Plus de 10 millions de morts, des centaines de milliers de femmes violées, la République démocratique du Congo (RDC) agonise dans un silence assourdissant ! Dans son ouvrage "Holocauste au Congo", l'historien Charles Onana démontre que l’on assiste, depuis 1994, à l’invasion masquée du Congo par des milices et des troupes de Paul Kagame, le chef de l’Etat rwandais soutenu au départ par l’administration Clinton et ensuite par la France de Nicolas Sarkozy et d'Emmanuel Macron. A partir de témoignages exclusifs et de documents officiels, l’auteur dévoile comment les Etats-Unis ont formé Paul Kagame pour servir leurs intérêts. Après 20 années de recherches, l’auteur alerte l’opinion sur l’extermination programmée des populations locales alors que plusieurs chefs d’Etats de la région et un ambassadeur européen ont déjà été assassinés. Charles Onana explique surtout comment la mise à mort de la RDC est organisée dans le dessein de faire main basse sur des minerais indispensables à l’industrie mondiale de l’armement, de la téléphonie mobile et de la transition énergétique. Un entretien explosif !
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00:00 [Générique]
00:06 Bonjour à tous, bienvenue dans notre Zoom,
00:08 aujourd'hui en compagnie de Charles Nanna.
00:11 Bonjour Monsieur.
00:11 Oui bonjour.
00:13 Charles Nanna est docteur en sciences politiques,
00:17 spécialiste de l'Afrique des Grands Lacs et des conflits armés.
00:21 Vous étiez déjà venu nous présenter l'un de vos précédents ouvrages,
00:25 "Rwanda, la vérité sur l'opération turquoise".
00:29 Le dernier, le voici, un titre qui frappe "Holocauste au Congo,
00:34 l'omerta de la communauté internationale".
00:38 Un livre que vous avez élaboré avec des sources tout à fait officielles.
00:42 Document issu de la CIA, du Pentagone, de la Maison Blanche,
00:46 de l'Élysée et de l'Union Européenne.
00:50 Alors, la République démocratique du Congo, la RDC,
00:54 est depuis 1994 victime d'une guerre qui a fait plus de 10 millions de morts.
00:59 Ça c'était un chiffre qu'on mettait en avant déjà en 2010.
01:03 Tout à fait.
01:04 Et au moins 500 000 femmes violées.
01:08 Alors on va voir au cours de cet entretien
01:11 pourquoi personne ne parle de tout cela, de toutes ces atrocités.
01:16 Avant, quelles sont les origines, Charles O'Nanna,
01:19 les origines africaines de ce conflit ?
01:22 – Eh bien, ce que j'ai découvert, ça ce n'est pas moi qui pense,
01:27 il y a déjà à l'époque quelques années de ça,
01:29 c'est le professeur Bernard Debray, qui était ministre de la coopération,
01:33 qui m'avait expliqué dans son bureau à l'hôpital Cochin à Paris
01:36 qu'il y avait un groupe ethnique au Rwanda, dont des Tutsis,
01:41 qui ambitionnaient de créer un empire, ce qu'ils appellent l'empire Hima,
01:47 qui avait vocation à rassembler l'Ouganda, le Rwanda, le Burundi.
01:52 Et la République démocratique du Congo,
01:54 où cette minorité aurait, je dirais, le pouvoir sur toute cette région,
01:58 et que leur ambition ne s'arrêtait pas là,
02:00 leur ambition allait jusqu'en Afrique centrale,
02:03 c'est-à-dire vers la République centrafricaine,
02:05 le Congo-Brazavie, le Gabon, etc.
02:08 Donc, on avait passé près de 45 minutes,
02:11 il m'a expliqué cette histoire, ce projet,
02:14 je le trouvais complètement loufoque, complètement ubuesque,
02:18 et je n'avais pas pris tout cela au sérieux.
