Eric de Riedmatten reçoit chaque week-end un invité dans #LHebdoDeLEco pour approfondir un sujet économique.
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00:00 Les industriels de l'agroalimentaire sont-ils responsables de l'inflation actuelle ?
00:04 Il faut rappeler, plus 14% en rythme annuel.
00:07 Alors, je suis avec Christophe Piennoël, merci d'être avec nous.
00:10 Vous êtes porte-parole du groupe Lactalis.
00:13 Ce sont des marques célèbres, Lactel, Président, Bridell.
00:16 C'est le numéro un français de l'agroalimentaire.
00:19 Alors, Bruno Le Maire demande aux industriels de faire un effort.
00:23 On a l'impression que ça ne bouge pas beaucoup.
00:25 Est-ce que ça vous choque qu'il demande que vous baissiez les prix ?
00:28 Bruno Le Maire a demandé ce matin à ceux qui font des marges de faire des efforts.
00:34 En termes de marge, on a publié nos chiffres il y a quelques jours.
00:37 Si la croissance du groupe s'est élevée à 28 milliards,
00:42 malheureusement, son résultat net est en forte chute cette année, 14%.
00:46 Et notre taux de marge est à 1,4%.
00:49 1,4%, c'est la moitié moins que le livret A.
00:52 Donc, nous avons renié sur nos marges pour pouvoir maintenir des prix accessibles.
00:56 Et la preuve, c'est que dans les supermarchés,
00:59 quand vous achetez des produits lactalis,
01:00 75% de ces produits sont à moins de 2,50€.
01:04 Donc, on comprend que le consommateur a besoin d'avoir des prix bas
01:08 et on a déjà fait un effort significatif.
01:09 Ce sont vos confrères, vos concurrents qui font monter les prix artificiellement,
01:12 ou qui ne baissent pas ?
01:13 Alors, le secteur du lait est un peu particulier.
01:15 C'est vrai que quand on parle des industries agroalimentaires,
01:18 on dit que les matières premières baissent aujourd'hui.
01:20 C'est probablement vrai sur le blé, sur les céréales, pas sur le lait.
01:24 Et nous, on l'a prouvé l'année dernière, on a augmenté 30% le prix du lait.
01:28 On veut soutenir l'agriculture laitière française
01:30 et donc on va continuer de les soutenir cette année.
01:32 Notre matière première, c'est le lait.
01:34 Et si on baisse le prix du lait, on affaiblit le monde agricole.
01:36 Pourtant, en Mayenne, on a entendu des jeunes producteurs laitiers
01:39 qui disent "ah oui, le prix des 1000 litres de lait a fortement baissé,
01:43 ses prix ont baissé".
01:44 Alors, que répondez-vous aujourd'hui ?
01:46 Paraît-il 25 à 30€ au moins pour 1000 litres ?
01:49 Ils le disent, on les a entendus sur ces news.
01:51 Le prix du lait a fortement augmenté en 2022, 30%.
01:55 Oui, en 2022, depuis le début de l'année 2022.
01:57 Et ce que je peux vous dire, c'est que nous, cette année,
01:59 on va maintenir le prix du lait au niveau auquel il était.
02:02 Et ils ont évoqué des prix du lait,
02:04 alors je ne sais pas si c'était des agriculteurs qui travaillaient avec le groupe Lactalis,
02:07 de l'ordre de 430€.
02:09 On est aujourd'hui à 488€.
02:11 Donc on est à un prix assez significatif.
02:14 Vous l'achetez à ce prix-là actuellement ?
02:16 Absolument.
02:16 Alors eux, ils ne disent pas ça, mais ça veut dire que vos prix vont encore augmenter
02:20 ou alors vous renoncez aux marges ?
02:22 Alors, il y a plusieurs postes.
02:23 Par exemple, quand vous achetez un camembert,
02:25 la moitié du prix du camembert, c'est le prix du lait.
02:27 Donc quand vous avez un prix du lait qui se maintient,
02:29 c'est un poste que vous ne pouvez pas baisser.
02:31 Vous avez les salaires de vos collaborateurs,
02:32 on les a augmentés de 10% et je voudrais les rassurer,
02:35 on ne va pas baisser les salaires cette année.
02:37 Restent les coûts d'énergie, les coûts d'emballage.
02:40 Les coûts d'emballage sont toujours à la hausse.
