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Dans Historiquement Vôtre, Clémentine Portier-Kaltenbach vous raconte le destin d’un ardent républicain italien qui aimait la France plus que tout. Militant convaincu de l’unité italienne, Henri Cernuschi (1821-1896) fuit son pays natal pour l’Hexagone. Passionné par les problèmes économiques et politiques, il y fera fortune et assistera à la proclamation de la IIIe République !
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00:00 -Aujourd'hui, Clémentine, vous nous racontez le destin d'un bienfaiteur italien, richissime financier, patriote convaincu et ardent républicain qui aimait la France par-dessus tout, Henri Cernouchi.
00:11 -Oui, un monsieur qui gagne à être connu, Henri Cernouchi, qui naît en 1821, l'année de la mort de Napoléon. Il naît à Milan dans une famille d'industriels très aisées.
00:22 Donc, il fait de bonnes études, allé-sciences à Milan, droit à Pavie, brevet d'avocat en 1846. Quand on a 25 ans dans le nord de l'Italie, à cette époque-là,
00:34 il y a une cause pour laquelle vibrer et s'engager, c'est l'indépendance du Piémont, puisque Milan est dans le Piémont. Le Piémont est alors sous domination autrichienne.
00:44 Et puis, au-delà, la grande question pour toute cette jeunesse, c'est l'unité italienne. Et alors, notre Henri Cernouchi, il s'engage ardemment dans cette cause.
00:53 Il est ce que l'on appelle alors un "niredente", un "niredentiste", c'est-à-dire un partisan de cette unité italienne pour laquelle se bat Garibaldi.
01:03 Il se distingue même tellement qu'il va être élu député de l'éphémère République romaine entre 1848 et 1949. Donc, c'est vraiment un militant convaincu.
01:13 La République romaine, elle est finalement anéantie par l'expédition française du général Udino. Et puis, les Autrichiens reprennent le Piémont.
01:22 Donc, ça n'est pas gagné pour Cernouchi. Ça n'est pas gagné à tel point, d'ailleurs, qu'il est arrêté. Il va faire un petit séjour dans les prisons du pape.
01:30 Il est jugé par deux fois, puis acquitté. Enfin, il a un petit peu échaudé dans son engagement pour la cause de l'unité italienne. Il se réfugie en France.
01:40 Et ses deux premières années à Paris sont très dures. Il a beau avoir une famille bien en vue en Italie, il vit modestement. Il donne des leçons d'italien.
01:50 Il fait des travaux de copiste. Mais par ses études, il a toujours été passionné par les problèmes économiques et bancaires. Et il va se révéler un véritable génie dans ces domaines.
02:00 Comme il vient d'une bonne famille, il a des contacts en France. Il rentre dans une banque qui s'appelle le Crédit Immobilier, qui est dirigée par Isaac Perer.
02:10 Donc, il arrive là-dedans. Il a un genre de grouillot, à peine mieux. Et en quelques années, il grimpe les échelons jusqu'à devenir membre du conseil d'administration.
02:19 Il était quand même super doué. C'est un esprit très brillant, très habile, très intègre. Oui, il se passionne pour la finance. Il écrit un ouvrage intitulé "Mécanique de l'échange", publié en 1865.
02:32 Et ça lui ouvre les portes de la haute finance. On le sollicite comme intermédiaire parce qu'on sait que c'est quelqu'un de très fiable dans des transactions importantes à Londres, à Turin.
02:41 Et puis, à un moment, il y a des banquiers français qui veulent créer un établissement capable de rivaliser avec la Banque de France.
02:47 Et bien, Sernouchi rédige le statut fondamental qui lui vaut de devenir, en 1869, l'un des trois premiers directeurs de ce nouvel établissement, la Banque de Paris.
02:57 Oui, à ce moment-là, elles sont loin, les leçons d'Italien, la vache enragée et les combats de rue pour la République italienne.
03:04 Mais quand le virus de la politique vous tient, c'est quand même plus fort que tout, ça ne l'a jamais quitté. Il a besoin d'exprimer ses idées.
03:12 Alors, il est devenu richissime, il est devenu banquier, mais il renonce à son poste à la banque en 1969 et il prend une participation majoritaire dans le journal "Le Siècle",
03:21 un titre qui défend les idées républicaines et libérales. Notamment, il devient ami avec Léon Gambetta.
03:27 Et c'est quand même avoué qu'il faut le faire, avoir fait fortune dans la banque comme ça, puis quitter son poste et se mettre dans un journal en disant "moi, je défends la République".
03:37 Le 4 septembre 1870, Henri Sernouchi, je ne sais pas comment le dirait les Italiens, Sernouchi, je ne sais pas, assiste à la proclamation de la République à l'hôtel de ville de Paris.
03:49 On imagine son euphorie. La République, ce n'est pas encore pour l'Italie, mais en France, il la voit, il la voit naître.
03:55 Et pendant le siège de Paris par les Prussiens, il travaillait à la commission des subsistances.
04:00 Ça lui vaut d'être naturalisé français. Le 29 janvier 1871, le lendemain même de l'armistice, la République, la nationalité française, ce sont de grandes et belles nouvelles pour lui.
04:13 Mais de cette période, il ressort très endolori parce que le siège de Paris, il y a eu la Commune et son ami Gustave Chaudet, qui était rédacteur en chef du "Siècle",
04:23 donc le journal dans lequel il avait départ, et maire adjoint du IXe a été exécuté par les communards.
04:30 Et lui-même, alors qu'il est plutôt favorable aux communards, il voudrait que les deux camps s'entendent, il est arrêté par l'autre camp, par les Versaillais.
04:37 Et il est condamné à mort. Il a échappé in extremis au peloton d'exécution.
04:43 Alors là, il est complètement écœuré par tous ces événements dramatiques en disant c'est affreux, c'est français, c'est la guerre civile,
04:49 c'est communards qui liquident mes amis, c'est Versaillais qui me condamnent à mort. Il ne veut plus entendre parler de rien.
04:55 Il se retire de la rédaction du "Siècle" et de la vie politique française. Et pour lui, une troisième vie commence, celle de voyageur et de collectionneur.
05:02 Pendant deux ans, entre janvier 71 et 73, il entreprend un long périple autour du monde dont les étapes essentielles sont le Japon et la Chine.
05:13 Et là, il constitue une magnifique collection pour laquelle il va faire édifier à l'orée du parc Monceau un petit hôtel particulier,
05:21 dans un style néoclassique italien qu'on ne s'étonne pas du style de cet immeuble. Là, il a quand même été inspiré par son pays d'origine.
05:30 Alors si vous allez là-bas, vous le savez, Stéphane, vous connaître ce lieu par cœur. On est accueilli par le grand Bouddha de Meguro,
05:36 assis sur une des fleurs de lotus. Il l'a rapporté du Japon. Et voyez-vous, à sa mort à Menton, le 11 mai 1896,
05:46 Tsernouchi a légué à la ville de Paris son hôtel particulier et les milliers d'œuvres de sa collection d'arts asiatiques,
05:53 ce qui fut pour lui une façon de manifester sa gratitude à la France républicaine, qu'il avait toujours appelée de ses vœux.
06:00 Voilà, Tsernouchi, c'est un de ces étrangers bienfaiteurs, bienfaiteurs en tout cas, bienfaiteurs de la ville de Paris.
06:06 et dont il faut aller admirer la grande collection.
06:09 - Merci beaucoup Clémentine.

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