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Regardez L'invité de RTL du 09 mai 2023 avec Amandine Bégot.

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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h44, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Amandine Bégaud, vous recevez donc ce matin le chef Yannick Alenau.
00:13 Yannick Alenau, il y a un an, le 8 mai 2022, votre fils Antoine mourait brusquement en plein Paris à 24 ans,
00:19 percuté par un chauffard, un homme qui roulait à très vive allure, à bord d'une voiture volée, tout ça sous l'emprise
00:24 de drogue et d'alcool. Quand vous êtes venu nous voir ici à RTL en septembre dernier, vous m'aviez dit
00:29 "je marche avec un morceau de poumon et un bout de coeur en moins". Vous diriez la même chose aujourd'hui ?
00:35 - Bah oui, ça n'a pas changé, ça n'a pas changé, c'est toujours difficile.
00:38 - On dit souvent, à tort ou à raison d'ailleurs, que le deuil
00:42 se vit en cinq étapes, ça va du denier à l'acceptation en passant par la colère. Vous les avez connus ces phases là ?
00:49 - Bah je crois que j'ai pas terminé mon deuil ni le commencé d'ailleurs, mais
00:52 non c'est particulier, c'est dur franchement.
00:56 - Alors très vite après ce drame, vous avez dit vouloir mettre votre notoriété au service
01:01 des autres pour que la mort d'Antoine ne serve à pas à rien.
01:05 C'est aussi un moyen de tenir ça ?
01:09 - Enfin vous savez quand ça vous arrive,
01:12 moi j'ai découvert un monde
01:15 que je ne souhaitais à personne, que je ne connaissais pas.
01:17 Et puis j'ai reçu énormément de messages de gens qui m'ont dit "vous savez, nous aussi,
01:21 quelqu'un avec qui je travaillais moi aussi, Rémi, 16 ans, est parti".
01:26 Et là on mesure la masse de gamins qui partent par an, c'est impressionnant.
01:34 Donc je me suis dit "bon bah si j'ai eu tout ce que j'ai eu,
01:38 comme disait l'américain, pay back, on va donner du temps".
01:42 Et puis notre parole
01:45 pour essayer de faire changer tout ça, parce que c'est un monde qui est quand même assez particulier, c'est à dire que
01:51 on s'occupe des gamins du début de la naissance jusqu'à leur adulte, mais je me suis aperçu que quand ils partent,
01:59 plus rien ne se passe en fait. On n'accompagne plus les familles, les mamans, les pères.
02:04 Moi j'ai vécu une scène d'attentat, Antoine est mort en bas de la maison, un chaos de métaux, de pompiers, de policiers,
02:13 d'ambulances, de sang.
02:15 C'est un attentat. C'est impressionnant quoi.
02:17 Et puis là vous repartez tout seul chez vous, sans personne, vous téléphone en vous demandant comment ça va, le frère, la soeur,
02:23 mon deuxième fils,
02:25 sa demi-soeur, personne s'occupait de savoir comment ils allaient quoi.
02:28 Et ça peut créer des dégâts en fait. Encore une fois, notre famille est structurée, donc on a réussi ensemble à se retrouver,
02:35 à se solidifier. Il y a plein de familles qui n'ont pas cette force là et qui en fait, on mesure pas le dégât
02:44 que ça procure aux frères, aux soeurs, aux gens,
02:47 les petits copains, les petites copines. - C'est pas une vie qui est détruite, c'est... - Ah non mais c'est plein en fait.
02:52 Et c'est plein de gens qu'on doit accompagner.
02:55 Moi j'ai revu une maman qui avait perdu son fils 15 ans, n'est toujours pas remise,
03:01 parce que personne ne l'a aidé, je pense que psychologiquement
03:05 elle n'a pas été suffisamment suivie. - Vous dites "j'ai vécu une scène d'attentat",
03:11 il y a 750 jeunes de moins de 25 ans qui meurent chaque année
03:14 tués par un chauffard. Hier vous disiez à nos confrères du parisien "c'est cinq bataclans par an".
