions
00:18:37 parfois avec des visites plus ou moins contrôlées. On a eu, mais plus rarement, des proches qui ne
00:18:43 souhaitaient pas, par mesure de prévention, s'introduire dans l'établissement, et certains
00:18:49 qui préféraient ne pas venir pour garder aussi une autre image de leurs proches. Je laisse la parole
00:18:56 à Germain. Merci beaucoup. Je vais aborder les aspects relatifs aux conditions du décès, aux
00:19:04 pratiques après le décès, aux expériences des formes du mourir, et je vais compléter ce qu'a
00:19:09 ce qu'a pu expliquer Aline. D'abord en revenant sur cette idée d'incertitude par rapport à la cause
00:19:17 des décès. En fait, ils étaient attribués à la contamination, mais ils pouvaient également être
00:19:21 attribués à des syndromes de glissement, une catégorie assez générique finalement, qui reflète
00:19:27 beaucoup de situations différentes. Et de manière générale, ces décès ont été vécus assez
00:19:33 violemment par les professionnels, avec sidération, Aline l'a rappelé tout à l'heure. Donc on a assez
00:19:39 sélectionné deux extraits d'entretien qui ont pu aborder ce point, même si on peut démultiplier
00:19:46 les extraits. Une responsable à SH nous explique par exemple qu'elle n'arrive pas à gérer la
00:19:53 sidération liée au décès justement, parce qu'elle est fatiguée, triste, elle ne peut pas expliquer
00:19:59 son sentiment. Et en fait, ce type de propos est assez révélateur des retours qu'on a pu avoir,
00:20:05 dans lequel les professionnels essentiellement expliquaient qu'au travers de l'enquête COVID-19,
00:20:13 ils pouvaient exprimer des choses qu'ils ne pouvaient pas forcément aborder avec leurs
00:20:17 proches. Du côté des familles, on observe des réactions plutôt ambivalentes vis-à-vis du
00:20:27 travail des professionnels dans le cas d'un décès. Certaines familles ont été plutôt en soutien des
00:20:34 équipes en expliquant que c'était, pour le dire familièrement, que c'était la faute à pas de
00:20:40 chance finalement, qu'ils ne pouvaient pas forcément maîtriser les choses. Et d'un autre côté, on a
00:20:45 eu des discours de mise en accusation des familles qui ont accusé justement les professionnels d'avoir
00:20:52 été à l'origine des décès de leurs proches. Donc cette situation de tension se rajoute à l'idée
00:20:59 de sidération qu'on a pu aborder tout à l'heure. Après les décès, des protocoles ont été mis en
00:21:07 place de manière inédite. Ces pratiques ont été vécues violemment par les professionnels,
00:21:15 également par les proches, j'y reviendrai après. Quelques éléments très rapides ici,
00:21:20 les toilettes mortuaires étaient devenues interdites. Donc ici on voit par exemple une
00:21:28 IDE qui explique que la consigne était claire, ne plus faire de toilettes mortuaires pour éviter
00:21:34 justement les risques de contamination. Et en fait ce type de protocole a rendu les deuils
00:21:42 beaucoup plus difficiles et a été vécu très difficilement par les professionnels dans leur
00:21:47 pratique professionnelle. Autre exemple, la mise en housse immédiate et le procédé de "javelisation"
00:21:54 entre guillemets, où les agents funéraires demandaient à ce que les corps soient directement
00:22:01 mis en housse pour que les housses soient emportées directement, avec une venue, on le verra après,
00:22:07 des opérateurs funéraires au sein des établissements, ce qui a encore une fois été
00:22:12 mal vécu par les professionnels, mais également par les résidents qui ont pu être témoins de ces
00:22:18 venues. Et puis dernier élément, c'est que cette fois plutôt en Ile-de-France, même si on peut
00:22:25 retrouver ce type de propos dans d'autres régions, la prise en charge des corps par les pompes
00:22:29 funèbres a été rendue très difficile en raison justement d'une surcharge de travail des opérateurs
00:22:34 funéraires, ce qui a pu rajouter pour les professionnels des conditions de travail encore
00:22:40 plus difficiles. Avec les familles, les professionnels ont dû faire face à des
00:22:48 situations d'accompagnement parfois difficiles, alors lorsque les familles pouvaient venir,
00:22:54 les professionnels pouvaient les accompagner au mieux, même si tu y reviendras après,
00:23:00 les familles ne pouvaient pas forcément voir leurs proches. En tout cas, des échanges ont
00:23:08 pu être possibles avec les professionnels qui ont fait un travail d'accompagnement. Et du côté des
00:23:12 proches, l'importance de voir les corps une dernière fois a été soulignée, même si ça n'a pas toujours
00:23:20 été possible. Ce n'a pas toujours été possible pour la raison évoquée tout à l'heure, à savoir la
00:23:25 mise en housse immédiate. De fait, on a pu constater des transgressions aux normes sanitaires, en tout
00:23:32 cas c'est les professionnels qui nous expliquent cela. Et les familles pouvaient par exemple avoir
00:23:37 des gestes d'attention comme glisser des photos dans la housse mortuaire, avoir des temps de
00:23:42 recueillement silencieux. On a pu aussi avoir des professionnels qui nous expliquent que des
00:23:50 familles leur ont demandé des photographies des défunts parce que le deuil se faisait à distance,
00:23:56 ce qui a pu être encore très difficile. Et puis du côté de l'expérience des formes du
00:24:05 mourir, au-delà de la sidération ou en parallèle de la sidération, les soignants témoignent d'une
00:24:11 forme de culpabilité en opposant ce qu'ils appellent une bonne mort à une mauvaise mort. En fait, la
00:24:17 bonne mort est conçue comme quelque chose de naturel, la mauvaise mort est quelque chose qui
00:24:21 n'a pas pu être accompagnée correctement, pour les professionnels en tout cas. Et du côté des
00:24:27 résidents, je passe un petit peu vite sur les verbatim, on pourra revenir là-dessus pendant la
00:24:34 discussion, du côté des résidents on a constaté également que cette période a transformé le rapport
00:24:40 à la mort. En fait, certains expliquent ne pas avoir de crainte du décès en tant que tel, mais avoir
00:24:46 peur d'un décès consécutif à la contamination en raison des souffrances qu'elle engendre.