02:20 Quelques années après, lorsqu'il a publié son ouvrage,
02:23 je me suis rendu compte qu'en fait, il apportait beaucoup plus de détails,
02:26 mais ce qui m'a le plus frappé,
02:27 c'est que j'ai découvert dans les archives de l'Élysée,
02:30 que le général, le chef d'état-major particulier du président Mitterrand,
02:35 M. Keno, le général Keno, évoquait également cette question-là,
02:40 mais le plus stupéfiant pour moi, ça a été de constater
02:44 que dans les archives du président Clinton,
02:47 l'ambassade des États-Unis au Rwanda avait rédigé en novembre 1994,
02:52 un rapport sur ce projet.
02:53 Donc, la Maison-Blanche, comme l'Élysée,
02:55 était au courant que la minorité tutti avait vocation à dominer,
02:59 voulait dominer, effectivement, l'Afrique centrale,
03:02 mais personne n'a rien dit,
03:03 et on a laissé faire tout cela jusqu'à présent.
03:05 – Alors, on va voir un petit peu après dans cet entretien,
03:07 pourquoi le président Clinton s'était immiscé dans ce conflit.
03:14 Le Rwanda occupe encore aujourd'hui une partie de la RDC,
03:18 c'est quoi le quotidien des Congolais aujourd'hui ?
03:22 – C'est l'enfer pour beaucoup de Congolais,
03:25 c'est-à-dire qu'on arrive aujourd'hui,
03:27 chaque jour je reçois des messages et des photos ou des vidéos
03:33 des massacres de la population à l'Est du Congo,
03:35 c'est-à-dire qu'on est arrivé à une situation où le pouvoir rwandais
03:42 aujourd'hui Kya Kigali a quasiment envie d'évacuer,
03:46 de faire disparaître toutes les populations de l'Est du Congo
03:50 au profit d'une autre catégorie de la population,
03:53 peut-être donc pour répondre à leur projet d'empire,
03:56 et les Congolais n'arrivent plus à vivre chez eux,
04:00 dans la paix et dans la sérénité,
04:01 y compris tous les gouverneurs de cette région,
04:05 que ce soit le gouverneur du sud Kivu ou celui du nord Kivu,
04:08 ils sont tous quasiment presque sous l'emprise et la menace
04:11 et la pression des forces militaires rwandaises.
04:15 – Alors, des forces militaires rwandaises,
04:17 mais également des bandes armées,
04:20 c'est notamment le cas du mouvement terroriste M23,
04:24 comment est organisée cette milice et qui la finance ?
04:28 – Écoutez, c'est très simple, il n'y a pas de M23,
04:31 les milices qui sont créées depuis 1997,
04:36 qu'on a commencé par appeler le RCD Gouma,
04:41 il y avait d'abord ce qu'on appelait les Banyamulengues,
04:43 la révolte des Banyamulengues,
04:44 qui étaient donc supposés être des tutis du Congo,
04:48 se sont alliés au Rwanda pour renverser le maréchal Mobutu.
04:52 Après cela, on a vu le RCD Gouma,
04:54 après c'était le CNDP de Laurent Kunda,
04:57 après cela, on a vu plusieurs autres groupes,
05:00 donc le M23 lui-même, une émanation du CNDP de Laurent Kunda,
05:05 c'est-à-dire que c'était les rebelles,
05:07 ce qu'on appelait les rebelles de Laurent Kunda,
05:08 qui lui-même, il faut le rappeler aujourd'hui,
05:10 est réfugié au Rwanda.
05:12 Donc je découvre que tout ce qu'on appelle les groupes armés à l'est d'un RDC,
05:18 est rien d'autre que des milices que Paul Kagame
05:21 envoie sur le territoire congolais
05:23 pour terroriser et massacrer les populations civiles.
05:25 – Alors vous expliquez très bien dans votre ouvrage
05:27 que le président rwandais Paul Kagame
05:30 n'est pas le seul dirigeant africain à massacrer la RDC,
05:34 c'est aussi le cas du président ougandais,
05:38 à l'est de la RDC, le président ougandais,
05:43 Yoweri Museveni, excusez-moi j'écorche un peu son nom.
05:48 Est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu
05:51 comment le gouvernement ougandais intervient en RDC ?
