SMART JOB - Tips du mercredi 19 avril 2023

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Mercredi 19 avril 2023, SMART JOB reçoit Xavier Pavie (philosophe et professeur, ESSEC)

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Transcription
00:00 (Générique)
00:02 (Bip)
00:04 - Smart, philo, on parle du progrès.
00:06 Alors on avait parlé avec Xavier Pavic, je salue,
00:09 de "Chat GPT", de GPT4,
00:11 qui a suscité d'ailleurs de vraies réactions sur les réseaux sociaux,
00:15 je voulais le dire, parce que cette chronique,
00:17 elle a suscité un débat.
00:18 On est toujours d'ailleurs dans le débat.
00:20 Là, vous avez choisi, Xavier, vous qui êtes philosophe,
00:22 professeur à l'ESSEC et directeur du Centre Imagination,
00:25 de vous intéresser au progrès.
00:26 Pour qui le progrès est-il une quête ?
00:28 Alors déjà, c'est une très belle question, c'est très bien décrit.
00:31 Algorithme, machine learning, "Chat GPT", c'est quoi ?
00:36 On est rentré dans une époque du progrès
00:38 ou on quitte le progrès, finalement ?
00:40 - Oui, c'est une bonne question.
00:42 On a toujours été dans le progrès.
00:44 Le progrès, quand on le définit,
00:45 c'est ce qu'on appelle un métamodèle de changement
00:47 destiné à l'évolution humaine
00:49 et à l'exploitation ou le développement de la connaissance.
00:53 Donc il y a quelque chose derrière le progrès
00:55 qui est la notion de désintéresser.
00:56 C'est pour ça qu'on parle de métamodèle de changement,
00:58 c'est-à-dire qu'on ne voit pas tellement où ça va nous mener,
01:00 mais il y a quelque chose de désintéressé.
01:02 Ce qui est différent d'ailleurs de l'innovation.
01:04 Ce désintéressement est important
01:05 parce qu'il va chercher l'espoir dans l'humanité.
01:08 Et donc on est toujours dans l'espoir de l'humanité.
01:10 Nous sommes toujours dans une espèce d'époque de progrès.
01:13 - Mais le progrès actuel, c'est quoi ?
01:14 C'est le vaccin ? C'est le GPS ?
01:16 On peut considérer ça comme des progrès ?
01:18 - Alors les progrès ne sont pas liés souvent à des entreprises,
01:20 mais ils sont liés plutôt à des organisations
01:22 qui vont mettre en place quelque chose que l'on va aller chercher,
01:24 qui est quelque chose de plus grand que soi.
01:26 Donc la roue, la machine à vapeur sont effectivement des progrès.
01:30 Internet est effectivement une dimension de progrès
01:33 sur lesquels ou sur lequel va se greffer des innovations.
01:37 Mais le progrès est au-dessus de cela.
01:39 - On est toujours dans une époque de progrès,
01:42 mais quand on parle du progrès, on fait toujours référence à avant.
01:46 Je ne sais pas, Citroën, la voiture,
01:48 enfin, 1890, l'ère industrielle.
01:51 Le progrès aujourd'hui semble un peu différent.
01:53 Peut-être qu'on se trompe d'ailleurs,
01:55 mais en tout cas, on fait souvent référence à ça.
01:57 - Oui, parce qu'on a souvent peur,
01:59 et la peur de l'aujourd'hui ou du contemporain,
02:02 on va mettre derrière le mot bouleversement.
02:04 On va dire qu'on a des bouleversements.
02:06 Et quand les bouleversements sont digérés,
02:08 on va les appeler progrès.
02:10 Et bien c'est exactement pareil, et vous avez parfaitement raison,
02:12 1880, les années 1900-1910,
02:15 c'est l'aviation, c'est le cinéma, c'est la photographie,
02:18 c'est Eiffel, c'est Curie, c'est Pasteur.
02:21 Et donc on va parler aujourd'hui de progrès
02:23 quand on parlait de bouleversements.
02:25 Et bien c'est pareil aujourd'hui, avec Chachapiti,
02:27 avec les algorithmes, l'intelligence artificielle,
02:30 on parle de bouleversements, on ne sait pas trop là où ça nous mène,
02:33 parce qu'il y a besoin de temps de digestion du progrès.
02:35 De temps de digestion, et on dit souvent
02:38 qu'on ne peut pas réagir sous les feux des projecteurs.
02:41 Et donc les feux des projecteurs sont l'époque contemporaine,
02:43 on a besoin de prendre du recul.
02:45 - Au fond, qui sont les acteurs du progrès ?
02:47 Parce que c'est vrai qu'on le dit souvent,
02:49 ce n'est pas les grands groupes qui inventent, qui créent le progrès,
02:51 c'est quoi ? C'est les entrepreneurs, parfois dans leur garage.
02:54 - Oui, c'est ça.
02:56 Platon en parle presque, pas véritablement des entrepreneurs,
02:59 mais il dit que la nécessité est la mère des inventions.
03:02 Et il va dire que ceux qui vont mettre en place,
03:04 ça va être les laboureurs, ça va être les artisans,
03:06 c'est effectivement un peu ces entrepreneurs d'aujourd'hui.
03:09 Ils sont face à une nécessité, ils vont inventer.
