• l’année dernière
Transcription
00:00 *Musique*
00:18 Merci d'avoir poussé la porte du club de lecture de France Culture.
00:22 Si vous nous écoutez en direct ce midi ou en podcast sur l'application Radio France,
00:26 voilà la marche à suivre durant les 40 prochaines minutes. Cessez toute activité, pas d'ordinateur,
00:32 pas de téléphone, pas d'écran. Ce book club est une invitation à la contemplation
00:36 de la nature et des oiseaux. Pour nos invités, ils ont un pouvoir. Pour le premier, les oiseaux
00:43 nous apportent de la lumière. Pour le second, leur chant rend le monde plus beau. Ils ont
00:49 un point commun, nos deux invités parlent presque au passé, s'inquiètent de la disparition
00:54 des espèces et que cette absence passe inaperçue. D'où le besoin, sûrement, d'écrire ces
00:59 éloges que nous présentent nos invités dans un instant, accompagnés comme tous les
01:03 jours par la communauté du book club.
01:04 Chère madame et très joyeuse Alouette, ça m'a tout de suite plongé dans une certaine
01:08 intimité avec l'Alouette et ramené à mes propres souvenirs.
01:11 Quand je marche dans la forêt, mes pas sont accompagnés du chant des oiseaux. Je ne les
01:15 vois pas mais ils sont là. Je les entends, un chant décline, un autre naît.
01:20 Comme un enfant aux yeux de lumière qui voit passer au loin les oiseaux. Comme l'oiseau
01:30 bleu survolant la terre, voit comme le monde, le monde est beau.
01:38 France Culture, le book club, Nicolas Herbeau.
01:41 Et la communauté du book club, bien sûr Véronique et Sophie, nos lectrices qu'on
01:46 entendra tout au long de l'émission. Bonjour Francis Grimbert.
01:49 Bonjour. Vous êtes traducteur et écrivain. Vous
01:53 publiez un récit singulier, celui d'une lettre que vous adressez à l'Alouette,
01:56 des chants sous ce titre. Éloge de l'Alouette qui paraît aux éditions Arlea dans la collection
02:02 Rencontres. Vous écrivez que l'Alouette est avant tout la compagne de l'enfance.
02:06 Est-ce que vous vous souvenez de votre première rencontre avec cet oiseau ?
02:09 La première peut-être pas mais les dizaines voire les centaines de rencontres, jusque
02:17 l'âge de 15-20 ans, oui beaucoup. Donc c'est même ce qui m'a incité à écrire
02:21 ce livre. Le point de départ est vraiment des souvenirs très vifs, d'autant plus
02:28 que maintenant malheureusement, écouter l'Alouette devient un gageur.
02:33 Justement cette disparition de l'oiseau, c'est aussi la motivation de l'écriture
02:39 de cette lettre. Évidemment c'est un retour à l'enfance, c'est aussi un besoin de
02:43 lui écrire, c'est véritablement une lettre que vous lui adressez.
02:46 Oui c'est une lettre.
02:47 Sur cette forme, c'était une évidence pour vous ?
02:50 Non, le thème de l'Alouette me trotte dans la tête depuis longtemps. Avoir un thème
02:57 c'est bien, trouver une forme c'est encore mieux. Donc c'est la lecture il y a peut-être
03:03 5-6 ans de la lettre de Romain Gary, publiée dans le Figaro littéraire en 68, "Lettre
03:08 à l'éléphant" qui est 15 pages à peu près, magnifique et qui est une référence
03:14 d'un point de vue de littérature écologique. Donc voilà, je me suis dit tiens la forme
03:18 de la lettre et tout de suite oui, tout de suite ça, j'ai vu que c'était quelque chose
03:22 d'agréable à écrire et assez fort quelque part.
03:27 L'Alouette et l'éléphant d'ailleurs que vous faites se rencontrer.
03:30 Oui, une petite fantaisie, parce qu'il en faut dans le monde des animaux, un certain
03:37 anthropomorphisme raisonné.
03:39 Alors avec Auriane Delacroix et Zora Vigner qui programment cette émission, on a décidé
03:43 de vous faire échanger avec Jean-Noël Riffel.
03:46 Bonjour.
03:47 Bonjour.
03:48 Vous êtes vétérinaire, directeur de l'Office français de la biodiversité dans le centre
03:50 Val-de-Loire et vous êtes tout simplement un ornithologue, un ornithologue un peu perché,
03:56 c'est vous qui le dites dans votre premier récit que vous publiez aujourd'hui aux éditions
04:00 Équateur, "Éloge des oiseaux de passage", sous-titré donc "Journal d'un ornithologue
04:05 un peu perché", référence, si je ne m'abuse, au roman d'Italo Calvino, "Le baron perché",
04:10 que vous citez au détour d'une phrase dans un chapitre consacré à notre rapport à
04:14 la nature, au rapport entre l'enfance et la nature d'ailleurs, ce qui est un premier
04:18 point commun avec Francis Grimbert, et la distraction que la nature provoquait chez
04:24 vous à l'école primaire.
04:25 Vous étiez bon élève, mais contemplatif et étourdi, si je puis dire.
04:30 Vous étiez plutôt déjà perché dans les arbres de la cour de récréation plutôt
04:33 que bien assis dans votre chaise d'écolier ?
04:35 - Voilà, mon regard était déjà aimanté par le vol des oiseaux et il est vrai qu'il
04:40 m'était arrivé à plusieurs reprises en classe d'avoir les yeux rivés vers le ciel
04:45 pour voir une escadrille de martinets crier la joie comme la louette dans la cour d'école.
04:50 Et ces oiseaux sont rentrés en moi durant l'enfance, ce que vous dites, comme Francis
04:56 Grimbert, à la feur de trois choses, des lectures importantes, marquantes.
05:00 Vous étiez Italo Calvino, mais je citerai aussi Paul Géroudet et Jacques Delamain qui
05:04 sont de grands ornithologues littéraires, André Therrier aussi et d'autres, à la
05:10 faveur aussi de rencontres avec des personnes qui m'ont appris à poser le regard sur les
05:13 oiseaux et la nature.