05:56 – Alors tout a été très bien organisé,
05:58 c'est-à-dire que depuis 1986-87,
06:03 lorsque le président Museveni a pris le pouvoir,
06:06 et le FPR, donc Paul Kagame, faisait partie des miliciens
06:11 qui l'ont aidé à prendre le pouvoir,
06:13 avec un grand nombre de tutis du Rwanda.
06:15 Ils se sont retrouvés comme des éléments
06:18 de l'armée régulière ougandaise pendant plusieurs années,
06:20 au point que Paul Kagame est devenu le patron
06:23 des services de renseignement de l'armée ougandaise.
06:26 Donc c'est à la suite de cela qu'ils ont préparé
06:28 leur première opération de renversement du président
06:31 à Birimana en 1990, qui a échoué,
06:34 et ils sont revenus en 1994, ils ont réussi.
06:37 Et après avoir remporté la victoire militaire au Rwanda…
06:40 – En tirant sur son avion au président à Birimana.
06:43 – Absolument, et il est tout à fait surprenant
06:46 que même en France, on ne cherche pas à savoir
06:48 qui a tué les deux chefs d'état africains avec l'équipage français,
06:51 parce que je rappelle que l'ensemble de l'équipage
06:53 était constitué de français.
06:55 Et donc par la suite, après avoir remporté
06:58 cette victoire militaire, ils se sont portés maintenant
07:01 sur le territoire congolais en 1997,
07:04 où ils ont renversé le président du Zahir,
07:06 qui est devenu le président de la République démocratique du Congo,
07:11 ils ont renversé le président de ce pays
07:13 et le chef d'état-major, c'est-à-dire que celui,
07:16 James Kabarébé, un certain James Kabarébé,
07:18 qui est tout-irondais, est devenu chef d'état-major de l'armée
07:22 en République démocratique du Congo.
07:24 Et quelques années après, il a quitté,
07:26 lorsque les Congolais ont jugé qu'ils étaient envahissants
07:30 et qu'ils avaient vocation à retourner au Rwanda,
07:32 et bien ils ont déclenché en 1998 une nouvelle guerre
07:35 contre la République démocratique du Congo.
07:38 Et ce James Kabarébé, qui était devenu
07:39 chef d'état-major de l'armée congolaise,
07:41 est redevenu ministre de la Défense en République au Rwanda.
07:46 Donc voilà comment le jeu se fait dans cette région.
07:49 On vous donne constamment l'impression
07:50 que ce sont des rébellions, alors qu'en fait,
07:52 ce sont des militiains et des éléments de l'armée
07:55 de Paul Kagame qui commettent des massacres
07:57 et des crimes contre l'humanité en République démocratique du Congo.
08:01 – Alors Charles Onana, vous avez fait préfacer votre ouvrage
08:04 par l'ancien ministre de la Défense français, Charles Millon.
08:08 Il était ministre entre 1995 et 1997.
08:12 Il explique que cette guerre en RDC s'inscrivait dès le départ
08:16 dans une rivalité franco-américaine.
08:19 Alors qu'est-ce que les Américains font dans cette histoire ?
08:23 Vous l'évoquiez un petit peu tout à l'heure.
08:25 – Oui, alors ce qui s'est passé, très simplement,
08:27 c'est que les Américains ont considéré
08:29 que les Français avaient longtemps occupé l'Afrique centrale
08:34 et puis dans les derniers moments où le maréchal Mobutu Osaïr a régné,
08:41 son dernier allié dans cette région, c'était la France.
08:45 Donc il fallait s'emparer des ressources minières,
08:48 ça c'est clairement dit par un certain nombre de dirigeants
08:52 de haut responsable américain dans les auditions au Congrès américain.
08:56 Et puis Ron Brown qui était le secrétaire d'État chargé de l'économie
09:01 qui était décédé dans un accident d'avion,
09:04 avait clairement dit à Dakar, c'est-à-dire le fief
09:07 de ce qu'on pourrait qualifier de vitrine africaine de la France au Sénégal,
09:11 il a dit que les anciennes grandes puissances européennes
09:15 ne pourraient plus continuer à avoir le monopole
09:17 des ressources économiques en Afrique.
