Télématin reçoit aujourd'hui Arthur Teboul, chanteur du groupe rock français Feu! Chatterton, qui lorsqu'il ne compose pas de chanson, s'adonne à la poésie. Il vient de publier son premier recueil de poèmes "Le déversoir".
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00:00 Et nous sommes ce matin avec le chanteur Arthur Teboul qui quand il n'écrit pas de chanson,
00:04 et bien écrit de la poésie tout simplement. Bonjour Arthur Teboul.
00:06 Bonjour, merci d'être avec nous.
00:07 Bienvenue sur le plateau de télé matin. Pas trop difficile le réveil ?
00:10 Non, ça va, j'ai une petite fille de 7 mois donc...
00:13 Ah oui, c'est un bon entraînement.
00:14 La journée est déjà bien dans ta vie.
00:15 Oui, on est bien.
00:16 Alors, on vous connaît parce que vous êtes évidemment le chanteur du groupe Fush à Tertone.
00:20 C'est l'un des groupes les plus en vue de la scène rock française. Regardez, ça donne ça.
00:25 * Extrait de « De nouveau on en rêvait tous » de Fush *
00:53 Voilà, il sort de la Tome 1 par 30 le dimanche.
00:55 Super. Arthur Teboul, vous venez d'écrire, vous venez de publier ce recueil de poèmes.
01:00 Ça s'appelle « Le déversoir ».
01:02 Question bête, pardon, mais comment on devient poète ?
01:05 C'est une bonne question. J'ai l'impression que c'est quelque chose qui vient de l'enfance.
01:10 On ne le devient pas, on l'accepte ou on se réalise.
01:14 Vous avez toujours été un peu poète ?
01:16 Oui, je suis venu à la chanson par le texte en fait.
01:18 J'ai rencontré mes camarades du groupe au lycée.
01:20 Et pourquoi ? Parce qu'en fait je leur disais des textes en classe, à l'oreille, des poèmes, du rap, sans musique.
01:28 Et puis un jour, ils m'ont dit « On aimerait bien monter un groupe avec toi ».
01:30 Donc je suis devenu chanteur plus parce que j'écrivais des textes.
01:33 Depuis l'enfance, c'est ce plaisir, ce frisson à la lecture de certains grands textes.
01:40 Mais alors est-ce que vous écrivez les chansons de la même manière que vos poèmes ?
01:43 Est-ce qu'on écrit de la même manière des chansons et des poèmes ?
01:45 Pas du tout, pour ma part pas du tout.
01:47 Parce que les chansons demandent… alors que c'est rien, c'est douze petites chansonnettes, ça paraît dérisoire.
01:52 Mais ça demande un temps extrêmement long d'affinage, de sophistication.
01:56 Finalement, quand le cadre est très contraint, il y a peu de mots, il y a une répétition de refrain, etc.
02:01 Ça demande pas mal de travail.
02:03 Alors que les poèmes-là, je les écris de manière automatique, jetée, très spontanément.
02:08 Et c'est un équilibre.
02:09 Du le titre, le déversoir.
02:10 C'est des poèmes minutes.
02:11 C'est ça, c'est ce que vous appelez des poèmes minutes.
02:13 Vous pouvez nous expliquer un peu le concept ?
02:15 C'est des poèmes écrits entre 3 et 5 minutes.
02:18 Comme ça, en essayant de se laisser aller à ce qui vient, sans projection, attente, ambition, préoccupation.
02:27 Un peu comme quand on médite, on est dans le présent et on laisse venir toutes les pensées, comme ça ?
02:31 Oui, ça ressemble à ça, avec le geste d'après, qui est ce qui nous traverse, oser l'écrire.
02:37 Et donc, tout le monde peut le faire comme ça, en partant d'un mot ?
02:40 Oui, je pense que tout le monde peut le faire, parce qu'en fond, on a tous une voix dans la tête,
02:44 qui est la nôtre, qu'on écoute plus ou moins aussi.
02:48 Ce que j'aime bien dans cet exercice, c'est qu'au début, en écrivant, on peut être déçu,
02:52 parce que ce qui nous traverse parfois est banal.
02:55 Mais c'est ça qui est bon aussi, c'est d'accepter que ce qui nous traverse est banal.
02:58 Tous les instants sont vrais, il n'y a pas d'instant moins vrai qu'un autre.
03:01 Alors, si on décide simplement de photographier cet instant, il aura sa teneur.
03:05 Et en écrivant un poème, on l'accepte jusqu'à un moment, peut-être là,
03:09 où on est traversé par la fébrilité du direct, l'après-vue, la télévision, des gens qui nous regardent.
03:14 D'autres fois, on est devant la mer, parfois, c'est le soir, on est fatigué, on digère.
03:18 C'est un poème digestif. Tout est possible !
