Adelaïde Jorand : «Je m'attends à des conditions de travail difficiles»

  • l’année dernière
Adélaïde Jorand (orthophoniste) témoigne à la veille des retours au travail des soignants non-vaccinés : «Je m'attends à des conditions de travail difficiles».

Category

🗞
News
Transcript
00:00 Et parmi ces 0,3% de personnels soignants non vaccinés,
00:03 il y a Adélaïde Jorand.
00:05 Bonjour, merci d'accepter de témoigner sur notre antenne.
00:08 Vous êtes orthophoniste dans la fonction publique
00:11 à l'hôpital de Périgueux en Dordogne.
00:13 Vous avez donc été suspendue en septembre 2021.
00:17 Vous avez d'ailleurs décidé de faire une grève de la faim à l'époque.
00:20 Revenons d'abord sur votre suspension.
00:23 Pouvez-vous nous raconter comment cela s'était-il passé ?
00:29 Oui, ce qui m'a touchée au moment où la pandémie démarrait,
00:34 c'était cette différence entre ce que j'observais
00:38 des informations et des images relayées par les médias
00:41 et de ce qui se passait à l'intérieur de mon établissement.
00:44 Et ce qui a fait que je me suis intéressée au dossier Covid,
00:48 d'un point de vue citoyen, si je puis dire,
00:49 mais également d'un point de vue professionnel,
00:51 puisque nous avions des retours, notamment des hôpitaux de l'Est,
00:54 qui avaient, eux, pris en charge les patients.
00:58 Et donc, par exemple, en tant qu'orthophoniste,
01:00 ça m'intéressait beaucoup de savoir comment les orthophonistes du Grand Est
01:03 avaient elles-mêmes travaillé avec ces patients,
01:06 qui étaient, par exemple, post-extubation.
01:07 Donc c'est un dossier que je travaille depuis 2020.
01:10 Et petit à petit, à force d'informations,
01:12 j'ai pesé pour moi-même le pour et le contre.
01:15 Et donc, j'ai décidé de ne pas vouloir cette thérapie génique telle que proposée.
01:21 Voilà, ce qui a posé des problèmes dans votre environnement de travail.
01:23 Comment est-ce qu'on a signifié, comment vous a-t-on signifié
01:26 qu'il était préférable, qu'il était décidé, d'ailleurs,
01:29 que vous deviez quitter votre poste ?
01:31 Alors, par voie d'huissier, remis en courrier main propre à ma fille mineure,
01:36 qui jouait à la balançoire ce jour-là.
01:39 Même pas à vous directement, c'est ce que vous nous dites.
01:43 Pas à moi directement, parce que le 15, c'était un mercredi,
01:46 le Périgueux est, on peut l'y mettre, la capitale de la Dordogne,
01:50 et donc les soignants se sont regroupés là, à Périgueux,
01:53 pour qu'une délégation puisse aller rencontrer la directrice de l'hôpital.
01:58 Et donc, ces événements faisant,
02:00 moi, je n'ai pas été signifiée de la date de mon entretien.
02:05 Et donc, je suis allée travailler le jeudi et vendredi,
02:07 puisque je n'avais pas eu d'entretien pour me signifier ma suspension.
02:11 Et le vendredi est arrivé par voie d'huissier la lettre auprès de ma fille.
02:15 Vous avez donc dû quitter les lieux.
02:16 Comment avez-vous vécu dans cette période ?
02:21 Alors, d'abord, quitter les lieux.
02:22 Donc, j'ai quitté les lieux un mardi matin,
02:24 encadré par la sécurité de mon établissement.
02:27 Donc, tout ça, c'est des dommages collatéraux que j'explique là.
02:30 Donc, effectivement, on y reviendra.
02:31 Très difficile de vivre une suspension, d'être mis au banc de la société.
02:34 Mais en plus, au-delà de ça,
02:36 il y a eu des dommages à l'intérieur de l'hôpital.
02:39 Et donc, la question était comment j'ai vécu tout ce temps ?
02:43 J'ai essayé de transcender, je pense que c'est vraiment le mot,
02:47 parce que c'était si facile de tomber,
02:51 d'être complètement déchu de tout droit,
02:52 puisque c'est ce qui nous arrive d'un point de vue sociétal,
02:55 et donc de perdre toute estime de soi, toute confiance en soi,
02:58 toute citoyenneté.
02:59 C'est à ça qu'on nous a condamnés.
03:01 C'est ça que ça veut dire, la suspension de plus de 600 jours.
03:04 Et donc, j'ai essayé de transcender en continuant à travailler
03:09 à cet aspect, justement, de citoyenneté,
03:12 de faire valoir les droits,
03:14 de poser des dossiers auprès d'élus,
03:16 auprès d'instances juridiques,
03:18 auprès d'instances supérieures.
03:20 Et petit à petit, on en arrive justement
