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Transcription
00:00 * Extrait de « The Big Bang Theory » de The Prodigy *
00:19 Et on pousse donc ensemble les portes du Book Club ce vendredi, comme on pousse les portes
00:23 du musée et on va se retrouver face à l'une des oeuvres les plus connues au monde, même
00:28 s'il faut jouer des coudes pour rapprocher ce tableau.
00:30 Il nous suffit aussi de fermer les yeux pour se l'imaginer tellement il nous est familier.
00:36 Mais alors, quelle est sa valeur ? La question peut se poser, et se pose d'autant plus quand
00:40 on découvre une autre oeuvre d'art là où personne ne l'imaginait, que l'oeuvre d'ailleurs
00:46 est devenue un objet du quotidien.
00:47 Deux romans nous emmènent ce midi dans les dessous de l'art et on se laisse porter avec
00:52 Pierre Croce, bonjour.
00:53 Bonjour Nicolas, bonjour à toutes et à tous.
00:55 On est avec notre partenaire Babelio.com et avec les membres de la communauté du Book Club.
00:59 Ce qui m'a attiré dans ce livre c'est déjà sa couverture.
01:02 J'ai tout de suite eu envie de l'ouvrir et il est devenu prioritaire par rapport à d'autres.
01:07 On ne le lâche plus jusqu'au bout et je me ferai un plaisir de le relire.
01:11 * Extrait de la première partie de la série *
01:17 Les impressions de lecture de Caroline Stéphanie et Marie Claire qui nous ont donc écrit sur
01:22 la page Instagram du Book Club, Book Club Culture.
01:25 Bonjour Marie-Lebae.
01:26 Bonjour.
01:27 * Extrait de la première partie de la série *
01:28 Vous publiez aux éditions Léo Schirr votre septième roman intitulé « La valeur des
01:32 rêves ». Vous y racontez une folle histoire de Moustipik, le stabile de Kalder, qui est
01:38 donc un chef-d'œuvre de ce sculpteur américain Alexander Kalder.
01:41 Qu'est-ce qui vous a intriguée, intéressée d'abord chez cet artiste ?
01:45 Au début rien parce que je l'ai pris quand j'ai vu le cirque.
01:55 J'ai beaucoup aimé toute cette poésie, tout ce mélange presque artisanal et en même
02:02 temps très technique.
02:05 Mais en fait c'était un prétexte.
02:07 Je l'ai aimé après en travaillant dessus et après j'ai été éblouie par l'artiste
02:15 mais au départ il me fallait un artiste.
02:17 J'ai pris un plasticien mais ça pouvait être aussi bien un autre artiste, un écrivain
02:21 ou voilà.
02:22 Est-ce que l'idée que c'est stable, c'est comme ça qu'on nomme ces œuvres,
02:27 pouvait être considérée comme des objets du quotidien ? C'est ça aussi qui vous
02:30 a titillé un peu, qui a ouvert les portes de votre imagination ?
02:34 Non, en fait au départ ça part d'une histoire vraie.
02:41 J'ai un copain qui effectivement s'est retrouvé en panne d'essence dans le sud
02:45 de la France et en marchant s'est retrouvé dans un club de vacances et en allant à
02:51 la réception il tombe en arrêt devant un stable de caldaire qui vaut des millions de
02:58 dollars et qui était complètement abandonné.
03:01 Je suis partie de ce fait divers, de cette histoire pour raconter toute l'histoire,
03:11 le pédigré de ce stable, donc l'histoire de Caldaire et à travers ça l'histoire
03:20 de la création de l'argent dans l'art et qu'est-ce qui fait que quelqu'un va
03:27 acheter un paquet de tôle des millions d'euros ou de dollars.
03:33 Alors on va réfléchir sur cette question de la valeur des œuvres aussi avec notre
03:39 second invité, c'est Paul Saint-Brice, bonjour.
03:41 Bonjour Nicolas.
03:42 Vous êtes écrivain, vous publiez votre premier roman aux éditions Philippe Raïl,
03:46 il s'appelle "L'allègement des vernis" et on a, il faut bien le dire, un gros indice
03:52 sur l'œuvre qui va être traitée dans votre roman et sur la question de sa restauration
03:56 en couverture de votre livre, puisque l'on reconnaît très rapidement le sourire de
04:00 la Joconde.
04:01 Alors je me suis demandé où est née l'idée de ce roman, est-ce que c'est en train
04:05 de vous frayer un chemin devant les centaines de touristes de cette salle du musée du Louvre
04:11 devant la Joconde où vous vous êtes dit il faut que j'invente quelque chose, une
04:14 autre histoire à cette Mona Lisa ou alors c'est ailleurs ?
04:19 Alors en tout cas elle est née de mon rapport aux images, parce que moi je suis directeur
04:22 artistique, c'est mon métier, je crée et réalise des images et d'une certaine
04:27 manière je contribue à la boulimie visuelle de notre époque et je me pose souvent la
04:30 question de notre capacité à créer des images qui vont nous survivre comme les grands
04:33 chefs d'oeuvre de la Renaissance.
04:34 Puis je m'intéresse à la peinture, à la peinture de la Renaissance et je me suis
04:40 intéressé au métier de la restauration et je me suis rendu compte assez vite qu'il
04:44 avait ce site particulier qui confronte sur l'espace limité d'une œuvre un restaurateur
04:50 et un artiste pendant une durée assez longue et que là il y avait un bon prétexte pour
04:57 raconter une histoire.
04:58 Et puis en plus la restauration elle porte en elle au-delà des enjeux techniques qu'on
05:05 peut imaginer, elle porte en elle des véritables questions philosophiques.
05:07 Elle a d'ailleurs été théorisée par un historien de l'art qui était aussi philosophe
05:12 et Cesare Brandi.
05:13 Et ces questions philosophiques elles sont très importantes, c'est quel est notre rapport
05:17 au temps, est-ce qu'on accepte des traces du temps ?
05:18 Est-ce que dans une société qui adore l'une œuvre, est-ce que les goûts, est-ce que
05:25 c'est une bonne idée ?