05:14 C'est quelque chose qui s'apprend par les sens, par les yeux, par l'ouïe.
05:19 Et voilà, observer les oiseaux est une approche multisensorielle.
05:22 - Francis Grimbert, sur cet apprentissage de la reconnaissance des oiseaux, du regard
05:28 des oiseaux, comment ça s'est passé pour vous ?
05:30 - Vous voulez parler de ma connaissance ornithologique ? Non, je ne fais pas partie de la communauté
05:37 des ornithologues, ni de celle des cocheurs.
05:40 Plutôt un observateur lambda, vivant et ayant toujours vécu dans la nature.
05:48 Enfance rurale et habitant toujours dans le même endroit.
05:53 Donc c'est plutôt une proximité directe qui n'appelle pas forcément un désir de
06:01 nommer, bizarrement.
06:02 Dans d'autres domaines, oui, mais là, non.
06:05 - Jean-Noël Driffet, ça s'apprend à l'école ou pas ?
06:08 - Alors, ça peut s'apprendre à l'école, mais je pense que ça s'apprend sur le terrain,
06:12 in situ, avec des personnes qui vous apprennent, des naturalistes, etc.
06:15 Moi je trouve par contre, et là je prends un tout petit peu la même distance avec Francis
06:19 Grimbert, que savoir nommer les choses, savoir nommer ces féeries du visible dont parlait
06:23 Jean Rostand, que ce soit les oiseaux, les fleurs, les étoiles.
06:27 Je trouve que c'est, je le dis dans le livre, c'est une manière savante d'éprouver la
06:30 beauté et l'épaisseur de la vie.
06:32 Et je trouve que c'est grâce à ça que la chose la plus importante, puisqu'elle s'offre
06:37 à nous sous nos yeux, c'est de leur rendre hommage en sachant les nommer.
06:39 - Alors, puisqu'on parlait d'école comme un fait exprès, direction la librairie des
06:44 écoles.
06:45 C'est à Montargis, et on retrouve Véronique.
06:47 Véronique qui a lu votre éloge des oiseaux de passage.
06:51 Voici ce qu'elle en retient.
06:52 - Les oiseaux de passage de Jean-Noël Riffiel m'ont emmené sur des sentiers que je ne connaissais
06:56 pas, une promenade par monts et par veau.
06:59 Quand je marche dans la forêt, mes pas sont accompagnés du chant des oiseaux.
07:03 Je ne les vois pas, mais ils sont là.
07:05 Je les entends, un chant décline, un autre nez.
07:08 J'ai retrouvé grâce à ma lecture des oiseaux de passage, les sensations de plaisir et de
07:13 jubilation.
07:14 Je me suis laissé porter par ces mots.
07:16 J'ai redécouvert des lieux.
07:18 J'y retournerai et j'attendrai un oiseau de passage.
07:21 Les oiseaux qui habitent dans mon jardin sont plus visibles.
07:24 Nous nous connaissons et je sais que je ne dois pas dépasser une certaine limite.
07:29 De là, nous nous observons, puis ils reprennent leur activité pour mon plus grand plaisir.
07:33 Jean-Noël Riffiel, à quel moment avez-vous su qu'il était temps de parler des oiseaux
07:37 de passage ? Où l'ont-ils dit ?
07:39 - Qu'est-ce qui communique avec vous ces oiseaux ? Et d'ailleurs, qu'est-ce que c'est un oiseau
07:44 de passage ? On pense aux oiseaux migrateurs, mais pas seulement.
07:46 - Alors, les oiseaux, en fait, ce qui est incroyable avec eux, alors il y a effectivement
07:50 ces oiseaux migrateurs qui expriment, on va dire, ces grands phénomènes biologiques
07:55 qui nous dépassent et qui nous relient un petit peu au mystère de la création.
07:59 Mais effectivement, il n'y a pas qu'eux.
08:01 Il y a tous ces oiseaux qui sont autour de nous, qui traversent notre regard, notre existence,
08:05 nous saisissent, nous ravissent, qui se cachent pour nous ravir, pour nous livrer leurs secrets.
08:09 Et en fait, il faut savoir pénétrer leur intimité progressivement pour mieux les
08:12 appréhender, etc.
08:13 Donc, leurs apparitions, elles sont toujours furtives, délicates, fugitives.
08:16 Et ce sont des petites épiphanies du quotidien.
08:19 Cette dame l'exprime très bien dans sa manière, dans son appréhension des champs d'oiseaux.
08:23 Et moi, je vois dans les champs d'oiseaux et dans le champ de l'alouette, qui est un
08:25 champ d'allégresse, une onde de joie, je crois, disait Bachelard, une manière, en
08:31 fait, de nous connecter au céleste et de nous détacher un petit peu de tout ce qui
08:35 peut nous enliser dans le quotidien.
08:37 Donc, ils sont rentrés en moi très, très vite là-dessus.
08:38 Et puis, ça s'est, on va dire, renforcé au fil des années.
08:43 - Véronique dit, il vous demande quand est-ce que vous avez su qu'il fallait écrire
08:46 sur les oiseaux ?
08:47 Alors, l'écriture, pour vous deux, c'est aussi une façon de témoigner, de rendre
08:51 hommage avec cette éloge que vous écrivez.
08:53 Mais vous avez aussi ce point commun, c'est que vous nous parlez de ce syndrome du changement
08:58 de base.
08:59 Alors, comme ça, ça paraît un peu compliqué.
09:01 En fait, c'est très simple.
09:02 C'est l'oubli de l'abondance passée de la biodiversité, c'est-à-dire que tous les
09:07 deux, vous nous dites aujourd'hui, on a l'impression qu'il y a moins en moins d'oiseaux, mais
09:12 on ne s'en rend pas compte.
09:13 C'est bien ça, Francis Grenberg ?
09:15 - Exactement ça, c'est les références.
