En France, "le monde du football est un monde de foule"

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Transcript
00:00 Le coup de sifflet et dans moins d'une heure, Nantes-Toulouse pour la finale de la Coupe de France.
00:05 Des Nantais qui visent le doublé.
00:07 Vous voyez ces images de supporters qui sont arrivés au Stade de France où aura lieu la rencontre.
00:13 Un match aussi politique évidemment, puisqu'Emmanuel Macron avance en terrain miné.
00:18 Les syndicats veulent faire entendre leur opposition à la réforme des retraites.
00:22 Autorisés à se rassembler par le tribunal administratif de Paris,
00:25 ils ont pu distribuer, vous l'avez vu, leur tract en forme de carton rouge.
00:29 Des cartons qui, vous le voyez également, ont été confisqués par les stadiers avant d'entrer dans l'enceinte.
00:36 Patrick Mignon, bonjour. Vous êtes sociologue du sport.
00:39 Alors on va en parler plus longuement avec vous de cette rencontre et surtout de ses à-côtés.
00:44 Est-ce qu'Emmanuel Macron a raison de ne pas vouloir se rendre sur la pelouse comme il l'avait fait auparavant ?
00:51 - Il a des modèles. Il a Sarkozy, Chirac et Hollande.
00:56 À d'autres moments, on refuse d'aller sur la pelouse, donc ce n'est pas une première.
01:01 Alors il a raison parce qu'il pense qu'il y a un danger, qu'il risque d'y avoir des manifestations hostiles,
01:13 éventuellement envahissements de terrain. On évoquait ça, cette possibilité.
01:17 Donc c'est une mesure de prudence par rapport au climat actuel.
01:22 - Alors justement, pour éviter ces envahissements de terrain, des barrières ont été installées au virage.
01:28 Est-ce que le Stade de France répond ainsi bien, selon vous, à cette problématique de la sécurité ?
01:36 - Non, parce que les barrières, c'est une vieille histoire.
01:39 Le principe des barrières a été supprimé dans beaucoup de stades, quasiment la totalité des stades,
01:45 enfin en France, en Europe, parce que ça représentait des dangers.
01:48 On connaît, c'est Hillsborough, c'est Leysel, c'est d'autres catastrophes de football
01:55 qui font qu'on a supprimé les barrières qui séparent du stade.
02:00 Donc là, c'est pas très... symboliquement, c'est pas très correct,
02:07 parce que c'est revenir sur une manière de considérer les spectateurs de football.
02:12 - Parce qu'effectivement, on a évidemment tous en tête ces images de l'an dernier de la Ligue des Champions, Liverpool-Real de Madrid.
02:20 C'est effectivement le risque, en tout cas, que ça se répète ce soir, même si on ne le souhaite pas, bien évidemment.
02:27 - Oui, mais c'est ça. En fait, en France, on a un petit peu un problème de gestion des supporters de façon générale.
02:33 On considère que globalement, ça reprend un danger, un risque.
02:38 Donc on a tendance à hausser la sécurité. On l'a vu l'an dernier, la finale de la Champions League.
02:45 Avec le contexte actuel, que ce soit les casseroles, que ce soit simplement la mauvaise humeur,
02:53 que ce soit l'hostilité, que ce soit tout ce qu'on accusait le président Macron aujourd'hui avec la réforme des retraites,
03:04 cela augmente la volonté d'éviter tout incident et de faire monter les mesures sécuritaires.
03:15 - Qui risque le plus gros, selon vous, Emmanuel Macron ou son ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin,
03:22 qui avait été d'ailleurs très critiqué à l'époque de la finale de la Ligue des Champions l'an dernier ?
03:27 - Disons que ce qui se passe, s'il se passe quoi que ce soit, par exemple une mauvaise gestion du maintien de l'ordre,
03:33 il est certain que le président Darmanin, qui actuellement semble avoir le vent en pouf,
03:39 notamment par rapport à cette volonté de réintroduire un peu une logique sécuritaire,
03:46 notamment dans les nouvelles mesures, pour les 100 jours,
03:50 a un risque effectivement d'être lui-même. Alors il l'est déjà, ceci dit.
03:57 Mais pour ce qui est de Macron, je crois que là ça continuera, ça ne va pas arranger les choses.
04:05 D'autant plus que la question du football, Macron l'a beaucoup manipulé,
04:10 ce football avec sa présence sur la pelouse avec Mbappé à la dernière finale de la Coupe du Monde,
04:16 son amont pour accueillir le football.