05:26 Quand on touche à une œuvre, est-ce qu'on n'a pas la tentation de conformer les images
05:30 du passé au goût du présent ?
05:32 - Est-ce qu'on ne met pas un filtre d'aujourd'hui sur une œuvre qui a été faite il y a plusieurs
05:36 siècles ?
05:37 - Exactement.
05:38 Et puis la vraie question qui m'intéressait c'est la question de la relation au changement,
05:42 la question universelle de notre relation au changement.
05:44 Et c'est pour ça que j'ai choisi la Joconde, parce que la Joconde elle incarne ce qui est
05:47 immuable, c'est une image qui a colonisé tout notre imaginaire, elle appartient à
05:51 tout le monde.
05:52 Et qu'est-ce qui deviendrait si on y touchait ?
05:53 - Alors justement dans votre roman, on suit Aurélien, personnage principal après la
05:58 Joconde peut-être, il est le directeur du département des peintures du Louvre, et on
06:01 lui demande de procéder à cette restauration, restaurer le plus célèbre tableau du musée
06:07 grâce, je cite, à l'allègement des vernis.
06:10 La peinture retrouvera son éclat originel, redonner ses vraies couleurs à la Joconde,
06:15 réparer les outrages du temps, c'est créer un événement planétaire qui vous assurera
06:19 la venue de millions de gens empressés d'admirer sa photogénie nouvelle.
06:23 Racontez-nous dans quel contexte cette phrase est lâchée dans votre roman.
06:27 - Oui, alors cette phrase, donc effectivement Aurélien est directeur du département des
06:31 peintures, c'est un conservateur, un esthète nostalgique, quelqu'un qui est un peu en
06:34 perte d'adhérence avec l'ère du temps.
06:36 Arrive au Louvre, puisque l'histoire se passe au Louvre, une nouvelle directrice qui s'appelle
06:41 Daphné et qui représente un espèce d'idéal de la Startup Nation, qui est une femme extrêmement
06:46 dynamique, redoutablement bienveillante et qui va convoquer une agence, un cabinet de
06:52 conseil et qui va faire différentes propositions pour retrouver, pour que le musée retrouve
06:58 davantage de rentabilité.
06:59 Et une de ses propositions, c'est la restauration de la Joconde.
07:03 Et il lâche le mot que vous avez dit, qui est intéressant, de photogénie.
07:07 On comprend très bien où est-ce qu'ils veulent aller.
07:11 Et le patron de l'agence poursuit en restaurant la Joconde.
07:13 Vous êtes sûr de capter chaque année 11 à 12 millions de visiteurs avides de voir
07:17 et revoir le chef d'œuvre.
07:19 Ça questionne évidemment, et c'est ce que vous disiez, le rapport à l'art, le rapport
07:23 au musée aussi.
07:24 Est-ce qu'un musée doit être quelque chose de rentable ? Est-ce qu'on doit justement,
07:28 comme on compte les clics ou les pages vues sur Internet, présenter le bilan d'un musée
07:34 sur le nombre de visiteurs qui y entrent, qui franchissent la porte ?
07:37 Et ça questionne même la vocation des œuvres.
07:39 Parce que toutes ces œuvres ont d'abord été conçues dans l'intimité des ateliers.
07:42 En général, elles étaient destinées à des églises où on pouvait difficilement
07:46 les voir, où elles étaient éclairées par des bougies vacillantes, ou aux chambres
07:50 de leurs commanditaires.
07:52 Et donc, est-ce qu'il n'y a pas une incongruité à montrer ces œuvres ?
07:57 Dans cette situation-là, évidemment.
08:01 Marie Lebel, simplement sur cette idée du musée comme pièce d'exposition d'une
08:08 œuvre d'art, en quelque sorte, vous aussi ça vous interroge ?
08:10 Puisque, on l'a dit, votre caldaire, votre stabile de caldaire, il est d'abord dans
08:15 un lieu tout à fait commun dans la nature.
08:18 Et certainement, il va changer de place une fois qu'il sera identifié comme une œuvre d'art.
08:23 Oui, il ne sera pas dans un musée.
08:24 En tout cas, il ne finit pas dans un musée.
08:26 Oui, je ne sais pas.
08:27 En même temps, moi je trouve ça quand même formidable.
08:30 Il y a la queue devant tous les musées.
08:31 Et avant, les musées ne marchaient pas et on se plaignait.
08:36 Maintenant, ils marchent, on se plaint.
08:38 En fait, je trouve que c'est plutôt bien ce qui se passe et toute cette relecture de
08:46 tout ça et ces queues devant les musées, je trouve ça bien.
08:50 Alors Mona Lisa, elle est donc en couverture de votre livre "Paul Saint-Brice".
08:54 Et c'est ce qui a évidemment marqué aussi Stéphanie, notre lectrice.
08:57 Ce qui m'a attirée dans ce livre, c'est déjà sa couverture.
09:01 Un titre très élégant et mystérieux, "L'allégement des vernis".
09:05 Et un gros plan sur le visage de la Joconde que l'on voit avec un teint frais, rose,
09:11 des cheveux rouges, un fond de ciel bleu.
09:13 Honnêtement, elle est beaucoup plus belle que celle qu'on peut voir au Louvre qui est
09:17 toute verte et jaune.
09:18 "L'allégement des vernis", c'est un livre drôle.
09:21 L'auteur y gratine, à travers notre société, des communicants, des conseillers, des consultants.
09:29 C'est un livre très instructif sur le monde des restaurateurs, sur les techniques utilisées
09:36 à différentes époques.
09:37 Et surtout, je trouve que c'est un livre qui pose la question de quel est notre rapport
09:41 à la peinture.
09:42 Comment est-ce qu'on la regarde ? Comment même est-ce qu'on la consomme ?
09:46 Il y a une citation au début du livre d'un conservateur du Louvre.
09:50 "La Joconde est condamnée à ne plus jamais être observée comme elle devrait être observée,
09:56 c'est-à-dire dans un tête-à-tête."