09:17 Nous devrions avoir une mémoire plus générationnelle, au moins deux générations avant nous, pour
09:24 avoir de réelles références.
09:26 D'ailleurs, que maintenant, la perte dans dix ans sera évaluée par rapport à la situation
09:33 actuelle, alors que par rapport à 30 ans en arrière, elle est déjà majeure.
09:37 Donc, c'est effectivement important et on peut, je pense, parler d'amnésie écologique.
09:42 C'est un mot assez fort.
09:43 Tout à fait, moi je partage à 100% cette augmentation, cette perte de repère chronologique,
09:51 temporelle, qui évoque cette amnésie.
09:53 Et puis aussi cette indifférence parfois à la nature, vous l'indiquez aussi, Francis
09:57 Grenberg, dans votre livre.
09:59 L'idée aussi de ce livre, c'est de faire un petit manifeste pour une présence attentive
10:03 à la nature, parce qu'elle s'érode.
10:04 On vit une crise majeure de la biodiversité, une sixième extinction de masse.
10:08 Les populations d'oiseaux déclinent à grande vitesse, la loette perd 1% de ses effectifs
10:12 par an.
10:13 Donc, je pense que c'est important.
10:14 C'est aussi un cri d'alerte, vous l'avez dit.
10:16 - On ne s'en rend pas compte parce qu'on ne les compte pas nous au quotidien, parce
10:20 qu'on ne les regarde plus.
10:22 Comment on annule ça ? Vous allez nous expliquer comment est-ce qu'on les compte, ces oiseaux,
10:28 comment est-ce qu'on s'en rend compte d'abord en tant qu'ornithologue, Jean-Mathieu Le Référend ?
10:32 - Alors, il faut savoir qu'il y a des suivis scientifiques qui existent, portés par le
10:35 Muséum d'histoire naturelle, le suivi temporel des oiseaux communs, qui est un suivi qui
10:38 date d'il y a plusieurs dizaines d'années, qui nous permet d'avoir une vision rétrospective
10:42 justement de cet effondrement de certaines populations d'oiseaux.
10:44 Parce qu'encore, il faut nuancer le constat.
10:46 Il y a des espèces d'oiseaux généralistes, des espèces d'oiseaux spécialistes, certaines
10:50 espèces d'oiseaux...
10:51 Il y a des gagnants et des perdants, si vous voulez, dans cette histoire.
10:52 Et donc, il y a des faits scientifiques qui ont été démontrés.
10:56 Et puis même, en l'espace de quelques générations, un père à son fils dira...
11:00 Moi, comme tu le savais, mon fils, quand j'étais jeune, je voyais plus d'alouettes dans les
11:03 champs, c'est ce que vous dites.
11:04 Je voyais plus de bouvreuils qui venaient pas loin de la mangeoire, dans mon jardin.
11:09 Et ça, moi, c'est des choses que j'ai observées en l'espace de petites dizaines d'années.
11:14 - Parce que vous les regardez ? - Parce que je les regarde.
11:16 - Francis Grimbert, vous dites que dans les années 60, l'alouette annonçait le printemps
11:21 au-dessus de la ferme de vos parents.
11:22 - Oui.
11:23 Donc, la baisse des effectifs, pour continuer la discussion, est un des traits.
11:30 Et aussi, la crise de la sensibilité dont parle Baptiste Morisot.
11:34 C'est notre rapport à la nature qui, lui, change aussi.
11:37 Alors, pour en revenir à la ferme de mes parents, oui, effectivement, l'alouette est un oiseau
11:44 « agricole », entre guillemets, et qui vole au-dessus des champs de céréales et qui
11:49 niche à même le sol dans les champs de céréales.
11:53 Donc, il est d'autant plus proche de l'homme, de son activité.
11:58 Comme c'est un oiseau très céleste et en même temps très terrestre, vu qu'il niche
12:06 au sol, là aussi, par rapport, symboliquement, par rapport à l'homme, il y a un point commun
12:10 très très fort.
12:11 Nous sommes des êtres terrestres avec une aspiration, je l'espère, céleste.
12:16 Donc voilà, l'alouette, d'un point de vue symbolique, les poètes en ont beaucoup parlé,
12:22 elle représente quelque chose de très fort.
12:23 - Et justement, puisque vous parliez d'agriculture, les pesticides et certaines formes et pratiques
12:30 d'agriculture, c'est l'une des raisons du déclin des oiseaux que vous citez ?
12:35 - C'est évidemment l'une des raisons.
12:37 Disons que le problème des pesticides est un problème général, parce que toujours
12:43 l'associer aux agriculteurs est un faux débat.
12:47 Nous sommes tous concernés par ça, c'est l'alimentation.
12:51 Donc c'est un problème de société, d'enjeu, d'avenir.
12:54 Donc voilà, c'est simplement ce que j'ai à dire sur le fait de ne pas pointer certaines
12:59 cibles trop facilement.
13:02 Mais effectivement, on ne peut pas dire autrement, les oiseaux diminuent très vite à cause
13:10 des épandages de pesticides, c'est évident.
13:12 - C'est plus une lancer que ça, évidemment.
13:14 - Juste pour revenir sur ce que vous disiez sur le fait qu'on les regarde moins, je trouve
13:18 aussi que, bon, regarder les oiseaux, savoir pénétrer en intimité, ça fait appel à
13:22 des qualités qui sont un peu en voie aussi d'érosion dans notre époque.
13:26 La discrétion, la solitude, la patience, le silence, le sens de la quête, l'approfondissement
13:33 vraiment de ce silence et de la patience, l'immobilité, la capacité à se fonder dans
13:37 un paysage pour mieux en pénétrer l'intimité.
13:40 C'est sûr que quand on passe beaucoup de temps sur les écrans, les yeux rivés vers
13:46 le bas plutôt que vers le ciel, on perd la qualité parfois du regard qu'on peut avoir
13:53 sur certaines choses.
13:54 - Jean-Noël Rieffel, vous citez le franc parlé du scientifique français François
13:58 Terrasson qui disait "vous aimez la nature".