00:24:51 Pour d'autres résidents, il y a une crainte d'être les prochains puisqu'ils étaient informés pour
00:24:59 certains des décès des uns et des autres. Et puis il y a une troisième explication qui est une volonté
00:25:05 de vivre pour rattraper les, je cite, "moi volé par la crise". Je laisse la parole de nouveau à Aline
00:25:12 pour aborder les questions plus spécifiques liées au deuil. Alors on a vu que pour les proches et les
00:25:19 résidents, il manquait aussi des parties de l'histoire, puisque de nombreux proches ont essayé
00:25:26 de communiquer avec les établissements et bien sûr les professionnels étaient en difficulté pour
00:25:33 apporter tous les éléments. Et cette mise à distance, qui n'était pas choisie bien sûr par
00:25:41 ces professionnels, mais cette mise à distance des proches a aussi produit des manques dans
00:25:47 l'histoire et a pu créer de la culpabilité et des doutes chez ces proches de résident. Sur l'annonce
00:25:54 des décès, là aussi il y a eu quand même des difficultés, il faut le dire, sur la communication
00:25:59 et l'information. Même si, comme je vous le disais, les proches ont pu être informés, il leur manque
00:26:04 des parties de l'histoire. Et par rapport aux résidents, il y a eu différentes stratégies opérées
00:26:08 par les établissements, avec parfois une annonce faite aux résidents les plus proches de la personne
00:26:15 décédée, d'autres fois des annonces différées, attendre, attendre que ce soit un petit peu un
00:26:21 autre moment. Et de nombreux résidents nous font part de leur prise de conscience de ces décès par
00:26:27 les absences de certains résidents lors du retour au restaurant, à l'endroit collectif, à la cantine
00:26:35 de la résidence. Donc si vous voulez, il y a eu quand même de sacrées complications aussi,
00:26:43 après dans le travail de deuil, par rapport à ces problèmes de communication et au niveau
00:26:48 d'information qui a pu être atteint par les uns et les autres. Au niveau des rituels, il y en a un
00:26:57 certain nombre qui ont été perturbés, vous l'aurez compris. La présentation du corps, Germain en a
00:27:01 parlé. Ensuite sur les cérémonies, les proches que nous avons rencontrés ont pu souligner qu'ils
00:27:08 ont tout fait pour respecter les volontés du défunt, que même si les cérémonies étaient
00:27:15 bousculées d'un point de vue temporel et aussi spatial, ça a pu apporter un petit réconfort.
00:27:22 Ils soulignent quand même assez fréquemment qu'il n'y a pas pu y avoir beaucoup de monde,
00:27:26 qu'ils n'ont pas pu avoir de contact physique entre eux et que parfois, comme vous pouvez le
00:27:33 voir, certains ont attendu assez longtemps avant d'organiser une cérémonie en hommage au défunt.
00:27:39 Il y a eu de l'appréhension sur le nombre de personnes conviées et puis une étape aussi qu'on
00:27:46 a trouvée importante de souligner ici, c'était le retour dans l'établissement pour récupérer les
00:27:52 affaires où là encore de nombreux proches ont souligné que ça a été difficile pour eux,
00:27:56 pour différentes raisons, mais ils attendaient une forme de reconnaissance de la part de
00:28:02 l'établissement, à la fois par un courrier de condoléances par exemple, mais aussi par rapport
00:28:07 à l'identité du défunt. Il y a eu une quête vraiment de reconnaissance et il y a eu un manque
00:28:13 de reconnaissance d'après les discours des proches de l'identité de la personne qui lui venait de
00:28:19 perdre. Donc tout ce contexte, vous l'aurez compris, a produit des complications du travail
00:28:24 de deuil avec des émotions assez négatives, un manque d'informations, de la culpabilité, même
00:28:30 si quelques rites ont pu être mis en place, ils ont encore toute leur force, leur symbole,
00:28:35 avec des formes hybrides, des formes plus souples. Certains proches qui ont assisté à la cérémonie
00:28:40 par une visio par exemple, et ces formes hybrides et les formes qui ont pu être développées ont eu
00:28:47 une action thérapeutique tout de même. Elles ont agi pour qu'il y ait en fait un accompagnement de
00:28:54 cette séparation entre les vivants et les morts, et loin de l'idée de la bonne mort,
00:29:00 qu'a évoqué tout à l'heure Germain, et si l'on reprend les propos de Michel Castras,
00:29:04 cette mort qui est calme, sereine, sans souffrance et pacifiée, on était vraiment très loin de
00:29:09 cette image, loin aussi d'un accompagnement palliatif imaginé, idéal, mais ça monsieur
00:29:16 Aubry en dira sans doute quelques mots tout à l'heure, tout de suite. Donc notre travail a tenté,
00:29:22 modestement, à notre hauteur, par un ancrage sur le terrain très fort, on a tenté à notre manière
00:29:29 de retracer toutes ces difficultés rencontrées. Cette période, on a tenté de contribuer finalement
00:29:35 à une reconnaissance des difficultés, à une reconnaissance du travail des professionnels,
00:29:39 à une reconnaissance aussi de la souffrance des uns et des autres, pour ne pas que cette période
00:29:45 tombe dans l'oubli. Donc on remercie encore à nouveau la CNSA, on remercie bien sûr les
00:29:52 coordonnateurs, coordonnatrices de l'étude Élodie Cretin et Régis Aubry, et merci à tous de votre
00:29:58 écoute. Nous sommes disponibles après l'intervention de monsieur Aubry pour vos questions. Merci beaucoup
00:30:04 à tous les deux pour votre présentation. Donc n'hésitez pas à laisser, comme dit un peu plus
00:30:11 tôt, toutes vos questions dans le fil de discussion. On les fera remonter un petit peu plus tard aux
00:30:20 deux chercheurs et à Régis Aubry. Et donc sans plus attendre, je laisse la parole à Régis Aubry
00:30:24 pour son intervention d'une dizaine de minutes. Voilà, c'est à vous. Merci, merci beaucoup pour l'organisation de ce webinaire. Merci de m'avoir demandé de réagir sur les enjeux que peut engendrer en termes de réflexion ce travail de recherche,
00:30:48 le résultat de ce travail de recherche. Dans le temps imparti, je voudrais peut-être poser des enjeux dans trois domaines.