09:19 Donc voilà comment les Américains ont organisé en quelque sorte
09:22 la disqualification de la France dans cette région
09:25 et on a vu qu'une fois que les Américains ont installé Kagame au pouvoir,
09:29 eh bien Kagame a répudié la langue française,
09:32 il est rentré au Commonwealth et la langue anglaise
09:35 est devenue la langue officielle avec le Kinyarwanda
09:38 dans l'ensemble du territoire rwandais.
09:40 Donc voilà comment les choses brièvement ont été montées
09:43 et je dois rappeler que le ministre Charles Millon,
09:47 il a préface ses livres parce qu'il a vécu aux premières loges
09:51 l'entrée de troupes de Kagame et des troupes ourgandaises
09:56 quand il était ministre de la Défense en France.
09:58 Et c'est pour cette raison qu'il était important que son témoignage
10:01 apparaisse par rapport à ce qu'il a vécu étant aux affaires.
10:04 – Il avait d'ailleurs conseillé à l'époque le président Chirac
10:08 de lancer une opération en RDC pour défendre les populations civiles.
10:13 Finalement, dites-vous, Chirac s'est incliné,
10:16 malgré l'amitié qu'il avait pour Mobutu.
10:19 C'était quoi les pressions qui ont été exercées sur Jacques Chirac alors ?
10:23 – Alors d'après ce que m'a dit le ministre Charles Millon,
10:26 c'est que lui avait perçu très clairement que
10:31 si Paul Kagame prenait le pouvoir au Congo avec Laurent Desiré Kabila,
10:38 enfin Laurent Desiré Kabila était en quelque sorte leur marionnette,
10:42 en fait ils allaient déstabiliser toute la région.
10:44 Et c'est pour cette raison que cette opération avait été préparée
10:48 mais il semblerait que les services d'enseignement américains,
10:50 notamment la CIA, ont été informés de cela.
10:53 Et c'est le président Bill Clinton lui-même qui aurait téléphoné à Jacques Chirac
10:58 pour lui dire d'arrêter cette opération.
11:00 Et donc malheureusement, le président Chirac n'a pas fait
11:03 ce qu'il avait fait à l'ONU contre l'Irak,
11:06 de dire "il est hors de question que ça se passe comme ça,
11:09 nous voulons la paix, nous défendons la paix".
11:10 Eh bien il s'est incliné devant cette décision et cette pression de Washington.
11:15 – Clinton avait des intérêts personnels et économiques dans cette région des Grands Lacs,
11:21 c'était quoi ses intérêts ?
11:23 – Écoutez, j'ai eu beaucoup de confidences de plusieurs personnalités américaines
11:28 qui nous ont fait comprendre que l'objectif du président Clinton
11:32 n'était pas simplement politique.
11:35 Et d'ailleurs, lorsque les membres du Congrès américain
11:37 lui ont posé à de nombreuses questions la question de savoir
11:41 pourquoi est-ce que les militaires américains étaient impliqués
11:45 dans la déstabilisation du Congo, eh bien il n'a jamais répondu.
11:48 Et j'ai constaté tout simplement que la société,
11:53 il y a une des sociétés américaines qui était basée dans le Kansas,
11:57 dont le chef de Bill Clinton, était la société, on l'appelait AMFI.
12:02 Donc cette société qui venait pour l'exploitation du coltan
12:06 et d'autres ressources minières au Congo,
12:09 est la société qui a accompagné la rébellion de Paul Kagame
12:13 pour renverser le maréchal Mobutu.
12:14 Donc il est évident qu'on est dans une affaire d'imbroglio politico-financier
12:21 et que personne n'a envie qu'on soulève un peu pour voir ce qui se passe en dessous.
12:27 – Derrière cette transition énergétique que l'on nous vend partout,
12:32 de l'Union européenne jusqu'à l'Élysée,
12:34 il y a évidemment ces ressources minières importantes en RDC,
12:41 c'est le cobalt et le coltan.