09:58 Et oui, dans un musée bondé, en se prenant un selfie devant.
10:02 Comment est-ce qu'on crée une relation intime devant le tableau ?
10:06 Comment est-ce qu'on peut avoir encore de l'émotion ?
10:08 Et ma question à Paul Saint-Bris.
10:12 Paul, est-ce que vous pouvez justement nous raconter votre expérience la plus marquante
10:18 de contemplation d'une peinture ?
10:19 Question de Stéphanie à Paul Saint-Bris.
10:23 Quand on vous pose cette question, vous pensez à quelle œuvre et à quel moment ?
10:26 Je pense à la déposition de Pontormo qui se trouve à Florence dans une petite chapelle,
10:34 la chapelle Santa Felicità, de l'autre côté du Ponte Vecchio.
10:38 Et alors vous entrez dans cette chapelle qui n'a rien de particulier et vous mettez
10:46 une pièce dans une machine qui va éclairer l'œuvre pendant une minute.
10:49 Et là, tout d'un coup, vous avez toutes les couleurs extraordinaires de cette œuvre
10:53 de Pontormo, des couleurs presque acides, éclatantes, qui viennent éclairer l'œuvre.
10:58 Je suis très touché.
10:59 Et c'est ça aussi, vous disiez, le temps passé devant une œuvre, la façon de la
11:05 regarder, la façon d'imaginer aussi celui qui la peinte.
11:10 Et tout ça, ça se produit à ce moment-là chez vous ?
11:13 Oui, et de toutes les façons possibles en fait.
11:15 Je crois que, comme dit Marie, il ne faut pas être dogmatique.
11:19 Il y a mille façons d'avoir un rapport à l'œuvre.
11:23 Je pense que nos livres se rejoignent sur ce sujet.
11:25 C'est-à-dire qu'Aurélien, mon personnage de conservateur, il cherche, lui, c'est un
11:30 conservateur, mais qui a ses touchants parce qu'il cherche à réévaluer son regard sur
11:33 le monde.
11:34 Et puis à côté, on a quelqu'un qui est quand même dans l'action du changement.
11:37 À côté, on a Gaetano qui lui est un restaurateur, qui appréhende la peinture de manière organique.
11:44 Il la touche, il la sent, il la renifle.
11:46 Et puis on a ce personnage d'Oméro qui lui va vers la peinture avec un véritable élan
11:51 du cœur.
11:52 Donc ça, ce sont trois façons d'aimer les œuvres.
11:55 Et je pense que le rapport à l'œuvre, il est intime.
11:57 Il ne peut pas nous être dicté.
11:59 Voilà, on a tous notre façon d'aller vers les œuvres.
12:01 - Et il y a beaucoup de réactions sur le site d'abelio.com concernant votre vision
12:05 de l'art, Paul-Pierre Crozet.
12:06 - Oui, j'ai admiré l'analyse de notre époque et du rapport à l'art ponctué de scènes
12:10 ubuesques, reflets d'une société vibronnée, vous en parliez, à l'image et à l'instantané.
12:14 Et alors, vous posez une question dans le livre "La Restauration", est-ce qu'il faut
12:17 le faire ou pas ? Tous les lecteurs se sont posés la question en lisant le livre.
12:22 Imaginons restaurer la joconde, lui enlever les vernis qui lui donnent un aspect vert.
12:26 Attention, cette opération n'est pas sans risque, il n'y a pas de deuxième chance.
12:29 J'ai beaucoup aimé réfléchir à cette question, à cette idée, peser le pour et le contre,
12:33 imaginer les conséquences.
12:34 L'auteur rend toutes les subtilités de la restauration et tous les risques encourus
12:38 accessibles à tous.
12:39 Qu'auriez-vous fait, vous, comme choix ? Quel choix auriez-vous ?
12:41 - Moi, mon sentiment, puisque vous me demandez, je pense que la joconde nécessite une restauration.
12:49 - Parce que ? - Parce que, effectivement, les vernis qui
12:52 la recouvrent se sont oxydés, l'ont jauni, l'ont opacifiée, elle est sombre, et qu'elle
12:57 gagnerait énormément à être allégée de ses vernis.
13:00 Maintenant, la vraie question, c'est la question philosophique du métier de restaurateur,
13:06 c'est où s'arrêter ? Comme beaucoup de choses dans la vie.
13:08 - Et ce qu'il ne faut pas faire pour ne pas réinventer une œuvre qui ne serait pas celle
13:12 de Léonardo da Vinci.
13:13 - Exactement.
13:14 - Et justement, Mona Lisa aussi, vous dites, et c'est très intéressant, c'est que les
13:18 gens l'aiment parce qu'ils ont une sorte de connaissance presque intime de cette peinture,
13:25 de ce portrait qui est quand même révolutionnaire.
13:27 Il faut bien le dire, Léonardo da Vinci invente toute une technique pour peindre.
13:33 Il révolutionne aussi le portrait en tant que tel, deux, trois quarts, on voit les mains
13:37 de Mona Lisa.
13:38 Tout ça en fait aussi quelque chose d'un objet presque iconique.
13:44 Aujourd'hui, on la retrouve sur des t-shirts, sur des tasses, je ne sais pas, on la voit
13:49 partout, tout le monde, même si on ne l'a pas vue en vrai au musée du Louvre, tout
13:53 le monde peut l'imaginer.
13:54 - Oui, c'est une œuvre qui appartient d'une certaine manière à tout le monde.
13:57 Mais c'est une œuvre qui a sa renommée artistique et justifiée.
14:02 Trente ans après la mort de Vinci, Vasari dit que Mona Lisa, c'est une œuvre qui fait
14:08 craindre et trembler parce qu'elle était la vie même.
14:10 Et ça montre l'effet qu'elle a tout de suite fait sur ses contemporains.
14:13 Je pense que la personne qui dit la chose la plus vraie sur Mona Lisa, c'est George Sand,
14:17 elle dit "à chaque fois qu'on la regarde, on lui prête une humeur différente".