02:43 Les coûts d'énergie devraient diminuer dans les mois à venir,
02:46 mais on signe des contrats de long terme pour se protéger
02:48 et on les paye encore aujourd'hui au prix fort.
02:50 Alors, prenons l'exemple du camembert Président.
02:53 2 euros, je crois, c'est ça ?
02:54 Absolument, il est actuellement à 2 euros.
02:57 Si je comprends bien, sur ces 2 euros,
02:58 il y a 50% qui est dû au lait.
03:00 1 euro, c'est le lait, c'est ça ?
03:02 Absolument, 1 euro, c'est pour le producteur de lait.
03:03 Et ensuite, l'électricité, ça représente combien ?
03:06 Après, sur le reste, il y a la TVA.
03:09 Il y a la part du distributeur.
03:10 C'est combien, 10% de la TVA sur le camembert ?
03:11 Absolument, il y a la part du distributeur
03:13 et la part du transformateur,
03:15 celui qui fabrique le camembert, l'actalis en l'occurrence.
03:18 C'est ça. Mais alors, le transport, ça joue aussi ?
03:20 L'essence qui augmente, tout ça ?
03:21 Alors, dans les coûts qui augmentent,
03:23 on a les coûts d'énergie.
03:24 Nos coûts d'énergie, à l'échelle du groupe,
03:26 c'était 300 millions d'euros en 2021.
03:28 C'est plus d'un milliard cette année, plus d'un milliard.
03:31 Ça fait x4.
03:32 Donc, ces coûts-là, ils vont s'amortir, se ralentir,
03:36 mais ils ne vont jamais revenir au niveau des 300 millions d'euros.
03:38 Alors, ça veut dire que finalement,
03:40 vos marges restent flats, comme on dit, ou stables ?
03:43 Vous ne marchez pas dans cette hausse des prix ?
03:46 Je comprends bien, d'après ce que vous dites.
03:48 Alors non, nos marges, elles ne sont pas flats.
03:49 Nos marges, elles se sont dégradées.
03:51 Elles sont aujourd'hui à 1,4 %, ce qui est quand même extrêmement faible.
03:56 On a fait l'effort.
03:57 On a maintenu les prix les plus bas possibles.
03:59 On comprend bien qu'avec une marge de 1,4 %,
04:01 c'est difficile d'aller au-delà.
04:03 Bien entendu, dès qu'on pourra le faire, on le fera.
04:05 Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
04:06 Est-ce que vous pouvez nous dire si oui ou non,
04:08 ce sont les grands distributeurs qui en profitent ?
04:11 L'ensemble de la chaîne agroalimentaire est sous tension.
04:13 Les consommateurs, les premiers.
04:15 Derrière, les distributeurs, les éleveurs et puis nous-mêmes.
04:18 Il faut voir que l'alimentation en France a tiré les prix vers le bas depuis 20 ans.
04:23 Les Français consacrent de moins en moins d'argent à leur alimentation.
04:26 Et le vrai risque, c'est qu'on aille vers une alimentation dégradée,
04:29 ou importée, ou de mauvaise qualité.
04:31 Nous, on est attachés à la souveraineté alimentaire.
04:33 On achète le lait en France, on le transforme en France.
04:35 Il est majoritairement consommé en France et on veut continuer.
04:38 J'entendais certains dire, si les prix ne baissent pas,
04:40 on ira acheter en Pologne.
04:41 Chez Lactalis, on n'ira pas acheter le lait en Pologne, on va l'acheter en France.
04:44 Alors bon, ça dépend des distributeurs.
04:45 Il y en a certains qui vendent le camembert président, par exemple, à 1,90 €.
04:50 Ailleurs, on le trouve à 2,30 €.
04:52 Donc c'est quand même bien quelqu'un qui prend une marge quelque part.
04:54 Vous le vendez peut-être moins cher à Leclerc ou à Lidl ?
04:57 Alors, on négocie distributeur par distributeur.
05:00 Et après, c'est leur liberté et leur choix de fixer le prix en rayon.
05:02 Mais qui est responsable ?
05:04 Celui qui fixe le prix en rayon.
05:05 Nous, on a des négociations.
05:07 Si un distributeur veut faire une marge forte ou faible sur un produit,
05:10 mais généralement, ils ont les mêmes stratégies.
05:12 Je ne voudrais pas parler à leur place, mais vous avez des produits d'appel.