00:30:57 Mon propos est fait pour générer du débat et non pas pour être trop affirmatif. Mais dans un premier temps,
00:31:09 je pense qu'il faut qu'on réfléchisse à la suite de ces travaux et de cette expérience de l'épidémie,
00:31:16 aux enjeux concernant l'organisation même du système de soins. Je vais y revenir. Je voudrais insister sur des enjeux éthiques également dans un deuxième temps,
00:31:26 qui m'apparaissent absolument centraux dans les conclusions de ce travail. Et puis, je finirai par des enjeux de nature plus politique, si vous voulez bien,
00:31:34 autour de la place qu'occupent ces personnes en situation de grande vulnérabilité, que sont les personnes âgées des EHPAD.
00:31:45 Sur les enjeux concernant l'organisation du système de soins, je vais être un peu caricatural, mais je pose.
00:31:54 Je pense qu'en partie, cette étude et la réflexion qu'on peut avoir, en particulier après l'épidémie, en particulier après la première vague de l'épidémie,
00:32:07 se pose la question du modèle des EHPAD comme lieu adapté à la réalité qui est celle de la population des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
00:32:25 On voit bien, pour le faire simple, que le fait de concentrer entre elles des personnes en situation d'immunosénaissance, d'immunodépression liée à l'âge,
00:32:36 a produit dans les régions principalement touchées par la première vague et qui ont été, hormis une région, je crois,
00:32:44 les régions qui ont fait l'objet de l'exploration par cette étude COVID-EHPAD, on voit bien que l'immunofragilité de ces personnes a entraîné des décès en masse,
00:32:57 faisant finalement de l'EHPAD un lieu à risque à ce moment-là.
00:33:05 Le deuxième enjeu concernant toujours l'organisation du système de soins, c'est précisément, et ça a été soulevé dans les conclusions de cette étude,
00:33:20 réfléchir à l'accès aux soins des personnes dans ces structures médico-sociales, les établissements médico-sociaux, les EHPAD en particulier,
00:33:30 l'accès aux soins en période de crise. On voit bien que la difficulté de l'accès aux soins a été une cause de sur-vulnérabilisation des personnes.
00:33:40 Pour dire aussi que concernant l'organisation du système de soins, toujours dans ce premier lieu, je crois que s'il y a quelque chose qui est révélé par cette étude,
00:33:52 c'est que les EHPAD sont des hauts lieux de la fin de l'existence, des hauts lieux de la fin de vie, et précisément, je fais le lien avec le deuxième registre d'enjeux que je qualifiais plus d'éthique.
00:34:05 On voit bien dans ce qui a été présenté par Aline et Germain, combien l'accompagnement des personnes en situation de fin de vie est quelque chose de majeur, d'extrêmement important.
00:34:24 L'accompagnement en fin de vie est essentiel. L'absence de relation et l'absence d'accompagnement a été source d'accélération de mon point de vue.
00:34:37 On pourrait presque dire, de mon point de vue, que la relation humaine est vitale, en particulier au moment de la fin de l'existence.
00:34:49 Et que cette question de l'accompagnement, elle se joue en amont du décès, pendant et après le décès.
00:35:00 En amont, on voit bien l'importance qu'il y a de ne pas laisser la personne seule. Et là, on était confronté à des situations d'obligation, de confrontation à la solitude.
00:35:15 Pendant et juste dans l'immédiat temps après le décès, moi je suis très choqué, je reste très choqué quand j'entends, et pourtant j'ai lu ces rapports Germain,
00:35:28 et ce n'est pas Germain qui me choque, mais les résultats qu'il relate, de dire qu'on a mis des corps dans des sacs.
00:35:37 Vous voyez, il y a quelque chose d'une inhumanité à considérer qu'un corps peut être réduit à un objet qu'on peut enfermer dans un sac.
00:35:48 Et il y a quelque chose qui doit faire réfléchir, qu'il ne faut pas oublier, il y a un enjeu mémoriel dans ce travail de recherche, ce qui m'apparaît aussi fondamental.
00:35:57 Et ça, ça rend loin de la notion même de sac poubelle littéralement, et vous voyez un peu comment le rapport au corps et au corps mort a été altéré, perverti,
00:36:08 ne permettant plus l'exercice, même si ça a été adapté, et Aline l'a dit, des rites et des rituels qui sont pourtant fondamentaux à ce moment-là.
00:36:22 Peut-être aussi dire toujours au plan éthique combien la question de la mort n'est pas une mince affaire.
00:36:33 Ça s'est révélé, et j'insiste beaucoup sur ce point dans le cadre ou dans le contexte d'un débat national sur la fin de vie.
00:36:47 La mort est une affaire importante pour tous. On voit bien dans ces travaux de recherche que la confrontation à la mort en masse des résidents a modifié, en quelque sorte, leur rapport à la vie littéralement.