12:44 Alors le cobalt, il est utilisé pour fabriquer des batteries
12:48 pour les voitures électriques,
12:49 le coltan c'est pour les ordinateurs et les téléphones portables.
12:54 – Tout à fait, le Congo a lui seul produit 70% du cobalt.
12:59 C'est selon les experts, depuis 2011, la demande de production de cobalt a triplé
13:06 et cela va aller jusqu'en 2030.
13:08 Donc l'invasion du Congo est, je dirais,
13:14 se fait sous la supervision de tous ceux qui ont envie de s'emparer du cobalt.
13:18 Donc le Rwanda de Paul Kagame est devenu une des plaques tournantes.
13:24 D'ailleurs, pour ceux qui relèvent du coltan, c'est encore la même chose,
13:27 parce qu'il faut se souvenir que le coltan est depuis 1942
13:31 considéré par le département de la défense des États-Unis
13:35 comme un produit stratégique de sécurité de défense nationale.
13:38 Donc ce qui veut dire que pour les Américains depuis la seconde guerre mondiale,
13:42 cette matière qu'est le coltan est quelque chose de très important
13:46 pour leur système de défense.
13:48 Donc le Rwanda est devenu aujourd'hui exportateur de coltan
13:52 alors qu'il n'y a pas un gramme de coltan au Rwanda.
13:56 Et les rapports des Nations Unies qui datent de 2001, c'est-à-dire il y a 22 ans,
14:01 montraient effectivement que le Rwanda venait au Congo pour piller les richesses
14:05 et aller les revendre en quelque sorte sur le territoire rwandais.
14:09 Donc tous les trafiquants du monde entier,
14:12 tous les hommes d'affaires qui veulent s'emparer du coltan moins cher,
14:17 eh bien qu'est-ce qu'ils font ?
14:18 C'est à Kigali qu'ils vont essayer de le récupérer.
14:21 C'est pour cette raison qu'on vit dans tout ce que vit la population du Congo à l'Est
14:27 dans un système d'omerta.
14:29 J'ai qualifié ça d'omerta parce que c'est le genre de silence
14:32 qui ne règne que là où il y a effectivement des pratiques mafieuses.
14:35 – Donc derrière cette neutralité énergétique que l'on nous somme d'atteindre pour 2050,
14:42 derrière cela il y a le massacre de ces civils du RDC.
14:45 – Non seulement le massacre de ces civils du RDC,
14:48 mais il y a des enfants de 4, 5, 6, 7 à 8 ans
14:52 qui travaillent nuit et jour dans les mines de coltan et de cobalt
14:57 en RDC en aspirant pour certains des produits extrêmement toxiques.
15:02 Et toutes les organisations, je dirais, de défense des droits de l'homme,
15:06 y compris les organisations qui s'occupent de la transition énergétique,
15:10 qui parlent d'énergie propre ou tout simplement de défense des enfants,
15:14 on ne voit personne aller se mobiliser pour défendre ou chercher à imposer des sanctions
15:20 à ceux qui infligent, n'est-ce pas, cette terreur aux enfants de 4 à 5 ans
15:25 qui ont vocation à aller à l'école et pas à se retrouver
15:27 dans les mines de coltan et de cobalt.
15:29 – On comprend mieux pourquoi les présidents Sarkozy et Macron
15:34 font des courbettes sur le perron de l'Elysée en recevant M. Kagame.
15:39 – Écoutez, moi j'ai été surpris de constater que non seulement
15:43 le président Sarkozy était allé passer ses 66 ans à Kigali,
15:48 bon on peut fêter ses anniversaires en Afrique parce qu'il fait beau,
15:53 parce qu'il y a du soleil, mais dans un pays qui est réputé,
15:57 enfin on a connu le Rwanda pour ses atrocités en 1994
16:01 et on connaît encore le Rwanda aujourd'hui pour ses atrocités
16:04 à l'intérieur et à l'extérieur de son territoire.
16:07 Comment pouvez-vous avoir la passion ?
16:09 Il a même dit dans un article, dans un grand hebdomadaire français
16:12 que le Rwanda était devenu le partenaire stratégique de la France.
