1er-Mai : le gouvernement veut tourner la page des retraites

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Transcript
00:00 Et ce premier mai social, on va l'évoquer tout de suite avec notre invité, l'invité du jour, c'est vous Laurent Fragerman. Bonjour.
00:07 Bonjour, enchanté.
00:08 Enchanté, vous êtes sociologue, spécialiste des mouvements sociaux notamment.
00:12 Première question avec vous, on l'a vu, les syndicats s'attendent à une forte mobilisation.
00:17 Est-ce que c'est d'une certaine manière une forme de succès déjà annoncé pour les syndicats ce 1er mai ?
00:21 Alors, succès annoncé, on commence à le voir avec les premières manifestations, ça se confirme.
00:26 Donc ça, c'est pas étonnant. De ce point de vue, la question, c'est plutôt, est-ce qu'ils vont être dans des fourchettes bases du succès,
00:33 si on prend cette expression, c'est-à-dire les chiffres annoncés par le gouvernement,
00:36 qui à plusieurs reprises, depuis plusieurs semaines, ont été minimalistes, ils ont été en dessous de la réalité,
00:42 c'est le même des chiffres officiels, ou est-ce qu'on va être au-dessus ? Parce que c'est ça la question.
00:47 Le problème, c'est que comme on a un système institutionnel extrêmement fermé, verrouillé,
00:53 qui donne beaucoup de pouvoir au président de la République, le fait est qu'il suffit pas d'avoir beaucoup de manifestants
00:59 et le soutien très fort de l'opinion publique pour gagner.
01:02 Et donc l'enjeu pour les syndicats, c'est de réunir encore plus de manifestants que d'habitude.
01:06 On voit que la population, enfin les manifestants sont un petit peu différents qu'à d'autres moments,
01:12 puisque c'est un jour férié, qu'il y a une semaine de vacances encore pour un tiers des Français, notamment en région parisienne.
01:19 Donc voilà, on a quelque chose de plus familial, et un peu moins de gens qui viennent de leur lieu de travail quelque part et qui ont fait grève.
01:27 Donc c'est un petit peu modifié, mais c'est important de ce point de vue-là.
01:31 Côté du gouvernement, on l'a entendu dans la bouche de nombreux responsables de l'exécutif,
01:37 le gouvernement veut tourner la page des réformes des retraites, dire qu'elle est désormais derrière eux,
01:41 avec ces fameux 100 jours d'apaisement mis en avant par Emmanuel Macron.
01:44 Pourtant, la colère, elle, elle est toujours là, dans la population et dans l'opinion.
01:48 Alors les 100 jours, dans l'histoire de France, ça fait référence à Napoléon qui tente un retour et qui termine à Waterloo,
01:54 une défaite terrible, et c'est la fin de l'aventure napoléonienne.
01:58 Donc je pense que c'est pas une très bonne image.
02:01 Pour l'instant, ça n'a pas fonctionné très clairement, c'est-à-dire que le président de la République a voulu tourner la page trop tôt,
02:08 et du coup, il est allé au terrain, et sa première rencontre avec la population a été un désastre.
02:14 C'était dans une région en Alsace qui est assez conservatrice, qui n'est pas du tout une région frondeuse, belliqueuse,
02:20 mais il s'est fait insulter, on lui a demandé de démissionner, bref.
02:24 Avec les casserolades, notamment, ces fameuses, ces concerts de casserole aussi.
02:27 Alors ça, ça continue. Les ministres ont dû limiter leurs déplacements, le président lui-même a dû faire jouer au chat et à la souris.
02:35 Donc dans les faits, on voit bien que le mécontentement ne s'est pas arrêté.
02:40 On voit bien que c'est pas le président qui peut tourner la page, c'est en gros le mouvement social lui-même.
02:45 Et là, on a une incertitude, est-ce que ça va continuer ou pas ? En fait, on ne sait pas.
02:49 On a une visibilité sur une semaine, parce que c'est un mouvement en accordéon.
02:52 Il y a eu des moments où ça s'est ralenti, puis c'est reparti ensuite, notamment quand le 49.3 a été utilisé,
02:57 cet article qui permettait de faire adopter la loi sans vote des députés.
03:01 Donc le président, pour moi, il a engrandi.