00:37:05 L'absence de pouvoir être confronté à la fin de la vie et à la mort a engendré une souffrance chez les proches et les soignants.
00:37:17 On ne va peut-être pas beaucoup insister, mais c'est quelque chose d'important.
00:37:21 Tous ces temps sont nécessaires pour pouvoir réaliser ou assimiler ces pertes.
00:37:28 C'est ce qu'on appelle le travail de deuil. Je n'aime pas beaucoup ce mot-là, mais ça apparaît quelque chose d'important.
00:37:34 C'était le deuxième aspect en termes d'enjeu. Le dernier est corrélatif à ceci. C'est un aspect d'enjeu politique de mon point de vue.
00:37:48 Cette étude révèle finalement ce qu'a révélé la crise sanitaire. C'est la dimension de vulnérabilité de certaines personnes, des personnes âgées en l'occurrence.
00:38:04 Ce qui est imposé en termes d'enjeu pour prendre du recul par rapport à l'épidémie et aux travaux de recherche,
00:38:11 c'est de se demander dans quelle mesure, en termes politiques, l'accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité
00:38:19 peut être considéré dans notre société démocratique comme une priorité.
00:38:23 On voit bien que la relation, je ne peux pas en revenir, est quelque chose d'important.
00:38:28 On voit bien que la dimension de la vulnérabilité fragilise littéralement la personne, la confronte à un risque vital.
00:38:36 Et on voit bien la nécessité de repenser les politiques d'accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité.
00:38:45 Là, on parle de personnes âgées, mais je pense qu'on pourrait dire la même chose de personnes qui sont vulnérabilisées par une maladie grave ou par un handicap, etc.
00:38:52 Finalement, cette épidémie et ces travaux de recherche nous obligent à repenser, de mon point de vue en tout cas,
00:39:02 la question politique qui est celle des priorités en matière de santé.
00:39:05 Et est-ce que, finalement, l'accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité n'est pas une des priorités dans une démocratie comme la nôtre ?
00:39:13 Je rappelle que l'un des enjeux majeurs de notre société, ça se trouve dans le domaine des solidarités.
00:39:22 C'est ce qu'ils font d'ailleurs, le terme même de société, on fait société parce qu'on fait solidarité.
00:39:27 Et est-ce que ça ne devient pas une priorité au moment même où notre population vieillit,
00:39:34 où augmente la population de personnes en situation de vulnérabilité ?
00:39:37 Je trouve qu'au moment où se discute, au moment du CNR santé, c'était peut-être quelque chose d'important à prendre en compte pour pouvoir...
00:39:50 Et au moment où se discute parfois l'exercice de la démocratie, penser que ceci peut être une priorité devrait faire l'objet, me semble-t-il,
00:39:57 d'une discussion importante de notre pays.
00:40:02 Voilà mes quelques remarques sur les enjeux, tel que vous aviez demandé que j'y réfléchisse.
00:40:09 Il y aurait beaucoup de choses à dire, mais je crois que mon temps était contraint et que j'ai atteint le temps qui m'était imparti.
00:40:16 Merci beaucoup pour votre intervention très claire et ses trois points.
00:40:21 Est-ce que Aline et Germain, vous souhaitez réagir à cette intervention ?
00:40:29 Oui, bien sûr. Merci beaucoup pour ces trois points de réflexion.
00:40:34 C'est vrai que sur la question de l'organisation du système de santé, on voit bien que grâce ou à partir des données de l'étude,
00:40:42 et ce n'est pas la seule qui le souligne, on a pu mettre en évidence les limites du modèle de l'EHPAD.
00:40:50 Ces limites, elles sont à différents niveaux. Elles sont en termes...
00:40:54 Déjà, ce sont aussi des limites architecturales, ce sont aussi des limites en termes d'organisation, en termes de ressources aussi dans ces lieux.
00:41:02 Et on voit bien que si on envisage l'avenir en se posant des questions par rapport à une plus ou moins forte médicalisation de ces lieux,
00:41:14 est-ce que... voilà, je lance une piste, ce n'est pas forcément une réponse qui sera apportée,
00:41:20 mais est-ce que nous sommes en mesure de pouvoir réorienter nos politiques de santé sur un renforcement de professionnels qui vont coordonner les soins ?
00:41:31 Puisque là, on a très clairement perçu que dans la plupart des structures, il n'y avait pas de matériel pour mettre en place les protocoles
00:41:40 qui étaient par ailleurs envoyés à ces établissements.
00:41:43 Il n'y avait pas de pousse-seringue, il n'y avait pas forcément du matériel pour perfuser.
00:41:48 Il y avait de nombreux doutes par rapport à la posologie, par rapport au mode d'administration, par rapport aux effets de certaines thérapeutiques
00:41:58 et à la surveillance qui devait en découler.
00:42:01 Donc si vous voulez, il faut forcément qu'il y ait des moyens assez forts engagés à ce niveau-là.
00:42:09 Donc ça découle aussi de choix politiques comme ça a été rappelé.
00:42:12 Et une organisation aussi pensée autrement, peut-être dans d'autres lieux, peut-être plus en connexion avec d'autres types d'habitats.
00:42:21 Et qu'on puisse, grâce à des infirmiers pratiques avancés ou avec des binômes d'infirmiers de médecins,
00:42:28 toute l'équipe aussi d'aide-soignante et d'ASH, repenser un petit peu les modèles d'organisation du soin.
00:42:35 Donc il faut des moyens. Et peut-être qu'aussi plus généralement, ça on peut essayer aussi de l'aborder sous cet angle,
00:42:44 il faut imaginer des parcours de soins et des parcours de santé.