14:01 - Alors foutez-lui la paix.
14:02 Il y a une période où on lui a foutu la paix en quelque sorte à cette nature.
14:07 C'est pendant la crise du Covid et le confinement.
14:12 Et vous racontez ce confinement, Jean-Noël Rieffel, qui nous a obligés justement à
14:15 ralentir, à prendre le temps.
14:17 Et vous, vous étiez confiné dans votre maison du centre-ville d'Orléans où il y avait
14:21 un jardin et où vous avez pu observer un nombre très important d'oiseaux.
14:27 - Voilà, que je ne soupçonnais pas pour tout vous dire, pour être franc.
14:30 On va dire que j'ai sorti mes grandes oreilles en mettant des micros sur mon toit pour mieux
14:36 capter les oiseaux qui passaient en migration notamment et les champs d'oiseaux de mon
14:40 jardin.
14:41 Et puis comme il fallait aussi un peu s'occuper parce qu'on a été limité dans ce kilomètre
14:44 administratif, j'ai analysé tous ces champs, tous ces cris et je me suis rendu compte qu'il
14:50 y avait des espèces qui passaient la nuit au-dessus de mon habitation sans que je m'en
14:52 rende compte.
14:53 La caille des blés par exemple qui est une espèce d'un milieu agricole, etc.
14:57 Et donc j'ai redécouvert, on va dire, un petit peu ma biodiversité de proximité qui
15:01 m'a fait grand bien, pour le coup, qui m'a fourni un grand bien-être.
15:03 - C'est vrai que si on aime la poésie, les noms d'oiseaux sont assez poétiques.
15:07 Un loriot, un merlaplastron, un balbusard, on est vraiment dans… ça parle tout seul.
15:15 Je ne sais pas à quoi ils ressemblent ces oiseaux, mais ça parle tout seul.
15:18 C'est une forme d'inventaire poétique à la préverve.
15:20 - Il y a une poétique des noms d'oiseaux, c'est évident.
15:25 Lire une liste, tout simplement, c'est un inventaire à la préverve, quasiment.
15:31 - Est-ce qu'il y a des alouettes à Orléans ?
15:33 - Il y a des alouettes qui survolent Orléans, mais elles ne sont pas loin, elles sont dans
15:36 la proximité, dans la Beauce, où là on peut encore en voir et les entendre chanter, absolument.
15:42 - Alors justement, puisqu'on parle d'alouettes, on va écouter Sophie.
15:45 Sophie, elle a lu votre éloge de l'alouette Francis Grimbert et voici ce qu'elle en retient.
15:50 - Lorsque j'ai commencé la lecture de l'éloge de l'alouette, ce que j'ai tout de suite
15:54 beaucoup aimé, c'est la façon à la fois indirecte et si respectueuse qu'a Francis
15:58 Grimbert de s'adresser à elle.
16:00 "Chère madame et très joyeuse alouette".
16:02 Ça m'a tout de suite plongée dans une certaine intimité avec l'alouette et ramenée à
16:05 mes propres souvenirs.
16:06 J'avoue, dans le même temps, j'avais été assez décontenancée par le début de ma
16:10 lecture parce que j'avais l'impression que l'auteur n'avait pas su choisir entre
16:14 le récit de souvenirs d'enfance, l'anthologie poétique, le documentaire animalier, le manifeste
16:19 écologiste.
16:20 Et puis au fil des pages, j'ai finalement été vraiment émue de mille manières et
16:26 j'ai appris beaucoup de choses également.
16:28 Donc je me suis dit qu'il avait vraiment bien fait de ne pas choisir parce que depuis
16:32 la lecture de l'éloge de l'alouette, je me surprends à la chercher partout où que
16:36 j'aille, même si pour l'instant, je ne l'ai hélas retrouvée nulle part.
16:39 Et la question que je voudrais poser à Francis Grimbert, c'est est-ce que depuis la parution
16:43 du livre, on vous écrit, on vous appelle peut-être pour vous dire "ça y est, moi,
16:47 j'ai vu une alouette aujourd'hui".
16:48 Oui, ça n'y manque pas.
16:50 Oui, forcément, si on dit que l'alouette a quasiment disparu de certains territoires,
16:55 donc là, il faut peser ces mots, évidemment, l'alouette n'est pas en voie de disparition
16:58 d'un point de vue scientifique.
17:00 Ceci dit, sa raréfaction très grande dans certains territoires est une évidence absolue.
17:06 Donc voilà.
17:07 Et j'ai oublié la question de...
17:10 Est-ce que justement, aujourd'hui, on vous disait...
17:13 Oui, alors non, c'est plutôt, on évoque de certains lecteurs le fait que l'abondance
17:19 d'antan, voilà, d'il y a d'antan, pas non plus versingé théorique, c'est-à-dire il
17:24 y a 30 ans, on va dire.
17:25 Voilà, ça, on l'évoque assez souvent.
17:27 Cette petite perte, ce champ qui n'est plus là, émeut les lecteurs en disant qu'on a
17:33 quand même perdu quelque chose.
17:35 Cette dame alouette des champs que vous décrivez merveilleusement bien.
17:39 Vous citez d'abord, Francis Grimbert, les mots de Philippe Jacotet qui vous parle, vous
17:45 aussi beaucoup.
17:46 Il écrivait "Alouette, étoile en plein jour, avant qu'il ne soit trop tard", que vous avez
17:51 placé en exergue de votre éloge à l'alouette.
17:53 Comment vous décrivez-vous cet oiseau, simplement, en quelques mots, si je vous pose la question ?
17:58 - Donc la référence à Jacotet est commune à nos deux livres.
18:02 D'ailleurs, ce n'est pas la seule.
18:03 Décrire l'alouette, c'est le champ, d'abord un champ magnifique, 600 notes à peu près,
18:11 articulées, pour un champ ininterrompu pouvant durer de 10 à 15 minutes, ce qui est exceptionnel.