14:21 C'est peut-être ça aussi qui explique son mystère.
14:23 - Avec son sourire, bien sûr, son regard aussi très fort qui nous marque.
14:29 Et ce qui m'a beaucoup amusé aussi, en confrontant, si on peut dire, vos deux romans, c'est qu'on
14:34 trouve aussi, Marie Lebes, une joconde dans votre livre, une joconde américaine, c'est
14:38 donc le surnom donné à Louisa.
14:40 Et là je vous cite "la preuve vivante que l'on peut rester belle jusqu'à son crépuscule".
14:45 Cette Louisa, vous dites, ne rit jamais, on n'a jamais vu ses dents.
14:48 Elle se contente de sourire mystérieusement en inclinant son doux visage, les yeux voilés
14:53 d'un certain détachement qui lui rend la vie plus agréable.
14:57 C'est un canon de beauté aussi pour vous, la joconde ?
15:02 - De beauté spirituelle, oui.
15:06 Parce que c'est une madone, parce qu'elle est sereine, elle est bonne.
15:12 Elle a une âme, c'est une peinture qui a une âme.
15:15 Donc oui, oui.
15:16 - Dans votre roman intitulé "La valeur des rêves", c'est un tout autre chef-d'oeuvre
15:23 que vous racontez, on en a dit un mot tout à l'heure.
15:25 "Moustipique" de Kalder.
15:26 Kalder qui est un peu moins connu, il faut bien le dire, que Léonard de Vinci.
15:31 Mais ils ont tout de même des points communs.
15:32 Parmi les points communs, ils ont tous les deux vécu en Touraine.
15:37 Kalder a vécu à Sachet au XXe siècle et Vrinci près d'Amboise au XVe-XVIe siècle.
15:45 Kalder qui était lui aussi ingénieur de formation comme Léonard de Vinci.
15:50 On se souvient bien sûr au-delà de la joconde, de ses fameuses machines.
15:54 D'ailleurs on peut voir en Touraine au Clos-Lucé, c'est là où il y a des choses qui évidemment
16:02 nous parlent et à vous Paul Saint-Brice et à vous Marie Lebes.
16:06 Qu'est-ce qui fait que ce lieu les rapproche, en tout cas ces deux artistes, ces deux créateurs
16:15 et inventeurs aussi ?
16:16 - Rien.
16:18 Je crois que c'est un pur hasard.
16:21 - Il y a un rapport à la France quand même.
16:27 - Bien sûr.
16:28 Mais oui, tous les deux sont deux étrangers qui se sont installés dans une campagne très
16:37 très belle pour travailler à l'abri des rumeurs de la ville.
16:42 C'est tout.
16:43 Mais c'est deux étrangers en France.
16:45 - Paul Saint-Brice, le Clos-Lucé qui appartient à votre famille, on peut le dire, ce n'est
16:49 pas un secret.
16:50 C'est donc la dernière demeure de Léonard de Vinci.
16:53 C'est comme ça que vous, plus jeune, vous entrez dans ce monde de De Vinci ?
16:58 - Oui, tout à fait, bien sûr.
17:00 Moi, Léonard, je l'ai connu d'abord, comme vous le disiez justement, en tant qu'inventeur,
17:04 en tant qu'ingénieur.
17:05 J'ai mis beaucoup de temps à comprendre, à faire le lien avec le Léonard peintre.
17:09 Je me suis souvent posé la question de savoir combien il y avait de Léonard.
17:13 Il s'avère faire de choses différentes.
17:15 Oui, c'est comme ça que j'ai rencontré Léonard de Vinci.
17:18 - Il y a ces deux artistes qui se répondent dans vos livres.
17:22 Et puis, il y a les personnages principaux.
17:24 On a parlé d'Aurélien, le directeur des peintures du musée du Louvre.
17:27 Et chez vous, Marie Lebes, c'est Simon Bray, le commissaire Prizeur, qui va trouver par
17:32 hasard dans ce club de vacances, ce stabile moustipique.
17:36 Il faut bien le dire, c'est cocasse, ce stabile qui a une valeur inestimable, sert de corde
17:43 à linge aux vacanciers.
17:45 C'est aussi l'idée commune dans vos deux œuvres, cet amour du beau, cet amour de ce
17:55 que les grands artistes ont pu faire aussi durant leur vie.
17:59 - Oui, c'est sûr, l'amour du beau.
18:04 Oui, mais je ne comprends pas ce que vous vouliez me dire.
18:10 Ce que je veux vous dire, c'est qu'on suit en fait Simon Bray dans son aventure et on
18:15 se retrouve quasiment nous aussi devant cet objet, cette œuvre d'art qui sert de sèche-linge,
18:22 des tendoirs à linge.
18:23 Et à un moment donné, on se dit, ce n'est pas un, c'est une œuvre d'art.
18:26 - Oui, et qu'est-ce qui différencie un sèche-linge d'une œuvre d'art ?
18:30 C'est qu'effectivement, dans ce contexte-là, on ne la voit plus.
18:37 Et donc il va engager quelqu'un pour retrouver le pédigré de cette œuvre d'art, savoir
18:42 comment elle a atterri dans ce club de vacances, parce que sinon il n'arrivera pas à le mettre
18:48 en chair et à le vendre.
18:50 - C'est là où commence presque le polar dans votre roman, puisque Lucie de Clichy,
18:57 c'est cette jeune fille qui est maligne, débrouillarde, mais qui n'y connaît rien
18:59 à l'art contemporain et qui va donc essayer de savoir à qui appartient en fait ce stabil.
19:04 C'est ça ?
19:05 - Oui, c'est ça.
19:06 Donc elle est engagée pour une mission, retrouver les propriétaires, l'histoire de ce stabil.
19:12 Et elle va le retrouver.
19:16 Mais donc en fait, petit à petit, dans le bouquin, le stabil devient presque un être
19:20 humain et le personnage principal.
19:22 L'œuvre s'incarne, il passe de porte-serviettes à œuvre d'art.