00:42:48 Et non plus des choses un petit peu morcelées qui feraient que l'EHPAD est parfois perçu comme un non-choix ou comme le dernier lieu.
00:42:59 Et on sait que oui, il y a beaucoup de décès en EHPAD, mais il y a aussi un projet de vie qui se construit sur cette période.
00:43:06 Germain, est-ce que vous souhaitez réagir ?
00:43:11 Alors, merci beaucoup pour ces retours et pour ces trois pistes de réflexion.
00:43:19 Un petit aspect très ponctuel, parce qu'Aline a dit beaucoup de choses.
00:43:23 Sur le rapport au corps et au sac, justement, on a un enquêté qui nous a expliqué avoir eu l'impression que le corps était transformé en sac poubelle.
00:43:31 Donc c'est quelque chose qui ressort bien dans le discours des enquêtés.
00:43:36 Un autre aspect qui pose question également sur la prise en soin, notamment en fin de vie, mais plus largement au sein des EHPAD,
00:43:44 c'est celle justement des conditions de travail.
00:43:47 La crise sanitaire a montré que l'organisation du travail avait été complètement bouleversée.
00:43:53 Et ce n'est pas quelque chose de fondamentalement nouveau où les conditions de travail sont difficiles.
00:43:57 L'organisation du travail est difficile.
00:43:59 Mais ce serait intéressant d'avoir un suivi peut-être plus régulier sur les taux de rotation, par exemple à niveau national,
00:44:05 pour justement prendre le mal à la racine, on va dire, sur ces questions-là.
00:44:12 On peut en dire autant pour les questions relatives aux risques professionnels.
00:44:17 Le fait de ne pas avoir d'équipement suffisant, par exemple, a pu entraîner un certain nombre de risques.
00:44:23 Mais surtout, toutes les situations décrites comme sidérantes ou vécues avec sidération ont pu être à l'origine,
00:44:29 alors là c'est une hypothèse, ça demanderait à être investiguée,
00:44:32 mais ont pu être à l'origine d'une augmentation de risques psychosociaux,
00:44:36 qui nécessiterait une prévention primaire, plus en amont notamment par la réorganisation du système d'accompagnement.
00:44:44 Merci, je vous propose de prendre la première question.
00:44:50 Il y a une personne qui nous dit que l'enjeu mémoriel est important.
00:44:56 Et sur une autre question qui se demande, s'agissant d'aujourd'hui et demain,
00:45:02 est-ce qu'il doit, et c'est aussi en lien avec cette question de la médicalisation,
00:45:07 quel devrait être, si pour vous c'est quelque chose qui a du sens,
00:45:12 mais quel devrait être le socle de soins palliatifs auxquels devraient accéder les personnes en EHPAD,
00:45:18 et plus largement des personnes âgées en perte d'autonomie qui sont accompagnées à domicile ?
00:45:24 Donc c'est cette question d'un socle de soins palliatifs qui pourrait être disponible dans les établissements ou à domicile.
00:45:32 Qu'est-ce que vous en pensez ?
00:45:36 Vous m'autorisez à réagir ?
00:45:38 Oui, bien sûr.
00:45:40 Parce que je trouve cette question est très pertinente.
00:45:45 D'ailleurs la question de l'éventuelle médicalisation des EHPAD est une vraie question, de fond.
00:45:56 Et en particulier lorsqu'on se dit finalement que les EHPAD, comme je le nommais tout à l'heure,
00:46:01 sont finalement des hauts lieux de la fin de la vie, voire des hauts lieux de la réflexion éthique,
00:46:06 puisque du coup, faut-il traiter, pas traiter, poursuivre des traitements ?
00:46:12 Ça impose que précisément on interroge la médicalisation, sa pertinence,
00:46:18 et ça impose qu'on ait les moyens de cette interrogation, qu'on ait les moyens de l'accompagnement des personnes,
00:46:24 qu'on puisse considérer qu'un résident est un citoyen, qu'il est lui-même capable d'avoir un avis sur ces questions-là,
00:46:33 et donc qu'on l'informe, qu'on parle de la question de la fin de la vie dans les EHPAD.
00:46:40 Moi, je suis assez tranché, je pense qu'avec les moyens actuels, on ne peut pas faire des soins palliatifs dans les EHPAD.
00:46:49 Ne prenez pas mon propos comme lénifiant, parce que clairement, je pense que les gens qui travaillent dans les EHPAD
00:46:58 font du mieux qu'ils peuvent avec des moyens qu'ils n'ont pas.
00:47:01 Donc fondamentalement, les enjeux sont tellement forts autour de l'accompagnement de la fin de l'existence,
00:47:07 qu'on le veuille ou non, un EHPAD c'est un lieu de vie, mais de fin de l'existence.
00:47:12 Et donc, le lieu où on peut parler de ce que tout le monde craint, et ne dit pas, la question de la fin de la vie,
00:47:22 comment en parler, comment l'amener, comment finalement, en ayant un accompagnement très personnalisé des résidents et de leurs proches,
00:47:32 on peut être dans une logique d'anticipation de ce qu'il va advenir, la fin de la vie.
00:47:37 Comment même, éventuellement, on peut aborder la question, se faisant des directives anticipées.
00:47:43 Comment on peut anticiper le lien avec l'hôpital.
00:47:48 Comment on peut mettre en place des collaborations avec des équipes mobiles de soins palliatifs,
00:47:54 qui interviennent sur des enjeux territoriaux.
00:47:57 Tout ça m'apparaît être un enjeu majeur dans la réflexion sur ce qu'on appelle la médicalisation des EHPAD.
00:48:07 En tout cas, cette dimension des moyens en termes de personnel, en termes de compétences,
00:48:15 et donc de formation en amont des compétences, en termes de collaboration,
00:48:19 m'apparaissent être des enjeux majeurs pour le développement d'une véritable culture palliative
00:48:25 intégrée à la pratique des professionnels dans les EHPAD.