03:20 - Oui je crois que c'est la seule formule que j'ai trouvé, puisque comme ça a choqué tout le monde, la France entière,
03:25 c'est le seul comparatif que j'ai pu trouver, vu ce que j'ai vu, et je me suis dit si on multipliait ça
03:31 sur ce qui se passe en France tous les ans, voilà ce que ça représenterait quoi.
03:36 Et ce que j'aimerais c'est que, moi j'ai grandi avec la notion d'égalité, c'est marqué sur toutes les mairies,
03:42 donc donnons la chance,
03:44 je sais pas si c'est la chance, mais soyons dans cet esprit là, et donnons l'égalité de traitement en fait.
03:52 Quand une maman ou un papa perd son enfant,
03:55 je crois que surtout dans ces conditions là aussi brutales, qui sont aussi difficiles je crois, et encore une fois
04:02 j'essaye de mesurer mes mots parce que le bataclan ça devait être encore plus important.
04:07 - Mais c'est volontairement provocateur d'employer ce terme là, pour que les gens se réveillent, vous voulez faire bouger les choses.
04:13 - Il faut faire bouger parce que moi j'ai reçu une facture, vous voyez comme on nous traite, de l'ambulance qui m'a prise
04:20 de
04:22 l'endroit où est mort Antoine jusqu'à l'hôtel Dieu.
04:24 14,90, puis comme j'avais pas payé parce que je connaissais un peu, limite, j'ai reçu une aide de l'huissier qui m'a dit "il faut payer maintenant".
04:31 Enfin bon,
04:33 je présume que le gars qui a tué Antoine, il a pas payé la voiture de police qui l'a transportée
04:38 dans son lieu de détention quoi.
04:43 - C'est ça l'égalité de traitement que vous récitez ?
04:45 - Aussi, ouais, je veux dire, si on dépense autant d'argent pour ceux qui font des méfaits, je pense qu'il faut donner autant d'argent
04:49 à ceux qui subissent tout simplement. Et du coup, on aurait certainement l'occasion...
04:55 Rendez-vous compte qu'aujourd'hui,
04:58 un gars qui est condamné peut faire appel.
05:00 - Et vous, vous êtes en colère ?
05:02 - Non, je suis en colère.
05:04 - Vous êtes en colère ?
05:06 - Non, je suis en colère.
05:08 - Vous êtes en colère ?
05:10 - Non, je suis en colère.
05:12 - Vous êtes en colère ?
05:14 - Non, je suis en colère.
05:16 - Vous êtes en colère ?
05:18 - Non, je suis en colère.
05:20 - Vous êtes en colère ?
05:22 - Non, je suis en colère.
05:24 - Vous êtes en colère ?
05:26 - Non, je suis en colère.
05:28 - On va vous demander, Antoine et votre fils Thomas, de créer l'association Antoine Alénaud.
05:32 D'abord, pour aider les proches des victimes, pour humaniser ces moments-là.
05:36 Ça y est, l'association est opérationnelle.
05:39 Elle a pris un peu de temps et c'est normal pour structurer tout ça.
05:42 Il vous manque, je crois, encore une assistante sociale ?
05:44 - Oui, parce que nous voudrions mettre un numéro d'appel pour aider le plus vite possible les gens.
05:51 Et il nous manque la personne au bout du fil qui sera compétente pour le faire.
05:55 Et l'assistante sociale est nécessaire pour répondre justement à ce que les gens ont besoin.
06:00 - Donc vous lancez ce matin un appel sur RTL, si une assistante sociale ou quelqu'un qui aurait cette formation-là,
06:05 - Oui, un psychologue qui aurait fini sa carrière, etc.
06:08 Ça serait important, ça serait un poste à part entière.
06:11 Nous n'avons pas de bénévolat, on a levé un peu de fonds pour structurer les choses.
06:15 C'est un vrai proposition d'emploi.
06:18 - L'idée, c'est de mettre en place des antennes, des relais un peu partout en France,
06:21 un peu comme il y a eu pour les Restos du Coeur, par exemple ?
06:24 - C'est un peu ça. J'aimerais mailler un peu le territoire français pour qu'on puisse directement
06:30 mettre en relation des très bons avocats, des très bons psychologues, des très bons médecins,
06:33 pour tout de suite faire en sorte que la douleur soit prise en charge tout de suite et l'accompagnement nécessaire.