03:20 On est déjà dans la poésie !
03:22 On vous a fait faire un petit exercice, justement.
03:24 On vous a demandé d'être un peu inspiré dans la loge, en attendant votre passage.
03:29 Est-ce que vous avez réussi à écrire quelque chose ?
03:31 Oui, bien sûr, parce qu'en fait, pour moi, ça n'a pas de rapport avec l'inspiration.
03:35 Ça a plus le rapport avec le fait d'oser écrire ce qui est là.
03:38 Donc vous êtes parti de quoi ?
03:40 Je suis parti de rien. J'étais assis dans la loge et puis j'ai laissé la chose venir.
03:44 Allez, on vous écoute.
03:46 Il était never pill, en plus. Je vais vous le lire.
03:49 Pour refaire le chemin vers la mer, nous avons mis du cœur à l'ouvrage.
03:52 Il n'était pas si simple de se souvenir de la route.
03:55 Cela faisait un moment que nous n'avions pas emprunté cette voie étroite parmi les feuillages,
03:58 que nous n'avions plus pris le temps de faire la promenade entre les pins.
04:01 Autrefois, nous y allions tous les jours, très tôt,
04:04 avant que ne commence la course affolée de la vie en train de se faire,
04:07 de se défaire, de se tortiller à pas de course vers le plus commun labeur.
04:11 Quelques gouttes recueillies en flacon, à déposer le soir sur la table de la salle à manger,
04:15 le fruit de l'effort.
04:17 Je propose que nous posions là, à l'instant, ces rectangles hypnotiques
04:20 qui nous servent à tout pour refaire avec le doigt le chemin jusqu'à la mer sur la carte,
04:25 sur la carte postale.
04:27 Alors, il n'y a pas que de l'instant, il y a beaucoup de talent, pardon.
04:30 On a l'impression qu'il y a des heures de travail.
04:33 C'est ça qui nous impressionne.
04:35 Ce qui me fait rire, c'est que parfois, je passe énormément de temps sur un texte,
04:39 finalement, il est boursouflé, et donc il est moins juste que celui de l'instant.
04:46 Vous vous souvenez de votre premier poème appris à l'école ?
04:49 Parce qu'on en apprend tous, pas par cœur.
04:50 Oui, je ne me souviens pas par cœur, mais je me souviens de l'émotion.
04:53 C'était le cancre de Prévert.
04:55 En tout cas, la poésie a inspiré un de vos amis,
04:58 quelqu'un que vous connaissez, et vous a laissé une petite surprise.
05:00 On l'écoute.
05:01 Salut Arthur !
05:03 Alors, du fin fond de l'Arménie, pas très loin de la frontière iranienne,
05:08 une petite question.
05:11 La poésie, la poésie, quand elle se contente du son,
05:18 quand le texte est absent, quel est ton regard sur cette poésie ?
05:22 Évidemment, je parle de la poésie dans la musique instrumentale,
05:27 pas spécifiquement le piano, mais quel est ton regard sur cette poésie autre
05:33 qui se passe de verbe ?
05:35 C'est une question qui vaut ce qu'elle vaut.
05:39 Baptiste, vous aviez dit.
05:42 Oui, avec qui on fait de la musique, un grand pianiste de jazz.
05:45 C'est une très belle question, parce qu'on pourrait penser que la poésie
05:47 est réservée aux livres, elle est réservée aux poèmes, à l'écrit.
05:50 Or, en réalité, c'est une source qui irrigue notre vie en entier.
05:57 On vit des moments poétiques, simplement on a peur de les nommer ainsi,
06:01 parce que la poésie est fraie, mais elle peut être partout.
06:04 J'aime bien Christian Bobin, qui est un poète que j'aime beaucoup,
06:07 qui dit "Le monde est plein de visions qui attendent des yeux.
06:10 Les présences sont là, ce qui manque ce sont nos yeux."
06:13 Et donc c'est plus un rapport au monde, sentir qu'on essaye de faire raisonner le monde
06:17 avec soi-même, d'être alerte.
06:20 Arthur Teboul, est-ce qu'il faudrait, selon vous, que la poésie soit remboursée par la sécu ?
06:25 Parce qu'elle nous fait du bien.
06:27 Je ne pense pas, parce que ce serait lui faire l'aumône, et elle n'a pas besoin de ça.
06:31 C'est comme si on essayait de prouver qu'il faut l'aimer.
06:35 Quand on essaye de prouver qu'une chose doit être aimée,
06:38 finalement on ne peut pas l'aimer vraiment, on nous oblige.
06:40 Elle est assez forte elle-même, et séduisante et belle pour qu'on y vienne.
06:44 Arthur Teboul, l'invité de Télé Matins jusqu'à 9h30.
06:47 On se retrouve dans une poignée de secondes après une courte pause.
06:49 A tout de suite.