03:23 à cette proposition d'abrogation de la loi du 5 août,
03:27 et qui a été votée par le Parlement.
03:30 -Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est que par décret officiel,
03:32 vous êtes donc autorisée à retrouver votre emploi
03:35 au sein de cet hôpital.
03:38 D'une part, êtes-vous volontaire à ce retour ?
03:40 Et ensuite, même question qu'au début, comment ça se passe ?
03:42 Est-ce que votre hôpital vous a contacté, vous a proposé quelque chose ?
03:46 -Alors oui, bien sûr, je veux travailler, bien sûr.
03:50 J'ai un diplôme pour...
03:51 Ça fait un moment que je me bats pour ça,
03:52 j'ai fait une grève de la faim, comme vous l'avez dit.
03:55 Donc bien sûr que je veux travailler,
03:56 et bien sûr que j'ai de quoi apporter une technicité
03:59 aux patients du service public, c'est très important pour moi.
04:02 Et mon hôpital m'a, oui, contactée pour me proposer un poste
04:06 qui n'a rien à voir avec le poste que j'occupe.
04:10 Et bon, donc, au téléphone, nous ne tombions pas d'accord.
04:14 La procédure étant d'abord un recommandé,
04:18 et après un entretien, on va se cantonner à ces procédures.
04:22 -Alors précisez-nous le poste.
04:23 Vous êtes donc orthophoniste,
04:24 et ce n'est pas un poste d'orthophoniste
04:25 qu'on vous propose pour le retour.
04:27 -Ah si, ils sont dans l'obligation, bien sûr,
04:29 de proposer un poste d'orthophoniste,
04:31 mais moi, je travaille en neurologie adulte,
04:33 et on me propose un poste en psychiatrie.
04:37 Et en fait, mon poste est le poste de neurologie.
04:40 C'est mon poste puisqu'il n'a jamais été vacant.
04:42 J'ai toujours fait partie des effectifs.
04:45 La date de suspension, la date de retour
04:47 n'ayant jamais été communiquée,
04:49 j'aurais très bien pu, chaque jour, revenir le lendemain.
04:52 -Alors, vous nous disiez être candidate à ce retour.
04:56 La question, c'est est-ce que vous l'appréhendez ?
04:59 Est-ce que vous redoutez l'accueil que l'on pourrait vous réserver ?
05:01 Comment vous voyez ça ?
05:04 -Aucunement. Vraiment, pour moi, bon, périlleux, c'est petit.
05:07 Donc, bien sûr, j'ai l'occasion de croiser des collègues au marché
05:10 ou d'activiter des enfants.
05:12 Donc vraiment, aucunement.
05:13 Je sais que les relations sont les mêmes.
05:15 Ce que je sais de compliqués à l'hôpital,
05:17 c'est les conditions de travail
05:18 qui se sont encore empirées, encore dégradées.
05:21 Donc ça, je m'attends à des conditions de travail difficiles,
05:23 mais pas du tout en termes de relations avec les collègues.
05:26 -Vous avez gardé le lien avec eux malgré cette suspension ?
05:29 -Alors, de plus en plus éloigné, bien sûr,
05:31 puisque quand les liens professionnels se distendent,
05:35 bien sûr qu'on ne se voit plus tous les jours.
05:37 Mais en tout cas, les relations restent bonnes.
05:38 Ça, il n'y a vraiment pas de problème.
05:40 Par contre, j'attire votre attention
05:41 sur les derniers chiffres de Santé publique France.
05:44 78 % des soignants actuellement n'ont pas reçu la quatrième dose.
05:49 Ça veut dire que...
05:50 J'ai pas été la seule à vivre cette confronte-là.
05:53 Ça veut dire que 78 % des soignants ont été contraints
05:56 de se vacciner les trois premières doses.
05:58 Donc il faut bien se rendre compte
06:01 qu'il y en a certains qui ont décidé de se laisser suspendre
06:03 parce qu'ils ont refusé la thérapie génique,
06:06 et il y en a d'autres qui, de toute façon, ont été contraints
06:08 pour pouvoir garder un travail, parce qu'un travail, c'est vital.
06:11 -Et c'est pour ça qu'on voulait avoir votre témoignage, effectivement,
06:14 parce qu'on sait aussi que ça pourra changer à l'avenir.
06:17 Il est question d'une réintégration aujourd'hui,
06:19 mais que les discussions se poursuivent pour savoir que faire
06:22 si un pic épidémique se reprofilait à l'horizon.
06:25 On vous remercie en tout cas beaucoup, Adèle Haït-Jorand,
06:27 d'avoir témoigné sur notre antenne.
06:29 Je rappelle que vous êtes orthophoniste dans la fonction publique
06:31 à l'hôpital de Périgueux.
06:32 On vous souhaite un bon retour au travail.
06:35 [Musique]
06:38 [Musique]

Recommandée