Dialogue avec le gouvernement : "On ne fera pas la politique de la chaise vide", dit Marylise Léon

  • l’année dernière
À l'occasion de la grande manifestation intersyndicale du 1er mai, Marylise Léon, secrétaire générale adjointe de la CFDT, était l'invitée du 7h50 de France Inter.

Retrouvez les entretiens de 7h50 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
Transcript
00:00 Alexandra Benzaie, votre invitée ce matin est la secrétaire générale adjointe du
00:04 syndicat CFDT.
00:05 Bonjour Marie-Lise Léon.
00:06 Bonjour.
00:07 Et merci d'être sur France Inter, c'est la première interview en longueur que vous
00:10 donnez depuis que l'on a appris il y a dix jours que vous alliez succéder à Laurent
00:14 Berger.
00:15 Alors, ce lundi 1er mai 2023, mobilisation unitaire de tous les syndicats.
00:20 Depuis 1945, ça n'est arrivé que trois fois.
00:22 Et bien sûr, c'est aussi une démonstration de force.
00:25 En 2009, vous défiliez tous ensemble et vous aviez revendiqué 1,2 millions de manifestants.
00:30 Est-ce qu'aujourd'hui, vous allez, pour reprendre les mots de votre secrétaire générale,
00:35 casser la baraque ?
00:36 C'est sûr que c'est une ambition que l'on a toutes et tous, à la fois dans l'intersyndical
00:42 et en particulier à la CFDT, de pouvoir permettre à toutes celles et ceux qui sont opposés
00:48 à cette réforme et aux 64 ans, au report de l'âge légal à la retraite, de pouvoir
00:53 venir dans un cadre sécurisé.
00:55 C'est extrêmement important.
00:56 Et de pouvoir dire non à cette réforme.
00:58 C'est aussi la fête du travail et c'est aussi une façon d'exprimer l'ensemble des
01:08 revendications que le monde du travail a.
01:10 Et elles sont nombreuses.
01:12 Aujourd'hui, il y a les enjeux du pouvoir d'achat, les conditions de travail, la reconnaissance
01:17 des compétences.
01:18 Il y a plein de sujets sur lesquels il y a motif à se mobiliser aujourd'hui.
01:21 Donc 1,5 million, c'est possible pour vous ?
01:23 Oui, c'est possible.
01:24 Alors après, on n'a pas forcément d'objectif.
01:26 Comme vous l'avez souligné, c'est un caractère exceptionnel.
01:30 Nous, ce que l'on veut, c'est que ce soit unitaire et qu'il y ait un élan populaire
01:37 et festif pour pouvoir faire de ce 1er mai une vraie fête du travail.
01:42 Marie-Lise Léon, vous avez parlé de sécurité.
01:44 Certains cortèges seront surveillés par des drones, notamment au Havre, à Paris,
01:48 à Lyon, à Bordeaux.
01:50 Des associations de défense des libertés contestent cette utilisation de drones en
01:54 justice.
01:55 On attend encore des décisions ce matin sur les drones, mais plus globalement sur la politique
02:00 actuelle du maintien de l'ordre, sur les arrêtés préfectoraux.
02:02 Hier, la secrétaire générale de la CGT a parlé d'une « pente dangereuse » et même
02:07 de « graves atteintes aux libertés publiques ».
02:10 Est-ce que vous, Marie-Lise Léon, vous utiliseriez les mêmes mots que Sophie Bini ?
02:13 Non, pas les mêmes mots.
02:15 Alors, on n'est pas dans la même organisation, on n'a pas forcément la même analyse.
02:19 Ce qui est important en termes de considérer qu'on est sur une pente dangereuse.
02:24 Ce qui est de toute façon essentiel en matière de liberté publique, c'est qu'il y ait
02:29 une grande vigilance.
02:30 Et donc on attend nous aussi avec impatience l'ensemble des recours qui ont pu être faits
02:35 pour avoir une clarification de l'utilisation de ces drones.
02:38 Ça change la façon de manifester, d'utiliser des drones ? C'est-à-dire que les gens seront
02:43 donc filmés, surveillés, en hauteur ?
02:46 C'est sûr que ça change le cadre dans lequel les manifestations peuvent se faire.