00:48:29 Et je pense que ça contribuerait, je termine là-dessus,
00:48:32 ça contribuerait à améliorer la crise que traverse notre système de soins,
00:48:40 qui est une crise du sens.
00:48:43 On l'a beaucoup analysé au CCNE dans un avis, l'avis 140,
00:48:47 où on montre combien les professionnels de la santé,
00:48:51 les professionnels du monde médico-social, interrogent le sens de ce que soigner veut dire
00:48:57 lorsqu'on n'en a pas les moyens et lorsqu'on n'en a pas le temps.
00:49:01 Et fondamentalement, remettre de l'éthique au cœur du soin serait de nature, de mon point de vue,
00:49:09 à limiter le sentiment de maltraitance qu'éprouvent des professionnels de santé,
00:49:13 à limiter l'interrogation sur ce que soigner veut dire,
00:49:17 et ça pourrait contribuer à faire revenir des gens vers cette magnifique profession
00:49:21 qui est celle de soignant.
00:49:24 Merci pour votre intervention.
00:49:27 On a une autre question sur cette question des soins palliatifs en EHPAD.
00:49:32 Je la pose et je vous laisse réagir pour reprendre peut-être l'ensemble de cette question-là.
00:49:37 La personne nous dit, il a été dit tout à l'heure,
00:49:40 que les équipes avaient rencontré des difficultés d'accès aux protocoles de soins palliatifs.
00:49:45 Et donc la personne nous demande quelle en était la raison.
00:49:48 La raison était-elle la saturation et l'indisponibilité des équipes mobiles et des services hospitaliers,
00:49:54 ou était-ce à cause des difficultés des établissements à identifier les ressources
00:49:59 et les interlocuteurs ad hoc en l'absence de relations habituelles ou antérieures,
00:50:05 ou encore est-ce qu'il y avait d'autres motifs que l'on peut explorer ?
00:50:11 Merci pour votre question.
00:50:14 Au regard des données qu'on a pu recueillir et de la réalité à ce moment-là,
00:50:20 on a pu réaliser à quel point les équipes mobiles de soins palliatifs pouvaient avoir une action.
00:50:28 De la même façon aussi des équipes qui développeraient l'hospitalisation à domicile.
00:50:33 À ce moment-là, néanmoins, on a vu plusieurs obstacles, mais je reviendrai après au levier, qu'on peut voir ou imaginer.
00:50:42 Les obstacles étaient de différentes natures.
00:50:45 Je l'ai dit un petit peu tout à l'heure par rapport aussi au fait que les soignants n'étaient pas habitués
00:50:49 à certains types de protocoles et certains types de traitements, ce qui a créé de l'inquiétude.
00:50:54 Et il y avait besoin aussi d'être réassuré sur ces pratiques-là et des apprendre assez rapidement.
00:51:00 Il y avait aussi des problèmes de matériel assez basiques qui imposaient aussi un format dans les soins.
00:51:09 Et on a remarqué qu'il y avait aussi beaucoup de mails qui pouvaient être envoyés avec des protocoles
00:51:15 qui parfois passaient un petit peu à la trappe.
00:51:18 En tout cas, j'ai pu constater en faisant de l'observation dans un établissement
00:51:22 qu'il y avait bien la fiche avec les différents protocoles et médicaments,
00:51:27 mais que tous n'en avaient pas connaissance.
00:51:30 Donc si vous voulez, les problématiques étaient à différents niveaux.
00:51:34 Néanmoins, ce que souhaitaient les professionnels à ce moment-là
00:51:38 et ce qui a pu être fait de manière assez rare, c'était une réponse un peu immédiate.
00:51:43 Donc soit par le médecin-coordonnateur qui était sur place ou au téléphone,
00:51:47 soit par les équipes mobiles de soins palliatifs.
00:51:50 En fonction des régions, là aussi, les structurations n'étaient pas les mêmes.
00:51:54 Si vous êtes chez nous, en Bourgogne-Franche-Comté,
00:51:58 dans une zone de désert médical et qu'il n'y a pas forcément de lien avec votre CHU ou votre équipe mobile,
00:52:05 là vous êtes plus en difficulté.
00:52:07 Si vous êtes en région parisienne, on a eu le cas sur une équipe d'hospitalisation à domicile
00:52:13 qui a pu à ce moment-là débloquer des binômes, infirmiers-médecins,
00:52:18 qui ont pu répondre, à l'instar d'un fonctionnement un peu proche du SAMU dans l'heure,
00:52:24 aux établissements qui les sollicitaient et apporter des réponses,
00:52:29 à la fois sur des choses très médicamenteuses, des pratiques,
00:52:33 mais aussi du soutien, du soutien des conseils par rapport à la façon d'accompagner,
00:52:40 à la façon de communiquer avec les proches et aussi un soutien psychologique pour les soignants
00:52:44 qui étaient dans une grande souffrance également.
00:52:47 Donc on voit bien que ce que disait Régis Aubry par rapport aux leviers,
00:52:51 on a certainement beaucoup d'enjeux sur la formation,
00:52:54 sur les représentations aussi des soins palliatifs, de la sédation, on en parlait tout à l'heure.
00:53:00 Donc il y a vraiment encore des messages et des connaissances à transmettre
00:53:06 et pour que ça intègre le soin de manière beaucoup plus ancrée.
00:53:11 Et voilà, il faut qu'on puisse aussi donner des moyens aux soignants, ça a déjà été dit,
00:53:16 il faudrait peut-être 30 000, 40 000, 50 000 soignants de plus dans les EHPAD en France aujourd'hui.
00:53:23 Merci Germain, est-ce que vous souhaitez réagir, compléter ?
