Xerfi Canal a reçu Aude de Kerros, graveur et essayiste, pour parler de la face cachée de Paris dans le marché mondial de l'art. Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Bonjour Aude Deckeros.
00:14 Bonjour.
00:15 Aude Deckeros, vous êtes graveur, essayiste, auteur de plusieurs ouvrages qui ont fait
00:18 beaucoup de bruit sur l'art contemporain, puisque vous dénoncez notamment un art corrompu,
00:23 une utopie financière qui a corrompu l'art en faisant de l'art conceptuel l'alpha
00:28 et l'oméga de l'art.
00:29 Je résume.
00:30 Un ouvrage, 2007, L'art caché, les dissidents de l'art contemporain.
00:34 On va s'intéresser ensemble à la façon dont l'art redevient visible à Paris, face
00:40 au pari hyper visible, les nouvelles stratégies de dissidence.
00:45 Alors donc ce pari visible, ça marche très très bien et tout le monde est très content.
00:52 On dit enfin Paris devient une place internationale.
00:56 Elle ne l'était pas par calcul, parce qu'il ne fallait pas que Paris reprenne son prestige.
01:01 Mais si Paris devient, disons, un complément de Miami, ce n'est pas grave.
01:06 Alors ça c'est pour le pari visible, tout va très bien.
01:11 Alors le pari moins visible, mais maintenant visible, celui dont je parle dans L'art
01:17 caché, qui était totalement effacé par les masses médias et par le haut marché,
01:25 lui, il est toujours là et en fait, il n'a jamais disparu.
01:31 Et tous ces artistes-là, pendant toutes ces années, puisqu'on peut compter 40 ans d'invisibilité,
01:38 ça fait deux générations, pour beaucoup ça a été l'enterrement à l'âge de
01:42 30 ans et ça a été une période très dure, mais aussi qui a beaucoup approfondi les choses.
01:50 Ceux qui aujourd'hui font de l'art au sens non conceptuel, ont choisi cette voie,
01:57 en sont convaincus, ne font pas ça pour gagner de l'argent, mais parce que c'est vital
02:02 pour eux et parce que ça a un sens.
02:04 Et maintenant on les voit, comme je vous expliquais.
02:08 Par ailleurs, il y a un autre phénomène contre lequel visiblement tout ça ne fait
02:16 rien, c'est que dans la vision du grand public international, quand vous allez en
02:23 Chine, quand vous allez au Japon, en Amérique du Sud, c'est que Paris, c'est la place
02:28 de l'art où tout le monde pouvait venir parce qu'on y discutait d'art, parce qu'on
02:36 avait des amateurs pour tout et que tous les courants étaient présents à Paris.
02:41 Ça, c'était le privilège que nous avions parce qu'il y a eu véritablement un renoncement
02:48 de l'État en 1870 de ne pas jouer un rôle officiel et ils ont construit un grand palais
02:57 et un lieu visible du monde entier où ce sont les artistes qui choisissaient dans chaque
03:02 salon qui ils voulaient.
03:04 Et vous aviez à l'époque énormément de presse, qui était grande presse, mais aussi
03:10 les fanzines, les feuilles de chou, les revues savantes, tout ça qui parlait d'art et
03:16 qui parlait un peu de tout parce qu'il y avait tout.
03:19 Et donc c'est cette image-là que le monde entier a de Paris, pas du tout l'image
03:24 globale, rien à voir avec Miami et Hong Kong et Bâle, c'est autre chose.
03:31 Et ça, tout le monde attend.
03:33 Quand ils viennent à Paris, c'est ça qu'ils veulent voir, c'est ça qu'ils
03:37 ont envie de rencontrer.
03:38 Et donc le jour où, disons, on admettra qu'il y a plusieurs marchés et qu'il
03:46 y aura une visibilité plus grande et surtout qu'il n'y aura pas en France la diabolisation
03:52 de tout ce qui n'est pas conceptuel, parce que c'est ça qui nous a tués dans d'autres
03:55 pays, ça n'est pas du tout le cas.
03:57 Je dirais que c'est le seul pays au monde où l'État a dit que l'art contemporain
04:04 c'est l'art conceptuel.
04:06 Ça n'existe pas ailleurs.
04:08 Donc les gens nonchus ne comprennent pas pourquoi ça se passe comme ça à Paris,
04:12 ne comprennent pas le mystère de Paris.
04:14 Qu'est-ce qui s'est passé ? Alors le jour où le ministère de la Culture ne se
04:18 mêlera pas de dire "ça c'est de l'art et ça, ça ne l'est pas", ça ira beaucoup
04:23 mieux.
04:24 Et puis je pense que la technologie permet énormément de choses.
04:30 Vous parliez des NFT, à quoi ça sert, est-ce que ça va survivre, qu'est-ce que ça va
04:38 devenir.
04:39 Eh bien les NFT jouent un rôle de disruption que nous n'avons pas évoqué la dernière
04:44 fois, qui est qu'avant pour faire jouer la bourse, il faut être un peu initié,
04:53 il faut plus ou moins être dans un réseau, il faut s'y connaître, tandis que les NFT
05:00 c'est une sorte de démocratisation de la spéculation.
05:03 Alors vous me direz "la spéculation ce n'est pas quelque chose de bien", sans
05:08 doute, mais que ça soit démocratisé c'est très très bien.
05:12 C'est-à-dire que d'autres, des groupes ou des gens différents ou d'autres courants
05:19 vont pouvoir disons parier sur des talents, même si c'est que des images.
05:25 Mais l'image elle fait connaître quelqu'un qui fait peut-être une peinture magnifique
05:30 par ailleurs, ou un artiste va se faire connaître comme ça, et j'en connais.
05:35 Et je connais de très jeunes artistes qui ont la trentaine qui s'en sortent avec le
05:41 NFT.
05:43 Donc, sans passer par l'État, sans passer par je dirais la file de légitimation pour
05:54 rentrer dans le grand marché qui bloquait tout jusque maintenant.
05:58 Le nouveau Bitcoin, le NFT, le rêve d'une démocratisation immatérielle.
06:06 Même de la spéculation.
06:07 Et même de la spéculation.
06:08 Merci Aude de Quéros.
06:09 Merci.
06:10 Merci.
06:11 Merci.
06:12 Merci.
06:13 Merci.
06:14 Merci.
06:15 Merci.
06:16 Merci.
06:17 Merci.