03:05 Cette difficulté, l'exemple le plus flagrant, c'était samedi, samedi soir, si vous voulez qu'on en parle.
03:10 — Oui, j'allais vous poser la question de la finale de la Coupe de France qui était attendue,
03:16 avec cette mobilisation syndicale qui a d'abord été interdite, puis autorisée par une décision de justice.
03:22 Ces fameux cartons rouges qui devaient être distribués.
03:25 Puis finalement, Emmanuel Macron, qui a voulu apparaître au contact des joueurs,
03:28 mais qui, d'une certaine manière, a donné une image un peu contraire en apparaissant un peu terré dans les travées du stade.
03:34 — Exactement. Alors ce qui est intéressant, c'est qu'en France, on aime bien critiquer les démocraties illibérales.
03:40 On a inventé un terme, pas seulement en France, mais enfin pour dire que la démocratie peut dériver,
03:45 et peut même avec des élections, même avec des magistrats, tout un...
03:49 Finalement, on peut petit à petit avoir des libertés de plus en plus réduites.
03:52 Et là, on a eu une succession d'arrêtés préfectoraux, donc des préfets dans les départements
03:56 qui ont voulu interdire des rassemblements ou interdire de porter une casserole sur soi.
04:01 Mais la justice – il y a encore un État de droit – la justice, en général, n'a pas accepté cela.
04:05 Donc on a encore le droit de distribuer un trac, même s'il est de couleur rouge, à l'entrée d'un stade.
04:10 Alors c'était pas par... Du point de vue syndical, c'était pas une réussite complète, parce qu'en fait,
04:15 les gens ont peu sifflé, ça n'a pas eu l'effet escompté. Mais en tout cas, la démonstration a été faite
04:21 que le président qui se donnait comme image celui qui va au contact, comme vous l'avez dit,
04:26 celui qui a ce courage-là... Et c'est un récit qui est assez ancien, hein,
04:30 parce que dès la campagne présidentielle de 2016-2017, quand il a été élu pour la première fois,
04:35 il y avait un film qui avait été tourné à cette époque-là en immersion dans son équipe de campagne.
04:40 Et on l'avait vu décider d'aller au-delà, au-devant, d'ouvrier en colère d'une entreprise qui allait fermer,
04:47 Whirlpool, je prononcerai mal. Et donc il avait mis en scène ça, ce côté « je vais au contact ».
04:53 Et quand c'est une personne à personne, il sait le faire, là, face à la foule, il a reculé.
04:57 — Un dernier mot également avec vous, Laurent Fragerman, sur cette suite. Ce sera institutionnel, ce sera le 3 mai.
05:04 Le Conseil constitutionnel va de nouveau se prononcer sur un nouveau référendum.
05:08 Est-ce que d'une certaine manière, ça peut relancer le mouvement, selon vous ?
05:11 — Alors vu la décision précédente du Conseil, je suis un peu sceptique. Si c'était autorisé,
05:17 c'est-à-dire en gros si les armes que la Constitution a mises en place sont utilisées, ce serait quand même pas mal.
05:21 Sinon, c'est vraiment pour faire semblant. Oui, parce que j'ai pas d'inquiétude pour les syndicats,
05:27 pour réunir ces millions de signatures. Je pense d'ailleurs qu'ils sont pas si divisés que ça.
05:31 C'est-à-dire que la division, elle existe depuis le début. Il y a des désaccords idéologiques importants.
05:36 Il y a un pluralisme syndical en France très grand. Vous l'avez dit, 8 organisations.
05:39 Et donc de fait, il est normal que sur d'autres sujets que la question des retraites, la CFDT,
05:46 le premier syndicat modéré, disent « Nous, on va aller voir la première ministre de toute façon ».
05:51 Donc ça, c'est des choses qui sont connues à l'avance. Et on ne voit pas de polémique pour le moment.
05:56 Je dis pas qu'il n'y en aura pas. Mais on voit que les syndicats ont à cœur pour l'instant de garder uni ce front.
06:01 — Merci beaucoup, Laurent Fragerman, d'avoir été notre invité aujourd'hui pour décrypter ce premier maître hautement social,
06:07 une fois de plus, en France. Encore merci à vous. — Merci.

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