Retraites : «Le pouvoir est très clairement minoritaire», juge le politologue Jérôme Jaffré
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00:00 vous relisez, Jérôme Jaffray, une tribune que vous publiez dans le Figaro et vous annonciez, vous disiez, vous prédisiez à l'époque,
00:06 trois mois en arrière donc, que la réforme des retraites pourrait
00:09 reconfigurer le champ politique. Est-ce que vous diriez, aujourd'hui, 1er mai, que c'est le cas et si oui, cette reconfiguration, à quoi ressemble-t-elle ?
00:17 Alors, elle ressemble à une situation extrêmement difficile pour le pouvoir en place, c'est-à-dire qu'au fond, nous avons cristallisé,
00:25 je dirais, une situation où le pouvoir est minoritaire, très clairement minoritaire, et à tous les niveaux.
00:31 C'est-à-dire qu'il est minoritaire d'une part dans l'opinion publique,
00:34 mais ça, vous me direz, c'est arrivé à bien des pouvoirs avant, sous la Ve République, François Mitterrand, Jacques Chirac,
00:41 Nicolas Sarkozy, François Hollande, de président en président, d'ailleurs, nous avons un phénomène de
00:46 minorisation dans l'opinion publique. Il est minoritaire au Parlement et c'est apparu très clairement, là, alors, il y a la majorité relative,
00:55 mais qui dit majorité relative dit que si tous les autres partis se regroupent ensemble pour refuser un texte, ils sont majoritaires.
01:02 - Ça n'arrive pas. - Oui, mais ce qui est apparu, c'est que les Républicains, qui, à ce moment-là, ont un rôle pivot dans le système,
01:08 ne sont pas des partenaires possibles,
01:10 on ne peut pas compter sur eux pour le pouvoir en place, et le petit parti, le petit mouvement, le petit groupe Lyott,
01:18 est devenu un groupe oppositionnel absolument farouche.
01:22 - 20 députés. Et puis le troisième mécanisme minoritaire que vous avez, c'est qu'au fond, vous êtes arrivé maintenant à un moment de la Ve République
01:29 où vous gouvernez le pays en vous appuyant, en gros, sur 25 à 30 % des Français,
01:34 ceux qui ont voté pour vous, et qui d'ailleurs continuent à vous soutenir dans les sondages, en gros, mais vous avez contre vous des oppositions
01:40 dures, très dures, qui représentent 60 % du pays. C'est l'addition de la NUPES et du RN, et vous avez une
01:48 situation où ces forces qui s'opposent totalement entre elles, de toute façon, ne peuvent pas gouverner ensemble.
01:52 Et donc c'est ça qui crée une situation nouvelle sous la cinquième, où le pouvoir est structurellement minoritaire,
01:58 et les oppositions dures sont fortement majoritaires, donc vous avez en permanence un climat de conflit politique dur.
02:05 - Mais est-ce que vous validez la
02:07 formule de Marine Le Pen, hier, dans son entretien avec le journal Le Parisien, elle parlait d'un pouvoir qui n'arrive plus à gouverner,
02:14 d'un gouvernement qui n'est plus qu'une administration.
02:16 Est-ce que cette formule vous semble pertinente ?
02:20 - Elle est, en tout cas, Marine Le Pen enfonce le clou.
02:24 C'est évidemment son jeu. - Parce qu'on pourrait opposer quand même à cela, que malgré tout, Elisabeth Borne en un an, ses 24 lois
02:30 adoptées, sans passer par l'article 49.3, ce qui prouve qu'il y aurait des majorités de circonstances sur certaines idées, certains projets.
02:36 - Le problème d'un pouvoir minoritaire, si vous voulez, c'est
02:39 ou bien vous êtes dans l'immobilisme politique, vous ne prenez plus aucun texte important,
02:45 et vous fonctionnez par décret, ou bien vous prenez des mesures uniquement positives,
02:51 agréables, genre une loi sur le pouvoir d'achat pour permettre aux français de payer moins cher leur essence, etc. Bon, ça évidemment,
02:59 vous avez rarement beaucoup d'opposition. Soit vous devez prendre des mesures impopulaires, des mesures difficiles,
03:05 parce que l'État exige de le faire, et là, vous êtes dans la situation où vous avez un risque de blocage absolu,
03:12 et la difficulté pour le pouvoir, c'est d'arriver à faire comprendre
03:15 la nécessité d'avancer là-dessus. De ce point de vue,
03:18 il y a un vide, un vide politique qui s'est créé, c'est-à-dire que le renvoi des 100 jours d'Emmanuel Macron,
03:25 c'est un peu une ligne de fuite.