03:12 Concrètement, ces entrepreneurs, au fond,
03:15 ils vont porter le progrès, et vous le dites,
03:18 et ensuite ce progrès va être récupéré ou pas,
03:20 parce qu'il y a parfois de grands échecs.
03:22 Il y a des entrepreneurs qui ont inventé des trucs dingues,
03:24 mais qui sont restés au garage.
03:26 C'est assez dingue, ça, d'ailleurs.
03:28 - Les innovateurs veulent parfois être sur l'innovation
03:31 et sont rarement sur le bien commun,
03:33 ils sont rarement sur cet ensemble-là.
03:35 Et en effet, les échecs sont une donnée fondamentale
03:38 de l'innovation comme du progrès.
03:40 Cette dimension-là est importante,
03:42 et la question pour nous est de dire aujourd'hui,
03:44 finalement, quand on veut aller travailler pour un entrepreneur,
03:47 qu'est-ce que l'on veut faire ?
03:48 Est-ce que l'on veut travailler pour l'humanité,
03:50 ou est-ce que l'on veut travailler pour une innovation ?
03:52 - Mais là, vous soulevez un point qui nous interpelle
03:54 depuis des mois maintenant, la quête de sens,
03:56 les collaborateurs qui exigent aujourd'hui
03:58 le "conscience-quiting".
04:00 C'est ça, le sujet, là ? C'est "donnez-moi du sens".
04:02 - La question, c'est comment répondre les entrepreneurs.
04:04 Et on peut avoir un peu peur, Arnaud, pour être tout à fait franc,
04:06 parce que les entrepreneurs, aujourd'hui,
04:08 on va glorifier celui qui donne la semaine de 4 jours,
04:11 celui qui va donner plus de liberté,
04:13 celui qui va dire "mais travaille où tu veux".
04:15 Est-ce que c'est ça dont on a envie ?
04:17 Parce qu'in fine, nous allons venir quand même travailler,
04:19 même si l'on est chez soi, est-ce que l'on veut ça ?
04:21 Ou est-ce que l'on veut contribuer au bien commun et à l'humanité ?
04:23 Donc l'entrepreneur doit se poser la question,
04:25 est-ce que pour attirer les plus jeunes,
04:27 je propose la semaine des 4 jours, et vous travaillez
04:29 de manière très light et très flexible,
04:31 ou au contraire, vous avez quelqu'un qui va vous dire
04:33 "ensemble, on va fabriquer le progrès de l'humanité".
04:35 - Oui, ça c'est vrai. - C'est pas la même chose.
04:37 - Et c'est deux mondes différents. - Et c'est deux mondes différents.
04:39 - Et deux rapports au travail très différents.
04:41 Il y en a un qui vous engage mais qui va vous pousser,
04:43 et l'autre qui vous dit "je vous donne du bien-être
04:45 et une qualité de vie formidable", c'est ça.
04:47 - Exactement, et ça on n'ose pas poser la question,
04:49 c'est un peu politiquement correct de dire aujourd'hui
04:51 "non, il faut donner les 4 jours, il faut que vous ayez
04:53 tout le confort de vie possible", et personne va venir
04:55 engager en disant "eh, on va révolutionner quelque chose ensemble".
04:57 - Et effectivement, ce qui demande à la fois
04:59 un peu de sueur, de fatigue et d'engagement,
05:01 on est d'accord. - Mais évidemment,
05:03 quand il nous dit de cette manière-là,
05:05 je le cite, "le travail, c'est avoir
05:07 une estime raisonnable de soi", il dit ça
05:09 dans l'idée d'une histoire universelle.
05:11 Et quand il dit ça, l'estime
05:13 de soi, elle est fondamentale,
05:15 parce que l'estime de soi que nous avons, est-ce qu'elle est
05:17 lorsqu'on a du travail flexible, ou est-ce qu'elle est
05:19 dans la fierté que l'on peut avoir pour construire quelque chose
05:21 de nouveau pour l'humanité ? - Passionnant,
05:23 ce sujet à développer sur
05:25 bien-être au travail, qualité de vie,
05:27 qui parfois s'oppose à l'idée
05:29 de pouvoir avancer, développer,
05:31 innover et marcher vers le progrès.
05:33 Passionnant. Merci, Xavier Pavie, c'était un vrai plaisir
05:35 de vous accueillir. Prochain séminaire
05:37 au Collège International de Philosophie, je voulais
05:39 pas l'oublier, c'est le jeudi 24 avril.
05:41 - Absolument. - Pour ceux, allez vous inscrire
05:43 au Collège International de Philosophie pour écouter
05:45 les pensées de Xavier Pavie.
05:47 On fait une courte pause
05:49 et on va se tourner vers l'actualité. Progrès
05:51 ou pas, je ne sais pas. En tout cas,
05:53 on accueille des syndicalistes,
05:55 CFDT, CFTC, évidemment,
05:57 ils ont réagi aux propos du président
05:59 de la République dans son allocution
06:01 et le président veut enjamber,
06:03 les syndicalistes sont toujours dans la rue
06:05 pour dire "retrait de la réforme,
06:07 des retraites". Dialogue social
06:09 ou dialogue de sourds ? On en parle avec eux, c'est juste après la pause.

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