19:29 Et à travers ça, c'est aussi un prétexte pour raconter qui était Calder, qui est un
19:37 grand, un génial artiste.
19:39 Quelles sont les valeurs de l'art ?
19:42 Parce qu'au départ, l'artiste rêve.
19:48 La création, c'est le résultat de ses rêves.
19:52 Et après, la création lui échappe.
19:54 Et qui va donner un prix à ses rêves, à sa création ?
19:58 Je veux dire, une œuvre d'art peut partir aux...
20:03 Il y a des artistes qui sont démodés, qui ont eu leur heure de gloire, qui tout à
20:07 coup, on ne sait plus pourquoi, ne valent plus rien.
20:08 Qu'est-ce qui fait qu'une œuvre d'art va atteindre des millions et tel autre qui fait
20:15 pas ? C'est pas qu'une histoire de goût, c'est pas qu'une histoire d'époque.
20:19 Quoique...
20:20 Enfin, pour les chefs-d'œuvre, c'est intemporel.
20:25 Pour les œuvres qui ne sont pas forcément des chefs-d'œuvre, c'est plus compliqué.
20:30 Marie-Claire de la communauté du Boucle a lu votre roman "Marie Lebes" et on va écouter
20:35 ce qu'elle en a pensé.
20:36 Quand ce livre m'est arrivé, j'ai tout de suite eu envie de l'ouvrir et il est devenu
20:42 prioritaire par rapport à d'autres.
20:44 D'abord parce que c'était Marie Lebes que j'avais eu la chance de rencontrer il y a
20:47 de nombreuses années, et je me souvenais très bien d'elle.
20:50 Le roman m'a complètement happée.
20:52 Je l'ai trouvé extrêmement divertissant, ce qui est assez rare, il faut le souligner,
20:56 dans le monde littéraire, surtout pour un livre également aussi sérieux.
21:01 Ce qui est très fort, c'est que tout en partant de faits réels, déjà assez surprenants,
21:06 on glisse dans une forme de surréalisme qui justement place le lecteur en haleine jusqu'au
21:12 bout.
21:13 J'ai été en empathie avec cette jeune femme chargée de trouver la preuve de l'authenticité
21:17 de l'œuvre de Calder.
21:18 J'ai eu le sentiment de voir cet artiste travailler, je me suis promis de m'arrêter
21:23 devant son atelier la prochaine fois que je passe près d'Azay-le-Grideau.
21:26 Ce n'est pas du tout d'honneur de leçon et pourtant on apprend énormément de choses.
21:30 Alors moi j'ai trouvé ça formidable.
21:31 Une seule chose m'intrigue encore, et je vous pose la question Marie, ce nom de mousse typique
21:36 que vous attribuez à la sculpture, est-il une invention de votre part ? En tout cas
21:42 le terme est très drôle, il aurait sans doute pu être donné par Calder, qui avait
21:46 beaucoup d'humour et de fantaisie.
21:47 Oui, j'ai complètement inventé ça.
21:50 En fait c'est une réduction au départ, je voulais qu'il y ait dans le livre comme
21:54 un leitmotiv.
21:55 C'était Mousse typique, le seul moustique au monde qui ne pique que les gens qui l'aiment
22:03 et dont les piqûres sont les traces de ses baisers.
22:06 Et en fait je me suis dit que ça pouvait être un des personnages du cirque.
22:09 Et en plus c'est un peu vrai parce que quand j'ai été à Sachet, j'ai été à la
22:15 gouacherie, j'ai rencontré les propriétaires de la maison et à un moment en repartant,
22:23 accroché au mur de la porte, il y avait en guise de porte-clés un petit Calder en fil
22:29 de fer.
22:30 Et donc j'ai évidemment ressenti beaucoup d'émotion et ça m'a inspirée.
22:36 En tout cas une chose qu'elle a dit qui m'a fait plaisir, c'est que j'aime bien,
22:40 c'est vrai que je voulais que le livre devienne un peu presque surréaliste et un peu loufoque.
22:46 Et voilà, ça me fait plaisir qu'elle ait lu ça.
22:49 - Pierre Croce de Babelio.com, sur le livre de Marie Lebel, La valeur des rêves.
22:55 - Oui, le livre a donné envie à de nombreux lecteurs de lever les yeux vers les œuvres
22:58 de Calder, parce qu'effectivement, on le disait tout à l'heure, il est peut-être
23:00 moins connu que d'autres artistes.
23:02 Quelle n'a pas été ma surprise de découvrir en fin de livre, alors c'est pas vraiment
23:05 un spoiler, une page s'institulant Mousse typique family qui recense toutes les œuvres
23:09 de Calder répertoriées en France et de m'apercevoir qu'il y en avait une dans ma belle ville
23:13 de Perpignan.
23:14 Alors votre livre, c'était une invitation générale aussi aux lecteurs d'aller voir
23:19 là où il se trouve les œuvres de Calder ?
23:21 - J'y ai pensé à la fin, c'est-à-dire quand on vit une aventure comme ça, puis
23:27 je suis rentrée dans l'intimité de Calder, je l'ai beaucoup aimé à force de travailler
23:34 sur lui, j'avais envie de me dire, de proposer aux gens qu'ils aillent les voir, c'est
23:40 pour ça, donc je me suis dit bon, mettons ça, parce que les gens auront peut-être
23:43 envie de voir son œuvre, d'aller plus loin.
23:46 - Et c'est aussi une œuvre où on se balade puisqu'on suit évidemment Lucie de Clichy
23:52 qui va à Sachet dans ce petit village de Touraine où Calder a vécu, où elle-même
23:56 d'ailleurs a séjourné dans son enfance et où elle rencontre énormément de monde,
24:02 le maire de la commune bien sûr, et puis aussi il y a une sorte de roman un peu choral
24:07 où elle se balade et elle rencontre effectivement beaucoup de personnalités aussi, ça nous
24:13 permet dans votre roman d'être reliée en permanence aussi au réel, toutes ces rencontres ?
