Laura Rapp, rescapée de violences conjugales : "Il fallait que je sorte de l’appartement, je n’avais aucune chance de m’en sortir"

  • l’année dernière
Viols, agressions, deuils insurmontables, accidents de la vie : dans "Trauma", anonymes et célébrités reviennent pour Yahoo sur un traumatisme qui a bouleversé leur vie.Le 16 avril 2018, Laura Rapp est victime d'une tentative de meurtre par son ex-conjoint. Étranglée sous les yeux de sa fille de deux ans et demi, elle s’en sort in-extremis grâce à ses voisins. Son conjoint, lui, est condamné à huit ans de réclusion criminelle et 5 ans de suivi socio-judiciaire. Pour Yahoo, la jeune femme a accepté de se livrer sur son histoire, revenant notamment sur l’engrenage des violences conjugales, sur les défaillances de la justice et sur sa volonté de se battre pour son enfant.Comme le rappelle le gouvernement sur son site Internet, les violences au sein du couple sont un ensemble d'actes, de propos et comportements par lequel votre partenaire ou ex-partenaire veut vous contrôler, vous dominer et vous détruire. Alors, pour qu’il soit poursuivi en justice et condamné pour son acte, vous devez porter plainte. En cas de violences, vous disposez d'un délai de 6 ans pour le faire.

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Transcript
00:00 Je suis maman d'une petite fille qui s'appelle Alice, qui est âgée de 7 ans aujourd'hui.
00:04 J'ai été victime de 5 années de violence conjugale et j'ai failli perdre la vie en
00:10 avril 2018 sous les yeux de ma fille.
00:13 Mon ex-conjoint ce soir-là a mis ses menaces à exécution et il a essayé de me tuer dans
00:20 notre propre appartement.
00:21 On était en soirée, je l'avais rejoint en fait avec des amis dans un bar-restaurant.
00:29 Et quand je suis partie avant lui et qu'il fallait régler la note et que là il m'a
00:32 dit que sa carte bleue ne passait pas, je lui ai fait une remarque sur sa carte bleue
00:36 puisque c'est quelqu'un qui gagnait très bien sa vie.
00:38 J'ai payé une partie de la note mais j'ai senti son regard noir.
00:41 Du coup, je suis partie avec ma fille mais j'avais son regard noir dans la tête et je
00:49 me suis dit à mon avis, quand il va rentrer, je vais prendre cher, il va me frapper.
00:54 Et depuis quelques semaines, j'avais acheté un lit à ma fille.
00:57 Et du coup, je me suis dit que je vais aller directement dormir dans sa chambre, comme
00:59 ça, ça va éviter le conflit, les violences.
01:02 C'est ce que j'ai fait, sauf que quand il est rentré, donc peu de temps après
01:05 moi, il a commencé à faire beaucoup de bruit.
01:08 Du coup, je me suis levée et je lui ai dit d'arrêter de faire du bruit parce que sinon
01:11 ça allait réveiller notre fille.
01:12 Et là, il s'est énervé.
01:13 On s'est disputé, il m'a insultée, il a commencé à me faire mal et là je me suis
01:18 dit que c'est bon, ça ne sert à rien de parler.
01:20 Du coup, je suis partie, je suis retournée dans la chambre et j'ai eu à peine le temps
01:24 de… enfin, je me suis allongée, que j'ai même pas compris ce qui s'est passé,
01:27 que là j'ai senti des pas qui arrivaient dans le courant, il m'a soulevé et là
01:32 je me suis écrasée sur la table de chevet.
01:34 Et ce que je me souviens, c'est qu'il m'a étranglée.
01:36 Il m'a étranglée à plusieurs reprises et ses seuls mots qu'il a eu ce soir-là
01:41 après, c'est « je vais te tuer ». Donc, j'ai cru mourir sous les yeux de ma fille
01:45 ce soir-là.
01:46 Donc, une première fois, je crois que j'ai perdu connaissance et quand je me suis réveillée,
01:49 en fait, ma fille n'était plus dans sa chambre, mais j'entendais hurler.
01:52 Il était dans un séjour avec, il la tenait fort dans ses bras.
01:55 Je lui ai demandé de me la rendre, il ne voulait pas.