18:18 Voilà, donc ce champ, oui.
18:22 - Et physiquement ?
18:23 - Alors physiquement, c'est un oiseau qui ne paye pas de mine, je veux dire, il est plutôt
18:27 terne.
18:28 Bizarrement, comme le rose signole, qui est célèbre pour son champ et qui, dans votre
18:33 livre, vous l'évoquez aussi, il est le plus mage.
18:35 Bon ben voilà, on ne va pas le remarquer, on ne va pas s'esbaudir devant le rose signole
18:39 si on ne l'entendait pas.
18:40 - Jean-Noël Réfel.
18:41 - Oui.
18:42 Moi, l'alouette, c'est vraiment la voix de la lumière solaire, pour moi.
18:46 Et effectivement, c'est un oiseau qui est pauvrement vêtu, comme on dit, c'est des
18:49 mots, et qui est cryptique, comme on dit dans le jargon scientifique, c'est-à-dire qu'il
18:55 se dissimule au sol et qu'on ne voit pas.
18:56 Et c'est effectivement quand il trône dans le ciel, dans son allégresse, dans sa jubilation,
19:00 qu'on la remarque et qu'elle nous enchante.
19:04 - Oui, elle nous enchante et nous apporte de la joie.
19:06 En cherchant toutes les citations poétiques, c'est vraiment le mot qui revient sans cesse.
19:11 La joie, la joie, la joie.
19:14 Et chez les gens aussi, cet animal est symbole de joie.
19:17 - Alors que les alouettes sont totalement muettes au sol, écrivez-vous Jean-Noël Réfel,
19:23 le ciel constitue leur scène, elles s'y expriment avec allégresse, les alouettes portent au
19:27 ciel les joies de la terre.
19:29 C'est exactement ce que vient de dire Francis Grimberg.
19:31 - Tout à fait.
19:32 Et je vais rebondir en reprenant les mots de Philippe Jacoté, que nous avons en commun,
19:35 qui disait qu'on ne vit pas longtemps comme les oiseaux dans l'évidence du ciel et retomber
19:40 à terre comme l'alouette, on ne voit plus en eux précisément que des images et des
19:43 rêves.
19:44 Je trouve que tout est dit.
19:45 - Vous avez cette formation scientifique d'ornithologue et vous dites que ça se vit dans l'instant,
19:53 au détour d'un chemin, lors d'une rencontre souvent incertaine et toujours fugace.
19:57 Comment est-ce qu'il faut aujourd'hui apprendre aux enfants à se perdre dans la forêt, à
20:04 regarder dans le ciel, à réapprendre à découvrir la nature et les oiseaux ? Comment est-ce
20:09 que vous, vous voyez ça en tant que protecteur ?
20:11 - Et en tant que père de famille, je pense que c'est essentiel.
20:14 Je pense que c'est essentiel de renouer avec le vivant, avec le sauvage, avec l'expérience
20:20 de la nature.
20:21 Et François Terrasson mettait de nuit ses élèves, qui étaient en BTS, Gestion Protection
20:27 de la Nature, pour passer une nuit en forêt, pour se reconnecter au bruit de la forêt,
20:31 à l'atmosphère nocturne de la forêt.
20:33 Je pense que c'est essentiel et qu'on le perd malheureusement de plus en plus.
20:36 Donc oui, pour répondre à votre question, je pense qu'il faut absolument renouer pour
20:43 retrouver et lutter contre cette crise de la sensibilité dont évoquait Baptiste Morisot
20:48 et Francis Grimbert.
20:49 - Et pourtant, quand on vous demandait ce que vous vouliez faire comme métier, vous
20:53 disiez ornithologue, on vous disait "regarder les oiseaux, c'est pas un métier".
20:56 - Oui, parce que je pense que maintenant, il y a de plus en plus de gens qui regardent
21:00 les oiseaux, il y a de plus en plus d'ornithologues amateurs, je m'en réjouis, je pense que c'est
21:04 une très bonne chose.
21:05 Mais à l'époque, je vais 40 ans, je ne suis pas très vieux, mais ce n'était pas très
21:12 chic, ça ne faisait pas très hype d'observer les oiseaux.
21:16 Et donc je l'ai vécu par certains moments douloureux à l'adolescence.
21:23 - Comment on peut expliquer ce côté négatif ? Qu'est-ce qu'on imagine derrière quelqu'un
21:29 qui regarde les oiseaux ? Quelqu'un, comme vous le disiez à l'école, quelqu'un des
21:31 tourdis, quelqu'un de perdu ?
21:33 - Surtout un rêveur.
21:34 - Un rêveur ?
21:35 - Oui, peut-être.
21:36 - Une tête de linotte.
21:37 - Une tête de linotte.
21:38 - Comme le veut l'expression.
21:39 - Alors il y a l'observation de la nature, ça on l'a bien compris, il y a aussi l'observation
21:43 des arts, des oeuvres d'art, des tableaux, on voit des oiseaux dans toutes ces oeuvres.
21:49 Qu'est-ce qui vous marque le plus, vous, pour écrire dans votre livre Jean-Noël Riafel,
21:54 quelles sont les références qui vous viennent tout de suite à l'esprit ?
21:57 - Les oiseaux me parlent en musique, en peinture et en images par les films, etc.
22:02 L'alouette, c'est la scène, désolé, ce n'est pas une scène joyeuse, mais en tout
22:07 cas elle m'évoque le film de Creux de Sauter avec l'accident de l'Alfa-Roméo et Michel
22:12 Piccoli, et puis cette belle chanson écrite par Jean-Louis Dabadie, "La dédicace dans
22:15 le ciel", je pense que les oiseaux et l'alouette, quand elles chantent, c'est une dédicace.
22:19 Ça m'évoque, évidemment, Olivier Messiaen, ce grand compositeur amoureux des oiseaux,
22:26 qui a composé des oeuvres magnifiques.
22:28 Ça m'évoque des tableaux aussi, ça me parle en peinture.