04:18 Darmanin a plutôt la mauvaise gestion des événements de l'an dernier.
04:23 Donc là je vois les deux sont un peu dans le même bateau sur cette question de la gestion de la finale aujourd'hui.
04:30 - Oui, vous avez évoqué Emmanuel Macron et ce fameux "il ne faut pas politiser le sport"
04:35 qui a été rendu célèbre avec la Coupe du Monde au Qatar.
04:39 Justement, est-ce qu'un stade, une rencontre sportive comme ce soir,
04:42 c'est un lieu adéquat, adapté pour la contestation sociale ?
04:46 - Oui, ça peut être un lieu adapté. Si vous voulez, vous avez beaucoup de gens dans les tribunes,
04:50 vous avez... - Mais est-ce que c'est le lieu ?
04:53 Est-ce qu'un stade se doit d'être un relais de la contestation sociale ?
04:59 - Souvenez-vous, la question pour le sport se veut neutre.
05:04 Bon, voilà, hors de tous les conflits idéologiques.
05:10 On voit bien que c'est quelque chose qui, aujourd'hui, pose de gros problèmes.
05:15 Quand on pense, par exemple, à la question aux Olympiques de la présence ou non des athlètes russes et dur les russes,
05:20 biélorusses, est-ce qu'effectivement on peut considérer qu'on peut faire comme s'il ne se passait rien autour ?
05:25 Bon, alors, on n'est pas en guerre aujourd'hui, il y a simplement de la contestation sociale.
05:32 Dans les stades, beaucoup, dans beaucoup de stades à peu près dans le monde,
05:35 on sait qu'il y a une diminution politique de la présence dans les stades,
05:38 qu'on ne s'empêche pas éventuellement de le manifester,
05:42 c'est pas spécifique à cette finale, c'est quelque chose qui marche très bien dans les grandes crises politiques, quand il y en a.
05:54 Mais est-ce que prendre cette position consiste à dire "non, le lieu sportif est un lieu dans lequel il n'y a pas d'expression politique",
06:04 c'est quelque chose qui est, à mon avis, une hypocrisie.
06:08 Une hypocrisie parce que le sport est fondamentalement politique,
06:12 on s'appuie sur le sport pour faire de la communication politique, on utilise le sport,
06:16 donc on peut avoir des points de vue politiques quand on parle du sport.
06:21 Alors maintenant, la question de savoir si le Stade de France est un lieu adéquat pour une manifestation,
06:25 j'irais de cette façon, c'est en gros l'expression aujourd'hui des spectateurs qui diront si effectivement c'est adéquat ou pas.
06:34 Mais on ne peut pas dire "non, vous n'avez pas le droit".
06:38 Dernière question Patrick Mignon, rapidement, il y a cinq ans, chez nos confrères de France Inter,
06:43 vous aviez dit que le foot permettait de lire la société.
06:46 Qu'est-ce que l'événement de ce soir permet de dire de notre société,
06:50 que ce soit au niveau de la contestation sociale ou des problématiques liées à la sécurité ?
06:55 Sur les problématiques liées à la sécurité, il dit des choses,
06:59 c'est-à-dire qu'il dit effectivement que la manière dont on considère les foules,
07:06 puisque ça a été repris ce thème-là, les foules contre le peuple démocratique,
07:10 c'est une chose qui a été reprise, donc ça c'est un point qui dit de notre société,
07:13 qu'il y a une conception, notamment en France, une conception qui est de la conscience sécuritaire,
07:18 une conception vue des foules comme dangereuses, et le monde du football est un monde de foules.
07:23 C'est aussi une raison pour laquelle il a été toujours très mal vu par les élites républicaines,
07:27 parce que c'était la foule, une foule qui n'était pas éduquée, qui était potentiellement barbare, etc.
07:32 Donc ça nous dit, sur une certaine image, la représentation des masses qui sont rassemblées pour un événement.
07:38 Deuxièmement, ça nous dit effectivement que si on veut que le sport soit quelque chose
07:49 qui correspond un peu à son message d'universalité, il ne faut pas en faire un petit de communication.
07:55 Merci beaucoup, et ce sera le mot de la fin, Patrick Mignon d'avoir été l'invité de France 24 ce soir.
07:59 Coup d'envoi de ce Nantes-Toulouse pour la finale de la Coupe de France dans moins d'une heure maintenant au Stade de France.
08:06 Restez avec nous sur France 24, prochain journal dans 15 minutes.
08:10 [Musique]

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