01:57 Donc, du coup, je suis un peu arrachée de force et je ne sais pas pourquoi, en fait,
02:00 mon réflexe a été de recourir dans sa chambre pour la poser, sauf que j'ai eu à peine
02:04 le temps de la reposer dans son lit, qu'il s'est quoi, grippé sur moi et qu'il m'a
02:08 dit « je vais te tuer ». Et pareil, c'était toujours en fait, il s'est dit « c'est
02:10 ma gorge ». Et là, j'ai compris qu'il fallait que je sorte de l'appartement,
02:13 que je n'avais aucune chance de m'en sortir ce soir-là, qu'il était déterminé,
02:19 en fait, à me tuer, même devant notre fille, qui hurlait, qui était terrorisée.
02:25 Et là, je me suis débattue de toutes mes forces et à un moment, j'ai réussi à
02:27 le faire tomber.
02:28 J'ai couru jusqu'à la porte d'entrée, la porte était fermée à clé et mes clés
02:32 n'étaient plus sur la porte.
02:34 Donc là, je me suis dit « tant pis, je vais sauter par la fenêtre ». Et quand je
02:38 vais me diriger en fait vers le séjour, en fait, il est arrivé, c'est trop tard
02:42 et là, il m'a prise, il m'a éclaté la tête à plusieurs reprises sur le mur.
02:46 Je suis tombée par terre, il a continué à m'éclater l'arrière de la tête et
02:48 à m'étrangler, à me dire « je vais te tuer, c'est la seule chose que je me souviens
02:53 et j'ai entendu les voisins frapper à la porte ». Et c'est ce qui a fait arrêter
02:57 la strangulation et ce soir-là, si je suis en vie, c'est grâce aux voisins.
03:02 Et après, j'ai réussi à ouvrir la porte, je me suis écroulée dans l'entrée et
03:06 après, ce que je me souviens, les voisins étaient en train d'appeler la police.
03:09 Ils ont appelé mes autres voisins, mon ex-conjoint à l'époque est sorti, il s'est enfui
03:15 et puis ils l'ont laissé partir.
03:16 Et après, il y a la police, des pompiers qui sont arrivés, mais c'est vrai que c'était
03:22 l'horreur, puisque j'avais plus de force quand je me suis écroulée et j'avais la
03:26 gorge qui a été écrasée.
03:27 Et je me souviens dire le prénom de ma fille, je ne savais même pas si le couple de voisins
03:31 comprenait.
03:32 Parce qu'à l'instant, j'ai cru que ma fille, ça se trouve, il l'a tuée.
03:36 Et ça, je ne sais pas combien de temps ça s'est écoulé, une minute, deux minutes,
03:40 trois minutes, mais en fait, quand vous pensez à votre enfance, il est mort ou vivant,
03:43 une minute, ça vous paraît une éternité.
03:45 Et quand les voisins m'ont dit non, non, elle est en état de choc, mais elle est vivante,
03:51 franchement, ça m'a rassurée parce que c'était la seule chose à laquelle j'ai
03:54 pensé aussi ouvrir la porte et je pensais en fait à ma fille.
03:57 Cette nuit-là, quand mon conjoint essayait de me tuer sous l'aise de notre fille, donc
04:00 elle avait deux ans et demi, j'ai vu la mort dans ses yeux, elle hurlait.
04:03 Même quand je l'ai récupérée, c'était des larmes, enfin, elle était complètement
04:06 terrorisée.
04:07 Et ce qui s'est passé, c'est que moi, quand j'ai ouvert la porte, en fait, j'étais
04:10 désarticulée, je n'arrivais plus à bouger.
04:12 Et du coup, il y a une des voisines qui restait avec elle, mais moi, les pompiers sont venus
04:16 et m'ont emmenée, en fait, je n'ai pas vu ma fille tout de suite.
04:20 Et je ne pense pas que c'était une bonne idée aussi que ma fille me voie dans un état,
04:23 parce que vous doutez, j'avais des traces de mains, de strangulation, enfin, j'étais
04:27 quand même dans un état déplorable.
04:29 Et le fait que j'avais confiance dans les voisins, la voisine, quand elle m'a dit qu'elle
04:33 restait avec elle, de toute façon, la voisine l'a dit au procès, en fait, ma fille s'est
04:36 accrochée à elle.