22:31 Je cite Jérôme Bosch, évidemment, dans "Le jardin des délices", où il a très bien
22:37 représenté l'attitude de Légrette Garzette.
22:39 La hupe également, dont je parle dans le livre.
22:44 - Francis de Grimbert ? - J'ai beaucoup aimé le passage cinéphilique.
22:48 C'est vrai que c'est une idée assez passionnante, d'aller retrouver des témoignages sonores
22:54 dans les films des années 70, deux fois Claude Sauter.
22:57 Voilà, c'est une idée que, merci de l'avoir disséminée.
23:02 Je ferai plus attention en regardant les films de Sauter dorénavant.
23:06 - Il faut regarder la nature et aussi bien les films, donc j'ai bien compris.
23:10 Francis de Grimbert, vous citez de nombreux poètes qui ont parlé de la louette, notamment
23:15 Gaston Bachelard, c'est celui qui vous a le plus marqué ?
23:18 - Oui, Gaston Bachelard, "L'air et les songes", je cherchais.
23:25 Il y a tout un chapitre sur la louette.
23:28 C'est passionnant, parfois un peu perché, même si la louette n'est pas percheuse.
23:33 Mais il a fait vraiment des recherches, il y a une mine de documentation poétique.
23:42 J'y épuisais évidemment.
23:43 D'autres aussi, mais Bachelard a des choses passionnantes à dire sur la louette, comme
23:50 plein d'autres poètes de différentes nationalités.
23:53 - Les écrivains du passé donc, mais aussi les penseurs d'aujourd'hui, ceux qui ont
23:59 une vraie pensée écologique et qui vous ont aussi inspiré.
24:03 Vous citez Baptiste Morisot il y a quelques instants, vous citez aussi par exemple Vassiane
24:07 Despré, "Habiter en oiseau".
24:10 - Pour ce thème de la rencontre, dont on parlait tout à l'heure, Jean-Noël Riffel,
24:19 on rencontre un animal, et un enfant rencontre un animal.
24:22 C'est cette notion-là, et quelque chose se passe, dans votre livre, la première rencontre
24:27 avec les bouvreuils, avec une belette aussi.
24:30 Donc ce sont des moments importants, et il faudrait les dire.
24:35 Dans nos vies, on a des souvenirs tous, de rencontres animales, furtives ou autres.
24:44 Donc voilà, la rencontre.
24:46 - Vous dites que sans la louette, il manque au monde, ce qui en fait la beauté.
24:50 - Oui, c'est un peu beaucoup, mais pourquoi pas, allant jusque-là.
24:55 - Il ne faut pas vous excuser.
24:56 - Non, non, mais oui, c'est les petites pertes.
25:02 En écologie, on accumule quand même à l'heure actuelle, un ensemble de petites pertes, et
25:08 chacune sera vue comme "bon, c'est pas grave, c'est qu'une petite perte".
25:12 Mais si, c'est grave.
25:14 - Jean-Noël Riffel, vous vouliez lire un extrait d'un texte, alors allez-y, je vous en prie.
25:19 - Merci.
25:20 - C'est qui ?
25:21 - Alors c'est Jacques Delamain, qui a écrit "Circonstances", parce que nous sommes au
25:25 printemps, à la période où on entend bien le chorus matinale des oiseaux.
25:28 Il écrit ceci "Avril et surtout mai ont connu l'apogée des chants, et pourtant à aucun
25:34 moment peut-être le charme des voix n'est plus subtil que dans les soirées de fin juin,
25:38 quand un peu de lassitude apparaît déjà chez les chanteurs.
25:41 Un maire l'a tenu la scène pendant quelques instants, son sifflet grave, flûté, est
25:46 venu d'un coin d'ombre, masse de feuillage où la lumière ne pénètre plus.
25:50 Un autre, puis un autre lui répondent.
25:52 Des coucous au loin ont répété la double note familière qui prend à cette heure une
25:56 étrange poésie.
25:57 Enfin, un bruit étrange, celui d'un rouet que tournerait une fileuse, tantôt proche,
26:03 tantôt lointaine, le chant de l'oiseau de rêve, l'engoulevent dont le vol ouaté hante
26:08 les clairières à l'heure indécise."
26:09 * Extrait de "Circonstances" *
26:16 - Jean-Noël Riefel, vous dites ce mot poétique, vous citez ce mot poétique de Fabienne Raffose,
26:21 "le chant précède l'oiseau".
26:23 Et celui qu'on entend là, Francis Grimbert ?
26:26 - Oui, c'est elle.
26:28 - C'est la louette.
26:30 - C'est la louette.
26:31 Oui, et souvent son chant précède la vue, d'autant plus dans le cas de la louette.
26:37 Si on se promène sur un chemin, dans un chant, c'est d'abord quelques notes dans le ciel,
26:42 on lève les yeux, puis on aperçoit une petite forme là-haut.
26:47 - Un chant inconfondable, vous dites, on ne peut pas le confondre avec un autre chant
26:50 d'oiseau, celui-là ?
26:51 - Non.
26:52 C'est le cas de la plupart des chants d'oiseau tout de même, mais celui-là, oui, est assez
26:58 caractéristique.
26:59 - En quoi il est particulier, ce chant d'oiseau ?
27:02 Vous disiez notamment tout à l'heure qu'il est très long.
27:06 - Oui, sa longueur, sa ténacité dans la longueur.
27:10 Il n'y a quasiment pas d'interruption pendant un long laps de temps.
27:14 À l'intérieur de cette suite, il y a beaucoup de petites phrases, même des dialectes.
27:25 Il y a un chant par rapport à l'espèce, par rapport au territoire et même par rapport
27:30 à l'individu.
27:31 Donc voilà, finalement, il est d'une très grande richesse.
27:34 Ça a été étudié par les bio-acousticiens qui étudient ça de très près.
27:41 - Observations des oiseaux par la vue et donc aussi par Louis Jean-Noël Riefel.
27:48 Qu'est-ce qui fait que les oiseaux chantent ?