00:53:28 Sinon je passe à la question suivante,
00:53:32 alors la question suivante étant une question de confirmation.
00:53:38 Donc l'ensemble des données présentées aujourd'hui,
00:53:41 est-il bien issu des 269 entretiens et du suivi des 11 situations de proches et personnes endeuillées ?
00:53:49 Est-ce bien cela ?
00:53:51 Oui.
00:53:52 Oui, voilà, c'est bien cela.
00:53:55 Et sur la question 4, qui est une question sur le deuil que l'on vient de m'envoyer,
00:54:00 les proches que vous avez pu rencontrer n'ont parfois pas pu voir le résident en fin de vie
00:54:06 ou constater le décès, quels sont, c'est ce que vous nous avez dit à la fin de votre intervention,
00:54:11 quelles ont été les conséquences sur le deuil notamment des personnes ?
00:54:17 Oui, alors du coup je reviens peut-être sur la question précédente rapidement et celle-ci en même temps.
00:54:22 Merci en tout cas aux gens qui nous suivent de participer et de nous permettre de repréciser certains éléments.
00:54:29 Les familles, en tout cas les proches endeuillés qui avaient vécu le décès d'un résident ou d'une résidente,
00:54:36 ont été difficiles à atteindre pour différentes raisons que vous imaginez,
00:54:42 mais on a pu, soit grâce aux observations, soit grâce à des connaissances personnelles parfois au départ
00:54:48 et un effet comme ça, un petit peu boule de neige par connaissance,
00:54:51 atteindre des proches pour les rencontrer.
00:54:55 Ces entretiens étaient relativement éprouvants puisqu'il y avait vraiment un registre émotionnel très très très important
00:55:03 et nous avons parfois pu rencontrer ces proches à deux reprises,
00:55:09 donc un petit peu à chaud, même si c'était plusieurs semaines après le décès et ensuite six mois plus tard.
00:55:15 Donc ce qui nous a permis aussi de pouvoir appréhender les difficultés et la complication de certains deuils
00:55:22 au regard du fait qu'ils aient pu dire au revoir, qu'ils aient pu voir le corps,
00:55:27 qu'ils aient pu mettre en place un certain nombre de rituels.
00:55:30 Donc oui, c'est un petit échantillon, donc à la hauteur de cet échantillon, sans faire de généralité,
00:55:35 on peut constater que les personnes qui n'ont pas pu participer à ces rituels
00:55:41 qui sont importants dans notre société, dans notre culture,
00:55:44 ont manifesté des complications dans leur travail de deuil.
00:55:48 Mais il y avait aussi d'autres éléments qui ont contribué à cela,
00:55:52 puisque je pense notamment à une femme, la fille d'une résidente qui était aussi la soeur d'un autre résident,
00:55:58 qui a perdu deux de ses proches à quelques semaines d'intervalle.
00:56:02 Et ça, on sait que ce sont des facteurs aggravants qui engendrent beaucoup plus systématiquement un deuil compliqué.
00:56:11 Ce qu'on peut comprendre facilement. Donc on a une cinquième question.
00:56:18 Ces travaux très intéressants s'inscrivent dans un temps d'exception,
00:56:23 donc la première vague Covid, pour avoir un point de comparaison,
00:56:28 quels sont les enseignements de cette recherche, mais aussi d'autres recherches,
00:56:32 sur l'accompagnement de la fin de vie et le traitement des défunts en EHPAD en temps ordinaire.
00:56:37 Est-ce qu'il y aurait des recherches actuelles, en cours ou passé,
00:56:43 qui traiteraient cette question-là, mais en dehors de ce temps particulier de la première vague ?
00:56:50 Sur le traitement des corps en tant que tel, à ma connaissance, non.
00:56:56 Mais après, il faudrait regarder plus en détail.
00:56:59 Par contre, sur les temporalités en termes de fin de vie, oui.
00:57:02 Je te laisse creuser après.
00:57:06 Les premiers travaux remontent aux années 1960 aux États-Unis,
00:57:09 donc il y a quand même des choses là-dessus, et qui ont été actualisées progressivement.
00:57:13 Aujourd'hui, en 2023, je ne sais pas, mais oui, il y a de la bibliographie qui existe.
00:57:20 Elle est dans le rapport, enfin il y a quelques éléments dans le rapport d'études.
00:57:25 En tout cas, sur les temporalités, les autres recherches ou concepts qui ont pu émerger
00:57:32 par rapport à la fin de vie en EHPAD nous montrent que justement,
00:57:36 cette temporalité accélérée n'est pas habituelle,
00:57:39 puisque bien souvent, le déclin est relativement progressif et long.
00:57:44 Et là, les choses se sont jouées sur un rythme, sur un tempo qui n'était pas du tout classique
00:57:49 et qui a beaucoup, beaucoup perturbé les professionnels notamment,
00:57:53 mais aussi les proches bien sûr, qui ont été sidérés, comme on l'a pu le rappeler tout à l'heure.
00:58:00 Après, sur le rapport au corps, il serait effectivement très intéressant,
00:58:04 mais je pense que ça existe quand on, si on cherche, on va sans doute trouver des choses
00:58:09 très intéressantes peut-être du côté de l'anthropologie, parce que là,
00:58:12 ce que signifiaient Régis Aubry et Germain tout à l'heure sur le traitement des corps,
00:58:17 c'est une véritable rupture anthropologique.
00:58:20 C'est-à-dire de ne pas pouvoir habiller par exemple son proche
00:58:26 de la façon dont il aurait imaginé ou il aurait souhaité verbalement l'être.
00:58:31 Ça, c'est une véritable rupture par rapport à la reconnaissance que le proche va rechercher,
00:58:37 mais à travers la reconnaissance de la personne qui vient de décéder
00:58:41 et de son identité, de ce qu'elle a fait tout au cours de sa vie,
00:58:44 de ce qu'elle est, de ce qu'elle va laisser aussi comme trace.