04:37 Elle ne pouvait quasiment plus bouger comme si elle voulait en être tellement, en fait,
04:40 elle était en état de choc.
04:41 Et le lendemain, quand elle s'est réveillée, pareil, elle était en état de choc et en
04:46 fait, elle mimait la strangulation.
04:47 Papa a fait bobo à maman, en fait, en mimant, en fait, si vous voulez, en mettant les mains
04:52 au cou.
04:53 Donc, ça a été très difficile et ça, ça a duré en fait pendant plusieurs mois, en
04:57 fait, le fait qu'elle mimait les gestes de strangulation.
05:00 Et on sentait dans son regard qu'elle avait peur, qu'elle était en fait en état de choc.
05:05 Elle poussait beaucoup de cris, de hurlements, elle se plaquait par terre.
05:09 Même mon père, qu'elle avait l'habitude de voir, en fait, elle avait peur.
05:13 Elle n'a pas été touchée physiquement directement ce soir-là, mais elle a été
05:17 autant, en fait, finalement, impactée que moi.
05:20 Parce que ce qu'il faut savoir, c'est qu'après, elle a eu un retard de langage, en fait, assez
05:23 important.
05:24 Elle avait énormément de mal, en fait, à parler.
05:26 En fait, elle parlait en poussant des cris.
05:28 Les médecins me disaient, en fait, pourquoi, en fait, elle voudrait parler, puisqu'en
05:31 fait, elle a été habituée quelque part à voir des scènes de violence.
05:34 Et cette nuit-là, c'était la scène, en fait, ultime, entre guillemets, de violence.
05:38 Et après, ils ont diagnostiqué un syndrome post-traumatique sévère.
05:43 Ma fille, très rapidement, elle a été suivie par un pédopsychiatre.
05:47 Il y a eu un travail très long qui a été fait.
05:49 Elle a eu aussi une victimologue, parce que ce qu'il faut savoir, c'est que ma fille,
05:53 en fait, elle avait des rituels.
05:56 Le soir, elle a tombé de la nuit, il fallait fermer les portes.
05:58 Vous savez, par exemple, qui donnait sur mon séjour.
06:00 Elle me disait, « Papa, va arriver ! ». En fait, elle était terrorisée.
06:05 Si je ne fermais pas les portes, en fait, j'avais d'où rire.
06:07 Ce n'était pas des hurlements, donc il fallait fermer ses portes.
06:09 Donc, il y a eu un travail énorme au niveau médical qui a été fait, avec une orthophoniste aussi.
06:15 Et en fait, elle sourit à la vie aujourd'hui, et ça, c'est ma plus belle victoire.
06:18 Ce qu'il faut savoir, c'est que ma fille n'a plus revu son père depuis cette nuit-là.
06:22 Et j'ai dû me battre aussi pour la faire reconnaître victime,
06:26 parce que, comme je vous ai dit, pour moi, elle est tout autant victime que moi.
06:29 Donc, il y a eu le retrait des droits parentaux en septembre 2020 par la Cour d'appel de Versailles.
06:35 Donc, ce qui protégeait définitivement ma fille.
06:39 Donc ça, je pense que tout ça aussi, ça a participé.
06:42 Le fait qu'elle n'ait plus aucun lien avec lui, aussi, qu'elle soit en fait,
06:46 entourée d'amour, plus de violence physique, plus de violence psychologique et verbale,
06:50 parce que ça, on n'en parle pas, mais c'est violent, en fait.
06:51 Quand même un enfant voit sa mère se faire menacer de mort, insulter.
06:56 Depuis cette nuit-là, depuis cinq ans, elle n'a jamais réclamé une seule fois son père.
06:59 Et c'est vrai que dans l'une des derniers compte-rendus d'évaluation,
07:03 en fait, pour ma fille, son père est mort.
07:04 Je m'en souviens, la première fois qu'elle me disait ça, en fait,
07:11 elle a commencé à me dire « Maman, la mort, c'est la prison ».
07:16 Elle me sort ça d'un coup, comme ça, mais je lui ai dit « Mais non, la prison, ce n'est pas la mort »,
07:21 parce que je ne voulais pas, en fait, qu'elle pense ça.