06:39 Tout à l'heure, vous entendez parler des papiers administratifs, c'est les mêmes.
06:44 C'est les mêmes. Vous avez une montagne de trucs à remplir.
06:48 J'ai discuté l'autre jour avec un jeune fonctionnaire de police, il me dit "nous, on n'est pas vraiment formés à ça".
06:53 Donc quand il sonne à la porte des gens, ils savent très bien ce qu'ils vont trouver derrière.
06:57 Et eux, pareil, comment ils sont accompagnés en fait ?
07:00 Est-ce qu'il ne serait pas nécessaire d'avoir juste un document, dire "écoutez, ça vous est arrivé,
07:05 nous en sommes désolés, mais vous devriez tout de suite appeler cette personne-là et on va vous assister".
07:09 - Le chauffeur qui a tué Antoine s'était vu retirer son permis de conduire,
07:15 il roulait sous l'emprise de drogue, d'alcool, à vive allure, dans une voiture volée.
07:19 Il a été mis en examen pour homicide involontaire. Ça vous fait bondir, Yannick Allénaud, ce terme ?
07:24 - Ça me fait bondir, comme tous ceux qui ont vécu ce drame, je sais pas, bondissent en fait.
07:29 Il y a encore, mi-avril, un petit garçon de 4 ans qui est apéri sous un refus d'autant pérer 4 ans.
07:40 Aujourd'hui, on va retenir la peine de l'homicide involontaire,
07:43 alors que la principale accusation qu'on va lui donner, c'est que vous avez désobéi à la police en fait.
07:48 Donc l'homicide involontaire, on a travaillé avec un professeur en droit, Didier Cornu.
07:55 Didier, pardon, ça me revient pas, mais...
08:00 - C'est le plus...
08:02 - Et il n'y a pas de frein constitutionnel. L'idée, ça serait de créer un...
08:07 - Un homicide routier.
08:08 - Un homicide routier, qui permettrait au juge d'avoir plus d'outils pour traiter ça.
08:14 Aujourd'hui, c'est directement classé dans la case de l'homicide involontaire.
08:19 - C'est-à-dire que dès lors qu'on a un comportement interdit, on boit de l'alcool, on consomme de la drogue,
08:22 et bien c'est plus l'homicide involontaire français.
08:24 - Pour que je sache, consommer de la drogue, c'est interdit en France.
08:26 - On y est en but aussi ?
08:28 - Oui. C'est sur-interdit en France de conduire sous des effets de stupéfiants, quoi.
08:34 Donc forcément, vous avez rompu, je dirais, le droit français, et vous avez pris le volant.
08:41 Donc vous avez forcément, au bout du truc, l'intention...
08:46 Le drame, il est là, il est latent.
08:49 Donc l'homicide routier est quelque chose, je pense, qui serait adapté à ces situations-là.
08:55 Déjà, quand vous êtes victime, et je pense qu'on ne met pas assez l'accent sur les victimes en France,
09:01 quand vous êtes victime, c'est insupportable d'entendre dire que votre enfant est mort de façon involontaire.
09:08 Je suis désolé, un gars qui vole une voiture, qui roule à vive allure en plein Paris,
09:13 qui percute un gamin qui est arrêté au feu rouge, qui est en train de chanter,
09:16 parce qu'il rentre chez lui du boulot, il est content...
09:19 Comment on peut supporter ça ?
09:22 Moi, je sais pas, le jugement n'est pas arrivé, mais tous ceux qui sont passés avant moi m'ont dit
09:27 "C'est quoi la valeur de notre enfant, en fait, dans cette histoire ? Elle est où, la prise de conscience de la victime ?
09:34 Traitez-nous de façon convenable, s'il vous plaît." C'est tout ce qu'on demande.
09:38 Ce chauffard, je le disais, a été mis en examen, il est aujourd'hui libre, placé sous contrôle judiciaire,
09:43 mais libre, ça aussi, ça vous révolte ?
09:46 Écoutez, le mien est dans une boîte.
09:48 Merci beaucoup, Yannick Alléon.
09:50 Vous êtes dans l'œil de Philippe Cavray.
09:52 [SILENCE]