05:15 Un camembert président, c'est un produit d'appel.
05:17 On fait attention de le maintenir à un prix accessible.
05:19 Peut-être que sur d'autres gammes, on aura plus de marge.
05:21 Bruno Le Maire qui tape sur la table, il veut vous convoquer.
05:24 Vous irez la semaine prochaine ?
05:25 Alors, nous, on est tout à fait ouvert à la discussion.
05:27 On ne quittera jamais la table des discussions.
05:29 On ira et on lui expliquera ce que je viens de dire.
05:32 C'est-à-dire que, et il l'a dit, c'est un ancien ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire,
05:36 et il avait fait l'exception pour le lait chez un de vos confrères récemment.
05:39 Nous, on ne veut pas mettre en péril les agriculteurs français.
05:42 Vous voulez dire par là que vous ne ferez pas baisser leurs revenus ?
05:45 Parce que le but de la loi EGalim, c'était de maintenir
05:48 ou d'essayer de faire monter le revenu des agriculteurs.
05:50 Ça en est où aujourd'hui ?
05:51 Absolument. La loi EGalim est une loi extrêmement positive pour le monde agricole.
05:55 Nous, on l'a saluée et on l'a applaudie.
05:58 Non seulement, on la respecte, mais on va également au-delà,
06:00 puisque l'actualise a été parmi ceux qui ont le mieux payé le prix du lait
06:03 aux agriculteurs en 2022.
06:05 Ils gagnent mieux leur vie aujourd'hui ?
06:06 Oui, aujourd'hui, ils le disent et ils le reconnaissent, c'est mieux.
06:09 Franchement ? Bon, je vais bien vous croire.
06:12 Mais est-ce qu'aujourd'hui, j'ai envie de vous poser la question,
06:15 pourquoi un camembert chez un fromager vaut 5 euros pratiquement ?
06:19 Et comment arrivez-vous à faire un camembert président à 2 euros ?
06:24 Alors, les camemberts, j'allais dire, c'est...
06:25 C'est un piot piège ?
06:26 Les camemberts, non, non, pas du tout.
06:28 Pas du tout, c'est important de l'expliquer.
06:29 Les camemberts, c'est un peu comme les voitures.
06:31 Vous avez toutes les gammes.
06:32 Vous avez des camemberts qui sont faits avec du lait cru.
06:36 Manipuler le lait cru, ça nécessite une très forte sécurité alimentaire.
06:39 Ça coûte plus cher à fabriquer.
06:41 Et donc, à partir de là, vous avez un produit qui, en magasin, coûte plus cher.
06:45 On peut aimer le camembert au lait cru.
06:47 Et puis, on peut aussi apprécier un camembert plus accessible,
06:49 comme le camembert président.
06:50 On en est où aujourd'hui sur les importations de lait ?
06:52 Je sais qu'à une époque, c'était un scandale
06:54 faire venir du lait de l'étranger pour un pays comme la France.
06:56 On importe encore du lait ?
06:58 Alors non, on exporte beaucoup de lait, c'est l'inverse.
07:00 Non, mais c'est la question que je la pose.
07:02 On n'importe pas de lait ?
07:03 Non, non, non.
07:04 Non seulement, on n'importe pas, mais tout le lait qui est utilisé en France
07:07 vient de France.
07:08 Et on permet aux agriculteurs français d'exporter du lait.
07:12 Un litre sur deux, collecté en France, fini à l'étranger.
07:15 Et ça reste un des seuls points forts de l'agriculture française.
07:18 Avec les vins espiritueux, c'est les deux domaines
07:20 dans lesquels la France continue d'exporter.
07:22 Et donc, on gagne de l'argent, le commerce extérieur en profite.
07:24 On est bénéficiaire.
07:25 Absolument. On mange du camembert président partout dans le monde.
07:28 Et d'ailleurs, c'était une publicité très connue à l'époque.
07:30 On peut citer le grand acteur Bernard Blier qui en faisait la publicité
07:34 il y a bien des années, bien sûr.
07:35 Mais on se souvient, mon camembert, c'est président.
07:37 Absolument.
07:38 Merci beaucoup, Monsieur Pied-Noël, d'être venu ici à Cédieu.
07:41 Merci à vous.
07:42 Merci.
07:44 [Musique]
07:48 [SILENCE]