07:22 Elle devait avoir quoi ? Même pas six ans, quand elle m'a dit ça.
07:26 Je me suis dit « Un enfant ne peut pas avoir cette réflexion, comme ça, et penser ça ».
07:30 Et je lui explique que non, il y a des personnes, en fait, qui font des choses pas bien,
07:33 qui sont punies, en fait, par les juges, qui vont en prison pour un certain temps,
07:37 et ensuite, après, ils peuvent ou non, en fait, ressortir.
07:42 Là, je voyais, elle s'énervait, elle me disait « Non, la prison, c'est la mort, en fait ».
07:45 Elle insistait et tout. Je lui ai dit « Non, non, je ne veux pas que tu penses ça ».
07:48 Et c'est là, je lui ai dit « Tu penses à ton papa ».
07:51 Et là, tout de suite, elle s'énerve, elle me dit « Non, mais la prison, c'est la mort,
07:54 c'est exactement la même chose pour moi ».
07:55 Et là, elle part en crise d'angoisse, elle s'énerve.
07:57 Donc, du coup, après, j'ai arrêté, je n'ai pas insisté.
08:00 Et comme son pédopsychiatre me disait, en fait, pour lui, ça ne le choque pas,
08:05 parce que c'est tellement violent, en fait, ce qu'elle a vécu, si vous voulez,
08:09 que c'est la continuité, en fait, que pour elle, pour se protéger dans sa tête,
08:14 pour ne plus souffrir, elle l'a mis de côté, comme s'il était mort.
08:16 Elle sait qu'il est vivant, mais elle préfère se dire « En fait, dans sa tête, c'est fini, il est mort ».
08:20 Je vous avoue, pour moi, ça a été quand même un peu violent d'entendre ça.
08:24 Parce que moi, je pourrais préférer qu'elle ait un père normal.
08:30 Même parfois, dans la vie, on se sépare parce qu'on ne s'entend plus,
08:33 mais avoir un papa, et contrairement à ce qu'on pourrait croire,
08:37 c'est très difficile de faire ça, même de demander le retrait d'autorité par mental, on s'en fout.
08:41 Je ne peux pas croire que pour moi, ça a été si facile que ça de me dire que ma fille,
08:45 finalement, voilà quoi, c'est comme si elle n'avait plus de père.
08:48 Je me suis battue aussi par rapport au nom de famille de ma fille.
08:50 J'ai fait la demande pour faire changer le nom de famille de ma fille,
08:54 qui portait son nom de famille à lui, car nous n'étions pas mariés.
08:59 Du coup, cette demande, je l'ai faite auprès du ministère de la Justice,
09:03 et j'ai eu une réponse positive en fin d'année.
09:05 Il y a eu un décret qui est passé, et ma fille porte aujourd'hui mon nom de famille.
09:09 Et le fait que le ministère de la Justice aussi accorde ce changement de nom de famille,
09:13 pour moi, c'était important, parce que quelque part,
09:15 alors ça ne reste que mon ressenti, c'est qu'ils la reconnaissent aussi victime, si vous voulez.
09:20 Parce que changer un nom de famille, ce n'est pas un acte anodin.
09:25 C'est surtout en France, on n'accorde pas un changement de nom de famille comme ça,
09:29 c'est très difficile.
09:30 Et moi, je voulais faire toutes ces démarches pour que ma fille n'aille pas le faire plus tard,
09:33 et qu'elle doive se justifier.
09:36 J'ai fait tout mon possible pour ma fille,
09:38 pareil, pour lui faire octroyer des dommages et intérêts,
09:40 ça a été un petit peu la bataille pour soi.
09:43 Et ça, je me dis, même si je me suis donné beaucoup de mal,
09:45 parfois on me dit « mais tu ne penses pas à toi »,
09:47 mais je me dis non, en fait, ma fille, c'est tout, c'est mon monde,
09:50 je veux la protéger de tout.
09:52 Et je me dis aussi que si je vois ma fille aujourd'hui avec le sourire,
09:57 ça n'en valait la peine de se battre,
10:00 même si je vous avoue que pour moi, c'est très difficile.
10:02 Après, je ne vais pas vous dire que tout est parfait,
10:04 ça reste aussi comme une enfant qui est très sensible.