27:51 - Alors, moi j'y vois l'allégresse d'être en vie, le miracle d'exister.
27:55 Je pense que la louette l'exprime.
27:57 Les oiseaux s'inscrivent en musique dans le monde et dans l'espace où ils évoluent.
28:02 En ce moment, moi j'y vois un chant de résurrection loin du tombeau hivernal qu'il faut apprécier
28:09 et se refamilier.
28:11 Il faut se refamiliariser l'oreille avec tous ces chants qu'on a oubliés un petit peu durant
28:14 les longs mois d'hiver, même s'il reste encore quelques oiseaux qui peuvent chanter durant
28:17 l'hiver.
28:18 - En ce moment, vous dites également tous les deux que c'est peut-être moins le chant
28:23 que le silence des oiseaux qui prime, puisqu'on l'a dit, ce constat évidemment que vous
28:28 faites tous les deux, qui ne concerne pas seulement les alouettes.
28:31 Vous écrivez tous les deux cet éloge.
28:35 Comment on fait aujourd'hui quand on est un individu, un particulier, qu'on a envie
28:41 de protéger les oiseaux, qu'on a envie de s'y intéresser ? Comment on fait pour protéger
28:44 aujourd'hui les oiseaux ? Quels gestes il faut faire par exemple ? Jean-Noël Riefel,
28:49 quel pouvoir on a à notre échelle ?
28:52 - Alors déjà, on peut adhérer à une association de protection des oiseaux comme la Ligue pour
28:56 la protection des oiseaux qui fait un travail formidable.
28:58 Donc ça c'est un premier pas.
29:00 Ça permet de rencontrer plein de gens qui partagent cette même passion, d'apprendre
29:04 aussi et puis d'adopter les bons gestes du quotidien pour favoriser leur accueil.
29:11 Donc si vous avez la chance d'avoir un petit jardin, c'est pouvoir disposer, laisser des
29:17 espaces de vie pour ces espèces-là.
29:18 Alors ce n'est pas forcément des nichoirs, mais faire en sorte que des arbres, faire
29:24 en sorte de ne pas les entretenir pendant la période de reproduction des espèces,
29:28 de ne pas venir les perturber, etc.
29:29 De laisser de l'herbe un peu poussée qui attire des insectes, etc.
29:33 Voilà, donc c'est plein de bonnes petites pratiques qui sont à portée de tous.
29:37 - Des petits gestes qui permettent de protéger et peut-être de combattre.
29:43 Francis Guinbert, vous en parlez, cette éco-anxiété, cette solastalgie dont vous dites être atteint
29:50 en quelque sorte, comme nombreux aujourd'hui.
29:53 - Ça ne fait peut-être que commencer malheureusement.
29:56 Mais si on prend la génération des 20-30 ans, pour résumer, le mal progresse très
30:03 fort.
30:04 Il y a quand même des jeunes qui sont en état d'esprit assez désespérés.
30:09 Et je pense qu'il faut en parler et en tenir compte parce que ce n'est pas rien.
30:13 Leur vision de l'avenir est quand même très, très noire.
30:18 Malheureusement, cette éco-anxiété devient une donne.
30:23 - C'est pour ça que j'ai insisté sur la lumière que me procurent les oiseaux avec
30:28 un témoignage très personnel à la fin du livre.
30:30 Les oiseaux, moi, dans certains moments de ma vie, m'ont réconforté par rapport à
30:36 certaines déceptions.
30:37 Et je pense que ça, c'est un message aussi pour les jeunes, pour leur dire ce que peuvent
30:41 vous apporter l'observation des oiseaux.
30:42 C'est un état de poésie, c'est un état de sidération émotionnelle, c'est un état
30:45 de ravissement qu'il faut savoir appréhender et apprécier et savourer à sa juste valeur.
30:50 - Vous dites à la fin de votre récit sur Noël à YFL, vous racontez ce first.
30:57 Vous avez découvert une hirondelle bicolore sur l'île de Sein.
31:02 Racontez-nous, parce qu'on parle d'oiseaux qui disparaissent, mais il y a aussi des oiseaux
31:07 qui apparaissent.
31:08 - Effectivement, c'était...
31:11 Voilà, l'hirondelle bicolore est une espèce d'hirondelle nord-américaine et qui a été
31:16 observée pour la première fois l'automne dernier sur l'île de Sein, au large de la
31:22 Pointe du Rhin.
31:23 Elle est arrivée et très vite elle est repartie.
31:27 Mais en l'espace de quelques minutes, elle nous a procuré un immense bonheur, partagé
31:33 par l'ensemble de la communauté des cochers d'oiseaux qui étaient présents sur l'île.
31:37 Et ces moments-là, ça fait l'histoire un petit peu de la coche et de l'ornithologie.
31:42 Ça y contribue en tout cas et ça soude.
31:45 Et c'est des moments qu'on n'oublie jamais dans une vie.
31:47 - Vous dites d'ailleurs qu'il a fallu plusieurs jours pour réaliser que vous l'aviez vraiment
31:51 vue.
31:52 - Oui, parce que ça plonge, en tout cas dans mon cas, ça m'a plongé dans un état de
31:54 fibrilité et de sidération qui m'a un peu anesthésié sur un après-coup et qui m'a
32:02 fait me poser cette question, me dire finalement, est-ce que j'ai su capter ce moment à sa
32:07 juste valeur ? Est-ce qu'il a réellement existé ? Voilà, parce que c'était vraiment,
32:11 vraiment très furtif, c'était quelques minutes.
32:13 - Pour terminer, Francis Grimberg, vous nous racontez cette rencontre entre votre alouette
32:19 et l'éléphant.
32:20 C'est aussi un peu un monde fantastique dans lequel vous nous emmenez.
32:25 - Oui, donc c'est dû évidemment, comme je l'ai dit tout à l'heure, à Romain Garry.
32:30 Et donc de me dire, bon, l'éléphant, symbole aussi d'un animal qui disparaît petit à
32:37 petit pour des raisons identifiées de braconnage d'ivoire.
