Aujourd'hui, Juliette nous parle du livre de William Styron, Un matin de Virginie.
Retrouvez toutes les chroniques de Juliette Arnaud dans « C'est encore nous ! » sur France Inter et sur https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-de-juliette-arnaud
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00:00 Juliette Arnault, qui chaque mercredi, relit pour nous des classiques et aujourd'hui, vous avez relu un recueil de nouvelles.
00:07 Il s'agit de trois nouvelles de William Styron, écrivain américain sudiste, ça a son importance évidemment dans l'histoire des Etats-Unis,
00:15 "Un matin de Virginie", voilà le titre, de LA Virginie, donc cet état qui se situe sur la côte est des Etats-Unis.
00:21 Qui choisit quel livre est un classique ? En réalité, personne. Il y a des livres qui passent à la postérité, d'autres non.
00:28 Et de ceux qui restent dans les mémoires des vivants, des générations plus tard, on dit qu'ils sont des classiques.
00:34 On suppose également que ceux qui restent sont les meilleurs. Là, en revanche, je crois que "on" se trompe parfois.
00:40 La postérité retient de William Styron, l'auteur dont je vais vous parler aujourd'hui, deux grands romans,
00:45 qui ont également été deux grosses sources de scandales à leur époque, "Le choix de Sophie" et "Les confessions de Nat Turner".
00:52 Alors avec le premier "Le choix de Sophie", il y aura une adaptation au cinéma, et Meryl Streep se chopera son premier Oscar.
00:57 La toile de fond étant la Shoah. Avec le second "Les confessions de Nat Turner",
01:01 William Styron a entrepris de raconter une révolte d'esclaves réprimées dans le sang, menée par un homme appelé Nat Turner.
01:07 Noir, esclave, qui a vraiment existé. Et William Styron, quoique ceux disent, était un homme blanc.
01:12 Il a écrit ce livre à la première personne du singulier. À notre époque, on parlerait sans doute d'appropriation culturelle.
01:17 À la sienne, les années 60, n'ayant aucune crainte, il y a eu des vagues aussi et des remous.
01:21 Je ne vais pas m'étendre là-dessus, vu que celui que j'ai choisi pour vous entretenir de Styron, c'est aucun de ces deux-là.
01:26 J'ai choisi un livre plus raisonnable en termes de pages. Je me suis dit que pour commencer avec Styron, c'était bien.
01:30 Les deux autres font 600 pages, là il y en a 200. Et qui, grâce à son titre, semble auréolé d'innocence.
01:37 On n'a qu'à observer le champ sémantique du titre. "Matin", "Virginie", qui sonne comme "Virginale", et "Jeunesse".
01:43 Et ce n'est pas un mensonge, parce que ce sont vraiment trois nouvelles avec le même narrateur,
01:46 qu'on devine désormais âgé au moment où il écrit, au moment où il se rappelle trois moments de sa vie où il est jeune.
01:53 Le premier, il a 20 ans, le deuxième il a 10 ans, et dans la dernière nouvelle, il a 13 ans.
01:57 Quand il a 20 ans, dans la première nouvelle, le narrateur est physiquement loin, bien loin de la Virginie.
02:03 Il est en pleine mer, pas loin des îles Mariannes. Il est chef de section dans le corps des Marines.
02:08 On est en avril 1945, c'est-à-dire à peu près à moins dix minutes de l'épisode guerrier le plus saignant de la Deuxième Guerre mondiale,
02:14 le largage des bombes atomiques sur les villes japonaises d'Hiroshima et Nagasaki.
02:18 Il écrit "Nous nous étions, nous les Marines, nous nous étions engagés pour le prestige, la preté,
02:24 le sentiment d'appartenir aux plus héroïques de tous les ordres guerriers".
02:27 Alors, Styron a été effectivement Marine, c'est chef de section.