16:16 Donc quand vous avez un pays qui est considéré en Afrique
16:19 comme un pays minoritaire sur le plan de la francophonie,
16:22 si on restait simplement sur le plan de la coopération politique,
16:25 comment pouvez-vous aller construire votre centre de gravité au Rwanda
16:28 en laissant tous les autres pays francophones qui sont importants,
16:31 y compris parce que le Rwanda, comme je l'ai dit tout à l'heure,
16:34 n'a pas de ressources minières ni économiques
16:36 et quand on va construire son centre de gravité
16:38 quand on est français au Rwanda,
16:40 eh bien ça laisse entrevoir tout ce que j'ai expliqué tout à l'heure
16:44 qui ne relève pas de la défense des intérêts d'État
16:47 mais probablement des préoccupations purement d'ordre privé.
16:51 Au-delà de ces ressources en RDC, de ce potentiel du sous-sol congolais,
16:57 comment vous expliquez la violence du président Kagame, le président rwandais ?
17:03 Écoutez, le président Kagame a été formé par la CIA et les éléments du Pentagone.
17:09 Depuis plusieurs années, vous savez, il a été à Fort Leavenworth,
17:14 c'est un centre de formation militaire aux États-Unis.
17:18 C'est à partir de ce centre de formation qu'il est venu prendre
17:22 quasiment la tête de la rébellion en 1990 pour renverser le président rwandais.
17:26 Donc il a été formé à la lutte insurrectionnelle.
17:29 C'est quelqu'un qui est… enfin, on a l'habitude de dire "makisar"
17:35 mais en France, quand on dit "makisar", ça peut connoter comme quelque chose de positif
17:39 mais en réalité, c'est quelqu'un qui a été formé à prendre le pouvoir par la violence,
17:43 à être violent et tout son parcours est parsemé de cadavres,
17:51 y compris sur la prise du pouvoir au Rwanda.
17:54 On dit entre 800 000 et 1 million de morts
17:57 mais on n'a jamais interrogé le rôle qu'a joué M. Kagame dans ce tapis de cadavres.
18:02 Et on regarde aujourd'hui ce qui se passe en RDC,
18:04 quand vous voyez les images, les têtes coupées, les sexes amputés,
18:08 ils ont amputé le sexe de l'ancien archevêque de Bukavu,
18:16 eh bien le Vatican n'a rien dit.
18:19 Et je suis surpris par le niveau d'assassinat des évêques et des prêtres au Rwanda et au Congo
18:26 et on a l'impression que personne ne veut s'intéresser à cela.
18:29 Et donc quand vous interrogez sur cette violence-là,
18:31 c'est quelqu'un qui a une culture de violence et une culture de la barbarie
18:35 et il ne sait pas faire la politique autrement que de cette façon-là.
18:40 – L'Église n'est donc pas la seule à garder le silence face à tous ces massacres,
18:46 vous les citez l'ONU, les institutions africaines, l'Union européenne
18:50 qui condamne, sanctionne la Russie pour son invasion ukrainienne,
18:57 tout reste silencieuse, quelles sont en fait les raisons de cette omerta ?
19:03 Est-ce seulement pour de l'argent ?
19:06 – Non, je ne crois pas, je pense qu'il y a des intérêts politiques croisés,
19:12 des intérêts personnels croisés, des gens qui appartiennent,
19:15 qui ont des conflits d'intérêts, enfin, tous les acteurs,
19:18 une grande partie des acteurs politiques et économiques qui opèrent dans cette région
19:23 sont empêtrés dans des conflits d'intérêts inqualifiables et innommables.
19:27 Donc c'est pour cette raison-là que beaucoup de gens n'ont pas intérêt
19:30 à ce qu'on essaye de comprendre ce qui s'y passe,
19:33 ni à interroger le silence qui entoure tous les crimes
19:37 et tous ces massacres contre l'humanité qu'on n'a jamais vu,
19:39 il faut le dire, en Afrique, depuis, je dirais même,
19:43 depuis la première guerre mondiale,
19:44 on n'a pas vu un tel niveau d'atrocité dans le continent africain,
19:48 tout cela est concentré dans un petit périmètre,
19:51 c'est-à-dire le territoire congolais,
19:53 et ça c'est ahurissant pour tous les experts et pour tous les chercheurs.