10:06 Je veux dire, elle a toujours besoin de savoir ce que je fais,
10:09 où je suis, si je ne suis pas là à l'école, si mes parents vont la chercher.
10:13 Elle est aux mamans, elle a beaucoup besoin,
10:15 c'est une enfant qui a besoin d'être tout le temps rassurée, en fait.
10:18 Mais aujourd'hui, elle va mieux.
10:19 Je ne veux pas qu'on pense qu'un enfant est foutu à 3 ans, 4 ans, 5 ans,
10:22 même s'il a vécu le pire.
10:24 Par contre, il faut que l'enfant soit bien entouré,
10:26 il faut qu'on le sorte de la violence.
10:28 Les soins médicaux, c'est extrêmement important,
10:30 et qu'on lui apporte aussi de l'amour et qu'il se sente en sécurité pour aller mieux.
10:33 Avant cette nuit d'horreur, il y a eu beaucoup de faits de violence.
10:36 J'avais beaucoup de menaces de mort sur les six derniers mois
10:40 avant la tentative de meurtre.
10:42 Avant, il y a eu beaucoup de violence psychologique,
10:44 des humiliations sur mon physique,
10:47 « t'es grosse, t'es dégueulasse, personne ne voudra de toi, t'es une bolosse ».
10:51 Et c'est vrai que ça, en fait, c'est quelque chose qui vous fait perdre totalement confiance en vous.
10:55 Et en fait, les violences psychologiques, c'est aussi violent que les violences physiques.
10:59 Ça vous retourne totalement au cerveau,
11:01 puisque je me suis dit « ça se trouve, il a peut-être raison,
11:03 en fait, je ne suis peut-être qu'une merde,
11:05 je ne suis peut-être rien sans lui, en fait, finalement ».
11:07 Je ne mettais pas des mots sur ce que je vivais, au départ.
11:09 Je ne voulais pas dire que j'étais victime de violences conjugales.
11:12 Et à la troisième intervention de police, quand il m'a mis un club de boche sur la tête
11:15 et qu'il a balancé une bouteille d'eau froide sur ma fille,
11:17 là, j'ai eu le déclic, mais le policier m'a dit, en fait,
11:19 c'était sa parole contre la mienne pour les menaces de mort
11:23 et que la bouteille d'eau froide balancée sur ma fille, ce n'était pas bien,
11:27 mais que ça n'allait pas être considéré comme des coups,
11:28 qu'il pouvait prendre ma plainte, mais qu'il n'y aurait sûrement pas de suite.
11:32 Et en fait, là, c'est la peur qui a pris le dessus.
11:34 Je me suis dit « si je ne suis pas protégée, je suis morte ».
11:36 Pourquoi je suis restée avec lui ?
11:37 C'est-à-dire qu'au départ, les premiers mois, c'était Dylik.
11:40 J'ai vraiment cru au prince charmant.
11:42 Je me suis dit « c'est lui ».
11:43 Et quand il y a eu la première gifle, au bout de cinq ou six mois,
11:45 je n'ai pas compris ce qui s'est passé.
11:46 Et comment je lui ai demandé finalement des explications, il s'est excusé.
11:49 Et moi, finalement, je me suis dit « ce n'est pas de sa faute, c'est la faute de l'alcool ».
11:52 Moi, j'ai pris ça comme une excuse.
11:54 Et puis, il m'avait dit que son enfant, c'était compliqué,
11:56 que son père frappait sa mère.
11:57 Donc, si vous voulez, moi, j'ai plus dit le pauvre, en fait.
12:00 Le pauvre, il faut essayer de le comprendre un peu comme une infirmière.
12:04 J'ai réussi à le quitter une première fois,
12:07 un peu plus d'un an et demi après notre relation.
12:08 C'était deux gifles de trop que j'ai pris le matin, je n'en pouvais plus.
12:11 Et en fait, quand je l'ai quitté, il s'est mis à pleurer.
12:13 Et en fait, je culpabilisais, je me suis dit « mais en fait, c'est moi qui suis horrible et tout ».
12:16 Mais à ce moment-là, je ne mettais pas le mot « victime ».
12:19 Puisqu'il faut savoir, c'est qu'on est en 2013, 2014.