02:50 Après, si le fait de filmer a un objectif d'identifier des groupes qui ne viennent
02:56 manifester que pour casser ou se frotter aux forces de l'ordre pour pouvoir avoir des
03:05 altercations, ça peut être un outil qui peut être utilisé pour pouvoir prévenir
03:11 ce type de situation.
03:13 Après, la question est bien entendue pour nous d'être dans un cadre non violent,
03:20 de non atteinte aux biens et aux personnes.
03:22 Et c'est important que toutes celles et ceux qui ont l'envie de venir le 1er mai ne soient
03:27 pas dissuadés et qu'ils puissent véritablement venir défiler.
03:30 Alors, ils viendront ou ne viendront pas défiler ce 1er mai ? On va voir, on va vous compter.
03:35 Mais et après ? De toute façon, la réforme, le report à 64 ans, la loi est promulguée.
03:39 Elle s'appliquera dès le 1er septembre à confirmer le ministre du Travail.
03:43 L'exécutif vous dit maintenant "allez venez, on va se concerter sur un nouvel agenda social".
03:48 Est-ce que ce 1er mai, ce n'est pas le baroud d'honneur ?
03:52 Ça, personne ne le sait.
03:54 Je pense qu'on aura une réunion intersyndicale demain matin.
03:59 Ça tient à quoi ? Ça tient au fait qu'on a tous et toutes envie de continuer de travailler
04:03 ensemble.
04:04 Le cadre est aujourd'hui effectivement différent, vous l'avez dit, la loi est promulguée.
04:09 Elle va entrer en vigueur.
04:11 On a encore deux étapes importantes.
04:13 Il y a un 2e référendum d'initiative partagée qui est encore au Conseil constitutionnel
04:18 dont on connaîtra la décision mercredi 3 mai.
04:22 Donc ça, ça reste une possibilité de mobilisation.
04:25 Si ce référendum est initié, de pouvoir mobiliser les citoyens contre cette réforme
04:32 des retraites.
04:33 Et puis, il y a une autre loi qui va être en examen début juin à l'Assemblée, du
04:38 groupe Lyot, également contre cette loi d'abrogation.
04:42 Donc ça peut être aussi une façon de suivre un peu l'itinéraire de cette loi.
04:49 Vous y croyez ? Vous y croyez à ces marges de manœuvre ? Est-ce que vous êtes en train
04:53 d'essayer de rencontrer les députés pour par exemple leur dire "votez cette loi le
04:58 8 juin" ?
04:59 Là, ça se fait soit de façon intersyndicale, soit en chaque organisation en propre.
05:04 L'ADT a mené un vrai plan d'action auprès de l'ensemble des députés et des parlementaires
05:12 au moment où on pensait qu'il pourrait y avoir un vote sur la loi.
05:16 Malheureusement, ça n'a pas été le cas.
05:17 Bien entendu qu'on reste extrêmement actif.
05:19 L'action syndicale, elle ne se résume pas à la manifestation tous les 15 jours.
05:24 C'est tous les jours et c'est à la fois au Parlement et c'est dans les permanences,
05:29 dans le dialogue avec les députés notamment.
05:30 Donc vous dites, il reste des marges de manœuvre jusqu'au 8 juin, on verra le 8 juin ce qui
05:35 se passe.
05:36 Mais en même temps, dès hier, Laurent Berger a dit "moi j'irai discuter de ce futur agenda
05:40 social avec la première ministre".
05:42 En intersyndicale ou peut-être en bilatérale, c'est elle qui décidera.
05:46 La CGT et les forces ouvrières ont été des organisations plus prudentes.
05:50 Elles ont dit "on va attendre l'intersyndicale".
05:52 Donc ce 1er mai, vous êtes unis, vous êtes tous ensemble.
05:56 On a le sentiment que dès le 2 mai, la musique pourrait changer.
05:58 On verra quelle sera la partition demain matin dans le cadre de l'intersyndicale.
06:02 Vous avez entendu la dissonance quand même.
06:05 Oui, mais l'intersyndicale, ça ne veut pas dire qu'on est une seule organisation syndicale.
06:09 On a des divergences que l'on connaît depuis le début.
06:13 On avait un mot d'ordre et ça reste non aux 64 ans.
06:17 Voilà, on est aujourd'hui dans une nouvelle période où le gouvernement nous dit "on
06:23 veut renouer le dialogue et on veut aborder un certain nombre de sujets".
06:26 Pour la CFDT, c'est clair qu'on ne fera pas la politique de la chaise vide.