19:57 – Vous dites aussi, Charles Nanac, que des efforts colossaux sont fournis
20:01 pour que rien ou presque ne soit divulgué de la vérité de cette guerre en RDC,
20:08 ça passe par quoi des efforts colossaux ?
20:11 – Alors, vous aurez remarqué qu'on vous parle depuis des groupes armés en RDC
20:14 mais vous n'avez aucune image sur ce qui se passe dans ce pays.
20:18 Donc, vous avez de nombreuses chaînes de télévision françaises ou européennes
20:25 qui sont dans la région, qui opèrent même en RDC,
20:29 mais vous n'avez aucune image des atrocités des populations de l'Est du Congo,
20:33 ça veut tout dire, mais je ne m'arrête pas là,
20:36 je constate que quand j'ai pu exploiter les archives du Pentagone, de la CIA,
20:41 ils reconnaissent tous que Kagame mène des attaques extrêmement violentes
20:46 et des crimes sur le territoire congolais, mais comment peut-on le dire en même temps ?
20:51 Comme vous l'avez dit, par exemple, pour ce qui concerne le président de la Russie,
20:55 ils le savent, mais ils ne disent rien, ils ne le dénoncent pas.
20:58 Donc, pour moi d'ailleurs, c'est plus grave encore pour lui
21:01 parce que l'Union européenne a vu son ambassadeur assassiné au Congo.
21:05 L'ambassadeur italien, c'est le représentant de l'État italien au Congo
21:11 et on l'assassine, on a visé de façon explicite et délibérée son convoi
21:18 et l'Union européenne n'a jamais diligenté une commission d'enquête.
21:21 Donc, il y a une série de choses, de faits très concrets, très graves
21:25 qui, devant le silence qu'on peut observer,
21:28 on comprend qu'il y a beaucoup de choses à cacher
21:30 et tout le monde a vraiment intérêt à faire des efforts
21:32 pour qu'on ne sache rien de ce qui s'y passe.
21:35 – Et la Cour pénale internationale, qui a délivré un mandat d'arrêt récemment ?
21:40 – Je vous ferai pareil.
21:42 – Contre le président Vladimir Poutine,
21:46 pourquoi aucune sanction n'est prise contre le Rwanda ?
21:48 – Alors ça, c'est une vraie question qu'il faudrait poser aux responsables européens
21:53 et à tous ceux qui se sont acharnés ces derniers temps
21:57 à traduire le président russe devant la Cour pénale internationale.
22:03 Comment quelqu'un, M. Kagame en l'occurrence,
22:07 dont les rapports qui sont établis sur le Rwanda et sur Paul Kagame
22:11 sont faits par les Nations unies ?
22:13 C'est-à-dire qu'on ne peut pas soupçonner les Nations unies
22:16 d'avoir un minimum de complaisance vis-à-vis de ce qui se passe dans la région.
22:23 Mais quand vous avez une accumulation de rapports internationaux
22:27 qui sont sur la table, qui sont aux Nations unies
22:29 et qui sont généralement des rapports inspirés par le Conseil de sécurité,
22:33 on est surpris de constater que le Conseil de sécurité
22:35 ne se mobilise pas pour demander un mandat d'arrêt international contre Kagame.
22:39 Voilà le paradoxe qu'on observe.
22:41 Et ça, il faut rappeler que que ce soit les Européens ou les Africains qui sont lucides,
22:46 ils observent le cirque qu'il y a autour du président russe et ils se demandent.
22:50 Mais c'est parce que Kagame est l'allié des Occidentaux
22:54 qu'il n'est pas victime d'un mandat d'arrêt.
22:57 C'est quand même troublant.
22:58 – Et vous évoquez aussi le travail de ce militant espagnol des droits de l'Homme,
23:03 Juan Carrera Sarralegui, qui a bien saisi la justice espagnole en 2005
23:11 et toujours le silence.