24:17 - Oui, puis il faut incarner, parce que je voulais que ça soit une forme comme un roman
24:24 policier, que ça soit un livre poétique, je ne voulais pas raconter la vie, c'est
24:29 un peu une fable, je voulais qu'on aime Calder mais qu'on aime qu'on le découvre
24:36 mine de rien, que ce n'est pas un documentaire quoi.
24:39 Donc en fait j'ai créé plein de petits personnages pour donner de la chair, incarner
24:45 dans la musique et le phrasé un peu littéraire, parce que je voulais faire quelque chose
24:52 aussi qui soit un peu poétique.
24:54 - Avec Michel Houellebecq qui lui dit en bon romancier "arrête de pleurer ma petite
24:58 sinon tu vas faire déborder la scène, la seule façon de savoir qui a acheté ton mousse
25:02 typique c'est de l'écrire".
25:04 - Oui.
25:05 - Pierre Croce sur ces personnages.
25:07 - Oui, dans les deux romans c'est intéressant, les lecteurs ont beaucoup parlé dans leur
25:11 critique des personnages, c'est vouloir donner une place importante.
25:15 Peut-être Marie Lebes, une galerie de personnages fantasques donne beaucoup de charme à ce
25:19 roman léger et atypique qui se lie avec émerveillement.
25:22 Et pour vous Paul Saint-Brice, au travers d'une galerie de personnages passionnants,
25:26 la vie d'un musée, de ses œuvres, des artistes, de ses employés, nous est contée dans un
25:30 scénario virevoltant avec un humour facétieux et réjouissant.
25:33 Alors peut-être un mot sur ces personnages, est-ce qu'ils sont inspirés de personnages
25:38 réels ? Quelle importance vous avez donnée à vos différents personnages ?
25:41 - Paul Saint-Brice peut-être sur cette idée de se frotter à un monument qui est la Joconde
25:48 et un monument qui est Léonard de Vinci aussi.
25:49 - Oui et non, c'est une pure fiction, donc ces personnages ne puissent pas leur inspiration
25:56 dans des personnages réels.
25:57 Mais c'était comme on l'a dit, un moyen de parler de la beauté sous toutes ses formes
26:02 et donc ils incarnent chacun une relation à la beauté.
26:05 Mais j'ai pris beaucoup de plaisir notamment à imaginer ce personnage d'Oméro qui est
26:11 un personnage qui est tout le contraire du personnage d'Aurélien, qui est un personnage
26:13 qui a une certaine virginité par rapport à l'art et qui éprouve et qui danse sur son
26:20 autolaveuse parmi les statues d'Aurélien.
26:23 Donc oui, ces personnages, c'est ça je pense ce que permet le roman, c'est que quand on
26:30 a un sujet en tête, multiplier les personnages permet de couvrir tous les angles, de se mettre
26:35 à la place de chacun, de comprendre ce qui les guide.
26:38 Et je crois que le roman c'est véritablement un exercice d'empathie en fait.
26:41 - Marie Lebes sur cette question.
26:44 - Moi mes personnages, je m'inspire évidemment de gens qui existent, mais c'est un melting
26:50 pot.
26:51 J'ai un personnage, plein de trucs et à la fin, par exemple pour le commissaire Priseur,
26:57 j'ai un copain commissaire Priseur, c'était lui évidemment, mais c'était aussi Paul
27:02 Morand, Maurice Reims.
27:04 Puis après un personnage prend son autonomie.
27:07 Tous les autres, Lucie de Clichy c'était évidemment moi en plus jeune, plus belle,
27:13 plus intelligente.
27:14 Les autres petits personnages, puis alors ce qui me plaît dans mes personnages, j'aime
27:23 bien qu'on les voit tout de suite qu'ils ont.
27:25 Et puis j'aime bien qu'ils aient leur quart d'heure de poésie où ils dérapent un petit
27:31 peu et qu'ils ressemblent à personne d'autre.
27:35 - Alors on l'a dit, évidemment Paul Saint-Brice vous vous frottez à ce monument qu'est la
27:41 Joconde avec une sorte de parallèle j'ai envie de dire.
27:45 Aurélien, votre personnage principal doit lui aussi agir sur cette œuvre et évidemment
27:53 il est poussé par sa direction à la restauration.
27:56 Il n'a pas du tout envie de le faire puisqu'on ne l'a pas dit, mais en fait c'est un projet
28:00 qui revient de manière très régulière dans sa carrière au Musée du Louvre.
28:04 Et jusqu'ici il a toujours réussi à se faufiler et à ne pas aller jusqu'au terme de ce projet-là.
28:12 - Oui c'est ça, c'est quelqu'un qui a énormément de qualité, notamment il sait extrêmement
28:19 bien parler des œuvres, il sait communiquer, il est enthousiaste sur les œuvres.
28:22 Mais ce qui lui manque peut-être c'est une vision.
28:24 Et oui pour lui il voit avec effroi cette injonction à restaurer la Joconde parce que
28:33 c'est la question du changement, c'est la question est-ce que c'est quelqu'un qui fondamentalement
28:37 n'a pas envie de changer, d'ailleurs il s'enlise aussi dans sa relation amoureuse.
28:43 Mais encore une fois il essaye, c'est ça qui est beau, il essaye.
28:50 Et il essaye de trouver, il se questionne, il se questionne sur l'époque.
28:53 Et il essaye en fait de réévaluer son regard, il a un regard qui est encombré peut-être
28:57 parce que lui a transmis sa mère notamment.
29:00 D'ailleurs la question se pose aussi chez vous Marie.
29:04 Mais il essaye de transcender ça avec ses moyens.
29:08 Je pense qu'en fait on n'est pas à armes égales devant la nostalgie.
29:12 Parfois on a reçu de la nostalgie aussi en héritage et il faut arriver à s'en défaire
29:17 ou en tout cas à l'apprivoiser pour accueillir la beauté du monde présent.
29:23 - Alors Aurélien, allez-y Marie, vous vouliez dire ?
29:26 - Non, je partage complètement cet avis.
