Dans son édito du 12/05/2023, Agnès Verdier-Molinié revient sur la démarche «En avoir pour mes impôts» et la consultation publique en ligne associée.
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00:00 Tous les contribuables de France reçoivent en ce moment un email de Bercy pour donner leur avis sur le niveau des impôts,
00:06 sur l'utilisation de l'argent public en général.
00:09 Agnès Verdier-Molinier, directrice de l'IFRAP, avec nous. Bonjour Agnès.
00:12 Bonjour.
00:13 C'est une première selon le ministère des Finances. Qu'est-ce que vous en pensez, vous, de cette initiative ?
00:16 Ce n'est pas trop tôt.
00:18 Vous n'êtes jamais contente.
00:19 Non mais attendez, l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ça nous dit quelque chose.
00:25 Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes, par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique,
00:31 de la consentir librement et d'en suivre l'emploi.
00:34 C'était il y a 234 ans, 1789.
00:38 Alors il serait temps de s'en préoccuper.
00:41 C'est vrai que le ministère nous a fait un beau site internet, « En avoir pour mes impôts »,
00:45 et puis alors il nous dit qu'il va regarder pour nous le coût des politiques publiques, de l'école, des routes, de la santé,
00:52 et puis qu'on aura même des infos locales.
00:55 Mais bon.
00:56 Sur le papier, ça a l'air bien.
00:59 Ça va dans le bon sens, dans le sens de savoir où va notre argent, comme vous dites.
01:03 C'est le mot qui vous colle à la peau en ce moment.
01:06 Oui, mais alors sur le papier seulement, parce que finalement, qu'est-ce que ça nous dit ?
01:11 Que dans un département, on dépense 10 000 euros par élève de lycée et par an.
01:16 Ça ne nous dit rien sur les écarts de niveau entre les différents lycées.
01:20 On vient de refaire un petit classement à la Fondation IFRAP sur les collèges de France,
01:24 sur le brevet à l'écrit, dans les 100 premiers, il n'y en a que 9 qui sont publics.
01:28 Et pourtant, on met beaucoup plus d'argent dans l'éducation nationale publique que dans l'enseignement privé sous contrat.
01:34 Donc les moyennes, désolé, ça ne veut rien dire en fait.
01:38 Ça ne nous donne pas l'info sur la qualité des services publics, ce que nos voisins européens font beaucoup mieux que nous.
01:44 Ça ne nous dit rien sur l'efficacité aussi du service public.
01:48 - La qualité. - Effectivement.
01:50 Qu'est-ce qu'ils font nos voisins justement en la matière ?
01:52 - Par exemple, les Suisses, c'est intéressant.
01:54 Ils donnent toutes les données des hôpitaux et des cliniques.
01:58 Et puis, il y a une association qui fait un vrai classement de la qualité, où est-ce qu'il faut se faire soigner, etc.
02:04 Et alors, en France, ce n'est pas du tout le cas.
02:06 Et même pire, finalement, il y a pendant des années, Le Point faisait un classement des hôpitaux et des cliniques.
02:12 On s'en souvient, tous les ans, c'était un peu le marronnier.
02:14 Ça permettait à tout un chacun de savoir où se faire opérer de la cataracte, se faire poser une prothèse de hanche, etc.
02:21 Eh bien, l'ACNIL a maintenant refusé l'accès à ces données, ces données hospitalières de France, ce qu'on appelle le PMSI,
02:30 sous prétexte que ça pouvait avoir une influence sur les choix de nombreuses personnes dans leur parcours de soins.
02:37 Et donc, que finalement, il ne fallait pas que les citoyens français aient l'info.
02:43 On n'en sait pas plus sur où vont nos impôts. On en sait même plus, au moins.
02:49 C'est ça, le problème. C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de communication en ce moment sur ce sujet.
02:54 Mais nous, on voit que ça ne s'améliore pas. Par exemple, les comptes de l'ENA, avant, on les avait tous les ans.
03:00 Depuis qu'il y a une nouvelle ENA, l'Institut national des services publics, qui a été créé, on a cherché à avoir les comptes.
03:07 On les a demandé en décembre dernier. On ne les a toujours pas. Alors que, clairement, c'est la loi, on devrait les avoir.
03:13 On a demandé les bilans sociaux. C'est ce qui sert à calculer l'absentéisme des agents dans les collectivités.
03:20 Aux 70 plus grandes villes de France, c'est la loi de 2019. Ils devraient publier. On n'en a que 30 qui ont répondu.
03:27 Donc, la question « Où va notre argent ? » mais aussi « Est-ce qu'on en a pour nos impôts ? »
03:33 Pour l'instant, clairement, on est vraiment sur plutôt un concept un peu sympa en avoir pour mes impôts.
03:43 Mais ça reste un coup de bluff. Parce que la réalité, c'est que quand on veut regarder à l'intérieur de la boîte noire de la dépense publique,
03:49 on a toutes les peines du monde à voir qualité, dépenses, pouvoir faire des palmarès, pouvoir faire des classements.
03:56 Ça, ça ne plaît pas du tout en France alors que partout en Europe, il y a une vraie info pour les citoyens.
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