00:58:47 Donc là, on est dans une véritable rupture anthropologique et vous avez raison,
00:58:51 il serait intéressant de confronter nos données à des données qui seraient recueillies
00:58:57 dans une toute autre période, pas aussi extraordinaire dans le sens littéral du terme,
00:59:04 pour qu'on puisse comprendre un peu plus finement les différents enjeux.
00:59:09 Et là, on est sur des enjeux éthiques très, très profonds en lien avec notre culture.
00:59:17 Merci beaucoup.
00:59:19 Si je peux vous permettre juste un petit mot par rapport à la question qui a été posée.
00:59:23 Elle révèle de mon point de vue notre impossibilité à faire des comparaisons.
00:59:28 La recherche qui a été menée pendant la période Covid dans les EHPAD est inédite.
00:59:34 Mais elle révèle aussi qu'avant cette période, on ne menait pas beaucoup de travaux de recherche
00:59:38 sur la fin de vie dans les EHPAD.
00:59:40 La question de la fin de vie est paradoxalement un impensé dans le lieu qui,
00:59:44 pourtant, est un haut lieu de la fin de l'existence.
00:59:46 Et c'est une question que porte beaucoup la plateforme nationale de recherche sur la fin de vie.
00:59:51 Sa raison d'être, c'est de développer la recherche sur ces questions relatives à la fin de vie.
00:59:57 Et en l'occurrence, on doit faire le constat qu'on manque beaucoup de données de recherche
01:00:02 dans le domaine de la fin de la vie.
01:00:04 Et en l'occurrence, et en particulier dans la fin de la vie des personnes âgées
01:00:09 se trouvant en tant que résident dans des EHPAD.
01:00:13 C'est donc un appel, à mon avis, à s'y intéresser et à développer la recherche.
01:00:18 Vous voyez les leçons qu'on peut tirer de tout cela, ou les hypothèses qu'on peut formuler.
01:00:22 Je crois qu'effectivement, il nous manque des éléments de comparaison
01:00:26 avec une période hors crise épidémique comme celle qu'on a vécue.
01:00:30 Et pour moi, c'est une des leçons à tirer.
01:00:34 Il faut que nous développions de la recherche sur les personnes en situation de vulnérabilité,
01:00:41 plus largement, en l'occurrence aux personnes âgées et en fin de vie.
01:00:45 Il m'apparaît être un enjeu important qui peut servir de miroir pour comprendre
01:00:49 où on est notre société dans ce rapport à la vie, à la fin de vie, à la vulnérabilité, etc.
01:00:55 Or, on cherche, on manque.
01:00:57 On entend cet appel à de nouveaux travaux pour poursuivre,
01:01:03 approfondir les travaux de la recherche Covid-AIPED.
01:01:07 Moi, j'ai aussi en tête la thèse d'Aurélie Chopard,
01:01:10 qui aborde ces questions-là et qu'on peut citer parmi d'autres avant de clore.
01:01:16 Je me permets de vous remercier, Anne-Yves Chassaigne et Germain Monnel,
01:01:21 pour votre présentation riche sur des questions dont on parle peu.
01:01:26 Et je remercie également Régis Aubry pour son intervention et pour sa discussion
01:01:32 et pour également ses pistes sur ses différents aspects.
01:01:37 Et merci, là encore, aux personnes que vous n'avez pas vues à l'écran aujourd'hui,
01:01:42 mais qui ont contribué au bon déroulement de ce webinaire.
01:01:47 Donc, merci notamment à Daphine Gosset pour son travail
01:01:53 autour de la communication de l'événement du côté plateforme nationale
01:01:57 pour la recherche sur la fin de vie, mais également pour la remontée des questions.
01:02:01 C'est elle qui m'a permis de vous transmettre vos questions aux chercheurs et à Régis Aubry.
01:02:06 Merci également au service de communication de la CNSA pour leur travail.
01:02:10 Et enfin, merci à Antoine Wolff pour l'aide technique et l'accueil dans ce studio de l'Ucance.
01:02:16 Et donc, le replay de cet événement va bientôt être mis en ligne sur YouTube,
01:02:23 donc sur la chaîne du service public de l'autonomie, qui est donc la chaîne de la CNSA.
01:02:28 Et les rendez-vous de la recherche sur l'autonomie, donc les précédentes éditions,
01:02:32 sont déjà en ligne si vous voulez aller les consulter.
01:02:36 Pour cette année, il n'y aura plus de rendez-vous pour la recherche sur l'autonomie,
01:02:40 mais on vous donne d'ores et déjà rendez-vous pour les rencontres, recherches et innovations,
01:02:45 qui est donc le prochain gros événement de la CNSA consacré à la recherche et à l'innovation,
01:02:50 qui aura lieu en novembre.
01:02:52 Donc là aussi, on va vous mettre en lien les replays de la dernière édition des rencontres, recherches et innovations,
01:03:00 qui portaient sur le thème de vivre à domicile, des conditions à penser, repenser.
01:03:06 Et d'ici là, vous pouvez rester connecté sur les réseaux sociaux de la CNSA.
01:03:11 On vous invite également, pour être tenu au courant de toutes ces informations,
01:03:15 à vous inscrire sur la liste de diffusion de la CNSA,
01:03:18 mais également de la plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie.
01:03:22 Et voilà, il ne me reste plus qu'à vous souhaiter, à vous remercier pour votre écoute,
01:03:27 et à vous souhaiter une très bonne journée,
01:03:29 et à vous dire à bientôt pour un prochain événement de la CNSA.
01:03:33 Merci beaucoup à vous pour votre écoute.
01:03:37 [Musique]

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