12:22 Ça commence en 2013, donc on en parlait très peu dans l'espace public.
12:25 Moi, je n'ai pas grandi du tout dans un climat de violence.
12:28 Donc si vous voulez, pour moi, je me dis « je ne suis pas une victime ».
12:30 Et je m'étais peut-être dit que le problème, en fait, venait de moi.
12:33 Et trois, quatre mois après, il est revenu vers moi.
12:35 Il m'a sorti le grand jeu en me disant à quel point il était désolé,
12:39 qu'il voulait vraiment changer, qu'il ne me toucherait plus.
12:41 Enfin, il m'a demandé pardon.
12:42 Je m'étais dit que ce n'était pas bien, en fait, ce qu'il avait fait.
12:44 Mais je me suis dit aussi « on peut changer ».
12:46 Et finalement, je suis retournée avec lui.
12:48 Et ce qui s'est passé, c'est que ce n'était pas prévu.
12:50 Je suis tombée enceinte.
12:51 Alors lui, il était heureux.
12:52 Au départ, tout se passait bien.
12:53 Et puis après, les cons ont repris à cinq, six mois le process.
12:55 Et là, je ne sais même pas comment vous dire,
12:57 parce que je pensais que ce n'était pas possible qu'on puisse frapper une femme enceinte.
13:00 Comme il me disait, il me répétait « on va former, on est une famille ».
13:03 C'est comme si l'enfance, c'était le lien.
13:05 Et en fait, après l'accouchement, s'il vous plaît, il n'y avait plus d'excuses.
13:08 En fait, c'était comme si j'étais à lui.
13:11 Et je me suis dit « mais de toute façon, c'est le père de ma fille, je ne peux pas partir ».
13:15 Je m'étais peut-être dit que ça allait s'arranger après la naissance,
13:17 mais en fait, pas du tout.
13:18 Jusqu'à une deuxième intervention de police, jusqu'à la troisième intervention de police.
13:22 Et même, je voyais ma fille, parfois elle n'était pas bien.
13:25 Je m'en souviens, parfois il sortait en plein milieu de la nuit, il arrivait,
13:29 il allait dans sa chambre, moi, il fallait que je fasse le tampon pour ne pas qu'il prenne ma fille.
13:32 J'avais peur qu'il lui faisait du mal, donc c'est moi qui prenais les coups.
13:36 Et en fait, je ne savais pas quoi faire.
13:38 Et quand j'ai mis des mots dans ma tête, je me suis dit « mais en fait, il peut tuer aussi un de mes proches ».
13:44 Et il peut faire du mal à ma fille.
13:45 Et là, ce n'est pas qu'à moi, je me dis « ce n'est pas possible ».
13:47 Et en fait, après, si je suis restée, je n'ai pas déposé plainte après cette troisième intervention de police,
13:51 c'est parce que je n'avais pas confiance en la justice.
13:53 Je savais que par rapport au profil qu'il avait, qu'il était quelqu'un qui présentait bien,
13:56 qui était intelligent, qu'il n'aurait pas grand-chose.
13:59 Et si je suis restée, ça peut paraître choquant.
14:01 Après, c'est aussi pour protéger ma fille.
14:02 Je me suis dit « au moins, si je suis là, je vais prendre les coups ».
14:06 Et j'avais peur.
14:08 La peur, en fait, elle vous paralyse.
14:10 Et puis, déposer plainte, à l'époque, on n'en parlait quasiment pas.
14:13 Je me suis dit « mais on ne va pas me croire ».
14:15 J'attendais, c'est horrible à dire, je sais que c'est choquant, d'avoir des coups partout.
14:21 Et là, je me suis dit « les juges me protégeront ».
14:24 Suite à cette nuit-là, il a été condamné par la Cour d'Assise des Hauts-de-Seine pour tentative de meurtre.
14:29 Alors, le procès d'assise, pour moi, ça a été l'horreur.
14:31 J'ai l'impression d'avoir été dans une autre dimension.
14:34 Ça a été extrêmement violent.
14:36 Ce qu'il faut savoir, c'est que mon affaire a été médiatisée.
14:38 J'ai dû lancer une bouteille à la mer sur Twitter.