06:30 Après, ça ne veut pas dire qu'on ira discuter à n'importe quelle condition, sur n'importe
06:33 quel sujet.
06:34 Et justement, la question de la méthode, elle est essentielle.
06:36 C'est-à-dire ? Depuis 2017, les syndicats n'ont pas gagné grand-chose.
06:39 Il y a eu l'ordonnance Pénicaud, la réforme de l'assurance chômage, la réforme des
06:44 retraites.
06:45 Vous avez appris quoi ? Qu'est-ce que vous pouvez, dans la concertation qui s'engage,
06:49 demander sur la méthode qui vous rassurerait peut-être ?
06:51 Ce n'est pas tellement d'être rassuré, c'est d'être respecté.
06:57 Être respecté en tant qu'organisation syndicale, du fait qu'on représente le
07:01 monde du travail, qu'on a des propositions à faire valoir.
07:03 On l'a fait sur les retraites.
07:05 Certains responsables politiques ont affirmé l'inverse, ce qui est totalement faux.
07:09 Et donc voilà, notre boussole, c'est les droits des travailleurs et des travailleuses.
07:15 Vous êtes prête à passer à autre chose, Marie-Luce ?
07:17 Non, non, pas du tout.
07:18 Alors là, aujourd'hui, on est concentré sur le 1er mai.
07:21 Le 2 mai, on a une intersyndicale.
07:23 C'est quelque chose d'exceptionnel.
07:25 On n'a jamais eu ce travail de long terme en intersyndical pour pouvoir défendre des
07:32 choses en commun.
07:33 Sur le travail, il y a certainement aussi des choses à faire.
07:36 Et demain, je vous assure que ça ne sera pas la date de la fin de l'intersyndicale.
07:41 En tout cas, ce n'est pas la volonté de la CFDT.
07:43 Aujourd'hui, on est le 1er mai.
07:44 Ça va se passer aussi au Havre, où le Rassemblement National organise sa fête.
07:50 "Nous voulons tirer un coup de chapeau au monde ouvrier", explique Marine Le Pen.
07:53 Certains syndicats locaux parlent d'une provocation.
07:56 Il paraît que les leaders syndicaux sont en colère.
07:58 Est-ce que vous êtes en colère ?
07:59 Je suis en colère.
08:01 Et mon organisation a toujours été extrêmement claire au regard de ce qu'est le Rassemblement
08:07 National, de ce qu'est sa vision du monde du travail.
08:10 Il est resté extrêmement silencieux.
08:13 Je ne sais pas s'ils ont une véritable vision de ce qu'est le travail et la retraite.
08:17 Je pense qu'aujourd'hui, ils avancent par opportunisme.
08:21 Et c'est extrêmement dangereux.
08:22 L'un des enseignements de cette période que l'on a vécue sur les retraites, c'est
08:29 de fortes inquiétudes en ce qui concerne mon organisation en termes de démocratie.
08:34 Justement, vous allez être aux commandes de la CFDT pendant les 4 dernières années
08:36 du quinquennat.
08:37 Qu'est-ce que vous pouvez dire ?
08:38 Le monde ouvrier vote de plus en plus pour le Rassemblement National.
08:42 Les salariés, on voit que le RN monte dans les sondages.
08:45 Qu'est-ce que vous pouvez leur dire d'ici 2027, à ceux qui sont persuadés finalement
08:50 que leur meilleure protection, ce sera le vote RN ?
08:54 C'est certainement une impasse.
08:57 C'est une formation politique qui ne prône que la division et le repli sur soi.
09:03 Et ce n'est certainement pas la vision de la société et du monde du travail que porte
09:06 la CFDT.
09:07 Et je les invite, comme les 32 000 nouveaux adhérents qui ont rejoint la CFDT au début
09:13 de l'année, de se tourner vers des syndicats qui sont les vrais défenseurs du monde du
09:20 travail et qui connaissent les réalités du monde du travail.
09:22 Je pense que c'est une des plus belles formes d'engagement qu'ils puissent avoir.
09:26 Ça sera la feuille de route alors ? Syndicalisme, lutte contre le RN, la feuille de route de
09:32 Marie Lisleon ?
09:33 Encore une fois, Marie Lisleon, la secrétaire générale adjointe de la CFDT.
09:36 Merci à vous.
09:37 1er mai. Merci vous aussi.

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