29:29 La nostalgie est un lourd fardeau qui en même temps pour les écrivains c'est quand même
29:38 le nerf de la guerre.
29:41 Et en même temps c'est une bête qu'il faut dominer pour s'ouvrir et progresser dans son travail.
29:50 - Le directeur, donc Aurélien votre personnage principal, il est dans ce musée qu'il considère
29:56 comme un refuge, comme quelque chose de très sacré presque.
29:59 Et ce qui est très intéressant aussi c'est que votre roman c'est aussi un roman sur le
30:03 musée du Louvre, sur l'institution que ça représente.
30:06 D'où cette idée aussi d'en faire un audit, d'appliquer les méthodes d'aujourd'hui si
30:14 on peut dire à quelque chose qui a des siècles et des siècles d'histoire derrière lui.
30:19 - Oui exactement, ça pose plusieurs questions.
30:21 Ça pose la question du "New Public Management" qui est en fait cette croyance, en tout cas
30:28 cette théorie qu'il faudrait diriger les institutions publiques comme des affaires privées, chercher
30:32 la rentabilité et on peut se poser la question.
30:35 Mais en même temps on comprend très bien, moi je ne jette pas la pierre du tout au Louvre,
30:41 je comprends très bien qu'il faut aller chercher des nouveaux publics, ce qu'on appelle les
30:44 non-publics et le moyen de faire venir des gens qui ne s'intéressent pas spontanément
30:49 à l'art, c'est d'aller chercher sur les réseaux sociaux, de faire des partenariats
30:52 avec des marques de mode, avec des stars du R'n'B, c'est un moyen aussi pour intéresser
30:59 les gens.
31:00 Peut-être que c'est des gens qui ensuite vont s'intéresser à la peinture et vont apprendre
31:03 à aimer la peinture.
31:04 Mais pour lui c'est une révolution terrible.
31:06 - Ça pose aussi la question de la médiation, ce qu'on appelle la médiation culturelle,
31:10 c'est-à-dire comment est-ce qu'on fait venir évidemment dans les musées des publics qui
31:13 n'y sont pas habitués, qui n'y ont pas été emmenés par leurs parents, qui n'osent pas
31:17 parfois passer les portes des musées et se confronter à ce qu'est une œuvre d'art.
31:23 - Oui, je dirais même que ça pose une position qui est un peu ce que dit Handelbrich.
31:30 Et ce que dit Léonard, c'est-à-dire que plus on connaît, plus on aime.
31:34 Pour aimer l'art, il faudrait connaître l'art, il faut aborder l'art avec ses connaissances.
31:39 Et une autre vision qui est beaucoup plus sur l'expérience, c'est qu'on peut être
31:41 touché par l'art de manière complètement intuitive, sans rien connaître.
31:46 Du coup, on peut voir une peinture et sentir qu'elle nous parle.
31:49 Pourquoi ? Voilà.
31:50 - Marie Lebes, à la fin de votre roman, il n'est pas sûr que son lecteur sache qui a
31:55 acheté le Stabile.
31:56 On en dira beaucoup plus.
31:58 Il y a toute une partie évidemment très enquête polare presque dedans.
32:03 Et ça a inspiré notre lectrice Caroline qui nous parle d'une autre œuvre, le tableau
32:09 du maître Flamand.
32:10 - Le premier livre auquel j'ai pensé qui mêle art et intrigue, c'est le tableau du
32:17 maître Flamand d'Arthur Peres Riverte.
32:20 C'est une histoire basée sur un tableau qui représente un seigneur, un chevalier et une
32:28 femme d'une inscription qui a tué le cavalier.
32:32 Le roman, l'intrigue mêlent art, histoire, jeu d'échec, mathématiques.
32:40 Une fois commencé le livre, on ne le lâche plus jusqu'au bout et je me ferai un plaisir
32:45 de le relire.
32:46 - Voilà Caroline qui a été très inspirée par ce roman.
32:51 Et Pierre Croce, il y a d'autres livres populaires sur l'art, sur Babelio évidemment.
32:56 - Ce qui est intéressant, c'est justement qu'il y a beaucoup de polar qui ont pour
32:59 cadre, pour thème, pour personnages, des détectives ou des restaurateurs policiers.
33:03 Par exemple, on peut citer N'a fait un noir de Michel Bussi qui situe son intrigue à
33:08 Giverny.
33:09 Ou encore justement, il est dans les livres les plus populaires sur Babelio, le tableau
33:12 du maître Flamand d'Arthur Peres Riverte.
33:14 Il est question donc de restauration d'oeuvres d'art.
33:17 Je vous le conseille si vous ne l'avez pas lu, il est génial, j'ajoute ma voix à
33:20 cette présentation.
33:21 - Allez-y !
33:22 - Il y a énormément de polar.
33:24 La restauration d'une oeuvre d'art, c'est un enjeu presque digne des meilleurs romans
33:28 policiers.
33:29 - Qu'est-ce que vous en pensez, Paul-Louis ? Il y a une enquête à mener avant de restaurer
33:35 ou pas ?
33:36 - Oui, bien sûr, ça fait l'objet de tout un tas d'expertises, de débats scientifiques,
33:42 bien sûr.
33:43 - En tout cas, les oeuvres, elles sont éternelles et elles interrogent évidemment la valeur
33:49 de ce qu'est une oeuvre.
33:50 C'est 5 millions le Stabil Moustipique, c'est ça à peu près ?
33:54 - C'est un peu plus.
33:55 - Un peu plus.
33:56 Est-ce qu'on sait le prix de la valeur de l'oeuvre ?
33:58 - Le Stabil Moustipique n'existe pas.
34:00 - Je sais bien, j'ai bien compris.
34:01 - Mais il y en a eu un quand même qui a été vendu un peu plus cher.
34:06 - Un peu plus cher.
34:07 Et la valeur de la recontre, ça on oublie évidemment.
34:10 Merci à tous les deux d'être venus nous parler de vos romans.
34:12 Marie Lebes, votre 7e roman, « La valeur des rêves », aux éditions Léo Chir.