23:13 – Toujours le silence.
23:14 Il a fait 42 jours de grève de la faim devant le Parlement européen
23:18 et il m'a raconté quelque chose de très troublant,
23:21 c'est qu'il est rentré dans le bureau d'un député au Parlement européen
23:26 pour lui dire de signer la pétition pour une lettre à Clinton
23:29 pour demander la création d'un tribunal pénal international.
23:32 Non seulement ce député a refusé, mais il avait oublié quelque chose,
23:35 il est sorti, il a quasiment été répudié.
23:37 Mais quand il est revenu, il a trouvé ce député
23:40 en train de quasiment de crier au téléphone
23:45 en disant qu'il ne comprenait pas pourquoi Juan Carrero
23:49 rentrait dans son bureau pour lui demander de signer quelque chose
23:54 qui portait manifestement atteinte, je dirais,
23:58 à la tranquillité des grands de ce monde.
24:02 – Et vous évoquiez tout à l'heure la mort de ces membres d'équipage
24:07 abattus dans l'avion du président Abiyarimana.
24:13 Personne, les autorités françaises n'ont pas cherché à savoir
24:17 ce qui s'était passé et les autorités italiennes
24:20 n'ont pas cherché non plus à savoir ce qui s'est passé le 22 février 2021,
24:24 c'est assez récent quand leur ambassadeur, M. Atanasio, a été assassiné.
24:30 – Alors ce qui est très grave dans le cas français,
24:32 c'est que le juge Bruguer, qui est quand même réputé en France
24:37 comme un juge terroriste historique,
24:41 il était arrivé à la conclusion lors de ses enquêtes,
24:45 qui ont duré quand même beaucoup d'années,
24:47 à la mise en cause des proches de Paul Kagame.
24:51 Et des mandats d'arrêt ont été lancés contre eux.
24:54 Et sous Sarkozy, il a été clairement dit, Paul Kagame,
24:59 d'après M. Kouchner, je cite le ministre des Affaires étrangères de M. Sarkozy,
25:03 qui a clairement dit que Kagame leur avait demandé
25:06 de régler ce problème des mandats d'arrêt du juge Bruguer.
25:09 Eh bien, qu'est-ce qui s'est passé ?
25:10 Eh bien, ils ont envoyé le juge Strevidig sur le terrain
25:12 et le retour du juge Strevidig s'est conclu par un non-lieu.
25:17 C'est-à-dire que l'enquête du juge Bruguer a conclu
25:20 à la mise en cause de 9 personnes avec mandat d'arrêt international,
25:24 l'enquête du juge Strevidig s'est soldée par un non-lieu.
25:28 Allez comprendre, pour les gens qui réfléchissent un peu,
25:32 allez comprendre la contradiction qui va dans ce sens-là.
25:35 Mais surtout, et je ferme, j'ouvre la parenthèse, je la ferme rapidement,
25:38 c'est que le juge Bruguer, son enquête n'est pas la seule.
25:41 Il y a eu le juge espagnol qui était parvenu aux mêmes conclusions.
25:48 Il y a eu des enquêteurs des Nations Unies que j'avais personnellement rencontrés
25:51 qui sont arrivés aux mêmes conclusions.
25:53 Eh bien, les États-Unis ont exercé des pressions colossales
25:56 sur la justice espagnole pour que l'enquête sur l'attentat soit abandonnée.
25:59 Donc, voilà comment on a organisé, en quelque sorte,
26:02 l'impunité à l'endroit de M. Kagame
26:04 et de toutes les personnes qui commettent aujourd'hui les massacres à l'est du Congo.
26:07 – "Holocauste au Congo", c'est le titre de votre enquête, Charles Nana.
26:13 Tout est dans ces pages à retrouver sur la boutique officielle de TV Liberté.
26:19 L'OMERTA de la communauté internationale,
26:21 la France complice pour l'interrogation,
26:23 la France, en tout cas l'État français distinguons.
26:26 Merci beaucoup Charles Nana d'être revenu sur le plateau de TV Liberté.
26:30 – Je vous remercie.
26:31 [Générique]