02:32 Le narrateur a 20 ans, il est dressé pour avoir envie d'en découdre, et forcément, il a un modèle plus âgé,
02:37 un lieutenant-colonel aussi guerrier qu'il est abruti. Il écrit de ce type "Je m'étais indite un jour que s'il était possible
02:44 de distiller la pure masculinité qui émanait de sa personne, d'en faire une sorte d'essence volatile,
02:50 ce serait un triomphe publicitaire, une autre colonne baptisée bandante, fleurant le cuir, la chieur et la poudre".
02:57 Et là, dans la cabine exiguë du lieutenant-colonel, à faire semblant de l'écouter raconter une histoire graveleuse
03:03 pendant que le moindre grondement d'avion peut être celui d'un kamikaze japonais qui viendra s'écraser sur leur cargo plein de Marines.
03:09 Mais on est un Marines, on ne peut pas se laisser affecter par la peur.
03:14 Il arrive au jeune narrateur, ce qui nous arrive parfois quand on n'écoute plus quelqu'un de barbant qui raconte mal,
03:19 un truc insipide. Le cerveau du narrateur marche tout seul, sa mémoire l'emmène à loin, bien loin.
03:25 Il est de retour en Virginie, il a 10 ans, ce sont les années 30, il est en famille avec son père et sa mère,
03:31 ils sont allés admirer la mise à l'eau justement d'un bâtiment naval, son père ingénieur a participé à sa construction.
03:36 Et puis au retour, leur vieille voiture tombe en panne au bord d'une route, bref tout est bien installé pour une tension familiale.
03:41 Et là, Styron lâche une phrase courte qui te fait dresser l'oreille, il commence par deux négations,
03:46 et une petite chose horrible ensuite, non sans raison valable, nous n'étions pas une petite famille très heureuse.
03:53 Quelles sont ces raisons ? Et pourquoi est-ce que sa mémoire le ramène pile à ce souvenir-là ?
03:58 Je vous le dirai bien mieux, mon temps est écoulé, merci, bisous, merci !
04:02 Ça changera jamais, pourtant le livre il est court, c'était dit là, on va savoir !
04:07 Si vous voulez, je peux décider que votre temps n'est pas écoulé et je vous donne 4 minutes de plus.
04:11 Alors ?
04:12 Non, non, c'est un petit truc dans les médias, dans les feuilletons, c'est de dire "la suite la semaine prochaine" bien sûr.
04:20 Et dans la vie sexuelle ?
04:21 Et en plus il y a l'homosex, alors là tout le monde va rester.
04:25 Personne ne va débrancher France Inter, mais on continue jusqu'à mercredi prochain, ce sera grâce à nous, vous l'aurez noté.
04:31 C'est une petite méthode que je vous donne à 17h30.
04:34 Merci beaucoup Juliette Arnault.
04:35 Dites-moi, donc William Styron raconte en fait 3 souvenirs de sa jeunesse, rien à voir avec le film d'Arnault Desplechin,
04:42 mais auquel il a peut-être plus d'allumage.
04:43 Mais comme c'est un grand lecteur, Arnault Desplechin, potentiellement il l'a lu et il s'est dit "tiens, je vais garder ce morceau de titre".
04:49 Peut-être, on ne sait pas.
04:50 C'est fictif ou c'est autobiographique ?
04:53 C'est ça qui est assez rigolo, c'est que tout ce que je connais de la vie de Styron, ça a l'air parfaitement sa vie,
04:58 et en même temps il choisit de donner au nom du narrateur un autre nom que le sien.
05:02 Je pense que c'est pour qu'on l'embête moins qu'on l'a embêté avec le choix de Sophie et les confessions de Nat Turner.
05:07 Parce qu'il s'appelle Sophie ?
05:08 Je ne comprends rien.
05:10 Il faut que j'écoute la première.
05:12 Redonnez-nous le titre exact, comme ça les auditoristes pourront noter.
05:17 Ça s'appelle "Un matin de Virginie", 3 histoires de jeunesse et il s'appelle William Styron.
05:22 Et c'est évidemment en édition de poche.
05:24 Ou dans les bibliothèques.
05:25 Bien sûr, évidemment, on embrasse les bibliothécaires.
05:28 Comme ça, ça fait des auditeurs en plus.
05:30 C'est des petites techniques que je vous donne à 17h31.