34:17 Et votre premier roman, Paul Saint-Brice, « L'allègement des vernis » chez Philippe
34:21 Rehm.
34:22 Merci à tous les deux.
34:23 Merci à Pierre Croce de m'avoir accompagné en ce vendredi.
34:26 * Extrait de « La valeur des rêves » de Pierre Croce *
34:29 Et dans un instant l'épilogue de ce boucle, mais avant 13h24 sur France Culture.
34:34 Voici Mathias Sénard, comme tous les vendredis, également pour ses inquipites.
34:38 « En 1960, au cours d'une longue mission clandestine en Espagne pour le compte du Parti
34:43 communiste, dont il sera exclu quelques années plus tard pour divergence de vue par rapport
34:47 à la ligne du parti, Georges Semprun recommence à écrire.
34:50 Il va avoir 40 ans.
34:53 Il n'en avait pas tout à fait 20 lorsqu'il fut arrêté par la Gestapo à Joanie et
34:57 déporté à Buchenwald.
34:59 20 ans.
35:00 Georges Semprun a attendu 20 ans avant de raconter Buchenwald, avant d'entreprendre
35:05 le grand voyage du souvenir du retour au camp.
35:08 En 1945, il a essayé d'écrire.
35:11 Rester immergé dans le souvenir de Buchenwald l'a poussé au suicide.
35:14 Il a arrêté.
35:16 Il a mis de côté les manuscrits.
35:18 S'est jeté à corps perdu dans l'action communiste clandestine en Espagne.
35:22 Le grand voyage, son premier roman, commence ainsi.
35:25 Il y a cet entassement des corps dans le wagon, cette lancinante douleur dans le genou
35:30 droit.
35:31 Les jours, les nuits.
35:34 Je fais un effort et j'essaye de compter les jours, de compter les nuits.
35:38 Ça m'aidera peut-être à y voir clair.
35:39 Quatre jours, cinq nuits.
35:42 Mais j'ai du mal compter ou alors il y a des jours qui se sont changés en nuits.
35:46 J'ai des nuits en trop, des nuits à revendre.
35:49 Le grand voyage se centre sur le transfert en train des déportés français vers Buchenwald.
35:55 L'horreur des wagons surpeuplés, de la soif, des brimades et de la mort.
35:59 Semprin avait rédigé le grand voyage en français, langue qu'il maîtrisait bien
36:03 sûr à la perfection.
36:04 Il était arrivé en France à l'âge de 15 ans en 1939 et avait effectué ses études
36:09 secondaires au lycée Henri IV à Paris.
36:11 A sa sortie en 1963, le grand voyage reçut le prix Formentor du nom d'une baie de l'île
36:17 de Majorque.
36:18 Prix espagnol fondé par l'éditeur Carlos Barral avec l'appui d'un groupe d'éditeurs
36:23 internationaux.
36:24 Revolt en Allemagne, Gallimard en France, Ein Audi en Italie pour ne citer qu'eux.
36:29 Recevoir le prix Formentor signifiait alors être traduit simultanément dans dix langues
36:34 à la fois et publié dans le monde entier.
36:36 Dans l'écriture ou la vie, Georges Semprin raconte la cérémonie de remise du prix à
36:41 Salzbourg en Autriche le 1er mai de l'année suivante.
36:44 On lui offre un exemplaire allemand, un exemplaire anglais, un exemplaire italien et ainsi de
36:49 suite pour chacune des dix langues qui participent au prix.
36:52 Puis, Carlos Barral s'avance pour lui offrir la traduction espagnole.
36:56 Mais celle-ci n'existe pas, la censure franquiste ayant interdit le roman.
37:01 Le livre sortira un peu plus tard, au Mexique.
37:04 Barral remet donc à Semprin un livre façonné mais vierge.
37:07 Un faux livre.
37:08 Un ouvrage dont toutes les pages sont blanches.
37:11 Ce qui rappelle à Semprin la blancheur de la neige qui recouvrait Buchenwald.
37:14 « La neige d'antan recouvrait les pages de mon livre, raconte-t-il, les ensevelissait
37:21 dans un linceul cotonnu.
37:22 Ce livre que j'avais mis près de vingt ans à pouvoir écrire s'évanouissait de nouveau,
37:28 à peine terminé.
37:29 Il me faudrait le recommencer.
37:30 Tâche interminable, sans doute, que la transcription de l'expérience de la mort.
37:36 De tous les exemplaires du grand voyage que j'avais reçu ce soir-là, et que je recevrai
37:41 encore, l'espagnol était le plus beau, le plus significatif à mes yeux, par sa vacuité
37:47 vertigineuse, par la blancheur innocente de ces pages à réécrire.
37:52 »
37:53 Les inquipides de Mathias Senard, c'est à réécouter bien évidemment sur franceculture.fr
37:56 et sur l'appli Radio France.
37:58 J'en profite donc désormais puisque c'est la fin du boucle pour remercier toute l'équipe.
38:02 On va se retrouver lundi évidemment pour une nouvelle semaine avec Oriane Delacroix,
38:07 Zora Vignier, Jeanne Lagrappard, Didier Pinault et Alexandre Alay-Bégovitch.
38:10 Thomas Beaud réalise comme tous les jours cette émission et à la prise de son ce midi,
38:16 Alex Dingue.
38:17 On se retrouve quand vous le voulez bien sûr sur le compte Instagram du Book Club et sur
38:20 notre page franceculture.fr.
38:22 Et nous on se retrouve donc lundi à 12h50 et on conclut comme tous les jours par l'épilogue.
38:27 « Et qu'est-ce qui différencie un sèche-linge d'une oeuvre d'art ? Au début rien.
38:32 Et c'est pour ça que j'ai choisi la Joconde.
38:33 Parce que la Joconde elle incarne ce qui est immuable.
38:35 Il la touche, il la sent, il la renifle.
38:37 Parce que c'est une madone, parce qu'elle a une âme.
38:40 Comment elle a atterri dans ce club de vacances, ça part d'une histoire vraie.

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