32:42 Donc c'est différent de l'alouette.
32:44 Et donc voilà, c'était un côté assez ludique, peut-être entre Jean Delafontaine,
32:50 Jules Michelet, que nous avons tous les deux, qui est assez important.
32:55 Faudrait découvrir un livre qui s'appelle "L'oiseau", qui est riche à plein de points
33:00 de vue.
33:01 Si l'auteur est un peu décrié, c'est souvent à tort.
33:03 - On a cité beaucoup d'auteurs qui parlent des oiseaux et vous retrouverez d'ailleurs
33:09 sur le compte Instagram du Book Club, Book Club Culture, toutes les recommandations de
33:14 nos lecteurs et lectrices.
33:16 On a demandé quels sont les personnages d'oiseaux croisés au fil de vos lectures que vous n'oublierez
33:20 jamais.
33:21 Alors je vous en donne un petit florilège, le petit rouge-gorge dans le roman de Burnett,
33:26 l'albatros chez Baudelaire, le pélican chez Alfred de Musset ou encore l'histoire d'une
33:32 mouette et du chat qui lui a appris à voler chez Louis Sepulveda.
33:36 Il y en a de très nombreux.
33:38 Je vous renvoie évidemment vers le compte Instagram du Club de lecture de France Culture.
33:43 Merci beaucoup d'être venu dans cette émission pour nous parler de vos éloges à la louette.
33:48 D'abord, Francis Grimbert, c'est aux éditions Arlea dans la collection Rencontres.
33:52 Et merci à vous également, Jean-Noël Rieffel, éloge des oiseaux de passage, journal d'un
33:58 ornithologue un peu perché, aux éditions Équateur.
34:02 Dans un instant, on écoutera l'épilogue de ce book club donc.
34:08 Mais d'abord, les quatre items de Charles Danzig.
34:11 « J'ai réédité un livre que l'on pourrait qualifier de para-anarchiste de Léon Tolstoy,
34:17 Les gouvernants sont immoraux.
34:19 Tolstoy est le génial romancier que tout le monde célèbre à juste titre.
34:23 Il est beaucoup moins connu comme essayiste.
34:25 Il a été un enthousiasme critique esthétique, en particulier dans un livre intitulé Qu'est-ce
34:32 que l'art ? Un livre comme j'aime, partiel par ce qu'il est pensé.
34:36 On n'est pas obligé d'être d'accord avec lui, le propos et l'excitation intellectuelle
34:41 qu'il procure.
34:42 Dans ce livre, Tolstoy écrit sur la musique de Wagner qu'il n'aimait pas cette phrase
34:47 extraordinaire.
34:48 Ça n'est que des débuts.
34:50 On est d'accord, on n'est pas d'accord, mais il y a quelque chose sur quoi réfléchir.
34:55 En matière politique, Tolstoy a donc mieux que publié osé ce Les gouvernants sont immoraux.
35:02 La Russie était gouvernée d'une manière autocratique qui lui laissait le choix entre
35:08 l'alcoolisme et la servilité.
35:09 Livre conçu après la défaite militaire de la Russie face au Japon en 1905 et la révolution
35:17 de la même année qui a donné lieu à l'élection d'une assemblée législative si peu admise
35:22 par Nicolas II, qu'il la dissoute autant de fois que nécessaire pour qu'il obtienne
35:27 une majorité à ses ordres.
35:28 Comme il a été tué avec sa famille d'une manière sauvage, il s'est créé une sorte
35:34 d'idéalisation mièvre de sa personne.
35:37 Je recommande pour s'en guérir son journal intime de 1916 à 1918.
35:42 Il révèle un homme bigot, sans intelligence, ne voyant ni ne comprenant rien.
35:47 Tolstoy était considéré comme dangereux.
35:50 En 1901, il avait été excommunié par l'Église russe.
35:54 Dans cet essai, il attaque non seulement l'armée, mais aussi la famille Romanov, qui dirigeait
36:00 le pays depuis 300 ans et dont le descendant régnait.
36:03 Il est assez réjouissant de lire les deux pages qui débutent.
36:07 Les férocités du détraqué Ivan le Terrible, les cruautés bestiales de la vinaie Pierre
36:14 Ier, les mœurs dissolues de l'ignorante cantinière Catherine Ier, et s'achèvent.
36:19 Ensuite, c'est le règne du soldat brutal, du cruel et ignorant Nicolas Ier, puis c'est
36:25 Alexandre II, peu intelligent, plus mauvais que bon, tantôt libéral, tantôt despotique,
36:31 ou bien Alexandre III, celui-ci à coup sûr, un saut brutal et ignorant.
36:36 On est à un pas de la qualification de Nicolas II au demeurant inutile.
36:41 On a bien compris l'enchainement héréditaire de la brutalité et de l'étroitesse d'esprit
36:47 posé par Tolstoy.
36:48 S'il n'a pas été poursuivi, c'est que d'une part il était contre Tolstoy, mais
36:53 surtout parce que sa célébrité mondiale le protégeait.
36:56 Etienne de la Boétie et son discours de la servitude volontaire n'ont pas eu de plus
37:02 nobles successeurs que Tolstoy et les gouvernants anti-moraux.
37:05 *Saskia de Ville*
37:32 *La joie, la joie, la joie*
37:36 Donc leurs apparitions sont toujours furtives, délicates, fugitives.
37:39 Comme c'est un oiseau très céleste et en même temps très terrestre, vu qu'il
37:44 niche au sol, par rapport à l'homme il y a un point commun très très fort.
37:48 Nous sommes des êtres terrestres avec une aspiration, je l'espère, céleste.
37:52 C'est sûr que quand on passe beaucoup de temps sur les écrans, les yeux rivés vers
37:57 le bas plutôt que vers le ciel, on perd la qualité parfois du regard.
38:01 Voilà, c'est les petites pertes et chacune sera vue comme bon c'est pas grave, c'est
38:06 qu'une petite perte.
38:07 Ben si, c'est grave.

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