14:41 Dans un tweet, j'ai décrit que j'avais été victime d'une tentative de meurtre,
14:46 que j'avais peur pour ma vie et pour celle de ma fille,
14:48 qu'il avait commis plusieurs infractions, qu'il avait retrouvé la ville où je vivais.
14:53 Et je ne m'attendais pas à cette chaîne de solidarité.
14:55 Je me suis retrouvée en une semaine à faire la Une des Médias.
14:58 C'était le 14 mai 2019.
15:00 Et le 21 mai 2019, il est retourné en détention provisoire.
15:02 Donc là, les réseaux sociaux m'ont sauvé la vie.
15:05 Et en décembre 2019, il y a eu ce procès en Cour d'Assise qui a été extrêmement violent.
15:09 Mais il a quand même été condamné à 8 ans de prison ferme pour tentative de meurtre
15:12 et 5 ans de suivi socio-judiciaire.
15:14 Ma fille a quand même été reconnue victime puisqu'on lui a octroyé des dommages à intérêt.
15:17 Il faut savoir, un procès d'assise, c'est d'une violence inouïe.
15:20 Pour vous, vous voyez vos proches à côté.
15:22 Mon père, en fait, les avocats ont été extrêmement violents avec lui,
15:27 de la partie adverse, jusqu'à le faire pleurer.
15:29 On parle d'un homme de 70 ans.
15:31 D'ailleurs, le lundi soir, je me suis passée le premier soir, j'ai commencé à parler.
15:36 J'avais m'évanouir.
15:37 C'est l'avocate de ma fille, qui normalement n'est pas censée intervenir pour moi,
15:40 qui a hurlé en demandant d'arrêter les débats,
15:42 parce que là, en fait, on était sur quelque chose d'inhumain sur mon traitement.
15:46 Et c'est vrai que ça m'a choquée, même, que le président de la Cour, en fait,
15:49 n'intervienne pas par rapport à ça.
15:50 Enfin, lui-même, il a eu des propos, parfois même, je trouve, limites.
15:53 Ça me faisait culpabiliser parce que j'avais été le rejoint, en fait, au restaurant ce soir-là,
15:57 cette nuit-là, et que, en fait, ce n'était pas ma place avec un enfant d'aller au restaurant.
16:01 Donc peut-être que, en fait, je l'avais peut-être quelque part, en fait, au fond, cherché.
16:05 Pourquoi, en fait, je voulais le priver, en fait, de sa fille ?
16:08 Pareil, il a quand même commis des infractions à son contrôle judiciaire.
16:12 Et, en fait, on l'a limite glorifiée.
16:15 Que le pauvre, il fallait le comprendre, il voulait voir sa fille.
16:17 Cinq mois après les faits,
16:22 je ne regrette pas d'avoir déposé une plainte et de m'être battue pour ma fille.
16:28 Pour ma fille, car aujourd'hui, en fait, elle sourit à la vie,
16:30 et que tous les parents, en fait, devraient se battre pour leur enfant.
16:35 Donc moi, pour ma fille, je donnerais ma vie.
16:37 Donc pour ça, je ne regrette pas.
16:38 Après, pour moi, c'est très dur.
16:40 Je suis encore en procédure judiciaire avec lui, même cinq ans après.
16:44 Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il a été libéré il y a un mois et demi.
16:46 Il avait retrouvé mon adresse, j'ai dû déménager deux fois.
16:48 Donc j'ai quand même été harcelée par sa part de sa prison.
16:51 Donc je trouve ça un peu injuste qu'il aille bénéficier d'une semi-liberté.
16:55 Aujourd'hui, cinq ans après les faits,
16:57 malgré une condamnation pour tentative de meurtre et le retrait d'autorité parentale,
17:00 j'ai encore peur de cet homme.
17:03 J'ai dû partir très loin pour me protéger avec ma fille.
17:07 Et j'ai peur de le croiser à nouveau.
17:09 J'ai peur qu'il passe à l'acte sur moi, même sur ma fille, en fait, pour se venger.
17:15 Puisque c'est un homme à la dernière audience d'aménagement de peine.
17:18 Je reprends les propos de mon avocat, qui était agressif, bouillonnant,
17:22 et où il n'y avait aucune remise en question de sa part, de ce qu'il avait fait.
17:26 [Générique]
17:28 Merci.

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